LIVRE III
HERMÈS LES MYSTÈRES DE L'ÉGYPTE
III ISIS L'INITIATION LES ÉPREUVES
Au temps des Ramsès, la civilisation égyptienne resplendissait à l'apogée de sa gloire. Les pharaons de la XXème dynastie, élèves
et porte-glaives des sanctuaires, soutenaient en vrais héros la lutte contre Babylone. Les archers égyptiens harcelaient les Lybiens, les Bodohnes, les Numides jusqu'au centre de l'Afrique. Une flotte de quatre cents voiles poursuivait la ligue des schismatiques jusqu'aux bouches de l'Indus. Pour mieux résister au choc de l'Assyrie et de ses alliés, les Ramsès avaient tracé des routes stratégiques jusqu'en face du Liban et construit une chaîne de forts entre Mageddo et Karkémish. D'interminables caravanes affluaient par le désert, de Radasieh à Eléphantine. Les travaux d'architecture se poursuivaient sans relâche et occupaient les ouvriers de trois continents. La salle hypostyle de Karnak, dont chaque pilier atteint la hauteur de la colonne Vendôme, était réparée ; le temple d'Abydos s'enrichissait de merveilles sculpturales, et la vallée des rois, de monuments grandioses. On bâtissait à Bubaste, à Louksor, à Spéos Ibsamboul. A Thèbes, un pylône trophéal rappelait la prise de Kadesh. A Memphis, le Ramésséum s'élevait entouré d'une forêt d'obélisques, de statues, de monolithes gigantesques.
Au milieu de cette activité fiévreuse, de cette vie éblouissante, plus d'un étranger aspirant aux Mystères, venu des plages lointaines de l'Asie Mineure ou des
montagnes de la Thrace, abordait en Egypte, attiré par la réputation de ses temples ! Arrivé à Memphis, il restait frappé d'étonnement. Monuments, spectacles, fêtes publiques, tout lui donnait l'impression de l'opulence, de la grandeur. Après la cérémonie de la consécration royale, qui se faisait dans le secret du
sanctuaire, il voyait le pharaon sortir du temple devant la foule, monter sur son
pavois porté par douze officiers flabellifères de son état-major. Devant lui, douze jeunes
lévites tenaient sur des coussins brodés d'or les insignes royaux : le sceptre des arbitres à tête de
bélier, l'
épée, l'arc et la masse d'armes. Derrière lui, venaient la maison du roi et les
collèges sacerdotaux, suivis des
initiés aux grands et aux petits mystères. Les
pontifes portaient la tiare blanche et leur pectoral flamboyait du
feu des pierres
symboliques. Les dignitaires de la
couronne portaient les décorations de l'
Agneau, du
Bélier, du
Lion, du
Lys, de l'Abeille, suspendues à des chaînes massives admirablement travaillées. Les
corporations fermaient la marche avec leurs
emblèmes et leurs bannières déployées
(40). La nuit, des barques magnifiquement pavoisées, promenaient sur des lacs artificiels les orchestres royaux, au milieu desquels se profilaient en poses
hiératiques des danseuses et des joueuses de théorbe.
Mais cette pompe écrasante
n'était pas ce qu'il cherchait. Le désir de pénétrer
le secret des choses, la soif de savoir, voilà ce qui l'amenait de si loin.
On lui avait dit que dans les
sanctuaires d'Egypte vivaient des mages, des
hiérophantes
en possession de la science divine. Lui aussi voulait entrer dans le secret des
dieux. Il avait entendu parler par un
prêtre de son pays du
livre des
morts, de son rouleau mystérieux qu'on mettait sous la tête des
momies comme un
viatique et qui racontait sous une forme
symbolique le voyage
d'outre-tombe de l'
âme selon les
prêtres d'Ammon-Râ. Il avait
suivi avec une avide curiosité et un certain tremblement intérieur
mêlé de doute ce long voyage de l'
âme après la vie ;
son
expiation dans une région brûlante ; la purification de son enveloppe
sidérale ; sa rencontre du mauvais pilote assis dans une barque avec la
tête retournée et du bon pilote qui regarde en face ; sa comparution
devant les quarante-deux
juges terrestres ; sa justification par
Toth ; enfin
son entrée et sa
transfiguration dans la lumière d'Osiris. Nous
pouvons juger du pouvoir de ce livre et de la révolution totale que l'
initiation
égyptienne opérait parfois dans les
esprits, par ce passage du
Livre
des morts : « Ce chapitre fut trouvé à
Hermopolis,
en écriture bleue sur une dalle d'albâtre, aux pieds du
dieu Toth
(
Hermès) du temps du roi Menkara, par le prince Hastatef, lorsqu'il était
en voyage pour inspecter les temples. Il porta la pierre dans le temple royal.
