4.
Homme qui, comme étant
la pensée
du Dieu des êtres, s'est observé au point d'avoir abandonné
ses propres facultés à la direction et à la source de toutes
les pensées, n'a plus d'incertitudes dans sa conduite spirituelle quoiqu'il
n'en soit pas à l'abri dans sa conduite temporelle, si la faiblesse l'entraîne
encore dans des situations étrangères à son véritable
objet ; car dans ce qui tient à ce véritable objet, il doit espérer
les secours les plus efficaces, puisqu'en cherchant à le poursuivre et
à l'atteindre, il suit la volonté Divine, elle-même, qui le presse
et l'invite de s'y porter avec ardeur.
Mais d'où
lui vient cette manière d'être si avantageuse et si salutaire ? C'est que
s'il parvient à être régénéré dans sa pensée,
il l'est bientôt dans sa parole qui est comme la chair et le sang de sa pensée,
et que quand il est régénéré dans cette parole, il
l'est bientôt dans l'opération qui est la chair et le sang de la parole.
Non seulement l'
esprit le pénètre, circule dans toutes ses veines,
et se revêt de lui pour donner le mouvement à tous ses membres, comme nous
faisons mouvoir à notre gré les vêtements dont nous nous couvrons
; mais tout en lui se transforme en substances spirituelles et angéliques,
pour le porter sur leurs ailes vers tous les lieux où son devoir l'appelle
; c'est ainsi que le
juge souverain viendra un
jour au milieu de ses saints, et
environné de millions d'
anges pour rétablir le règne de la
vérité dans toutes les régions qui en seront susceptibles.
C'est alors que l'homme se trouve être, en
esprit et
en vérité, le
prêtre du Seigneur ; c'est alors qu'il a reçu la vivifiante
ordination, et qu'il peut transmettre cette ordination sur tous ceux qui se consacrent
au service de
Dieu, c'est-à-dire, lier et délier, purifier, absoudre,
plonger l'
ennemi dans les ténèbres, et faire revivre la lumière
dans les
âmes ; car le mot
ordination, vient du mot
ordinare ordonner,
qui veut dire remettre chaque chose à son rang et à sa place ; et
telle est la propriété du verbe éternel qui produit continuellement
tout selon le poids, le nombre, et la mesure. Tel est enfin le zèle de
la parole pour cette uvre sublime qu'elle se transformerait en homme elle-même
pour venir nous ordonner et nous consacrer, s'il ne se trouvait point d'hommes
qui puissent nous imposer les mains ; parce qu'elle sait qu'il faut ici-bas que
les organes de la vérité soient corporisés humainement pour
nous être utiles.
Ce n'est donc point un simple
effet
mystique, ni une simple opération métaphysique qui se passe
en nous lorsque le verbe Divin nous régénère, et qu'il nous
appelle par notre nom pour nous faire sortir de notre tombeau, c'est une uvre
vive, et dont tout notre être spirituel et corporel éprouve physiquement
la sensation, puisque cette parole est la vie, et l'activité ; et lorsque
Lazare sortit de son cercueil à la voix du Seigneur, ses membres n'éprouvèrent
pas autant de cette sensation réelle, que nous en éprouvons dans
notre régénération spirituelle, parce qu'après être
descendu dans le tombeau, son
âme passive ne pouvant recevoir la sensation de
la mort et de la froideur sépulcrale, ne pouvait pas non plus en faire
la comparaison avec la sensation de la vie qui s'introduisait alors en lui, et
semblait le créer pour la première fois : au lieu que notre
âme
immortelle ne descend point dans le lac de la mort spirituelle, sans en ressentir
toute l'horreur ; et par conséquent lorsqu'elle recouvre la sensation de
la vie, ce doit être avec une sensibilité inexprimable.
