Dictionnaire M. Bescherelle
Saint Ambroise, Père de l'
Eglise, né à
Trèves, vers 340, suivait la carrière du barreau, quand Probus, préfet du prétoire, lui donna le gouvernement de la
Ligurie. Elu
évêque de Milan par le peuple, et confirmé par Valentinien VII, Ambroise fut baptisé, ordonné
prêtre et sacré le 07 décembre 374. Il résista courageusement à l'
impératrice Justine, qui favorisait les
ariens, vendit les vases sacrés pour racheter les captifs et soulager les pauvres, refusa l'entrée de l'
église de Milan à Théodose, jusqu'à ce qu'il eût fait pénitence du massacre dont il s'était souillé à Thessalonique, en 394, et mourut en 397. L'
Eglise célèbre sa fête le 04 avril.
Comme homme d'Etat, il fut le premier qui introduisit d'une
manière hardie et décidée l'
esprit du christianisme dans le gouvernement ; comme
prédicateur et comme écrivain, il est au-dessous de saint Basile et de saint Chrysostome, ses contemporains ; mais la manière dont il commente l'Ecriture est pleine de simplicité et de sagesse. Il fut le flambeau de l'
Eglise d'Occident, qui était sans lumière depuis la mort de Lactance.
M. Bescherelle, aîné, Dictionnaire national ou Dictionnaire universel de la langue française - Volume I (A-F) (1856), p. 151.
Jacques de Voragine La vie de
saint Ambroise a été écrite par
Paulin,
évêque de Nole, dans une lettre à saint Augustin.
I. Saint Ambroise était fils d'un préfet de Rome nommé Ambroise. Pendant qu'il dormait dans son berceau, un essaim d'abeilles descendit sur lui, et les abeilles entraient dans sa bouche comme dans une ruche ; après quoi elles s'envolèrent si haut que l'il humain les perdait de
vue. Alors le père de l'
enfant s'écria : « Cet
enfant, s'il vit, deviendra quelque chose de grand ! » Plus tard Ambroise, étant adolescent, et
voyant que sa mère et sa sur baisaient les mains des
prêtres, offrit un
jour à sa sur ses propres mains à baiser, par manière de
jeu, et ajouta qu'elle aurait un
jour à les lui baiser sérieusement. Il étudia les lettres à Rome, et plaida au prétoire avec tant d'éclat que l'empereur Valentinien le chargea de gouverner les provinces de la
Ligurie et de l'Emilie. Il vint donc à Milan, où tout le peuple s'était réuni pour élire un
évêque. Et comme les
ariens et les
catholiques se querellaient au sujet de cette élection, Ambroise intervint entre eux pour apaiser leur querelle. Et voici qu'une voix d'
enfant se fit entendre tout à coup, disant qu'Ambroise lui-même devait être élu
évêque : ce à quoi tout le peuple consentit, de telle sorte qu'Ambroise fut élu par acclamation. Mais lui, dès qu'il le sut, s'efforça de les détourner de ce choix en les terrorisant : sortant de l'
église il se rendit à son tribunal, et, contre son habitude, condamna plusieurs prévenus à des peines corporelles. Cependant le peuple persistait dans son choix et continuait à l'acclamer, disant : « Que la faute de ton péché retombe sur nous ! » Alors, tout troublé, Ambroise rentra chez lui et y fit venir, au su de tous, des filles publiques, espérant que la
vue de ce scandale détournerait le peuple de le prendre pour
évêque. Mais cela même ne servit de rien, car le peuple persistait à lui dire : « Que ta faute retombe sur nous ! ». Alors Ambroise, désespéré, résolut de s'enfuir au milieu de la nuit, et se mit en route dans la direction du Tessin. Mais, après avoir marché toute la nuit, il se retrouva, le matin, devant une porte de Milan qu'on appelle la Porte Romaine. Il y fut reconnu par le peuple, et gardé par lui ; et l'on rendit compte de la chose à l'empereur Valentinien, qui fut enchanté de voir qu'on prenait pour
évêque un de ses fonctionnaires. Et le bon préfet, père d'Ambroise, se réjouissait de voir sa prédiction réalisée. Cependant Ambroise, à Milan, était de nouveau parvenu à se cacher, mais de nouveau il fut retrouvé. Il reçut le
baptême, car il n'était encore que
catéchumène, et, huit
jours après, il montait dans la chaire
épiscopale. Et comme, quatre ans plus tard, il était retourné à Rome et que sa sur lui baisait respectueusement la main, il lui dit en riant : « Eh bien, ne l'avais-je pas prédit, que tu aurais un
jour à me baiser la main pour de bon ? »
II. Ambroise vint un
jour ordonner un
évêque
dans une ville où l'
impératrice Justine et d'autres hérétiques
voulaient faire élire un homme de leur secte. Et voici qu'une jeune fille
arienne, plus hardie que les autres, monta dans la chaire où se tenait
saint Ambroise, et se mit à le tirer par le pan de son manteau ; elle
espérait l'entraîner vers un groupe de femmes qui l'auraient frappé
et jeté hors de l'
église. Mais Ambroise lui dit : « Si indigne
que je sois de mon sacerdoce, tu n'as pas le droit de porter la main sur un
prêtre ! Crains le
jugement de
Dieu, et prends garde que quelque mal n'en
résulte pour toi ! » Paroles que l'événement ne tarda
pas à confirmer : car, le lendemain, la jeune fille mourut, et Ambroise
la conduisit jusqu'au lieu de sa sépulture, rendant ainsi le bien pour
le mal. Et l'exemple de cette mort effraya toute la ville.