Ô grand secret ! Il ne vit plus, il n'entendit plus, lorsqu'il
lut ce chapitre
pur et saint, il ne s'approcha plus d'aucune femme et ne mangea plus ni viande
ni poisson »
(41). Mais qu'y avait-il de vrai dans
ces récits troublants, dans ces images
hiératiques derrière
lesquels chatoyait le terrible mystère d'outre-tombe ? Isis et Osiris
le savent ! lui disait-on. Mais quels étaient ces
dieux dont on ne parlait
qu'avec un doigt sur la bouche ? C'est pour le savoir que l'étranger frappait
à la porte du grand temple de Thèbes ou de Memphis.
Des serviteurs le conduisaient sous le portique d'une cour
intérieure dont les piliers énormes semblaient des lotus gigantesques
soutenant de leur
force et de leur pureté l'Arche solaire, le temple d'Osiris.
L'
hiérophante s'approchait du nouveau venu. La majesté de ses traits,
la tranquillité de son visage, le mystère de ses yeux noirs, impénétrables,
mais remplis de lumière intérieure, avaient déjà de
quoi inquiéter le postulant. Ce regard fouillait comme un poinçon.
L'étranger se sentait en face d'un homme auquel il serait impossible de
rien cacher. Le
prêtre d'Osiris interrogeait le nouveau venu sur sa ville
natale, sur sa famille et sur le temple qui l'avait instruit. Si dans ce court
mais pénétrant examen, il était jugé indigne des mystères,
un geste silencieux mais irrévocable lui montrait la porte. Mais si l'
hiérophante
trouvait dans l'aspirant le désir sincère de la vérité,
il le priait de le suivre. On traversait des portiques, des cours intérieures,
puis par une avenue taillée dans le roc à
ciel ouvert et bordée
de
stèles et de
sphinx, on arrivait à un petit temple qui servait
d'entrée aux
cryptes souterraines. La porte en était masquée
par une statue d'Isis en grandeur naturelle. La déesse assise tenait un
livre
fermé sur ses genoux, dans une attitude de méditation et de
recueillement.
Son visage était voilé ; on lisait sous la statue
:
Aucun mortel n'a soulevé mon voile.
C'est ici la porte du
sanctuaire occulte, disait l'
hiérophante.
Regarde ces deux colonnes. La rouge représente l'ascension de l'
esprit
vers la lumière d'Osiris ; la noire signifie sa captivité dans la
matière, et cette chute peut aller jusqu'à l'anéantissement.
Quiconque aborde notre science et notre doctrine y joue sa vie. La folie ou la
mort, voilà ce qu'y trouve le faible ou le méchant ; les forts et
les bons y trouvent seuls la vie et l'immortalité. Beaucoup d'imprudents
sont entrés par cette porte et n'en sont pas ressortis vivants. C'est un
gouffre qui ne rend au
jour que les intrépides. Réfléchis
donc bien à ce que tu vas faire, aux dangers que tu vas courir, et, si
ton courage n'est pas à toute épreuve, renonce à l'entreprise.
Car une fois que cette porte se sera refermée sur toi, tu ne pourras plus
reculer.
Si l'étranger persistait dans sa volonté, l'
hiérophante
le ramenait dans la cour extérieure et le recommandait aux serviteurs du
temple, avec lesquels il devait passer une semaine, obligé aux travaux
les plus humbles, écoutant les hymnes et faisant les
ablutions. Le silence
le plus absolu lui était commandé.