En effet, nous nous sommes laissé garroter tout vifs et dans
nos facultés, par les chaînes de l'
ennemi : nous sentons que ces chaînes
nous écrasent et nous ôtent tous nos mouvements ; si nous avions donc le
courage de prononcer l'arrêt de cet
ennemi, et de lui déclarer que, conformément
aux intentions de la volonté suprême et bienfaisante, nous sommes déterminés
à rompre tous les liens dont il se sert pour nous retenir captifs, si nous
lui annoncions fermement qu'il doit s'attendre que son règne sur nous va
être détruit, et qu'il nous est aussi aisé, par les secours divins
qui nous environnent, de briser ce règne, qu'il nous est aisé de
briser un brin de paille ; enfin, si cet arrêt étant prononcé nous
n'oublions rien pour l'exécuter, et pour persévérer avec
constance dans cette indispensable et nécessaire résolution, il
n'est pas douteux que nous verrions bientôt tomber à nos pieds toutes ces
entraves qui nous gênent si horriblement, et que nous sentirions y substituer
en nous, à la fois, tous les transports de la vraie vie, lesquels seraient
d'autant plus actifs et délicieux pour nous, que nous en aurions été
plus dénués. C'est ce passage complet de la mort à la vie
que l'
âme de l'homme peut éprouver physiquement dans toute ses facultés
quand, en imitant la douce et humble simplicité du verbe et de la parole,
il parvient à en recouvrer la
force, la
chaleur et la lumière.
Un mot de plus pourra peut-être aider à notre
persuasion, et augmenter notre courage pour travailler à cette grande entreprise
; ainsi nous ne le tairons point. L'homme sous les lois de sa matière est
emprisonné et borné de tous les côtés ; il a fallu pour le
lier ainsi, qu'on rassemblât, dans une sorte d'unité, les puissances, les
forces et les facultés qu'il avait laissé sortir de lui-même, et
qu'il avait disséminées dans toutes les régions, pour y opérer
le désordre de ses plans
impies et mensongers : l'
ennemi appuie encore
sur les chaînes dont on l'a chargé, et cherche par là à traiter
comme son jouet et sa victime, celui qu'il a feint autrefois de vouloir traiter
comme son ami. Mais ce double poids rassemblant et concentrant, de plus en plus,
dans une unité, les puissances et facultés de l'homme, le rend,
dans sa privation même, une nouvelle image de cette unité qu'il aurait
dû représenter dans ses justes développements alors cette
harmonie
concentrée, recouvrant naturellement une sorte de rapport avec l'
harmonie
supérieure et libre, elle l'attire insensiblement à elle, et elle
en reçoit les secours dont elle est susceptible, selon sa mesure gênée
et restreinte.
Il est donc vrai de dire que notre
délivrance a commencé dès l'instant de notre punition ; il
est donc vrai de dire que l'
agneau a été
immolé dès
le commencement du monde ; il est donc vrai que l'écriture a raison de
nous recommander les larmes, et de nous féliciter de nos tribulations,
puisque le médicament d'amertume est la seule voie que nous ayons de recouvrer
le commencement de nos rapports avec notre unité harmonique et primitive
; enfin il est donc vrai que l'écriture a raison de nous enseigner que
celui qui
se fera humble et petit, sera élevé.
Nous serions peu étonnés des merveilles sensibles
et vives qui se passent en nous lors de notre régénération,
si nous pénétrions un peu plus profondément que nous ne le
faisons dans la connaissance et la nature de l'homme. Nous l'avons peint comme
étant une pensée du
Dieu des êtres, et nous avons dit que quand
il parvenait à être régénéré dans sa pensée,
il le devenait bientôt dans sa parole ; c'est donc à dire qu'alors il devient
une parole du
Dieu des êtres, comme il en était auparavant une pensée
et cela nous apprend par conséquent que dans l'origine, il était
à la fois une pensée et une parole du
Dieu des êtres, et qu'il doit
l'être encore aujourd'hui quand il a le bonheur d'être rétabli dans sa
nature originelle.
Voilà le terme où
doivent tendre tous nos efforts, et sans lequel nous nous flatterions en vain
d'être avancés dans la carrière de notre retour vers notre principe.
C'est aussi ce qui nous rétablit, sur notre trône en mettant nos
ennemis
à nos pieds en même temps cela nous apprend que telle fut notre puissance
autrefois, et que tel fut l'emploi que nous en aurions dû faire, puisqu'aujourd'hui
nous pouvons la faire servir au même usage, en prononçant fortement cette parole
interne qui constitue notre être, et qui fait trembler nos
ennemis. Ne cessons
donc point de contempler ce but sublime et indispensable où nous devons
tendre ; ne nous reposons point, n'épargnons aucun de nos efforts jusqu'à
ce que nous nous sentions renaître dans cette faculté vive qui est notre
essence et jusqu'à ce que par sa forte vertu, nous ayons chassé
de nous
tous les vendeurs qui sont venus établir le siège de
leur trafic jusque dans le temple.
