LIVRE TROISIÈME
Le Mystère sacerdotal ou l'Art de se faire servir par les esprits
CHAPITRE VI : De la Divination
On peut deviner de deux manières, par
sagacité
ou par seconde
vue.
La
sagacité, c'est la juste observation
des faits avec la déduction légitime des effets et des
causes.
La seconde
vue est une intuition spéciale,
semblable à celle des somnambules lucides qui lisent le passé,
le présent et l'avenir dans la lumière universelle. Edgar
Poë, somnambule lucide de l'ivresse, parle dans ses contes d'un
certain Auguste Dupin qui devinait les pensées et découvrait
les mystères des affaires les plus embrouillées par un
système tout spécial d'observations et de déductions.
Il serait à désirer que Messieurs
les
juges d'instruction fussent bien
initiés au système
d'Auguste Dupin.
Souvent, certains indices négligés
comme insignifiants conduiraient, si l'on en tenait compte, à
la découverte de la vérité. Cette vérité
serait parfois étrange, inattendue, invraisemblable, comme dans
le conte d'Edgar Poë intitulé :
Double
assassinat dans la rue de la Morgue. Que dirait-on, par exemple,
si l'on apprenait un
jour que l'empoisonnement de M. Lafarge n'est imputable
à personne, que l'auteur de cet empoisonnement était somnambule
et que frappée de craintes vagues (si c'était une femme),
elle allait furtivement dans la fausse lucidité de son sommeil,
substituer, mélanger l'
arsenic, le bicarbonate de soude et la
poudre de gomme jusque dans les boîtes de
Marie Capelle, croyant
dans son rêve rendre impossible cet empoisonnement dont elle avait
peur peut-être pour son fils.
Certes nous faisons ici une hypothèse inadmissible
après la condamnation, mais qui avant le
jugement eût mérité
peut-être d'être examinée avec soin en partant de
ces données :
1. Que Madame Lafarge
mère parlait sans cesse d'empoisonnement et se défiait
de sa bru, qui, dans une lettre malencontreuse, s'était vantée
de posséder de l'
arsenic ;
2. Que cette même
dame ne se déshabillait jamais et gardait même son châle
pour dormir ;
3. Qu'on entendait
la nuit des bruits extraordinaires dans cette vieille demeure du Glandier
;
4. Que l'
arsenic
était répandu partout dans la maison, sur les meubles,
dans les tiroirs, sur les étoffes, d'une manière qui exclut
toute intelligence et toute raison ;
5. Qu'il y avait
de l'
arsenic mêlé à de la poudre de gomme dans une
boîte que
Marie Capelle remit elle-même à sa jeune
amie Emma Pontier, comme contenant la gomme dont elle se servit pour
elle-même, et qu'elle convenait d'avoir mêlé aux
boissons de M. Lafarge.
Ces circonstances si singulières eussent
sans doute exercé la
sagacité d'Auguste Dupin et de Zadig,
mais n'ont dû faire aucune impression sur des jurés et
sur des
juges mortellement prévenus contre l'accusée par
la triste évidence du vol des
diamants. Elle fut donc condamnée
et bien condamnée, puisque la justice a toujours raison ; mais
on sait avec quelle énergie la malheureuse protesta jusqu'à
la mort et de quelles honorables sympathies elle fut entourée
jusquà ses derniers moments.
Un autre condamné, moins séduisant
sans doute, protesta aussi devant la
religion et devant la société
au moment terrible de la mort ; ce fut le malheureux Léotade,
atteint et convaincu du meurtre et du viol d'une
enfant. Edgar Poë
eût pu faire de cette tragique
histoire un de ses contes saisissants
; il eût changé les noms des personnages et eût placé
la scène en Angleterre ou en Amérique, et voici ce qu'il
eût fait dire à Auguste Dupin :
L'
enfant est entrée dans la maison d'éducation,
l'on ne l'a plus
vue reparaître, le portier qui fermait toujours
la porte avec une
clef ne s'est absenté qu'une minute. A son
retour, l'
enfant n'était plus là, niais elle avait laissé
la porte entr'ouverte.
On retrouva le lendemain la malheureuse petite
dans le cimetière, près du mur des
jardins du pensionnat.
Elle était morte et paraissait avoir été assommée
à coups de poing, ses oreilles avaient été déchirées,
et elle portait les marques d'un viol tout à fait anormal : c'étaient
des déchirures effrayantes à voir, du reste aucune des
traces spéciales que devait y laisser le viol accompli par un
homme.
