Biographie universelle ancienne et moderne Constance (Constantius Flavius Julius), fils et successeur du grand Constantin, naquit à Sirmich, en
Pannonie, au mois d'août 317. Il était le second fils de l'
impératrice Fausta. Constantin, dans le partage qu'il fit de ses Etats, deux ans avant sa mort, désigna pour le lot de Constance
une partie de l'Asie, la Syrie et l'Egypte. Ce fut ce prince qui rendit les derniers
honneurs à son père, mais qui ne put empêcher, s'il ne l'autorisa pas, la sanglante tragédie dont ses funérailles furent suivies. Les soldats, en proclamant augustes Constance et ses deux
frères Constantin et Constant, massacrèrent Annibalien et Delmace, leurs cousins, qui devaient régner sur une partie de l'empire. Deux
frères de Constantin et cinq autres de ses neveux, ses principaux courtisans, le patrice Optat, et Ablave, préfet du prétoire, furent égorgés, et l'attachement qu'on portait à la mémoire et aux fils d'un grand homme devint l'arrêt de mort de sa famille, de ses favoris et de ses ministres, et la cause de l'inexécution de ses volontés. Il fallut faire un nouveau partage de l'empire, qui ne fut réglé définitivement que l'année suivante, dans une conférence que les trois princes eurent en
Pannonie. Les Etats de Constance furent accrus de la Thrace, de Constantinople, du
Pont et de la Cappadoce. Ses
frères obtinrent de lui le rappel de saint Athanase et des autres
évêques que Constantin avait exilés. Cependant Constance, également plein de faiblesse et de prévention, était alors dominé par les
ariens ; ils l'engagèrent à exiler Paul, qui venait d'être nommé à l'évéché de Constantinople, et cette première tracasserie ne fut que le prélude de tous les débats
religieux qui remplirent presque entièrement le règne de ce prince, plus occupé de convoquer, de
dissoudre, de soutenir ou d'improuver des
conciles, que de défendre sa puissance, d'entretenir la discipline, et de repousser les nombreux
ennemis de l'empire.
Après avoir combattu mollement Sapor II, roi de Perse,
contre lequel il eut quelques succès en Arménie, il revint à
Constantinople. Les
ariens suscitèrent une nouvelle persécution
contre saint Athanase. Déposé par le
concile arien de
Tyr, défendu
par celui d'
Alexandrie, le saint
évêque vit confirmer sa déposition
dans le
concile d'Antioche. Grégoire, qui fut nommé pour le remplacer,
regarda la ville d'
Alexandrie comme sa conquête, et la traita comme une
ville prise d'assaut ; de pareilles violences eurent lieu dans plusieurs parties
de l'empire. Constantinople éprouva une
sédition dans laquelle
Hermogène, général de la
cavalerie, fut tué, et Paul rétabli sur le trône
épiscopal. Constance accourut en maître offensé ; mais bientôt sa colère fut apaisée par le renvoi de Paul.
Tout occupé de ces querelles, il s'était à
peine aperçu de la guerre qui s'était allumée entre ses deux
frères, et qui se termina par la mort tragique de Constantin II, dont les
Etats agrandirent ceux de Constant. D'un autre côté, les Perses menaçaient toujours les provinces d'Orient, et d'affreux tremblements de terre ébranlaient les plus belles villes de l'empire. La garnison de Nisibe fit seule échouer les efforts de l'
ennemi, et l'empereur revint, sans tirer l'
épée, à Antioche, qu'il embellit, ainsi que
Séleucie et Antarade, ville de
Phénicie qui prit son nom.
Cependant un
concile tenu à Milan par les
évêques d'Occident amena bientôt le
concile général de Sardique ; saint Athanase y fut justifié, et la foi de
Nicée confirmée. Les
ariens formèrent une scission ; il fallut un autre
concile à Milan ; Constant, qui le convoqua, insista près de Constance pour qu'il
en admît les décisions. Ce dernier combattait alors contre les Perses,
qu'il défit d'abord à Singara, sur les rives du Tigre ; mais l'indiscipline
des Romains leur coûta cher : les vaincus, avant de repasser le
fleuve, se précipitèrent sur les vainqueurs, tout occupés du pillage, et en firent un carnage horrible. En 350, Sapor attaqua de nouveau Nisibe ; mais il fut repoussé. Constance parut enfin se lasser d'être l'instrument de l'
arianisme ; les
évêques orthodoxes cessèrent un instant d'être persécutés, et bientôt l'état de l'Occident attira tous les seins de l'empereur.