Nous apercevrons,
même dans cette occupation, une
clarté aussi encourageante pour nous qu'elle
est glorieuse pour le suprême auteur de notre existence ; c'est que si nous sentons
que nous ne pouvons être régénérés qu'autant que nous
sommes devenus une parole du
Dieu des êtres, c'est une preuve que le
Dieu des
êtres est aussi par lui-même, une parole vive et puissante, puisque nous sommes
son image ; et dès lors notre similitude avec lui se présente à
nous de la manière la plus naturelle, la plus instructive et la plus douce,
puisqu'à tout moment nous pouvons nous convaincre de cette similitude,
et montrer que dans tous les instants nous tenons à
Dieu, comme
Dieu tient
à nous. Or, ce qui manifeste entièrement la gloire de ce
Dieu suprême,
et la nature spirituelle de notre être, c'est que malgré la dignité
et la puissance de la parole qui est en nous, nous ne pouvons en espérer
la renaissance et le développement, qu'autant que la parole Divine, elle-même,
vient ranimer la nôtre, et lui rendre son activité comprimée par
les chaînes de notre
prévarication ; c'est enfin de sentir irrésistiblement
que la parole est absolument nécessaire pour l'établissement de
la parole ; axiome qui a passé dans les sciences humaines, et dont l'empire
indestructible s'est montré à ceux qui ne se sont même occupés
que des langues conventionnelles.
Cet axiome, dis-je,
renferme les vérités les plus essentielles, en ce qu'il nous enseigne
d'abord que toute notre uvre doit se passer dans l'intérieur de l'homme,
comme dans le foyer invisible de notre vie divine ; et secondement, que cette
uvre ne peut s'opérer véritablement que par la parole Divine,
ou la Divinité elle-même.
Par ce moyen notre
intelligence nous défend de regarder comme une régénération
pour nous, tout ce qui ne tient qu'à des
faits extérieurs
dans lesquels notre
essence intime n'est pour rien, puisque ces faits ne sont
pas plus liés à nous que les ouvrages d'un peintre ne le sont à
l'
ignorant qui les regarde ; en outre, elle nous défend de regarder comme
un moyen de régénération tous les
agents secondaires, et
toutes les
voies particulières où marchent tant d'hommes
égarés, puisque toutes ces choses ne sont pour la naissance de notre
intérieur, que comme l'application extérieure de quelques médicaments
pour un malade dont toute la masse du sang serait viciée. Ainsi, par ce
moyen, notre intelligence nous préserve de grandes méprises au sujet
de notre avancement, et de grandes
idolâtries envers la Divinité.
5.
Cette renaissance de notre parole interne ne se borne pas à
un simple effet partiel, et concentré dans le seul point de notre être
intérieur ; elle se propage dans toutes les régions qui nous constituent,
et elle y ressuscite la vie à tous les pas ; elle semble donner les noms
propres et actifs à toutes les substances spirituelles, célestes,
élémentaires rassemblées en nous, et les rétablir
dans la vivacité de leurs mouvements, et dans le puissant exercice de leurs
fonctions originelles, comme autrefois
Adam imposait des noms à tous les
animaux, et introduisait sa vivante puissance dans toute la création, et
dans toutes les uvres et productions de
Dieu qui avaient été
remises à sa libre administration. Or, ces deux témoignages, savoir,
celui de notre expérience, et celui de la tradition nous apprennent que
telle est la marche progressive de l'éternelle Divinité dans ses
saintes opérations, restaurations, rectifications, où certainement
la vie de sa parole Divine se répand successivement dans tous les êtres,
et dans toutes les productions qu'elle veut régénérer, et
qui ne résistent point à son action ; et si, par notre propre expérience
et par la tradition des opérations d'
Adam, nous savons que telle est la
marche restauratrice de la parole Divine ; cela devient une nouvelle preuve pour
nous que telle a été la marche créatrice de cette même parole,
puisque les choses ne se régénèrent que par la même voie
qui les a créées. Ainsi saint Pierre a raison de nous dire (actes
4) que
nul autre nom, sous le ciel, n'a été donné aux
hommes par lequel nous puissions être sauvés ; puisqu'avant St. Pierre,
St. Jean nous avait déjà dit qu'
au commencement était
le verbe, et qu'il était Dieu, et que rien n'a été fait sans
lui de ce qui a été fait ; ainsi, nous ne pouvons trouver de
Dieu sauveur, de
Dieu sanctificateur, et de
Dieu fortificateur et revivificateur
que dans le
Dieu créateur, comme nous ne pouvons trouver de
Dieu créateur
que dans celui qui est par lui-même, dont la vie est l'éternité,
et dont l'éternité est la vie, quoique ces diverses puissances aient
agi en divers temps, et aient manifesté des propriétés différentes.
