CXXI CIL
CXXI
Le mercure des sages est à la vérité
composé du
corps, d'
âme et d'
esprit. Mais son
corps, après avoir passé par toutes les opérations de l'art, comme par des tortures et des souffrances, son
corps, dis-je, matériel est tout spiritualisé et ayant été élevé en gloire, il est d'une si grande vertu, sublimité, lumière et fixité qu'il peut être tout fixe et illumine tout et triomphe de tout ce qui est dans le règne métallique. Il sépare la lumière des ténèbres qui obscurcissent ses
frères, esclaves de l'impureté et enfin, c'est un pur
esprit qui attire à soi tout ce qui est pur.
CXXII
Quelque noblesse que nous trouvions dans notre mercure, la semence dont il est fait et
composé par notre art, n'est pas différente de celle dont tous les métaux sont
composés ; et les
corps métalliques, ne diffèrent l'un de l'autre que par le plus ou le moins de
décoction et de pureté ; car la semence est la même, et ces superfluités introduites ou restées dans leur
congélation, ne sont pas naturelles aux métaux et n'ont pas corrompu leur semence, qui est une portion de lumière céleste et incorruptible, qui luit dans les ténèbres et qui est pure dans les ordures.
CXXIII
L'or a la semence. Il est même toute semence métallique dont il a l'éclat, mais il n'est ni le mercure des sages, ni la pierre. Car quoiqu'il soit aussi pur que l'un ou l'autre, il n'a pas la subtilité de l'un ni la subtilité de l'autre. L'or est mort, mais il peut ressusciter que par la vertu du mercure des sages qui est son propre
dissolvant et l'auteur de sa mort et de sa vie, qui le fait descendre dans les enfers et qui l'en retire pour le faire monter jusqu'aux cieux et lui procurer cette subtile fixité qu'il n'a pas de sa propre nature.
CXXIV
II y a cette différence entre l'or et le mercure des sages, que le premier est un ouvrage de la nature qui le fait dans les mines sans le secours de l'art et le second est l'ouvrage de l'art et de la nature, car il ne se trouve ni sur la terre, ni
dessous. C'est un
enfant que nous pouvons produire par
extraction, c'est-à-dire en le tirant des choses où il est. Or, il se tire par artifice du soufre et du mercure de la nature, conjoints ensemble par l'entremise d'un tiers de même nature et étant tiré, il est matière prochaine de notre pierre.
CXXV
Dans une semaine, dit
Philalèthe, ce mercure par simple
digestion devient or philosophique, qui est la matière la plus proche de la pierre. C'est ce mercure qui suffit tout seul avec le
feu ; voire, il est le
feu lui-même. S'il y a quelqu'un dit-il, dans son dialogue, qui ait vu le
feu caché dans mon cur, il a connu que le
feu est ma véritable nourriture, et plus l'
esprit de mon cur mange longtemps du
feu, plus il devient gras. Ainsi, le
serpent dévore sa queue et se mange lui-même et le
feu et lui sont deux et un seul.
CXXVI
La minière de notre mercure n'est pas autre chose que le soufre et le mercure joints ensemble, dit le Cosmopolite, car des deux se fait un, qui est le lait virginal, dit
Arnaud de Villeneuve. Ce lait est notre mercure ou
aigle blanc
composé du
composé, l'
air de l'
air, l'
argent-vif de l'
argent-vif, l'
eau tirée d'une roche ou l'on voit une mine d'or et d'
acier. On remarque ici les deux principes du mercure des philosophes.
Son père est le
soleil, élevé en degrés par notre art, et sa mère la
lune blanche qui à la
conception de ce fils, s'éclipse avec le
soleil.
CXXVII
L'or et le mercure coulant sont la matière de notre uvre, dit
Philalèthe. Si ce philosophe parlait autrement, il trahirait sa pensée et son nom. Mais on peut
ajouter à sa pensée que la matière de l'uvre est le mercure seul et qu'on fait ce grand chef-d'uvre de la nature et de l'art et tous les miracles qui l'accompagnent d'une seule chose, comme dit
Hermès, c'est-à-dire du mercure des philosophes qui est l'or vif ou l'or embryonné et volatil qui se change en or par une petite
chaleur mais non pas en pierre immédiatement. Mais enfin, tout ce qui la compose tire son origine de notre mercure.
