CHAPITRE III
Grecs contre Turcs
Dans les temps préhistoriques, alors que l'écorce solide du globe se moulait peu à peu sous l'action des
forces intérieures, neptuniennes ou plutoniennes, la Grèce dut sa naissance à un cataclysme qui repoussa ce bout de terre au-dessus du niveau des
eaux, tandis qu'il engloutissait
dans l'Archipel toute une partie du continent, dont il ne reste plus que les
sommets sous formes d'îles. La Grèce est, en effet, sur la ligne
volcanique qui va de Chypre à la Toscane. (1)
Il semble que les
Hellènes tiennent du sol instable
de leur pays l'instinct de cette agitation physique et morale, qui peut les
porter dans les choses héroïques jusqu'aux plus grands excès.
Il n'en est pas moins vrai que c'est grâce à leurs qualités
naturelles, un courage indomptable, le sentiment du
patriotisme, l'
amour de
la
liberté, qu'ils sont parvenus à faire un Etat indépendant
de ces provinces courbées, depuis tant de siècles, sous la domination
ottomane.
Pélasgique dans les temps les plus reculés,
c'est-à-dire peuplée de tribus de l'Asie ;
hellénique,
du XVIe au
XIVe siècle avant l'ère chrétienne, avec l'apparition
des
Hellènes, dont une tribu, les Graïes, devait lui donner son
nom, dans ces temps presque mythologiques des
Argonautes, des
Héraclides
et de la
guerre de Troie ; bien grecque enfin, depuis
Lycurgue, avec Miltiade,
Thémistocle, Aristide,
Léonidas, Eschyle, Sophocle, Aristophane,
Hérodote, Thucydide, Pythagore,
Socrate, Platon, Aristote, Hippocrate,
Phidias, Périclès, Alcibiade, Pélopidas, Epaminondas, Démosthène
; puis, macédonienne avec Philippe et Alexandre, la Grèce finit
par devenir province romaine sous le nom d'
Achaïe, cent quarante-six ans
avant J.-C. et pour une période de quatre siècles.
Depuis cette époque, successivement envahi par les
Visigoths, les
Vandales, les
Ostrogoths, les Bulgares, les Slaves, les Arabes,
les Normands, les
Siciliens, conquis par les
Croisés au commencement
du treizième siècle, partagé en un grand nombre de
fiefs
au quinzième, ce pays, si éprouvé dans l'ancienne et la
nouvelle ère, retomba au dernier rang entre les mains des Turcs et sous
la domination musulmane.
Pendant près de deux cents ans, on peut dire que
la vie politique de la Grèce fut absolument éteinte. Le despotisme
des fonctionnaires ottomans, qui y représentaient l'autorité,
passait toutes limites. Les Grecs n'étaient ni des annexés, ni
des conquis, pas même des vaincus : c'étaient des esclaves, tenus
sous le bâton du pacha, avec l'iman ou
prêtre à sa droite,
le djellah ou bourreau à sa gauche.
Mais toute existence n'avait pas encore abandonné
ce pays qui se mourait. Aussi, allait-il de nouveau palpiter sous l'excès
de la douleur. Les Monténégrins de l'
Epire, en 1766, les Maniotes,
en 1769, les Souliotes d'Albanie, se soulevèrent enfin, et proclamèrent
leur indépendance ; mais, en 1804, toute cette tentative de rébellion
fut définitivement comprimée par Ali de Tébelen, pacha
de Janina.
Il n'était que temps d'intervenir, alors, si les
puissances
européennes ne voulaient pas assister au total anéantissement
de la Grèce. En effet, réduite à ses seules
forces, elle
ne pouvait que mourir en essayant de recouvrer son indépendance.
En 1821, Ali de Tébelen, révolté à
son tour contre le sultan Mahmoud, venait d'appeler les Grecs à son aide,
en leur promettant la
liberté. Ils se soulevèrent en masse. Les
Philhellènes accoururent à leur secours de tous les points de
l'
Europe. Ce furent des Italiens, des
Polonais, des Allemands, mais surtout
des Français, qui se rangèrent contre les oppresseurs. Les noms
de Guys de
Sainte-Hélène, de
Gaillard, de Chauvassaigne, des capitaines
Baleste et
Jourdain, du colonel Fabvier, du chef d'escadron Regnaud de
Saint-Jean-d'Angély,
du général Maison, auxquels il convient d'
ajouter ceux de trois
Anglais, lord Cochrane, lord Byron, le colonel Hastings, ont laissé un
souvenir impérissable dans ce pays pour lequel ils venaient se
battre
et mourir.