Le soir des épreuves étant
venu, deux
néocores (42) ou assistants reconduisaient
l'aspirant aux mystères à la porte du
sanctuaire occulte. On entrait
dans un vestibule noir, sans issue apparente. Des deux côtés de cette
salle lugubre, à la lueur des flambeaux, l'étranger voyait une rangée
de statues à
corps d'hommes et à têtes d'
animaux, de
lions,
de taureaux, d'
oiseaux de proie, de
serpents qui semblaient regarder son passage
en ricanant. A la fin de cette sinistre avenue, qu'on traversait sans mot dire,
il y avait une momie et un
squelette humain, debout, se faisant vis-à-vis.
Et, d'un geste muet, les deux
néocores montraient au novice un trou dans
le mur, en face de lui. C'était l'entrée d'un couloir si bas qu'on
ne pouvait y pénétrer qu'en rampant.
Tu peux encore revenir sur tes pas, disait l'un des
assistants. La porte du
sanctuaire n'est pas encore refermée.
Sinon, tu
dois continuer ta route par là et sans retour.
Je reste, disait le novice, en rassemblant tout son
courage...
On lui remettait alors une petite lampe allumée. Les
néocores s'en retournaient et refermaient avec fracas la porte du
sanctuaire.
Il n'y avait plus à hésiter, il fallait entrer dans le couloir.
A peine s'y était-il glissé en rampant sur ses genoux, sa lampe
à la main, qu'il entendait une voix dire, au fond du souterrain : «
Ici périssent les fous qui ont convoité la science et le pouvoir.
» Grâce à un merveilleux effet d'acoustique, cette parole était
répétée sept fois par des échos distancés.
Il fallait avancer, pourtant ; le couloir s'élargissait, mais descendait
en pente de plus en plus rapide. Enfin, le voyageur hasardeux se trouvait en face
d'un entonnoir aboutissant à un trou. Une échelle de fer s'y perdait
; le novice s'y risquait. Au dernier degré de l'échelle, son regard
effaré plongeait dans un puits effrayant. Sa pauvre lampe de naphte, qu'il
serrait convulsivement dans sa main tremblante, projetait sa vague lueur dans
des ténèbres sans fond. Que faire ? Au-dessus de lui le retour impossible
; au-dessous, la chute dans le noir, la nuit affreuse. Dans cette détresse,
il apercevait une crevasse à sa gauche. Cramponné d'une main à
l'échelle, étendant sa lampe de l'autre, il y voyait des marches.
Un escalier ! c'était le salut. Il s'y jetait ; il remontait, il échappait
au
gouffre ! L'escalier, perçant le roc comme une vrille, montait en spirale.
Enfin, l'aspirant se trouvait devant une grille en bronze donnant dans une large
galerie soutenue par de grandes cariatides. Dans les intervalles, sur le mur ;
on voyait deux rangées de fresques
symboliques. Il y en avait onze de chaque
côté, doucement éclairées par des lampes de cristal
que portaient dans leurs mains les belles cariatides.
Un mage appelé
pastophore (gardien des
symboles
sacrés) ouvrait la grille au novice et l'accueillait d'un sourire bienveillant.
Il le félicitait d'avoir heureusement traversé la première
épreuve, puis, le conduisant à travers la galerie, il lui expliquait
les peintures sacrées. Sous chacune de ces peintures, il y avait une lettre
et un nombre. Les vingt-deux
symboles représentaient les vingt-deux premiers
arcanes et constituaient l'alphabet de la science
occulte, c'est-à-dire
les principes absolus, les
clefs universelles qui, appliquées par la volonté,
deviennent la source de toute sagesse et de toute puissance. Ces principes se
fixaient dans la mémoire par leur correspondance avec les lettres de la
langue sacrée et avec les nombres qui se lient à ces lettres. Chaque
lettre et chaque nombre exprime, dans cette langue, une loi ternaire, ayant sa
répercussion dans le
monde divin, dans le
monde intellectuel
et dans le
monde physique. De même que le doigt qui touche une corde
de la lyre fait résonner une note de la gamme et vibrer toutes ses harmoniques,
de même l'
esprit qui contemple toutes les virtualités d'un nombre,
la voix qui profère une lettre avec la conscience de sa portée,
évoquent une puissance qui se répercute dans les trois mondes.
