Lélius Socin,
hérésiarque, est regardé
comme le fondateur de la secte des
antitrinitaires, qui, de son nom
et de celui de son neveu, furent appelés Sociniens. Né
à Sienne en 1525, il était fils de Marianus Socin le jeune,
habile jurisconsulte, et comptait dans sa famille un grand nombre de
savants (Cf. Taisand).
Destiné à la carrière du droit,
il en rechercha les fondements dans les Livres saints, dont il fit une
étude approfondie, ayant appris pour cela le grec, l'arabe et
l'hébreu. Les principes de Luther pénétraient,
quoique lentement, en Italie, et ce réformateur acquérait
de
jour en
jour de nouveaux partisans. En 1546, quarante personnes de
plus distinguées par leur rang, par leurs emplois et par leurs
titres établirent une espèce d'académie dans les
environs de Vicence, pour discuter entre elles les questions
religieuses
qui commençaient alors à agiter les
esprits. Quoique très
jeune, Socin y fut admis. Les nouveaux académiciens soumirent
les livres de l'Ecriture aux règles de critiques qu'ils s'étaient
faites, et repoussant tout ce qui choquait leur manière de voir,
ils réduisirent leur
symbole à un petit nombre d'articles.
Le dogme de la
Trinité, celui de la
consubstantialité
du Verbe, la divinité de Jésus-Christ n'étant pas
appuyés, suivant eux de la révélation, leur parurent
empruntés aux opinions des philosophes grecs. Ils renouvelaient
ainsi toutes les erreurs d'
Arius et de ses
disciples. Le secret de ces
assemblées fut bientôt découvert. Quelques-uns de
ceux qui les fréquentaient furent arrêtés et punis
de mort. Les autres, tels que Blandrata, J.-P. Alciati, Valent, Gentilis
n'échappèrent au supplice qu'en prenant la fuite. Socin
erra pendant quatre ans en France, en Angleterre, dans les Pays-Bas
et l'Allemagne, et finit par trouver un asile à Zürich.
Dans ses voyages, il avait acquis par son érudition et ses qualités
personnelles l'estime d'un certain nombre de savants des différents
pays qu'il avait parcourus, et il continua d'entretenir avec eux une
correspondance active. Les nouveaux
ariens n'étaient pas moins
odieux aux
protestants qu'aux
catholiques. Socin, averti par
Calvin
et surtout effrayé du supplice de Servet, se conduisit avec tant
de prudence qu'il passa plusieurs années au milieu de ses adversaires
sans être inquiété. Ce n'était qu'à
quelques-uns de ses
compatriotes, exilés comme lui, qu'il se
permettait de confier en secret ses opinions ; mais il se dédommageait
de cette contrainte dans les écrits qu'il adressait à
ses parents. En 1557 ou 1558, il se rendit en Pologne, où les
principes de l'académie vicentine avaient trouvé de nombreux
sectateurs. Ses talents l'y firent accueillir avec distinction par les
seigneurs
polonais, presque tous
ennemis du clergé, dont ils
jalousaient l'
influence et les richesses. Le roi Sigismond-Auguste,
qui voyait sans peine cette
disposition des
esprits, admit Socin à
sa cour et lui donna des lettres de recommandation pour empêcher
qu'il fût inquiété pendant son séjour en
Italie, où il allait recueillir la succession de son père.
Socin revint à Zürich dès qu'il eut fini ses affaires,
et il mourut dans cette ville le 16 mai 1562, à l'âge de
36 ans.
Doué d'une rare éloquence, savant dans les langues et critiques habile, il aurait, dit Pluquet (
Dictionnaire
des hérésies), rendu sans doute de grands services
au nouvel
arianisme, s'il eût vécu plus longtemps. On l'a
regardé comme l'auteur d'une réfutation des principes
de
Calvin sur le droit qu'il attribue aux magistrats de faire mourir
les hérétiques ; mais cet ouvrage est de
Minos Celsus
(CF. Celse). On lui attribue une paraphrase des premiers versets du
premier chapitre de l'
Evangile de
Saint Jean ; mais aucun bibliographe
ne l'a jamais
vue. Dans une collection de traités
théologiques,
imprimée en 1654, in-16, sous la rubrique :
Eleutheropoli,
mais à Racow ou en Hollande, on trouve sous son nom :
Disseratio
ad Tigurinos et Genevaes de Sacramentis ; mais la Biblioth.
Fratrum Polonarum, recueil de tous les écrits des antitrinaitaires, n'en contient aucun de
Lélius Socin; Voyez Vogt,
Catalog.
Libror. Rarior. Il en a publié à Leipzig, en 1814,
1 vol. in-8°,
Vita L. Socini, et en 1824, in-4°, une
Commentatio
theologico-historica sur la vie et la doctrine de ce
sectaire.
(Biographie universelle ancienne et moderne
- Tome 39 - Pages 512-513)