A ces noms,
illustrés par tout ce que le dévouement
à la cause des opprimés peut engendrer de plus héroïque,
la Grèce allait répondre par des noms pris dans ses plus hautes
familles, trois Hydriotes, Tombasis, Tsamados, Miaoulis, puis Colocotroni, Marco
Botsaris, Maurocordato, Mauromichalis, Constantin Canaris, Negris, Constantin
et Démétrius Hypsilantis,
Ulysse et tant d'autres. Dès
le début, le soulèvement se changea en une guerre à mort,
dent pour dent, il pour il, qui provoqua les plus horribles représailles de part et d'autre.
En 1821, les Souliotes et le
Magne se soulevèrent.
A Patras, l'
évêque Germanos, la
croix en main, pousse le premier
cri. La
Morée, la Moldavie, l'Archipel, se rangent sous l'étendard
de l'indépendance. Les
Hellènes, victorieux sur mer, parviennent
à s'emparer de Tripolitza. A ces premiers succès des Grecs, les
Turcs répondent par le massacre de leurs
compatriotes qui se trouvaient
à Constantinople.
En 1822, Ali de Tébelen, assiégé dans
sa forteresse de Janina, est lâchement assassiné au milieu d'une
conférence que lui avait proposée le général turc
Kourschid. Peu de temps après, Maurocordato et les Philhellènes
sont écrasés à la bataille d'Arta ; mais ils reprennent
l'avantage au premier siège de Missolonghi, que l'armée d'Omer-Vrione
est obligée de lever, non sans des pertes considérables.
En 1823, les puissances étrangères commencent
à intervenir plus efficacement. Elles proposent au sultan une médiation.
Le sultan refuse, et, pour appuyer son refus, débarque dix mille soldats
asiatiques dans l'Eubée. Puis, il donne le commandement en chef de l'armée
turque à son
vassal Méhémet-Ali, pacha d'Egypte. Ce fut
dans les luttes de cette année-là que succomba Marco Botsaris,
ce
patriote dont on a pu dire : Il vécut comme Aristide et mourut comme
Léonidas.
En 1824, époque de grands revers pour la cause de
l'Indépendance, lord Byron avait débarqué, le 24
janvier,
à Missolonghi, et, le
jour de Pâques, il mourait devant Lépante,
sans avoir rien vu s'accomplir de son rêve. Les Ipsariotes étaient
massacrés par les Turcs, et la ville de
Candie, en
Crète, se rendait
aux soldats de Méhémet-Ali. Seuls, les succès maritimes
purent consoler les Grecs de tant de désastres.
En 1825, c'est Ibrahim-Pacha, fils de Méhémet-Ali,
qui débarque à Modon, en
Morée, avec onze mille hommes.
Il s'empare de Navarin et bat Colocotroni à Tripolitza. Ce fut alors
que le gouvernement
hellénique confia un
corps de troupes régulières
à deux Français, Fabvier et Regnaud de
Saint-Jean-d'Angély
; mais, avant que ces troupes eussent été mises en état
de lui résister, Ibrahim dévastait la Messénie et le
Magne.
Et s'il abandonna ses opérations, c'est qu'il voulut aller prendre part
au second siège de Missolonghi, dont le général Kioutagi
ne parvenait pas à s'emparer, bien que le sultan lui eût dit :
Ou Missolonghi ou ta tête !
En 1826, le 5
janvier, après avoir brûlé
Pyrgos, Ibrahim arrivait devant Missolonghi. Pendant trois
jours, du 25 au 28,
il jeta sur la ville huit mille bombes et boulets, sans pouvoir y entrer, même
après un triple assaut, et bien qu'il n'eût affaire qu'à
deux mille cinq cents combattants, déjà affaiblis par la famine.