Si, comme nous l'avons vu, la parole est nécessaire
pour l'établissement de la parole, et que par conséquent nous ne
puissions être ressuscités dans notre parole que par le verbe, nous ne
pouvons être ressuscités dans nos autres facultés que par des facultés
analogues, dans notre pensée que par la pensée, dans notre
mouvement
par le
mouvement, dans notre
vie que par la
vie, dans notre
esprit que par l'
esprit, dans nos
vertus que par la
vertu,
dans nos
lumières que par la
lumière ; ainsi nous
devrions être dans une
mobilité et activité continuelles,
puisque les plus petits rayons de ce qui est en nous devraient perpétuellement
être réactionnés par les étincelles similaires, qui se dardent
sans cesse hors du foyer éternel de la vie.
Tel est l'état de ceux qui après avoir vaincu le
dragon, sont montés
après leur mort dans la région du repos et du bonheur ; tel est
même l'état de ceux qui ici-bas ont rompu les chaînes de leur esclavage,
et ont ouvert toutes leurs facultés à celui qui ne demande pas mieux
que de les pénétrer et de les remplir ; enfin tel est l'état
de ceux sur qui l'
esprit a imposé les mains, parce que par cette imposition
des mains, il rassemble en eux dans une unité toutes les subdivisions spirituelles
qu'ils avaient laissé disséminer ; c'est même par ce moyen, et en
vertu de l'unité indivisible dont cet
esprit est dépositaire qu'il
les met dans le cas d'imposer les mains à leur tour sur leurs semblables,
et d'y opérer les mêmes rassemblements qui se sont opérés
en eux lors de l'imposition des mains de l'
esprit ; et tel est l'objet du sacerdoce
; tels en sont les pouvoirs, tels en sont les
fruits pour ceux qui s'en sont rendus
dignes, et qui ont été compris dans la divine sélection.
Ces
fruits même ne paraissent plus avoir de bornes dès
que le principe, après avoir été mis en activité,
se transmet dans la même mesure, et sans altération, parce qu'il agit toujours
par la même loi, et toujours sur la même espèce de désordre qui
n'est autre chose qu'une subdivision ; aussi c'est le même
esprit qui, au physique
et au moral, fait par l'imposition des mains que l'aveugle voit, que le sourd
entend, que le
boiteux marche, que le malade est guéri, que le mort ressuscite,
et que l'esclave est remis en
liberté.
Charge-toi,
ô mon
Dieu, de tout ce qui peut concerner mon élection ; je te dirai comme
Moïse, que je ne puis que bégayer, et que tout mon être est dans une
universelle impuissance pour l'accomplissement des devoirs que tu imposes à
un élu ; j'admire la gloire de tes prophètes et de tes serviteurs,
mon
âme tressaille de joie en sentant les douceurs et les consolations qui les
attendent, mais si tu ne délies toi-même ma langue, si tu ne mets ton
feu
dans mon cur, et ta lumière dans mon
esprit, si tu ne me traces ma
route à chaque pas, et si tu ne me pousses toi-même dans ces sentiers que
tu m'auras tracés, je demeurerai englouti dans ma faiblesse, et je serai
un être entièrement inutile à tes plans.
Hommes qui croyez à la vertu de la parole, et aux prodiges qu'elle
opère dans l'
âme de l'homme quand elle le veut employer à ses diverses
manifestations, croyez aussi à la progresstion de ses puissances, et à
l'accroissement quoiqu'invisible des diverses actions qu'elle a dessein de faire
fructifier dans le champ de la mort que nous habitons. Car cette parole est vive
par elle-même, et quoiqu'elle soit fixe, et en quelque façon
immobile dans le
centre de son
essence, les mouvements qu'elle opère ne peuvent pas être
bornés et fixés à demeure dans les localités du temps.