Elle ne semblait pas d'ailleurs être tombée
là, mais y avoir été déposée. Ses
vêtements étaient arrangés sous elle et autour d'elle.
Ils étaient secs, bien qu'il eût plu toute la nuit ; on
devait l'avoir apportée là dans un sac vers le matin,
soit par la porte, soit par la brèche du cimetière. Ses
vêtements étaient souillés de déjections
alvines dans lesquelles il semblait qu'on l'eût roulée.
Voici ce qui avait dê se passer. La jeune
fille, en
entrant dans le parloir, avait été prise d'un
besoin subit pour le satisfaire. Elle s'était glissée
dehors par la porte restée entr'ouverte, personne ne la vit et
ce fut une
fatalité.
Elle chercha, du côté du cimetière,
une allée obscure où elle fut surprise par quelque méchante
femme, dont on avait peut-être sali souvent la porte et qui était
aux aguets, jurant de faire un mauvais parti à celui ou à
celle qu'elle y surprendrait.
Elle ouvre brusquement la porte, tombe à
coups de poing sur l'
enfant dont elle meurtrit le visage, lui arrache
à demi les oreilles, la roule dans ses déjections, puis
elle s'aperçoit que l'infortunée ne bouge plus. Elle voulait
seulement la
battre et elle l'a tuée.
Que fera-t-elle du cadavre ? Ou de ce qu'elle croit
un cadavre, car la pauvre
enfant assommée n'est peut-être
qu'évanouie. Elle la cache dans un sac, puis elle sort et entend
dire qu'on cherche une jeune apprentie entrée dans le pensionnat
et qu'on n'a pas
vue sortir.
Une idée horrible s'empare d'elle : il faut
à tout prix détourner les soupçons, il faut que
la victime soit trouvée au pied du mur du pensionnat et qu'un
viol simulé rende impossible l'idée d'attribuer le crime
à une femme.
Le viol est donc simulé à l'aide
d'un bâton, et c'est peut-être dans cette dernière
et atroce douleur que la pauvre évanouie expire.
La nuit venue, la
mégère porte son
sec dans le cimetière, dont elle saitouvrir la porte mal fermée
en faisant jouer le pêne avec une lame de couteau. Elle a soin,
en se retirant à reculons, d'effacer les traces de ses pas, et
referme soigneusement la porte.
Cette hypothèse, continuerait Dupin, explique
seule toutes lescirconstances en apparence inexplicables de cette épouvantable
histoire.
En effet, si l'économe du pensionnat eût
violé la jeune fille, il eût cherché à étouffer
ses cris et non les provoquer en lui tirant violemment les oreilles
et en la meurtrisant de coups. Si elle eût crié, ses cris
eussent été entendus, puisque le grenier désigné
comme le seul lieu possible du crime dans l'intérieur de la maison
est percé de
jours de souffrance sur la cour d'une caserne pleine
de soldats et presque à la
hauteur de la guérite du factionnaire.
L'accusé d'ailleurs a été
vu toute la journée vaquant paisiblement à toutes les
fonctions de son emploi.
Son alibi à l'heure du crime est même
attesté par ses confrères ; mais à cause de quelques
méprises et de quelques tergiversations, on les accuse de complicité
ou tout au moins de complaisance, il est donc probable qu'il va être
déclaré coupable par le tribunal de Philadelphie.
Voici ce que dirait Auguste Dupin dans le
coule
inédit d'Edgar Poë qu'on nous permettra sans doute d'imaginer
pour exposer notre hypothèse sans manquer aux devoirs que nous
impose le respect de la chose jugée.
On sait comment Salomon, entre deux mères
qui se disputaient le même
enfant, sut deviner d'une manière
infaillible quelle était la véritable mère.
L'observation de la physionomie, des démarches,
des habitudes, conduit aussi d'une manière certaine à
la divination des secrètes pensées et du caractère
des hommes. Des formes de la tête et de la main on peut tirer
de précieuses inductions ; mais il faut tenir compte toujours
du
libre arbitre de l'homme et des efforts qu'il peut faire avec succès
pour corriger les tendances mauvaises de sa nature.
Il faut savoir aussi qu'un bon naturel peut se
dépraver, et que souvent les meilleurs deviennent les plus mauvais
lorsqu'ils sont volontairement dégradés et corrompus.