Revenu à Milan,
saint Ambroise eut à éviter
d'innombrables pièges de l'
impératrice Justine qui, par l'
argent
et par les honneurs, excitait le peuple contre lui. Et comme plusieurs s'efforçaient
de le contraindre à quitter la ville, l'un d'eux, plus mal avisé
que les autres, loua une maison tout contre l'
église et y tint prêt
un char à quatre
chevaux, de façon à pouvoir emmener au
plus vite l'
évêque quand, avec l'aide de Justine, il serait parvenu
à s'emparer de lui. Mais
Dieu voulut que, le
jour où cet homme
avait espéré emmener
saint Ambroise hors de Milan, ce fut lui-même
qui dût partir pour l'exil sur son quadrige. Et Ambroise, rendant le bien
pour le mal, s'occupa de pourvoir à son entretien.
Certain hérétique, homme acharné à
la discussion et très difficile à convertir, comme un
jour il
entendait prêcher
saint Ambroise, vit un
ange qui lui soufflait à
l'oreille les paroles de son discours. Ce que
voyant, cet homme se mit à
défendre la foi qu'il attaquait.
III. Il y avait à Milan un sorcier qui conjurait
les démons et les envoyait vers Ambroise pour le tourmenter ; mais les
démons, revenant vers lui, déclaraient tous qu'ils ne pouvaient
s'approcher ni d'Ambroise, ni de sa maison, parce qu'un
feu terrible entourait
tout cet édifice, si bien que, même à distance, ils en sentaient
la brûlure. Un autre démon, qui s'était emparé de
l'
esprit d'un homme, sortait de l'
esprit de cet homme toutes les fois que celui-ci
entrait à Milan, et reprenait possession de lui toutes les fois que l'homme
sortait de la ville. Interrogé sur les motifs de sa conduite, ce démon
répondit qu'il avait peur de se trouver en contact avec
saint Ambroise.
Il y eut aussi un homme qui, à l'instigation de Justine, entra de nuit
dans la
chambre du saint pour le poignarder ; mais au moment ou il levait le
bras, prêt à
frapper, son bras se trouva soudain desséché.
Les habitants de la ville de Thessalonique s'étaient
rendus coupables envers l'empereur ; et celui-ci, sur la prière l'Ambroise,
leur avait d'abord pardonné ; mais ensuite, excité par la malice
de ses courtisans, il avait fait mettre à mort plusieurs des habitants
de la ville. Ambroise, dès qu'il l'apprit, interdit à l'empereur
l'accès de son
église. Et comme Théodose lui disait que
le sage David lui-même avait commis un meurtre et un adultère,
l'
évêque lui répondit : «Tu l'as imité dans
ses erreurs, imite-le maintenant dans sa pénitence ! » Et l'empereur
fut si touché de ces paroles qu'il entreprit aussitôt de faire
pénitence.
IV. Se promenant un
jour dans Milan,
saint Ambroise
fit un
faux pas, et tomba. Un passant, à cette
vue, se mit à rire.
Mais le saint lui dit : « Toi qui es debout, prends garde à ne
pas tomber ! » Et, en effet, au même instant, le rieur s'étendit
à terre et eut à déplorer sa propre chute, après
s'être moqué de celle d'autrui.
