Clotaire II, fils de
Chilpéric Ier et de
Frédégonde, succéda à son
père dans le royaume de
Soissons en 584, n'étant âgé que de quatre mois. On lui contestait jusqu'à la légitimité de sa naissance,
et la conduite scandaleuse de sa mère ne prêtait que trop à de pareils soupçons. Cette reine, profitant de la
division qui existait entre Gontran, roi de
Bourgogne, et Childebert, son neveu, roi d'
Austrasie, plaça son fils sous la protection du premier, qui, touché de cette marque de confiance, le tint sur les fonts de
baptême, et le fit reconnaître roi de
Soissons, dans une assemblée de la noblesse.
Après la mort de Gontran, en l'an 593, la faiblesse de son âge et de ses Etats semblait le mettre à la merci de la branche royale d'
Austrasie qui avait juré sa perte ; mais il fut défendu par sa mère (voyez
Frédégonde), qui se mit elle-même à la tête de son armée, qu'elle harangua, tenant son
enfant dans les bras.
Vintrion,
duc de
Champagne, que Childebert avait envoyé contre son neveu, fut entièrement défait dans une bataille sanglante, à
Droisy, dans le Soissonnais, et ce prince étant mort peu de temps après (596),
Frédégonde s'empara de
Paris, pénétra dans la
Bourgogne, et tailla en pièces une armée que le fils de Childebert avait envoyée contre elle. Cette princesse étant morte elle-même en 597, Clotaire, privé de son appui,
fut bientôt obligé d'abandonner ses conquêtes et même de céder aux rois de
Bourgogne et d'
Austrasie plusieurs villes de son royaume ; mais Thierry étant mort peu de temps après, Clotaire, appelé par les seigneurs austrasiens qui redoutaient la
tyrannie de
Brunehaut, s'avance dans la
Champagne au-devant de l'armée que cette reine veut lui opposer, en séduit les chefs par ses promesses, se saisit de
Brunehaut et des fils de Thierry, et, par leur mort, s'assure la paisible possession de la France entière. Il s'occupe alors à faire fleurir l'agriculture, abolit des impôts onéreux établis par ses prédécesseurs, et rendit aux
grands vassaux des terres dont ils avaient été dépouillés. Dans les premières années du règne de ce prince, on avait vu trois armées, celle d'
Austrasie, celle de
Bourgogne et celle de
Soissons, ayant chacune à leur tête un roi dont le plus âgé n'avait que dix ans. C'est de cette époque particulièrement que date la puissance des
maires du palais, auxquels fut décerné le commandement des armées.
Clotaire II a reçu des
historiens contemporains le surnom de
grand, et même celui de
débonnaire, qui alors était pris en bonne part ; les
historiens modernes n'ont pu comprendre comment on avait appelé
grand le roi qui avait accordé à vie la charge de
maire du palais, ni comment on avait reconnu comme
débonnaire le prince sous lequel on ordonna le supplice atroce de la reine
Brunehaut, et l'entière extirpation de la branche royale d'
Austrasie.
Pour justifier les écrivains contemporains, il suffira de
rappeler que
Clotaire II, roi à quatre mois, eut trop longtemps besoin des grands de l'Etat pour qu'il lui fût possible de gouverner sans leurs conseils, et même contre leurs passions ; leurs passions décidèrnt le supplice de la reine
Brunehaut ; leurs conseils, la ruine de la famille royale d'
Austrasie qui n'était plus composée que de bâtards, trop jeunes et trop nombreux pour attacher à leur sort les seigneurs d'
Austrasie et de
Bourgogne. Ces seigneurs, en consentant à réunir tous les royaumes sous la domination de
Clotaire II, y mirent pour condition qu'ils conserveraient leurs lois, leurs privilèges, leurs
frontières ; en un mot que
Clotaire II serait leur roi, mais qu'ils auraient à vie un vice-roi ou
maire du palais, de leur choix ; et comme ils pouvaient soutenir les jeunes princes auxquels appartenaient l'
Austrasie et la
Bourgogne, puisqu'à cette époque la bâtardise n'était pas un motif d'exclusion,
Clotaire II fut obligé de condescendre à leurs volontés. Si ces
maires du palais détrônèrent dans la suite les descendants de
Clotaire II, ce ne fut point parce qu'il les avait trop
élevés, mais parce que ces dignitaires ambitieux avaient déjà trouvé sous la minorité de ce prince des circonstances assez favorables
pour l'amener à consacrer leur élévation. Ce fut par les conseils de Garnier,
maire du palais de
Bourgogne, qu'il vendit aux Lombards les villes d'Aost et de
Suze pour 35.000 sous d'or : traité honteux, qui ferma pour longtemps aux Français l'entrée de l'Italie. En 615, Clotaire tint à
Paris un
concile, le plus nombreux qu'on eût encore vu dans les Gaules, et où furent adoptés plusieurs
règlements importants, dont le recueil qui forme le code des lois allemandes. Il céda l'
Austrasie et la
Neustrie à Dagobert, son fils aîné, et lui permit d'en prendre le titre de roi. Ce prince ayant été attaqué par les
Saxons, Clotaire marche à son secours, atteint les
Saxons près du
Weser, qu'il fait taverser à son armée, les taille en pièces, et tue Bertoalde, leur roi, de sa propre main.
Après cette expédition, Clotaire se trouvant sans
ennemis au dehors, comme il était sans rivaux dans l'intérieur, les
Francs jouirent jusqu'à la fin de son règne d'une paix qu'ils n'avaient pas connue depuis leur établissement dans les Gaules. C'est de cette époque qu'il faut juger
Clotaire II. Occupé de l'administration de son vaste royaume, il rendit à la
couronne les domaines qui avaient été envahis pendant les troubles civils, fit observer les lois, assura le sort du clergé, sans affaiblir les droits de l'autorité royale, maintint sa famille et ses sujets dans l'ordre, avec autant de prudence que de fermeté, et mérita les titres de grand et
débonnaire qui ne lui ont été contestées depuis que par des écrivains qui n'ont tenu compte ni des circonstances, ni des moeurs, ni des événements, sous lesquels les rois, plus que les autres, sont obligés de fléchir.
Il mourut en 628, à l'âge de 45 ans, laissant deux fils, Dagobert et Aribert : ce dernier ne lui survécut pas longtermps.
(Biographie universelle ancienne et moderne - Tome 8 - Pages 477-478)