Nous voyons combien cette vérité se démontre sur nous-mêmes
par les progressions que notre
esprit parcourt, et qui font que notre vie entière
semble n'être qu'une suite d'accroissements, dans lesquels les dons et les vertus
d'une époque disparaissent et sont remplacés par les dons et les
vertus de l'époque suivante.
Voilà
pourquoi les actions que la sagesse envoie dans notre région n'y restent
point, au moins sous la même forme, et pourquoi l'homme s'abuse quand il regarde
ces actions comme devant être sensiblement permanentes ; car dès qu'il
leur imprime par sa pensée ce caractère de stagnation, il n'en peut
plus retirer de
fruit, puisque la stagnation opérerait la mort et que tout
doit être
esprit et mouvement ; or, le mouvement de l'
esprit est comme celui du
feu, il se fait en ascension, il se fait dans la ligne droite, et il échappe
bientôt à notre
vue. Mais cependant ces diverses actions ne tendent qu'à
nous conduire un
jour par leurs différents degrés temporels, au
vrai repos dans le centre de la parole éternelle.
Hommes qui croyez que l'homme est non seulement une pensée, mais
aussi une parole du
Dieu des êtres, vous ne pouvez vous dispenser de croire que
l'homme est également une des opérations divines de cet être éternel.
Si cela n'était pas ainsi, vous seriez des êtres incomplets ; vous ne seriez
pas l'image parfaite de
Dieu, puisque
Dieu est à la fois la pensée,
la parole, et l'opération éternelles ; enfin vous ne pouvez douter
que vous ne deviez être une de ses opérations, puisque vous cherchez vous-mêmes
continuellement à réaliser vos paroles par vos uvres, comme
vous cherchez à réaliser vos pensées par vos paroles.
Mais de même que votre pensée, et votre parole
ne peuvent renaître sans la pensée et sans la parole supérieure,
de même votre opération spirituelle ne peut vous être rendue que par l'opération
de l'
esprit sur vous, et c'est ce que nous avons ci-dessus montré comme
étant l'imposition des mains ; opération qui est un acte de restauration
dans toutes les élections que
Dieu a faites, en envoyant son
esprit sur
des hommes choisis ; mais qui est plus que restauratrice dans ce qui concerne
votre
essence, puisque c'est cette triple action de la divinité qui vous
constitue, et qu'il ne suffit pas que la divinité
pense l'homme,
et qu'elle
parle l'homme, mais qu'il faut encore qu'elle
opère
l'homme.
Ainsi nous ne devons être autre chose continuellement
que l'effet réel de ces trois actes; et la différence qu'il y a
de
Dieu à nous, c'est qu'il est un
Dieu pensant, un
Dieu parlant, un
Dieu
opérant, et que nous, nous sommes un
Dieu pensé, un
Dieu
parlé, un
Dieu opéré ; et telles sont les merveilleuses
puissances, lumières, vertus, destinées à nourrir notre être.
Enfin tels sont les trésors qui sont promis à notre
âme puisque
nous avons annoncé ci-dessus que la divinité devait nous traverser
tout entière pour pouvoir s'étendre jusqu'à l'ami fidèle
qui attend de nous cette divine nourriture, et pour qu'intérieurement et
extérieurement nous puissions remplir les plans originels de notre principe.
6.
Mais quelle terrible opération doit se faire en nous
avant que cette divinité tout entière nous traverse dans sa splendeur
et dans sa joie ! Il faut auparavant qu'elle nous traverse dans son
ignominie
et dans sa douleur ; il faut que le
Dieu souffrant passe tout entier au travers
de l'
âme concentrée et comme pétrifiée par le crime et l'insensibilité.
Âme de l'homme, abîme-toi ici, dans ta détresse, et prépare-toi
à l'opération la plus douloureuse. Il faut que le
Dieu souffrant
te pénètre, et se fasse
jour au travers de tes substances les plus
épaissies et les plus dures, pour te rendre ta primitive existence ; tu
ne pourras jamais être régénérée complètement
si l'opération n'est pas universelle et si le
Dieu souffrant dans sa pensée,
dans sa parole et dans son uvre ne traverse tout entier ta pensée,
ta parole, et ton opération.
