Albert Poisson
Symbole du cuivre.
Albert Poisson, Théories et symboles des alchimistes (1891) - Dictionnaire des symboles hermétiques
Pierre Commelin
Vénus ou Aphrodite est une des divinités les plus célèbres de l'antiquité : c'est elle qui présidait aux plaisirs de l'
amour. Sur son origine, comme sur celle de beaucoup d'autres
dieux ou déesses, les poètes ne sont pas d'accord. On a d'abord distingué deux
Vénus : l'une s'est formée de l'écume de la mer échauffée par le sang de Cælus ou Uranus, qui s'y mêla, quand
Saturne porta une main
sacrilège sur son père. On ajoute que de ce mélange, la déesse naquit près de l'île de Chypre, dans une nacre de perle.
Homère dit qu'elle fut portée dans cette île par
Zéphyre, et qu'il la remit entre les mains des
Heures, qui se chargèrent
de l'élever. Cette déesse ainsi conçue serait la véritable Aphrodite, c'est-à-dire née de l'écume, en grec "
Aphros".
On a donné quelquefois à cette divinité une origine moins bizarre, en disant qu'elle était issue de Jupiter et de
Dioné, fille de
Neptune, et par conséquent sa cousine germaine.
Quelque origine que les différents poètes aient donnée à
Vénus, et quoique souvent le même poète en ait parlé différemment, ils ont toujours eu en
vue la même
Vénus, à la fois céleste et marine, déesse de la beauté et des plaisirs, mère des
Amours, des
Grâces, des
Jeux et des
Ris : c'est à la même qu'ils ont attribué toutes les
fables qu'ils ont créées sur cette divinité. Elle fut donnée par Jupiter comme
épouse à
Vulcain ; ses galanteries éclatantes avec
Mars firent la
risée des
dieux. Elle aima passionnément
Adonis, fut la mère d'
Eros ou
Cupidon ou encore l'
Amour, celle du pieux
Enée, celle d'un grand nombre de mortels, car ses liaisons avec les habitants du
ciel, de la terre et de la mer furent incalculables, infinies.
On lui éleva des temples dans l'île de Chypre, à
Paphos, à Amathonte ; dans l'île de Cythère, etc. De là ses noms de
Cypris,
Paphia,
Cythérée. On l'appelait aussi
Dioné, comme sa mère ;
Anadyomène, c'est-à-dire
"
sortant des eaux", etc.
Elle avait une ceinture où étaient renfermées les grâces, les attraits, le sourire engageant, le doux parler, le soupir plus persuasif, le silence expressif et l'éloquence des yeux. On raconte que
Junon l'emprunta de
Vénus, pour ranimer les
feux de Jupiter et pour le gagner à la cause des Grecs contre les Troyens.
Après son aventure avec
Mars, elle se retira d'abord à
Paphos, puis alla se cacher dans les
bois du
Caucase. Tous les
dieux la cherchèrent longtemps en vain ; mais une vieille leur apprit le lieu de sa retraite : la déesse la punit en la métamorphosant en rocher.
Rien n'est plus célèbre que la victoire remportée par
Vénus, au
jugement de
Pâris, sur
Junon et
Pallas, bien que ses deux rivales eussent exigé d'elle que, avant de comparaître, elle déposât sa redoutable ceinture. Elle témoigna perpétuellement sa reconnaissance à
Pâris, qu'elle rendit possesseur de la belle
Hélène, et aux Troyens, qu'elle ne cessa de protéger contre les Grecs et
Junon même.
L'
amour le plus constant de
Vénus fut
celui qu'elle éprouva pour le charmant et jeune
Adonis, fils
de
Myrrha et de Cynire.
Myrrha, sa mère, fuyant le courroux
paternel, s'était retirée en Arabie, où les
dieux la changèrent en l'
arbre qui porte la
myrrhe. Le terme
de la naissance étant arrivé, l'
arbre s'ouvrit pour
faire
jour à l'
enfant.
Adonis fut reçu par les Nymphes,
qui le nourrirent dans les grottes du voisinage. Devenu adolescent,
il passa en
Phénicie.
Vénus le vit, l'aima, et, pour
le suivre à la chasse dans les
forêts du mont Liban,
elle abandonna le séjour de Cythère, d'Amathonte et
de
Paphos, et dédaigna l'
amour des
dieux.
Mars, jaloux et
indigné de cette préférence donnée à
un simple mortel, se changea en sanglier furieux, s'élança
sur
Adonis, et lui fit à la cuisse une blessure qui causa
sa mort.
Vénus était accourue, mais trop tard, au
secours de l'infortuné jeune homme. Accablée de douleur,
elle prit dans ses bras le
corps d'
Adonis, et, après l'avoir
longtemps pleuré, le changea en anémone,
fleur éphémère
du printemps.
D'autres racontent qu'
Adonis fut tué
par un sanglier que
Diane lança contre lui, pour se venger
de
Vénus qui avait causé la mort d'Hippolyte.
Adonis, descendu aux Enfers, fut aimé
encore de
Proserpine.
Vénus s'en plaignit à Jupiter.
Le maître des
dieux termina le débat en ordonnant qu'
Adonis
serait libre quatre mois de l'année, qu'il en passerait quatre
avec
Vénus, et le reste avec
Proserpine.