Un autre
jour, Ambroise, s'étant rendu au palais
d'un magistrat nommé Macédonius, auprès de qui il voulait
intercéder pour un accusé, trouva les portes du palais fermées
et ne put se faire admettre. Sur quoi il dit au magistrat : « Toi aussi,
bientôt, tu viendras à mon
église, et tu en trouveras les
portes ouvertes, mais tu ne parviendras pas à y entrer ! » Et,
en effet, peu de temps après, Macédonius, poursuivi par ses
ennemis,
voulut se réfugier dans l'
église ; mais bien que toutes les portes
fussent ouvertes, un pouvoir invisible l'empêcha d'entrer.
Saint Ambroise institua dans l'
église de Milan des
chants et un office qui y sont célébrés aujourd'hui encore.
Il vivait avec tant d'austérité qu'il jeûnait tous les
jours,
sauf le
jour du sabbat, le dimanche et les
jours de grande fête. Telle
était sa générosité qu'il donnait aux
églises
et aux pauvres tout ce qu'il pouvait avoir, ne gardant rien pour lui-même.
Telle était sa
compassion que, lorsque quelqu'un lui racontait un de
ses péchés, il en pleurait si amèrement que le pécheur
était forcé de pleurer avec lui. Telles étaient son humilité et sa passion au travail qu'il écrivait tous ses livres de sa propre main, aussi longtemps que ses
forces le lui permettaient. Telles étaient
sa piété et la douceur deson
âme qu'en apprenant la mort
d'un saint
prêtre ou
évêque il pleurait au point de ne pouvoir
pas être consolé : et il expliquait qu'il ne pleurait point parce
que ces saints hommes étaient entrés dans la gloire, mais parce
qu'ils l'y avaient précédé lui-même, laissant un
vide impossible à remplir. Et tels étaient son courage et sa fermeté qu'il avait coutume de reprocher ouvertement leurs vices à l'empereur et aux princes.
V. On raconte que
saint Ambroise, pendant un voyage
à Rome, reçut l'hospitalité dans une
villa de Toscane,
chez un homme extrêmement riche, et qu'il s'informa avec insistance auprès
de son hôte sur sa condition de fortune. A quoi l'hôte répondit
: « Ma condition, seigneur, a toujours été heureuse et glorieuse.
Voyez, j'ai des richesses infinies, un nombre incalculable d'esclaves et de
serviteurs ; toujours tous mes vux ont été réalisés,
et jamais rien ne m'est arrivé de contraire, ni même de désagréable.
» Ce qu'entendant,
saint Ambroise fut stupéfait ; et il dit à
ses
compagnons de route : « Levez-vous, et fuyons au plus vite d'ici,
car le Seigneur n'a point de place dans cette maison. Hâtez-vous, mes
enfants, hâtons-nous de fuir, de peur que la vengeance divine ne nous
surprenne ici et ne nous enveloppe dans l'
expiation des péchés
de ces gens-là ! » Et à peine Ambroise et ses
compagnons
avaient-ils quitté la maison, que, soudain, la terre s'ouvrit et engloutit,
sans laisser de trace, ce riche et tout ce qui lui appartenait. Ce que
voyant,
Ambroise dit : « Voyez, mes
frères, comme
Dieu nous traite avec
miséricorde quand il nous envoie des épreuves, et comme il nous
traite avec sévérité quand il nous envoie une longue suite
de plaisirs ! » Et l'on ajoute que, aujourd'hui encore, un fossé
très profond reste creusé en ce lieu, pour garder le témoignage
de cet événement.
VI. Cependant,
saint Ambroise voyait croître
de
jour en
jour parmi les hommes la cupidité, cette source de tous les
maux. Il la voyait croître surtout chez les fonctionnaires, qui trafiquaient
de tout, et aussi chez les dignitaires de l'
Eglise. Et cette
vue lui
inspira
une telle douleur qu'il pria
Dieu de le délivrer du commerce d'un siècle
aussi corrompu.
Dieu entendit sa prière ; et, un
jour, le saint
évêque
annonça à ses
frères qu'après les fêtes de
Pâques il ne serait plus avec eux. Or, quelques
jours avant Pâques,
pendant que, couché dans son
lit, il dictait à son secrétaire
une explication du psaume XLIII, le secrétaire vit soudain une langue
de
feu descendre sur lui, et pénétrer dans sa bouche. Et aussitôt
le visage du saint revêtit une
blancheur de neige, pour reprendre bientôt
après sa
couleur ordinaire. Et, ce même
jour, le saint dut cesser
d'écrire comme de dicter, de telle sorte qu'il ne put pas même
achever le commentaire du psaume ; et la faiblesse de son
corps allait augmentant
d'heure en heure. Alors le comte d'Italie rassembla tous les notables de Milan,
leur dit que la mort d'un tel homme serait un danger mortel pour le pays, et
leur demanda d'aller trouver le saint pour l'engager à obtenir de
Dieu
la prolongation de sa vie, durant une année. Mais
saint Ambroise s'y
refusa, disant : « Je n'ai ni honte, ni peur de mourir. »
Quatre diacres, qui se trouvaient dans une
chambre très
éloignée de celle où était couché
saint Ambroise,
discutaient entre eux la question de savoir qui l'on devrait élire pour
évêque à la mort du saint. Et au moment où l'un d'eux
citait le nom de Simplicien,
saint Ambroise, de son
lit, s'écria trois
fois : « Il est vieux, mais c'est le meilleur de tous ! » Et, en
effet, ce fut Simplicien qui fut élu en remplacement d'Ambroise.