Son frère Constant venait de perdre le trône et la vie par la révolte de
Magnence, l'un de ses officiers, pour lequel l'Italie, la
Sicile et l'Afrique se déclarèrent. Vétranion, au même instant, se fit proclamer auguste en
Pannonie, et
Népotien tenta également de s'emparer de la pourpre et de Rome : il y parvint, mais ne garda cette double conquête que vingt-huit
jours. Attaqué par
Magnence, il fut défait et tué. Constance fit lentement d'immenses préparatifs ;
Magnence et Vétranion tentèrent la voie des négociations ; mais Constance se mit en marche, et l'armée de Vétranion s'étant déclarée en faveur du fils de Constantin, l'usurpateur se trouva heureux d'obtenir la vie et un traitement honorable. Maître de la
Pannonie et de l'
Illyrie, Constance voulut alléger le poids du sceptre en faisant nommer César Gallus,
frère de Julien ; ces deux jeunes princes, échappés au massacre de la famille de Constantin, leur
oncle, étaient élevés en Cappadoee et soumis à une surveillance sévère. Gallus fut chargé de défendre l'Orient. De son côté,
Magnence nomma César son
frère Décence,
qu'il envoya dans la Gaule au moment où lui-même traversait les Alpes
juliennes pour marcher contre Constance ; l'empereur éprouva d'abord quelque
revers sur les bords de la Save ; enfin une bataille terrible et décisive eut lieu en 351, près de Murse, sur la Drave ;
Magnence fut vaincu ; Constance y perdit la meilleure partie de ses troupes et ses plus braves officiers. Il versa des larmes sur leur sort, mais il n'avait point partagé leurs périls ; et pendant que le plus pur sang des armées romaines coulait à grands flots, l'empereur, enfermé dans une
église, s'occupait avec inquiétude des pronostics superstitieux.
Magnence se retira d'abord en Italie, et bientôt dans la Gaule, seule province dont il restât le maître. Il tâcha de faire assassiner Gallus dans l'Orient ; mais
voyant échouer tous ses complots, et se trouvant pressé vivement par les généraux de Constance, il entra dans un accès de fureur horrible, tua de sa propre main ses parents, ses amis et sa mère, et se perça lui-même sur leurs
corps sanglants. Décence, à cette nouvelle, s'étrangla.
Constance, maître de tout l'empire, promulgua un grand nombre de lois et de règlements ; mais son caractère faible et soupçonneux
le rendit le jouet des délateurs et l'instrument de leurs fureurs ; les intrigues, les exactions et les cruautés se multiplièrent. De son côté, Gallus, qui défendait l'Orient contre les attaques des Perses, y exerçait la plus affreuse
tyrannie. Constance le manda près de lui, le fit arrêter et condamner à mort en 354. Peu s'en fallut que Julien ne partageât le sortde son
frère, mais l'
impératrice Eusébie le protégea. En 355, les Allemands firent une incursion dans la Gaule, et furent repoussés : ce fut la même année qu'Arbétion, un des généraux de Constance, trama la perte de
Sylvain, autre officier, que ses services, sa valeur et ses talents avaient élevé au commandement de la Gaule. A
force d'intrigues, on le poussa à la révolte. Ursicin, général non moins habile, se vit avec regret chargé de le poursuivre, et débaucha les
Gaulois et les Illyriens qui servaient sous
Sylvain et qui l'assassinèrent. Peu de temps après, Constance éleva Julien, par le conseil de l'
impératrice Eusébie, à la dignité de César ; mais il l'entoura de surveillants, et lui donna très peu de
forces et d'autorité. Il lui confia la défense et le commandement de la Gaule.