CXXVIII
L'or sortant de notre mercure, comme le
soleil du sein de Thétis, tout éclatant de lumière est appelé or vif autant du temps qu'il n'a pas passé par le
feu de
fusion, qui est la mort de nos
eaux, dit
Basile Valentin. Or, cet or vif est tout
feu, ou le vrai
feu de l'or très fixe et très pur, or balsamique,
ennemi de corruption. Il contient en soi le sel, le soufre et le mercure ou plutôt, il est tout sel, tout soufre, tout mercure, mais en ces trois principes, il est tellement en unité et homogénéité qu'il est inaltérable et incorruptible et ne peut être décomposé que par les rayons du
soleil qui est son père.
CXXIX
L'or vif est souvent appelé soufre vif. C'est ce soufre, dit Sendivogius, à qui les philosophes ont donné le premier rang, comme au principal des principes. C'est ce premier
agent qui est tenu fort caché. Il est pourtant fort commun. Il est partout, disent-ils, et en toutes choses. Il est végétal,
animal et minéral. Il est la vie de toutes choses et une portion de cette lumière qui fut faite commencement du monde. Il est le principe de toutes les
couleurs, de toutes les congélations et de toute maturité, et sans ce soufre-vif, l'humide radical dans les végétaux serait tout à fait inutile.
CXXX
Ce soufre ou or vif peut être considéré en trois états. Dans le premier, c'est un pur
esprit qui se trouve en toutes choses qui est leur
âme, leur vie et leur lumière. Il est comme un
ciel terrifié et enveloppé dans tous les
corps. Dans le second état, il est minéral, par conséquent spécifié dans les minéraux et enclos dans leur humide radical ; parce que c'est un
feu, il agit sans cesse sur cet humide quand il est en
liberté d'agir, et comme cet humide est un
air, ce
feu s'en nourrit dans le troisième état, il est foudroyant, victorieux et triomphant de tout ce qui lui résiste.
CXXXI
On peut encore, en accordant les philosophes, dire que l'or vif des sages peut être considéré comme
agent et comme patient. Comme
agent, c'est un
esprit qui est toujours en action, qui donne le mouvement à toutes choses et qui est le principe et promoteur de la corruption et
génération des
composés. C'est un
esprit de lumière toujours occupé à chasser les ténèbres et à séparer le pur de l'impur. Dans cet état, il est le mercure des sages, comme dans le lieu de sa domination où il commence à exercer les actes du roi.
CXXXII
Ce
feu ou ce soufre cesse d'agir quand il a consommé son propre humide, si on ne lui en fournit point de nouveau. Mais si on lui en donne, il recommence son mouvement et convertit encore cet humide en sa substance, tout autant qu'il le peut ; en achevant son mouvement dans l'art et sur l'art des sages, il convertit tout son humide radical en pur or qui est or vif mais patient. Ainsi, l'
agent devient patient ; la première matière devient la deuxième, mais la seconde devient la première. Ce mercure qui était patient devient
agent et redonne leur mouvement à notre or vif.
CXXXIII
Si l'or vif recommence son mouvement, il travaille avec plus de vigueur que la première fois, son terme se trouve plus noble, car à cette seconde fois, l'ouvrage se termine à un or plus excellent que n'est son grand-père et qui n'est pas son père et sa mère. Car l'
élixir, qui est le
ciel et la terre et le soufre
incombustible et tingeant à tout épreuve, se trouve parfait à la fin de ce mouvement. Ainsi, l'or produit l'or du mercure et l'or et le mercure, le
soleil et la
lune produisent la pierre et en sont faits. Et l'on voit que les choses finissent par où elles ont commencé.