Sous le voile de cette
fable, on peut reconnaître dans
Adonis la Nature en ses diverses phases et sous ses différents aspects. Au printemps, elle se montre belle et féconde ; l'
hiver, elle semble morte, mais bientôt elle reparaît avec la même splendeur et la même fécondité.
Vénus n'est pas toujours, il s'en faut,
la déesse aimable des
Ris et des
Grâces. Elle était
fort vindicative, et impitoyable dans ses vengeances. Pour punir
le
Soleil (
Phébus) de l'indiscrétion qu'il avait eue
d'avertir
Vulcain de ses
amours avec
Mars, elle le rendit malheureux
dans la plupart de ses
amours. Elle le poursuivit même par
les armes, jusque dans ses descendants. Elle se vengea de la blessure
qu'elle avait reçue de
Diomède devant
Troie, en inspirant
à
Egialée, sa femme, une passion pour d'autres hommes.
Elle punit de même la muse
Clio qui avait blâmé
son
amour pour
Adonis, Hippolyte qui avait dédaigné
ses attraits. Enfin, Tyndare lui ayant fait une statue avec des
chaînes aux pieds, elle le punit par l'impudicité de
ses filles,
Hélène et Clytemnestre.
Son fils
Cupidon est aussi aimable et aussi cruel
que sa mère.
Dans le culte de
Vénus, si répandu
en Grèce et dans le monde ancien, se mêlent toutes
les pratiques superstitieuses, les plus innocentes et les plus criminelles,
les moins impures comme les plus déréglées.
Les
hommages qui lui sont rendus se rattachent à la diversité
de ses origines et à l'opinion qu'en avaient eue différents
peuples, à des époques diverses. Ce culte rappelait
à la fois celui des divinités assyriennes et chaldéennes, de l'Isis égyptienne et de l'Astarté des
Phéniciens.
Vénus présidait aux
mariages, même aux naissances, mais particulièrement à la galanterie. On lui consacra, parmi les
fleurs, la
rose ; parmi les
fruits, la pomme et la
grenade ; parmi les
arbres, le
myrte ; parmi les
oiseaux, le
cygne, le moineau et surtout la
colombe. On lui sacrifiait le
bouc, le verrat, le lièvre, et rarement de grandes victimes.
On la représentait entièrement ou
à demi nue, jeune, belle, habituellement riante, tantôt
émergeant du sein des flots, debout, le pied sur une tortue,
sur une conque marine, ou montée sur un
hippocampe, avec un cortège
de
Tritons et de Néréides, tantôt traînée
sur un char attelé de deux
colombes ou deux
cygnes. Les Spartiates
la représentèrent tout armée, en souvenir de leurs
femmes qui avaient pris les armes pour défendre leur ville.
Le peintre Apelle avait représenté
dans un admirable tableau la naissance de
Vénus surnommée
"
Anadyomène", c'est-à-dire "
qui
sort de la mer". Ce tableau fut consacré à
la déesse même par l'empereur Auguste, et il existait
encore à l'époque du poète latin Ausone qui
en fait une courte, mais vive description. «
Voyez, dit-il,
comme cet excellent maître a bien exprimé cette eau
pleine d'écume qui coule à travers les mains et les
cheveux de la déesse, sans rien cacher de leurs grâces
» ; aussi, dès que
Pallas l'eut aperçue, elle
adressa ces paroles à
Junon : «
Cédons, cédons, ô Junon, à cette déesse naissante tout le prix de la beauté. »
Il existe de
Vénus un grand nombre de statues : les plus belles et les plus célèbres sont la "
Vénus de Médicis"que l'on croit être une copie de la "
Vénus de Cnide", exécutée par Praxitèle, la "
Vénus d'Arles", la "
Vénus de Milo", découverte à Milo par le comte de
Marcellus, en 1820.
Sur une médaille de l'
impératrice Faustine, on voit l'image de "
Vénus mère"
: elle tient une pomme de la main droite, et de la gauche un petit
enfant
enveloppé de langes. Sur une autre médaille de la même
impératrice, on a représenté "
Vénus
victorieuse". Elle s'efforce, par ses caresses, de retenir
le
dieu Mars qui part pour la guerre.
Une des plus curieuses statues de cette déesse
variété de la
Vénus hermaphrodite, c'était
la "
Vénus barbata". Elle se trouvait à
Rome, et représentait dans sa partie supérieure un
homme portant une chevelure et une barbe abondantes, tandis que
dans sa partie inférieure, elle figurait une femme. Cette
singulière statue fut consacrée à la déesse
à l'occasion d'une maladie épidémique, à
la suite de laquelle les
dames romaines perdaient leurs
cheveux.
C'est à
Vénus qu'on en attribua la guérison.
Dans plusieurs tableaux modernes, cette divinité
est représentée sur son char, traîné par deux
cygnes
: elle porte une
couronne de
roses et une chevelure blonde : la joie
rayonne dans ses yeux, le sourire est sur ses lèvres : autour
d'elle se jouent deux
colombes et mille petits
amours.
Le
vendredi,
jour de la semaine, lui était
consacré ("
Veneris dies").
Pierre Commelin, Mythologie grecque et romaine, pp. 68-74.