Les troubles
religieux n'avaient point été suspendus pendant ces événements, et avaient occasionné successivement les
conciles d'
Arles, où Athanase fut encore une fois condamné, et de Milan, où Constance se déclara ouvertement
arien, et exila avec emportement les
évêques qui lui résistèrent, et le pape Libère, qui refusa de ratifier les décisions arrachées par l'empereur. Tout l'empire fut agité par ces querelles et par les persécutions qui en furent le résultat. Cependant la réputation de Julien croissait avec rapidité ; ses talents et sa valeur lui préparaient chaque
jour de nouveaux succès. Constance, jaloux de sa réputation, crut la balancer en se faisant décerner à Rome les honneurs du triomphe en 357. Il admira la magnificence de cette ville, y fit apporter d'Egypte le grand
obélisque qui décore aujourd'hui la place de St-Pierre, et ne put refuser au cri public le rappel de Libère. De retour à Milan, l'empereur s'enfonça de plus en plus dans les querelles
religieuses tandis que Julien
s'illustrait dans les Gaules en repoussant les peuples barbares, malgré les pièges que lui tendait Barbation, l'un des favoris de Constance. En 358, l'empereur battit les Sarmates et les Quades, et sa clémence entraîna la soumission de quelques autres peuples. Les Limigantes, plus opiniâtres, furent presque entièrement détruits. Les succès de Julien continuaient dans la Gaule et dans la Germanie ; les courtisans
envieux en rabaissaient l'éclat. Constance, entouré d'intrigues, fit trancher la tête à Barbation, naguère un de ses favoris, mais qu'Arbétion,
plus perfide encore, lui rendit suspect. L'empereur partit ensuite pour Constantinople,
afin de veiller sur l'Orient, que menaçaient les Perses, et dont les
Isaures
ravageaient les frontières. Urcisin, général romain, rempli
de zèle et de talent, et pour cela même odieux aux favoris de Constance,
multipliait les faibles ressources qu'on lui avait laissées pour défendre
l'empire ; l'
historien Ammien Marcellin l'accompagnait, et le servait avec zèle.
Ils ne purent empêcher la prise d'Amide, que Sapor fit saccager après
un siège opiniâtre ; mais la longue résistance de cette ville
sauva l'Orient. L'empereur était entièrement occupé du
concile
de Rimini, où la foi de
Nicée fut d'abord confirmée, mais
où les
ariens finirent, à
force de ruse, par triompher encore.
Enfin, en 360, Constance songea sérieusement à
repousser les Perses, et commença par se priver de l'appui d'Ursicin, qu'il
disgracia à l'instigation d'Arbétion, des
eunuques et des intrigants
de toute espèce dont il était le jouet ; mais son imprudence allait
lui susciter de plus grands embarras. Il envoya dans la Gaule demander à
Julien la plus grande partie de ses troupes ; ce dernier se montra disposé
à obéir, toutefois en remontrant publiquement l'inconvénient
de laisser la Gaule en proie aux barbares. Bientôt l'armée, prévenue
de cette mesure, se révolta, et le proclama Auguste. Julien écrivit
à Constance avec une apparence de respect et de soumission ; l'empereur
irrité menaça et négocia alternativement : les succès
des Perses le retenaient en Mésopotamie, où il eut la honte d'échouer devant Bézabde, que les Perses venaient de lui enlever, et qu'il ne put reprendre. Julien profita de ce délai pour assurer les frontières
de la Gaule par de nouvelles victoires, et en 361, il se mit en marche pour aller combattre son rival. Ses progrès furent rapides, et Constance avait perdu plus de la moitié de son empire, lorsqu'il partit d'Antioche pour repousser Julien ; mais arrivé au pied du mont Taurus, dans une bourgade nommée
Mopsucrènes, il fut saisi d'une fièvre ardente, dont il mourut
à l'âge de 44 ans, le 03 novembre 361.
Son plus beau titre est d'avoir été fils et
successeur du grand Constantin ; doux, clément et généreux, il n'eut d'ailleurs aucune des qualités qui conviennent aux souverains ; mais ses défauts, comme son caractère, furent sans suite et sans énergie.
Son incapacité égala son entêtement et sa versatilité ; sa lenteur et son manque d'habileté furent fatales à l'empire. Les Romains, sous son règne, ne s'étonnèrent plus d'être vaincus ; l'ambition et l'intrigue devinrent les mobiles des grands, des capitaines et des hommes d'Etat, et l'
esprit public fut anéanti. Constance avait épousé d'abord une nièce de Constantin, et ensuite Aurélia Eusébia, qui mourut en 360. Il se remaria bientôt à Faustine, qu'il laissa grosse d'une fille. Elle fut nommée
Constantia et mariée depuis à l'empereur Gratien. (Voyez les articles de
Julien, d'
Arbétion, d'
Eusébia, de
saint Athanase.) On a des médailles de cet empereur.
(Biographie universelle ancienne et moderne - Tome 9 - Pages 70-71)