Amertume corporelle,
amertume spirituelle, amertume divine, venez vous établir dans notre être,
puisque vous êtes devenues l'indispensable aliment de nos ténèbres
et de notre infirmité. Que l'amertume spirituelle du calice se joigne à
notre amertume spirituelle particulière, et forme ainsi ce médicament
actif et salutaire qui doit ronger toutes nos fausses substances pour laisser
revivre nos véritables substances amorties ! Malheur à qui voudra
repousser de lui ce médicament régénérateur ! Il ne
fera qu'accroître ses maux, et les rendre peut-être un
jour inguérissables.
Car telle est cette pénitence qui seule peut faire ressusciter l'
esprit
en nous, comme l'
esprit peut seul y faire ressusciter la parole, et la parole
y faire ressusciter la vie divine, attendu qu'aujourd'hui rien ne peut plus s'opérer
que par des concentrations, puisque tel a été le principe de l'origine
des choses, tant physiques que spirituelles ; telle est, dis-je, cette pénitence
qui donne à l'homme la puissante tranquillité de la confiance, et
la terrible
force de la douceur, choses si inconnues aux hommes du torrent qui
n'ont que le courage du désespoir, et que la
force de la colère.
C'est là cette pénitence par laquelle le pasteur daigne venir se
revêtir de nous qui sommes des
loups, afin de sauver de nos dents la malheureuse
brebis que nous dévorons ; tandis qu'avec la pénitence humaine et
extérieure c'est le
loup même qui se revêt de la peau du berger afin de
dévorer à la fois, et la brebis et le pasteur en les séparant
l'un de l'autre. C'est là cette pénitence qui efface en nous non
seulement les taches du péché, mais jusqu'au souvenir et à
la connaissance du péché.
Ouvrons
donc notre être à ce puissant médecin qui veut nous procurer la
vie dont il jouit, et dont il est lui-même la source, et prêtons-nous avec actions
de grâce à tous les détails de ses procédés et de
ses opérations curatives ; car s'il parvient une fois à pénétrer
en nous et à y faire sa demeure, il traversera bientôt toutes nos substances
par son action toujours opérante, qui fera sortir de tout notre être mille
rayons de lumière dont cette action est en même temps le foyer et la source.
Mais si avant que la divinité nous pénètre
et nous traverse dans sa splendeur et dans sa gloire, il faut qu'elle nous traverse
dans son
ignominie et dans sa douleur, il est nécessaire aussi qu'elle
fasse en nous une première opération, et cette opération,
c'est de nous faire annoncer par l'
ange que l'
esprit saint doit survenir en nous,
que la vertu du très haut nous couvrira de son ombre, et que c'est pour
cela que le saint qui naîtra de nous sera appelé le fils de
Dieu ; or pour
que cette annonce puisse nous être faite, il faut que nous soyons renouvelés
dans la véritable innocence, et que
trois vierges plus anciennes
que
Marie nous aient purifiés dans notre
corps, notre
âme et notre
esprit
; c'est-à-dire qu'elles nous aient rendus vierges comme elles. Lorsque
par notre constance et nos efforts nous avons recouvré cette triple virginité,
l'annonciation se fait en nous, et nous ne tardons pas à nous apercevoir
que la
conception sainte s'y est faite aussi, ce qui nous met dans le cas de chanter
le
cantique de
Marie, lorsque nos proches nous saluent et nous bénissent
sur le
fruit de nos entrailles, comme
Marie fut saluée et bénie
par Élisabeth.
Dès que cette
conception
est formée en nous, il n'y a pas de soins que nous ne devions prendre pour
la conduire heureusement à son terme, comme dans l'ordre matériel
nous veillons sur les
jours et la santé d'une
épouse chérie
qui nous donne l'espoir qu'elle deviendra mère. Nous devons épier
avec attention tous les mouvements qui se font en nous, et jusqu'aux moindres
affections spirituelles et vraies qui nous sont suggérées ; nous
devons n'en négliger aucune, et tout sacrifier pour les satisfaire, afin
que par nos négligences, ou notre parcimonie qui n'est autre chose que
notre paresse, nous ne soyons pas dans le cas de nuire à la croissance
de notre fils ; mais défendons-nous aussi soigneusement de tous les mouvements
faux qui ne tiennent qu'à la fantaisie ; car nous prêterions par là
des puissances à notre
ennemi qui ne manquerait pas de s'en servir pour
poser ensuite son sceau et son caractère sur
quelques parties du corps
de notre reproduction. Imitons donc en tout la nature qui emploie tous nos
efforts pour faire fructifier ses productions, quand par notre faute nous ne gênons
pas ses opérations.