Cependant il devait réussir, surtout lorsque Miaoulis et son escadre,
qui apportaient des secours aux assiégés, eurent été
repoussés. Le 23 avril, après un siège qui avait coûté
la vie à dix-neuf cents de ses défenseurs, Missolonghi tombait
au pouvoir d'Ibrahim, et ses soldats massacrèrent hommes, femmes,
enfants,
presque tout ce qui survivait des neuf mille habitants de la ville. En cette
même année, les Turcs, amenés par Kioutagi, après
avoir ravagé la
Phocide et la
Béotie, arrivaient à Thèbes,
le 10
juillet, entraient en
Attique, investissaient Athènes, s'y établissaient
et faisaient le siège de l'Acropole, défendue par quinze cents
Grecs. Au secours de cette citadelle, la
clé de la Grèce, le nouveau
gouvernement envoya Caraïskakis, l'un des combattants de Missolonghi, et
le colonel Fabvier avec son
corps de réguliers. La bataille qu'ils livrèrent
à Chaïdari fut perdue, et Kioutagi put continuer le siège
de l'Acropole. Pendant ce temps, Caraïskakis s'engageait à travers
les défilés du Parnasse, battait les Turcs à Arachova,
le 5 décembre, et, sur le champ de bataille, il élevait un trophée
de trois cents têtes coupées. La Grèce du Nord était
redevenue libre presque tout entière.
Malheureusement, à la faveur de ces luttes, l'Archipel
était livré aux incursions des plus redoutables
forbans, qui eussent
jamais désolé ces mers. Et parmi eux, on citait, comme l'un des
plus sanguinaires, le plus hardi peut-être, ce
pirate Sacratif, dont le
nom seul était une épouvante dans toutes les Echelles du Levant.
Cependant, sept mois avant l'époque à laquelle
débute cette
histoire, les Turcs avaient été obligés
de se réfugier dans quelques-unes des places fortes de la Grèce
septentrionale. Au mois de
février 1827, les Grecs avaient reconquis
leur indépendance depuis le golfe d'Ambracie jusqu'aux confins de l'
Attique.
Le pavillon turc ne flottait plus qu'à Missolonghi, à Vonitsa,
à Naupacte. Le 31 mars, sous l'
influence de lord Cochrane, les Grecs
du Nord et les Grecs du
Péloponnèse, renonçant à
leurs luttes intestines, allaient réunir les représentants de
la nation en une assemblée unique à Trézène, et
concentrer les pouvoirs en une seule main, celle d'un étranger, un diplomate
russe, grec de naissance, Capo d'Istria, originaire de Corfou.
Mais Athènes était aux mains des Turcs. Sa
citadelle avait capitulé, le 5
juin. La Grèce du Nord fut alors
contrainte de faire sa complète soumission. Le 6
juillet, il est vrai,
la France, l'Angleterre, la Russie et l'Autriche signaient une convention qui,
tout en admettant la
suzeraineté de la Porte, reconnaissait l'existence
d'une nation grecque. En outre, par un article secret, les puissances signataires
s'engageaient à s'unir contre le sultan, s'il refusait d'accepter un
arrangement pacifique.
Tels sont les faits généraux de cette sanglante
guerre, que le lecteur doit se remettre en mémoire, car ils se rattachent
très directement à ce qui va suivre.
Voici maintenant quels sont les faits particuliers auxquels
sont plus directement liés les personnages déjà connus
et ceux à connaître de cette dramatique
histoire.
Parmi les premiers, il faut d'abord citer Andronika, la
veuve du
patriote Starkos.
Cette lutte, pour conquérir l'indépendance
de leur pays, n'avait pas seulement enfanté des héros, mais aussi
d'héroïques femmes, dont le nom est glorieusement mêlé
aux événements de cette époque.