C'est ainsi que la lettre A, qui correspond au nombre 1,
exprime
dans le monde divin : l'Etre absolu d'où émanent
tous les êtres ;
dans le monde intellectuel : l'unité, source
et synthèse des nombres ;
dans le monde physique : l'homme, sommet
des êtres relatifs, qui, par l'expansion de ses facultés, s'élève
dans les
sphères concentriques de l'
infini. L'
arcane 1 était
figuré, chez les Egyptiens, par un mage en robe blanche, sceptre en main,
le front ceint d'une
couronne d'or. La robe blanche signifiait la pureté,
le sceptre de commandement, la
couronne d'or la lumière universelle.
Le novice était loin de comprendre tout ce qu'il entendait
d'étrange et de nouveau ; mais des perspectives inconnues s'entr'ouvraient
devant lui à la parole du pastophore, devant ces belles peintures qui le
regardaient avec l'impassible gravité des
dieux. Derrière chacune
d'elles, il entrevoyait par éclairs une enfilade de pensées et d'images
subitement évoquées. Il soupçonnait pour la première
fois
le dedans du monde par la chaîne mystérieuse des causes.
Ainsi, de lettre en lettre, de nombre en nombre, le maître expliquait à
l'élève le sens des
arcanes, et le conduisait par
Isis Uranie
au char d'Osiris, par
la tour foudroyée à l'étoile
flamboyante
, et enfin à
la couronne des mages. « Et
sache bien, disait le pastophore, ce que veut dire cette
couronne : toute volonté
qui s'unit à
Dieu pour manifester la vérité et opérer
la justice, entre dès cette vie en participation de la puissance divine
sur les êtres et sur les choses, récompense éternelle des
esprits affranchis. » En écoutant parler le maître, le
néophyte
éprouvait un mélange de surprise, de crainte et de ravissement.
C'étaient les premières lueurs du
sanctuaire, et la vérité
entrevue lui semblait l'aurore d'un divin ressouvenir.
Mais les épreuves n'étaient pas terminées.
En achevant de parler, le pastophore ouvrait une porte donnant accès sous
une nouvelle voûte étroite et longue, à l'extrémité
de laquelle crépitait une
fournaise ardente. « Mais c'est
la mort ! » disait le novice ; et il regardait son guide en frémissant.
« Mon fils, répondait le pastophore, la mort n'épouvante
que les natures avortées. J'ai traversé autrefois cette
flamme comme
un champ de
roses. » Et la grille de la galerie des
arcanes se refermait
derrière le postulant. En approchant de la barrière de
feu, il s'apercevait
que la
fournaise se réduisait à une illusion d'optique créée
par de légers entrelacements de
bois résineux, disposés en
quinconce sur des grillages. Un sentier dessiné au milieu lui permettait
de passer rapidement. A
l'épreuve du feu succédait
l'épreuve
de l'eau. L'aspirant était forcé de traverser une
eau morte
et noire, à la lueur d'un
incendie de naphte qui s'allumait derrière
lui, dans la
chambre du
feu. Après cela, deux assistants le conduisaient,
tout frissonnant encore, dans une grotte obscure où l'on ne voyait qu'une
couche mlleuse, mystérieusement éclairée par le demi-jour
d'une lampe de bronze suspendue à la voûte. On le séchait,
on arrosait son
corps d'essences exquises, on le revêtait de fin lin et
on le laissait seul, après lui avoir dit : « Repose-toi et attends
l'
hiérophante. »
Le novice étendait ses membres brisés de fatigue
sur le tapis somptueux de son
lit. Après ses émotions diverses,
ce moment de calme lui semblait doux. Les peintures sacrées qu'il avait
vues, toutes ces figures étranges, les
sphinx, les cariatides repassaient
devant son imagination. Pourquoi donc l'une de ces peintures lui revenait-elle
comme une hallucination ? Il revoyait obstinément l'
arcane X représenté
par une roue suspendue sur son axe entre deux colonnes. D'un côté
monte Hermanubis, le génie du Bien, beau comme un jeune
éphèbe
; de l'autre
Typhon, le génie du Mal, la tête en bas se précipite
dans l'abîme. Entre les deux, sur le sommet de la roue, est assis un
sphinx
tenant une
épée dans sa griffe.
Le vague bourdonnement d'une musique lascive qui semblait
partir du fond de la grotte faisait évanouir cette image. C'étaient
des sons légers et indéfinissables, d'une langueur triste et incisive.
