LIVRE SECOND
Le Mystère royal ou l'Art de soumettre les puissances
CHAPITRE IV : La double Chaîne
Le mouvement de
serpents autour du
caducée
indique la formation d'une chaîne.
Cette chaîne existe sous deux formes : la
forme droite et la forme circulaire. Partant d'un même centre,
elle coupe d'innombrables
circonférences par d'innombrables rayons.
La chaîne droite, c'est la chaîne de transmission. La chaîne
circulaire, c'est la chaîne de participation, de diffusion, de
communion, de
religion. Ainsi se forme cette roue composée de
plusieurs roues tournant les unes dans les autres, que nous voyons flamboyer
dans la vision d'
Ezéchiel. La chaîne de transmission établit
la solidarité entre les
générations successives.
Le point central est blanc d'un côté
et noir de l'autre.
Au côté noir se rattache le
serpent
noir ; au côté blanc se rattache le
serpent blanc. Le point
central représente le
libre arbitre primitif, et à son
côté noir commence le péché originel.
Au côté noir commence le courant fatal,
au côté blanc se rattache le mouvement libre. Le point
central peut être représenté
allégoriquement
par la
lune et les deux
forces par deux femmes, l'une blanche et l'autre
noire.
La femme noire c'est
Eve déchue, c'est la
forme passive, c'est l'infernale
Hécate qui porte le croissant
et la
lune sur le front.
La femme blanche, c'est Maïa ou Maria qui
tient à la fois sous son pied le croissant de la
lune et la tête
du
serpent noir.
Nous ne pouvons nous expliquer plus clairement,
car nous touchons au berceau de tous les dogmes. Ils redeviennent
enfants
à nos yeux, et nous craignons de les blesser.
Le dogme du péché originel, de quelque
façon qu'on l'interprète, suppose la préexistence
de nos
âmes,
sinon dans leur vie spéciale, du moins dans
la vie universelle.
Or, si l'on peut pécher à son insu
dans la vie universelle, on doit être sauvé de la même
manière ; mais ceci est un grand
arcane.
La chaîne droite, le rayon de la roue, la
chaîne de transmission rend les
générations solidaires
les unes des autres et fait que les pères sont punis dans les
enfants, afin que par les souffrances des
enfants, les pères
puissent être sauvés.
C'est pour cela que, suivant la
légende
dogmatique, le Christ est descendu aux enfers d'où, ayant arraché
les leviers de fer et les portes d'
airain, il est remonté vers
le
ciel entraînant après lui la captivité captive.
Et la vie universelle criait : Hosannah ! Car il
avait brisé l'aiguillon de la mort !
Qu'est-ce que tout cela veut dire ? Osera-t-on
l'expliquer ? Pourra-t-on le deviner ou le comprendre ?
Les anciens hiérophantes grecs représentaient
aussi les deux
forces figurées par les deux
serpents sous la
forme de deux
enfants qui luttaient l'un contre l'autre en prenant un
globe de leurs pieds et de leurs genoux.
Ces deux
enfants étaient
Eros et Anteros,
Cupidon et
Hermès, le fol
amour et l'
amour sage. Et leur lutte
éternelle faisait l'
équilibre du monde.
Si l'on n'admet pas que nous ayons existé
personnellement avant notre naissance sur la terre, il faut entendre
par le péché originel une dépravation volontaire
du
magnétisme humain chez nos premiers parents, qui aurait rompu
l'
équilibre de la chaîne, en donnant une funeste prédominance
au
serpent noir, c'est-à-dire au courant astral de la vie morte
et nous en souffrons les conséquences comme les
enfants qui naissent
rachitiques à cause des vices de leurs pères, portent
la peine des fautes qu'ils n'ont pas personnellement commises.
Les souffrances
extrêmes de
Jésus
et des
martyrs, les pénitences excessives des saints auraient
eu pour but de faire contre-poids à ce manque d'
équilibre,
assez irréparable d'ailleurs pour devoir entraîner finalement
la conflagration du monde. La grâce serait le
serpent blanc sous
les formes de la
colombe et de l'
agneau, le courant astral de la vie
chargé des mérites du rédempteur ou des saints.
Le diable ou tentateur serait le courant astral
de la mort, le
serpent noir taché de tous les crimes des hommes,
écaillé de leurs mauvaises pensées, venimeux de
tous leurs mauvais désirs, en un mot
le magnétisme
du mal.
Or, entre le bien et le mal, le conflit est éternel.
Ils sont à jamais inconciliables. Le mal est donc à jamais
réprouvé, il est à jamais condamné aux tourments
qui accompagnent le désordre, et cependant dès notre enfance,
il ne cesse de nous solliciter et de nous attirer à lui. Tout
ce que la
poésie dogmatique affirme du roi Satan s'explique parfaitement
par cet effrayant
magnétisme d'autant plus terrible qu'il est
plus fatal, mais d'autant moins à craindre pour la vertu qu'il
ne saurait l'atteindre, et qu'avec le secours de la grâce, elle
est sûre de lui résister.