Ce n'est qu'une seule
et même puissance, qu'un seul et même
amour qui opère notre reproduction
corporelle, et qui prend soin de l'entretenir et de la conserver. Faisons en sorte
qu'à son image la puissance et l'
amour divin qui opèrent en nous
la
conception spirituelle nourrissent eux-mêmes leur propre
fruit ; que la même
main qui aura semé cette plante en nous, l'arrose journellement, et en
écarte tout ce qui peut lui être préjudiciable ; ne craignons ni
les inquiétudes, ni les dégoûts ni les vomissements, ni les insomnies
; ce sont toutes ces souffrances qui facilitent l'accroissement de notre fils,
et il est impossible qu'il acquiert sans cela une juste et solide conformation.
Disons à notre
ennemi : c'est le
Dieu souffrant
qui veut lui-même élever en moi son édifice ; c'est le
Dieu souffrant
qui veut le soutenir lui-même, tu ne pourras jamais le renverser. Plus le
Dieu
souffrant s'approchera de moi, plus je serai en sûreté contre tes attaques,
parce qu'il prendra lui-même sur lui le fardeau que je ne pourrais pas porter
; quoique je sois suspendu au-dessus de l'abîme comme par un fil, quoique j'habite
au milieu des
lions voraces et des
serpents sifflants et meurtriers, il est près
de moi ce
Dieu souffrant, il est conçu en moi ce
Dieu souffrant, et d'un seul
de ses mouvements, quelque faible qu'il soit, il me séparera lui-même de
tous ces insectes, et reptiles venimeux dont tes
iniques séductions ont
fait revêtir corporellement la malheureuse postérité de l'homme.
Ce
Dieu souffrant ne cherche qu'à faire entrer en moi sa chair, son sang,
son
esprit, sa parole, pour y introduire enfin le nom puissant qui a tout créé,
et qui veut aussi créer tout dans moi ; il veut me faire planer avec lui
dans la région de la vie, afin que je sois dans l'impossibilité
de retomber dans les précipices et dans les régions de la mort.
Pernicieux
ennemi de l'homme, tu occasionnes bien aussi
des souffrances, mais c'est en opérant une contraction de ta puissance
désordonnée et mensongère contre les lois éternelles
de la vérité, et contre l'ordre
immuable des choses ; aussi tes
succès, quand tu l'emportes, entraînent l'homme dans le néant, la
mort et les ténèbres. Mais lorsque le
Dieu souffrant s'approche
de nous et nous occasionne des douleurs, c'est en opposant la mesure, l'ordre
et la vérité, aux désordres et aux irrégularités
que tu sèmes journellement dans les hommes, et que tu y entretiens. Aussi
la contradiction que ce
Dieu souffrant opère dans ceux qui la désirent
et qui y concourent, se termine toujours par la joie le bonheur et la lumière.
C'est en effet par ces douces consolations que se terminera
le cercle des choses pour ceux qui auront su laisser entrer en eux le
Dieu souffrant
: car le cercle des choses n'est
composé que d'êtres en contraction et
en souffrance, ce qui fait que l'univers nous montre le
Dieu souffrant, aussi
bien que le peut faire notre
âme. C'est ce qui fait aussi que nous ne devrions
considérer qu'avec respect et reconnaissance tous les objets que cette
nature renferme, puisque le moindre d'entre eux est le
fruit de la
charité
divine qui ne cesse de modifier son
amour selon toutes les voies possibles, afin
de faire parvenir sa
force, sa vie et sa lumière jusque dans nos régions
les plus matérielles et les plus ténébreuses. Heureux celui
qui aura considéré l'univers sous cet aspect, et qui aura recueilli
par ce moyen un assez grand nombre de ces étincelles divines, pour lui
promettre un flambeau au dernier
jour !