Et celui-ci, sur le
lit où il agonisait, vit ensuite
Jésus s'approcher de lui et lui sourire tendrement. Et comme Honoré,
évêque de Verceil, qui attendait d'un instant à l'autre
la nouvelle de la mort d'Ambroise, s'était laissé aller au sommeil,
il entendit en rêve une voix qui, trois fois, lui répétait
: « Lève-toi, car l'heure approche où il va mourir ! »
Sur quoi l'
évêque se rendit en grande hâte à Milan,
donna à Ambroise la sainte communion, lui étendit les bras en
forme de
croix, et recueillit son dernier soupir. Cette mort eut lieu en l'an
du Seigneur 399.
Et dans la nuit de Pâques, qui fut celle de la translation
à l'
église du
corps de
saint Ambroise, une foule de petits
enfants
chrétiens virent celui-ci en rêve ; les uns le virent assis dans
sa chaire, les autres y montant ; et il y en eut qui racontèrent à
leurs parents qu'ils avaient vu une étoile au-dessus de sa tête.
VII. Saint Ambroise peut être cité
comme le modèle d'une foule de vertus chrétiennes. Il peut être
cité, premièrement, comme un modèle de générosité.
Tout ce qu'il avait appartenait aux pauvres. Et lorsque l'empereur voulut lui
prendre une
église, il répondit : « Si vous me demandiez
ce qui m'appartient, je vous le donnerais, bien que tout ce qui m'appartient
appartienne aux pauvres. » Secondement, il peut être cité
comme un modèle de
chasteté, car il resta vierge toute sa vie.
Troisièmement, il nous offre l'exemple de la fermeté dans la foi,
car à l'empereur, qui voulait lui ôter l'
église, il répondit
: « Vous m'ôterez la vie avant de m'arracher de mon siège
! » Quatrièmement,
saint Ambroise nous est un modèle de
la soif du
martyre. Un préfet de Valentinien l'ayant menacé de
le mettre à mort, il lui répondit : « Fasse
Dieu que tu
puisses réaliser ta menace, et que tous tes traits épargnent l'
Eglise
pour n'accabler que moi seul ! » En cinquième lieu,
saint Ambroise
nous est un modèle d'application à la prière. Nous lisons,
en effet, dans le XIe livre de l'
Histoire ecclésiastique
que, contre les fureurs de Justine, il ne se défendait que par le jeûne,
la veille et les prières au pied de l'
autel.
En sixième lieu,
saint Ambroise peut être
cité, comme un modèle de constance. Sa constance nous apparaît
surtout en trois choses:
1° dans sa défense de la vérité
catholique contre les attaques de Justine, mère de l'empereur Valentinien, et protectrice de l'hérésie
arienne ;
2° dans sa défense de la
liberté de l'
Eglise, lorsque l'empereur voulut lui enlever certaine
basilique pour la livrer aux
ariens. Il nous dit lui-même, dans son 23ème décret, comment il résista à l'empereur, en lui disant
: « Ne commets point la faute, empereur, de prétendre que tu aies aucun droit dans les choses divines ! A l'empereur appartiennent les palais, mais les
églises sont aux
prêtres.
Naboth, autrefois, a défendu
de son propre sang la vigne qu'on voulait lui prendre : s'il a refusé
de céder sa vigne, comment peux-tu t'imaginer que nous te cèderons
une
église du Christ ? Le tribut est à César, et nous ne
refusons pas de le lui donner, mais les
églises sont à
Dieu, et
nous ne pouvons donc pas les donner à César. » Enfin,
3°
la constance de
saint Ambroise nous apparaît dans la façon dont
il a su blâmer le vice et l'
iniquité. On
lit dans l'
Histoire
tripartite que, le peuple de Thessalonique s'étant révolté
et ayant tué quelques fonctionnaires, l'empereur Théodose en fut
si irrité qu'il fit mettre à mort tous les habitants de la ville,
au nombre de près de cinq mille, sans distinguer les innocents des coupables.