La science des grandes et infaillibles lois de l'
équilibre peut
aussi nous aider à prédire la destinée des hommes.
Un homme nul ou médiocre pourra arriver à tout et ne sera
jamais rien. Un homme passionné qui se jette dans des excès
périra par ces excès mêmes, ou sera fatalement repoussé
dans les excès contraires. Le christianisme des ittyles et des
pères du désert devait se produire après les débauches
de Tibère et d'
Héliogabale. A l'époque du
jansénisme,
ce même christianisme terrible est une folie qui outrage la nature
et qui prépare les
orgies de la Régence et du
Directoire.
Les excès de la
liberté en 93 ont appelé le despotisme.
L'exagération d'une
force tourne toujours à l'avantage
de la
force contraire.
C'est ainsi qu'en philosophie et en
religion, les
vérités exagérées deviennent les plus dangereux
des mensonges. Quand Jésus-Christ par exemple a dit à
ses apôtres : « Qui vous écoute m'écoute,
et qui m'écoute écoute celui qui m'envoie », il
établissait la hiérarchie disciplinaire et l'unité
d'enseignement, attribuant à cette méthode divine parce
qu'elle est naturelle une infaillibilité relative à ce
qu'il a lui-même enseigné et ne donnant pour cela à
aucun tribunal ecclésiastique le droit de condamner les découvertes
de Galilée. Les exagérations du principe d'infaillibilité
dogmatique et disciplinaire ont produit cette catastrophe immense de
faire prendre en quelque sorte l'
Eglise en flagrant délit de
persécution de la vérité. Les paradoxes alors ont
répondu aux paradoxes. L'
Eglise semblait méconnaître
les droits de la raison ; on a méconnu ceux de la foi. L'
esprit
humain est un infirme qui marche à l'aide de deux béquilles
; la science et la
religion. La fausse philosophie lui a pris la
religion
et le fanatisme lui arrache la science ; que peut-il faire ? Tomber
lourdement et se laisser traîner comme un cul-de-jatte entre les
blasphèmes de Proud'hon et les énormités du
Syllabus.
Les rages de l'incrédulité ne sont
pas de
force à se mesurer avec les fureurs du fanatisme, parce
qu'elles sont ridicules. Le fanatisme est une affirmation exagérée
et l'incrédulité une négation également
exagérée mais fort ridiculement. Qu'est-ce en effet que
l'exagération du néant ? Beaucoup moins que rien ! Ce
n'est guère la peine pour cela de rompre des lances.
Ainsi impuissance et découragement d'une
part, persistance et envahissement de l'autre, nous retombons sous la
pression lourde des croyances aveugles et des intérêts
qui les exploitent. Le vieux monde qu'on croyait mort se dresse de nouveau
devant nous et la révolution est à recommencer.
Tout cela pouvait être écrit, tout
cela était écrit dans la loi de l'
équilibre, tout
cela avait été prédit et l'on peut facilement encore
prédire ce qui arrivera ensuite. L'
esprit révolutionnaire
agite maintenant et tourmente les nations qui sont demeurées
absolument
catholiques : l'Italie, l'Espagne et l'Irlande, et la réaction
catholique, dans le sens de l'exagération et du despotisme, plane
sur les peuples fatigués de révolutions. Pendant ce temps,
l'Allemagne protestante grandit et met un temporel formidable au service
de la
liberté de conscience et de l'indépendance de la
pensée.
La France met son
épée Voltairienne
au service de la réaction cléricale et favorise ainsi
le développement du matérialisme. La
religion devient
une politique et une industrie, les
âmes d'élite s'en détachent
et se réfugient dans la science, mais à
force de creuser
et d'analyser la matière, la science finira par trouver
Dieu
et forcera la
religion de venir à elle. Les grossièretés
théologiques du
moyen-âge deviendront si évidemment
impossibles qu'on sera ridicule même de les combattre. La lettre
alors fera place à l'
esprit et la grande
religion universelle
sera connue du monde pour la première fois.