Ainsi voit-on apparaître le nom de Bobolina, née
dans une petite île, à l'entrée du golfe de Nauplie. En
1812, son mari est fait prisonnier, emmené à Constantinople, empalé
par ordre du sultan. Le premier cri de la guerre de l'indépendance est
jeté. Bobolina, en 1821, sur ses propres ressources, arme trois navires,
et, ainsi que le raconte M. H. Belle, d'après le récit d'un vieux
Klephte, après avoir arboré son pavillon, qui porte ces mots des
femmes spartiates : « Ou dessus ou
dessous », elle fait la course
jusqu'au littoral de l'Asie Mineure, capturant et brûlant les navires
turcs avec l'intrépidité d'un Tsamados ou d'un Canaris ; puis,
après avoir généreusement abandonné la propriété
de ses navires au nouveau gouvernement, elle assiste au siège de Tripolitza,
organise autour de Nauplie un blocus qui dure quatorze mois, et oblige enfin
la citadelle à se rendre. Cette femme, dont toute la vie est une
légende,
devait finir par tomber sous le poignard de son
frère pour une simple
affaire de famille.
Une autre grande figure doit être placée au
même rang que cette vaillante Hydriote. Toujours mêmes faits amenant
mêmes conséquences. Un ordre du sultan fait étrangler à
Constantinople le père de Modena Mavrinis, femme dont la beauté
égalait la naissance. Modena se jette aussitôt dans l'insurrection,
appelle à la révolte les habitants de
Mycone, arme des bâtiments
qu'elle monte, organise des compagnies de guérillas qu'elle dirige, arrête
l'armée de Sémil-Pacha au fond des étroites gorges du Pélion,
et marque brillamment jusqu'à la fin de la guerre, en harcelant les Turcs
dans les défilés des
montagnes de la Phthiotide.
Il faut encore nommer Kaïdos, détruisant par
la mine les murs de Vilia, et se battant avec un courage indomptable au
monastère
Sainte-Vénérande ; Moskos, sa mère, luttant aux côtés
de son
époux, et écrasant les Turcs sous des quartiers de roche
; Despo, qui pour ne pas tomber aux mains des
musulmans, se fit sauter avec
ses filles, ses belles-filles et ses petits-fils. Et les femmes souliotes, et
celles qui protégèrent le nouveau gouvernement, installé
à Salamine, en lui prenant la flottille qu'elles commandaient, et cette
Constance Zacharias, qui, après avoir donné le signal du soulèvement
dans les plaines de
Laconie, se jeta sur Léondari à la tête
de cinq cents paysans, et tant d'autres, enfin, dont le sang généreux
ne fut point épargné dans cette guerre, pendant laquelle on put
voir de quoi étaient capables les descendantes des
Hellènes !
Ainsi avait fait la veuve de Starkos. Ainsi, sous le seul
nom d'Andronika n'ayant plus voulu de celui que déshonorait son
fils se laissa-t-elle emporter dans le mouvement par un irrésistible
instinct de représailles autant que par
amour de l'indépendance.
Comme Bobolina, veuve d'un
époux supplicié pour avoir tenté
de défendre son pays, comme Modena, comme Zacharias, si elle ne put à
ses frais armer des navires ou lever des compagnies de volontaires, du moins
paya-t-elle de sa personne au milieu des grands drames de cette insurrection.
Dès 1821, Andronika se joignit à ceux des
Maniotes que Colocotroni, condamné à mort et réfugié
dans les îles Ioniennes, appela à lui, lorsque, le 18
janvier de
cette année, il débarqua à Scardamoula. Elle fut de cette
première bataille rangée, livrée en Thessalie lorsque Colocotroni
attaqua les habitants de Phanari, et ceux de Caritène, réunis
aux Turcs sur les bords de la Rhouphia. Elle fut aussi de cette bataille de
Valtetsio, du 17 mai, qui amena la déroute de l'armée de Moustapha-bey.
Plus particulièrement encore, elle se distingua à ce siège
de Tripolitza, où les Spartiates traitaient les Turcs de « lâches
Persans », où les Turcs traitaient les Grecs de « faibles
lièvres de
Laconie » ! Mais, cette fois, les lièvres eurent
le dessus. Le 5
octobre, la capitale du
Péloponnèse, n'ayant pu
être débloquée par la flotte turque, dut capituler, et,
malgré la convention, fut mise à
feu et à sang, pendant
trois
jours ce qui coûta la vie, au dedans comme au dehors, à
dix mille Ottomans de tout âge et de tout sexe.