Or, lorsqu'il vint ensuite à Milan et voulut entrer dans l'
église,
saint Ambroise le reçut devant la porte et lui interdit l'entrée,
en lui disant : « Comment, empereur, après un tel crime, ne reconnais-tu
pas l'énormité de ta présomption? Ou bien, peut-être,
ta dignité impériale t'empêcherait-elle de reconnaître
tes péchés ? Tu es prince, ô empereur, mais tu es, comme
les autres hommes, l'esclave de
Dieu. Comment oserais-tu étendre vers
Dieu des mains encore tachées du sang innocent ? Comment oserais-tu prier
Dieu, dans son temple, avec la même bouche qui a proféré
un ordre injuste et monstrueux ?
Allons, retire-toi, afin de ne pas accroître
d'un second péché le poids du premier ! » Et l'empereur,
pleurant et gémissant, reprit le chemin de son palais. Et comme le chef
de ses troupes lui demandait la cause de sa tristesse : « Hélas
! répondit-il, aux esclaves et aux mendiants les
églises sont
ouvertes, et moi seul n'ai pas le droit d'y pénétrer!» Alors
Rufin : « Si tu veux, je vais courir vers Ambroise, pour qu'il te délivre
de son
excommunication ! » Et il insista si fort que Théodose finit
par le laisser aller. Mais dès qu'Ambroise vit Rufin, il lui dit : «
Tu imites l'impudence des
chiens, Rufin, en aboyant contre la majesté divine ! » Et comme Rufin le suppliait pour son maître, Ambroise, enflammé du
feu céleste, lui dit : « Je te déclare que je lui interdis l'accès du saint lieu. Et s'il change son pouvoir en
tyrannie, volontiers j'accepterai la mort ! » Rufin rapporta ces paroles à l'empereur, qui dit : « Je vais aller vers Ambroise, pour recevoir, en face, ses justes reproches. » Alors Ambroise, continuant à lui défendre l'entrée de l'
église, lui dit : « Quelle pénitence as-tu faite après un tel crime ? » Et l'empereur lui dit : « C'est à toi de l'imposer, à moi d'obéir ! » Et il fit pénitence publique jusqu'à ce que son
excommunication fût levée. Plus tard, étant entré dans l'
église, il pénétra dans le chur, mais Ambroise lui demanda ce qu'il venait y faire, et comme il répondait qu'il état venu pour assister au saint sacrifice, Ambroise lui dit : « Ô empereur, le chur de l'
église est réservé aux seuls
prêtres. Retire-toi donc d'ici, et va rejoindre le reste des fidèles dans la
nef : car la pourpre fait de toi un empereur, mais nullement un
prêtre ! » Et l'empereur obéit aussitôt. Et comme, de retour à Constantinople, il se tenait dans la
nef de la
cathédrale, l'
évêque lui fit dire d'entrer dans le chur ; mais Théodose s'y refusa, disant : « Je sais maintenant, grâce à Ambroise, la différence qu'il y a entre un empereur et un
prêtre. »
En septième lieu,
saint Ambroise peut être cité comme modèle pour la sainteté de sa doctrine : car sa doctrine est si pleine de profondeur que saint Jérôme a pu dire de lui, dans ses
Douze Docteurs : « Toutes les phrases de
saint Ambroise sont des colonnes de la foi et de toutes les vertus. » Et saint Augustin ajoute que « les adversaires eux-mêmes n'ont jamais osé reprendre la doctrine d'Ambroise, ni le sens très pur qu'il a eu des Livres
Saints ». Et telle était l'autorité de
saint Ambroise que, pour tous les auteurs du temps, chacune de ses paroles faisait foi. Dans sa lettre à
Janvier, Augustin raconte que, sa mère, s'étonnant de ce que l'on ne jeûnât pas à Milan le
jour du sabbat, en demanda la cause à Ambroise, qui lui dit : « Quand je vais à Rome, je jeûne le
jour du sabbat. Et de même toi, lorsque tu te trouves dans un
diocèse, fais en sorte d'en suivre les usages, si tu ne veux scandaliser personne, ni être scandalisée par personne ! » Et Augustin ajoute que, depuis lors, après avoir beaucoup réfléchi à ces paroles, il en est venu à les tenir pour un oracle céleste.
Jacques de Voragine, La légende dorée - Traduit du latin par Theodor de Wyzewa