Prédire ce grand mouvement ce n'est pas
une divination de l'avenir, car il est déjà commencé
et les effets se manifestent déjà dans les causes. Tous
les
jours, des découvertes nouvelles éclaircissent les
textes obscurs de la Genèse et donnent raison aux vieux pères
de la Kabbale. Camille Flammarion nous a déjà montré
Dieu dans l'Univers ; déjà, depuis longtemps, sont réduites
au silence les voix qui ont condamné Galilée, la nature
depuis si longtemps calomniée se justifie en se faisant mieux
connaître, le brin de paille de Vanini en sait plus sur l'existence
de
Dieu que tous les docteurs de l'école, et les blasphémateurs
d'hier sont les prophètes de demain.
Que des créations aient précédé
la nôtre, que les
jours de la Genèse soient des périodes
d'années ou même des siècles, que le
soleil arrêté
par
Josué soit une image poétique d'une emphase toute
orientale, que les choses, évidemment absurdes comme
histoire,
s'expliquent par l'
allégorie, cela ne nuit en rien à la
majesté de la Bible et ne contredit en aucune manière
son autorité.
Tout ce qui, dans ce saint livre, est dogme ou
morale, ressort du
jugement de l'
Eglise, mais tout ce qui est archéologie,
chronologie, physique,
histoire, etc., appartient exclusivement à
la science dont l'autorité en ces matières est absolument
distincte,
sinon indépendante de celle de la foi.
C'est ce que reconnaissent déjà,
sans oser nettement le dire, les
prêtres les plus éclairés
; et ils ont raison de se taire. Il ne faut pas vouloir que les chefs
de la caravane marchent plus vite que les petits
enfants et les vieillards.
Ceux qui sont trop pressés de se lancer en avan, sont bientôt
seuls et peuvent périr dans la solitude, comme cela est arrivé
à Lamennais et à tant d'autres. Il faut bien savoir le
chemin du camp, et être toujours prêt à y retourner
à la moindre alarme, pour ne pas mériter qu'on vous taxe
d'imprudence, lorsqu'on s'avance en éclaireur.
Quand le
messianisme sera venu, c'est-à-dire
quand le règne du Christ sera réalisé sur la terre,
la guerre cessera, parce que la politique ne sera plus la fourberie
du plus habile ou la brutalité du plus fort. Il y aura vraiment
un
droit international, parce que le devoir international sera proclamé
et reconnu de tous, et c'est alors seulement que, selon la prédiction
du Christ, il n'y aura plus qu'un seul troupeau et un seul pasteur.
Si toutes les sectes protestantes en venaient à
s'unir en se ralliant à l'orthodoxie grecque, en reconnaissant
pour pape le chef spirituel dont le siège serait à Constantinople,
il y aurait dans le monde deux
églises catholiques romaines,
car Constantinople a été et serait encore la nouvelle
Rome. Le schisme alors ne pourrait être que passager. Un
concile
vraiment cuménique,
composé des députés
de la chrétienté tout entière, terminerait le différend
comme on l'a déjà fait à l'époque du
concile
de Constance. Et le monde s'étonnerait de se trouver tout entier
catholique ; mais cette fois avec la
liberté de conscience conquise
par les
protestants, et le droit à la morale indépendante
revendiquée par la philosophie, personne n'étant plus
obligé sous des peines
légales d'user des remèdes
de la
religion, mais personne n'ayant plus non plus raisonnablement
le pouvoir de nier les grandeurs de la foi ou d'insulter à la
science qui sort de base à la philosophie.
Voilà ce que la philosophie de
sagacité
dont parle
Paracelse nous fait voir clairement dans l'avenir ; et nous
arrivons sans efforts à cette divination par une série
de déductions qui commençent aux faits mêmes qui
s'accomplissent sous nos yeux.
Ces choses arriveront tôt ou tard et ce sera
le triomphe de l'ordre ; mais la marche des événements
qui l'amèneront pourra être entravée par des catastrophes
sanglantes que prépare et fomente sans cesse le génie
révolutionnaire, inspiré souvent par la soif ardente de
la justice, capable de tous les héroïsmes et de tous les
dévouements, mais toujours trompé, desservi et débordé
par le
magnétisme du mal.
D'ailleurs, s'il faut en croire la tradition prophétique,
l'ordre parfait ne régnera pas sur la terre avant le dernier
jugement, c'est-à-dire avant la transformation et le renouvellement
de notre planète. Les hommes imparfaits ou déchus sont
pour la plupart
ennemis de la vérité et incapables d'une
autre raison. Les vanités et les cupidités les
divisent
et les
diviseront toujours ; et la justice, au dire des
voyants depuis
les temps
apostoliques jusqu'à présent, ne règnera
parfaitement sur la terre que quand les méchants ayant été
ou convertis ou supprimés, le Christ, accompagné de ses
anges et de ses saints, descendra du
ciel pour régner.