L'année suivante, le 4 mars, ce fut pendant un combat
naval qu'Andronika, embarquée sous les ordres de l'amiral Miaoulis, vit
les vaisseaux turcs s'enfuir, après une lutte de cinq heures, et chercher
un refuge au port de Zante. Mais, sur un de ces vaisseaux, elle avait reconnu
son fils, qui pilotait l'escadre ottomane à travers le golfe de Patras
!... Ce jour-là, sous le coup de cette honte, elle s'élança
au plus fort de la mêlée pour y chercher la mort... La mort ne
voulut pas d'elle.
Et pourtant, Nicolas Starkos devait aller plus loin encore
dans cette voie criminelle ! Quelques semaines plus tard, ne se joignait-il
pas à Kari-Ali qui bombardait la ville de Scio dans l'île de ce
nom ? N'avait-il pas sa part de ces épouvantables massacres, où
périrent vingt-trois mille chrétiens, sans compter quarante-sept
mille qui furent vendus comme esclaves sur les marchés de Smyrne ? Et
l'un des bâtiments qui transporta une partie de ces malheureux aux côtes
barbaresques, n'était-il pas commandé par le fils même d'Andronika
un Grec qui vendait ses
frères !
Pendant la période suivante, dans laquelle les
Hellènes
allaient avoir à résister aux armées combinées des
Turcs et des Egyptiens, Andronika ne cessa pas un instant d'imiter ces héroïques
femmes, dont les noms ont été cités plus haut.
Lamentable époque, surtout pour la
Morée.
Ibrahim venait d'y lancer ses farouches Arabes, plus féroces que les
Ottomans. Andronika était de ces quatre mille combattants que Colocotroni,
nommé commandant en chef des troupes du
Péloponnèse, avait
seulement pu réunir autour de lui. Mais Ibrahim, après avoir débarqué
onze mille hommes sur la côte messénienne, s'était d'abord
occupé de débloquer
Coron et Patras ; puis, il s'était
emparé de Navarin, dont la citadelle devait lui assurer une base d'opérations,
et le port lui donner un abri sûr pour sa flotte. Ensuite ce fut
Argos
qu'il incendia, Tripolitza dont il prit possession ce qui lui permit,
jusqu'à l'
hiver, d'exercer ses ravages à travers les provinces
avoisinantes. Plus particulièrement, la Messénie subit ces horribles
dévastations. Aussi Andronika dut-elle souvent fuir jusqu'au fond du
Magne pour ne pas tomber entre les mains des Arabes. Cependant, elle ne songeait
pas à prendre du repos. Peut-on reposer sur une terre opprimée
? On la retrouve dans les campagnes de 1825 et de 1826, au combat des défilés
de Verga, après lequel Ibrahim recula sur Polyaravos, où les Maniotes
du Nord parvinrent à le repousser encore. Puis, elle se joignit aux réguliers
du colonel Fabvier, pendant la bataille de Chaidari, au mois de
juillet 1826.
Là, grièvement blessée, elle ne dut qu'au courage d'un
jeune Français, engagé sous le drapeau des Philhellènes,
d'échapper aux impitoyables soldats de Kioutagi.
Pendant plusieurs mois, la vie d'Andronika fut en péril.
Sa constitution robuste la sauva ; mais l'année 1826 se termina, sans
qu'elle eût retrouvé assez de
force pour reprendre part à
la lutte.
Ce fut dans ces circonstances qu'au mois d'août 1827,
elle revint dans les provinces du
Magne. Elle voulait revoir sa maison de Vitylo.
Un singulier hasard y ramenait son fils le même
jour... On sait le résultat
de la rencontre d'Andronika avec Nicolas Starkos, et comment ce fut une suprême
malédiction qu'elle lui jeta du seuil de la maison paternelle.
Et maintenant, n'ayant plus rien qui la retînt au
sol natal, Andronika allait continuer à combattre tant que la Grèce
n'aurait pas recouvré son indépendance.
Les choses en étaient donc à ce point, le
10 mars 1827, au moment où la veuve de Starkos reprenait les routes du
Magne pour rejoindre les Grecs du
Péloponnèse, qui, pied à
pied, disputaient leur territoire aux soldats d'Ibrahim.
(1) Depuis l'époque où se passe cette
histoire, l'île Santorin a été victime des
feux souterrains. Vostitsa en 1661, Thèbes en 1661,
Sainte-Maure, ont été dévastées par des tremblements de terre.