CXXXIV
Les philosophes, d'un commun accord, ont dit avec raison que leur or vif n'est autre chose que le pur
feu du mercure, c'est-à-dire la plus parfaite portion de la noble et pure vapeur des
éléments ou bien ce
feu inné et intrinsèque au mercure, à savoir passivement et en puissance dans le mercure vulgaire, activement en acte dans le mercure des sages. Cet or vif est comme une exhalaison et le mercure est comme la vapeur qui contient cette exhalaison. Or, la vapeur étant consumée par la
chaleur de l'exhalaison, se change en une poudre qui imite la foudre tombant sur les métaux imparfaits.
CXXXV
Cette noble vapeur des
éléments est l'
humide radical de la nature qui est partout et en toutes choses, et qui se trouve spécifié en chacune et particulièrement dans le mercure vulgaire, où cet humide radical spécifié et déterminé à la nature métallique en sort fort abondant. Et sans doute que si la nature toute seule ou aidée de l'art lui avait adjoint le
feu inné ou
agent intrinsèque, ou cette exhalaison qui tient du mâle, le mercure vulgaire serait le mercure des philosophes et ainsi pourrait devenir or, et par degrés, médecine aurifique.
CXXXVI
Ce soufre fixe ou
feu métallique qui est en puissance dans le mercure vulgaire est bien actuellement dans l'or mais il n'y est pas en actes ou en actions à cause qu'il est placé sous de fortes barrières qui le mettent à couvert de la violence du
feu élémentaire et rien ne peut rompre ces barrières que notre
feu humide. Mais, pour trouver cet or vif, il faut le trouver (et le prendre) dans sa propre maison, qui est le ventre d'
Ariès. Ce soufre ou or vif est le seul
agent capable de
dépouiller le mercure vulgaire de toutes ses impuretés et de digérer ce qui est indigeste et unir à soi ce qu'il a de pur.
CXXXVII
Lorsque le mercure, c'est-à-dire l'humide et la froideur dominent à la
chaleur et à la sécheresse qui sont le soufre, c'est ce qu'on appelle le mercure des sages qui est froid et humide au dehors et lorsque le chaud et le sec dominent le froid et l'humide, c'est l'or qui tient le mercure dans ces liens, sous la domination du soufre lequel ayant consumé tout son humide radical le change en soi, à savoir en or. Ainsi, l'or est tout soufre et tout
esprit, il est aussi tout
corps et tout mercure.
CXXXVIII
Les philosophes ont tous reconnu deux sortes de soufres ou d'
agents naturels, l'un est extrême et sert de cause efficiente et mouvante au dehors, l'autre est cause interne et comme forme informante. La première ayant fait son opération se retire, disent Bonus et Zachaire, et pour lors c'est la putréfaction du métal. Le second est une portion
ineffable de cet
esprit lumineux contenu dans la semence qui est l'humide radical métallique et ce soufre est inséparable de son sujet qui est cette même semence ou humide radical qui a le sperme.
CXXXIX
Cet
esprit lumineux contenu dans la semence métallique qui est l'humide radical des métaux n'est autre que ce qu'on appelle la nouvelle lumière, l'
air des philosophes. C'est ce même
air, dont parle Aristée, écrivant à son fils ; cet
air, dit-il, est le principe de chaque chose en son règne. Et pour cette raison, cet
air est la vie et la nourriture des choses dont il est le principe ; ce qui a fait dire à tous les philosophes que l'
air nourrit le
feu inné. Ainsi l'
air métallique
inspire la vie au
feu métallique, et lui fournit l'aliment, parce qu'il en est le principe.
CXL
L'
air des philosophes n'est pas l'
air commun, qui est la nourriture du
feu inné dans toutes choses et sortes d'êtres. Mais c'est un
air métallique qui est la nourriture du
feu, du soufre minéral, lequel
feu ou soufre est contenu dans le mercure des sages. Cet
air métallique est une
essence très subtile qui prend le
corps d'une vapeur et se condense avec l'humide radical métallique pour servir de nourriture au
feu minéral contenu dans cette vapeur grasse, qui est une
essence aérienne qu'on peut appeler
esprit ou
air, et qui est la vie de chaque chose, et nécessaire pour l'uvre.