Il est des causes que la
sagacité humaine
ne saurait prévoir, et qui produisent des événements
immenses.
L'invention d'un nouveau fusil change l'
équilibre
de l'
Europe et M.
Thiers, l'habile homme sans principes, qui croit que
la politique consiste à piper les dés du hasard, s'attèle
à côté de Veuillot au char de Jaggrenat, je veux
dire la papauté temporelle.
Jésus avait-il prévu
tout cela ? Oui peut-être, pendant son agonie du
jardin des Oliviers
et sans doute lorsqu'il a fait ensuite à saint Pierre cette terrible
prédiction : Celui qui frappe par l'
épée périra
par l'
épée.
Pour rétablir la papauté vraiment
chrétienne dans l'exercice légitime de son double pouvoir,
il faudra peut-être qu'il y ait un pape
martyr ! Le supplice supplie,
a dit le comte Joseph de Maistre, et quand la terre est desséchée
par le souffle aride de l'irréligion elle demande des
pluies
de sang.
Le sang du coupable est purifié dès
qu'il
coule, car
Jésus, en se suspendant à la
croix, a
sanctifié tous les instruments de supplice ; mais le sang du
juste seul a une vertu
expiatoire.
Le sang de Louis XVI et de Mme Elisabeth priait
d'avance pour que celui de Robespierre ne fût point dédaigné
par la justice suprême.
La divination de l'avenir par
sagacité et
par induction peut s'appeler prescience.
Celle qui se fait par la seconde
vue ou par intuition magnétique n'est jamais qu'un pressentiment.
On peut
exalter la faculté pressensitive
en produisant sur soi-même une sorte d'hypnotisme au moyen de
quelques signes conventionnels ou arbitraires qui plongent la pensée
dans un demi-sommeil. Ces signes sont tirés au sort, parce qu'on
demande alors les oracles de la
fatalité plutôt que ceux
de la raison. C'est une invocation de l'ombre, c'est un appel à
la démence, c'est un sacrifice de la pensée lucide à
la chose sans nom qui va rôdant pendant la nuit.
La divination, comme son nom l'indique, est surtout
une uvre divine, et la parfaite prescience ne peut être
attribuée qu'à
Dieu. C'est pour cela que les hommes de
Dieu sont naturellement prophètes. L'homme juste et bon pense
et agit en union avec la divinité qui habite en nous tous et
nous parle sans cesse, mais le tumulte des passions nous empêche
d'entendre sa voix.
Les justes avant calmé leur
âme entendent
toujours cette voix souveraine et paisible, leurs pensées sont
comme une onde pure et aplanie dans laquelle le
soleil divin se reflète
dans toute sa splendeur.
Les
âmes des saints sont comme des sensitives
de pureté, elles frissonnent au moindre contact
profane et se
détournent avec horreur de tout ce qui est
immonde. Elles ont
un flair particulier qui leur permet de discerner et d'analyser en quelque
sorte les émanations des consciences. Ils se sentent mal à
l'aise devant les malveillants et tristes devant les
impies. Les méchants,
pour eux, ont une auréole noire qui les repousse, et les bonnes
âmes, une lumière qui attire aussitôt leur cur.
St-Germain d'
Auxerre devina ainsi Ste-Geneviève. Ainsi Postel
trouva une
jeunesse nouvelle dans les entretiens de la mère Jeanne.
Ainsi Fénelon comprit et aima la douce et patiente Mme Guyon.
Le Curé d'
Ars, le respectable M. Vianney
pénétrait les épreuves de ceux qui s'adressaient
à lui et il était impossible de lui mentir avec succès.
On sait qu'il interrogea sévèrement les
pastoureaux de
la Salette et leur fit avouer qu'ils n'avaient rien vu d'extraordinaire
et s'étaient amusés à arranger et à amplifier
un simple rêve. Il existe aussi une sorte de divination qui appartient
à l'enthousiasme et aux grandes passions exaltées.
Ces puissances de l'
âme semblent créer
ce qu'elles annoncent. C'est à elles qu'appartient l'efficacité
de la prière ; elles disent : Amen ! Qu'il en soit ainsi et il
en est comme elles ont voulu.