Un tintement métallique venait chatouiller son oreille, mêlé
à des frissons de harpe, d'où s'échappaient des sons de flûte,
des soupirs haletants comme une
haleine brûlante. Enveloppé d'un
rêve de
feu, l'étranger fermait les yeux. En les rouvrant, il voyait
à quelques pas de sa couche une apparition bouleversante de vie et d'infernale
séduction. Une femme de Nubie, vêtue d'une gaze de pourpre transparente,
un collier d'
amulettes à son cou, pareille aux
prêtresses des mystères
de
Mylitta, était là debout, le couvant du regard et tenant dans
sa main gauche une coupe couronnée de
roses. Elle avait ce type nubien,
dont la sensualité intense et capiteuse concentre toutes les puissances
de l'
animal féminin : pommettes saillantes, narines dilatées, lèvres
épaisses comme un
fruit rouge et savoureux. Ses yeux noirs brillaient dans
la pénombre. Le novice avait bondi sur ses pieds, et surpris, ne sachant
s'il devait trembler ou se réjouir, croisait instinctivement ses mains
sur sa poitrine. Mais l'esclave s'avançait à pas lents et, baissant
les yeux, elle murmurait à voix basse : « As-tu peur de moi, bel
étranger ? je t'apporte la récompense des vainqueurs, l'oubli des
peines, la coupe du bonheur... » Le novice hésitait ; alors comme
prise de lassitude, la Nubienne s'asseyait sur la couche et enveloppait l'étranger
d'un regard suppliant comme d'une longue
flamme humide. Malheur à lui s'il
osait la braver, s'il se penchait sur cette bouche, s'il s'enivrait des parfums
lourds qui montaient de ces épaules bronzées. Une fois qu'il avait
touché cette main et trempé ses lèvres dans cette coupe,
il était perdu... il roulait sur la couche enlacé dans une étreinte
brûlante. Mais après l'assouvissement sauvage du désir ; le
liquide qu'il avait bu le plongeait dans un sommeil pesant. A son réveil,
il se trouvait seul, angoissé. La lampe jetait un
jour funèbre sur
sa couche en désordre. Un homme était debout devant lui ; c'était
l'
hiérophante. Il lui disait :
Tu as été vainqueur dans les premières
épreuves. Tu as triomphé de la mort, du
feu et de l'
eau ; mais tu
n'as pas su te vaincre toi-même. Toi qui aspires aux
hauteurs de l'
esprit
et de la connaissance, tu as succombé à la première tentation
des sens et tu es tombé dans l'abîme de la matière. Qui vit
esclave des sens, vit dans les ténèbres. Tu as préféré
les ténèbres à la lumière ; reste donc dans les ténèbres.
Je t'avais averti des dangers auxquels tu t'exposais. Tu as sauvé ta vie ; mais tu as perdu ta
liberté. Tu resteras sous peine de mort esclave du temple.
Si au contraire l'aspirant avait renversé la coupe et repoussé la tentatrice, douze
néocores armés de flambeaux venaient l'entourer pour le conduire triomphalement dans le
sanctuaire d'Isis, où les mages rangés en hémicycle et vêtus de blanc l'attendaient en assemblée plénière. Au fond du temple splendidement illuminé, il apercevait la statue colossale d'Isis en métal fondu, une
rose d'or à la poitrine et couronnée d'un
diadème à sept rayons. Elle tenait son fils brus dans ses bras. Devant la déesse, l'
hiérophante vêtu de pourpre recevait le nouveau venu et lui faisait prêter, sous les imprécations les plus redoutables, le serment du silence et de la soumission. Alors il le saluait au nom de toute l'assemblée comme un
frère et comme un futur
initié. Devant ces maîtres augustes, le
disciple d'Isis se croyait en présence des
dieux. Grandi au-dessus de lui-même, il entrait pour la première fois dans la
sphère de la vérité.
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(40) Voyez les peintures murales des temples de Thèbes reproduites dans le livre de
François Lenormant et le chapitre sur l'Egypte dans
La Mission des Juifs de M. Saint-Yves d'Alveydre.
(41) Livre des morts, ch. LXIV.
(42) Nous employons ici, comme plus intelligible, la traduction grecque des termes égyptiens.