Charles d'
Eckartshausen, né au château de Haimbhausen, en Bavière,
le 28
juin 1752, dut le
jour à la passion désordonnée du
comte Charles de Haimbausen pour Marie-Anne Eckart, fille de l'intendant de son
père. Rien ne fut négligé pour l'éducation de cet
enfant chéri dont la naissance avait coûté la vie à
sa mère. Après avoir fait ses premières études au
collège de Münich, il se rendit à l'université d'Ingolstadt
pour y suivre les cours de philosophie et de droit : ses efforts furent couronnés
de tout le succès désirable. A peine était-il de retour,
que son père lui procura le titre de
conseiller aulique. La place de censeur
de la librairie qu'il obtint en 1780, lui fit, malgré la droiture et la
bonté de son caractère, des
ennemis acharnés ; mais la bienveillance
de l'électeur Charles-Théodore le soutint contre toutes les cabales,
et ce prince, afin de le rapprocher de sa personne, le nomma conservateur des
archives de la maison électorale en 1784. Néanmoins, il fréquenta
peu la cour ; la nature ne l'avait pas doué de cette
force d'
âme qui rend l'homme supérieur à l'injustice des préjugés.
L'illégitimité de sa naissance lui avait inspiré, dès
l'âge le plus tendre, une mélancolie habituelle et beaucoup d'éloignement pour le monde ; mais cette espèce de misanthropie lui rendait plus chers sa famille et ses amis, comme il le disait souvent lui-même.
Il partageait son temps entre ces douces affections, les devoirs de ses emplois et la culture des lettres. Les ouvrages qu'il a publiés sont au nombre
de 79, et roulent sur toutes sortes de matières : sciences, beaux-arts,
théâtre, politique,
religion, jurisprudence,
histoire ; il embrasse
tout.
Son drame du
Préjugé de la naissance,
par lequel il débuta dans la carrière (1778), offre d'heureuses
situations et de l'intérêt.
Raguel, ou l'Enfant
de la nature, mérite à peu près le même
éloge, et sa comédie du
Bouffon de cour abonde en traits comiques, bien qu'ils ne soient pas tous également de bon
goût. Au surplus, le véritable titre d'
Eckartshausen à une réputation durable est un petit volume intitulé :
Dieu est l'amour le plus pur, traduit dans presque toutes les langues vivantes, et qui, depuis 1790, compte près de soixante éditions en Allemagne. Ce livre, auquel pourtant l'on serait en droit de reprocher quelques idées trop
mystiques, respire un charme dont on ne peut se défendre : c'est le langage et l'
âme de notre Fénelon. Si l'auteur savait parler avec éloquence des devoirs de l'humanité, nous ajouterons
qu'il savait encore mieux en donner l'exemple. Chaque mois il consacrait
religieusement
le produit de ses économies à secourir l'indigence. Les prisonniers
de guerre, les blessés surtout, étaient l'objet de ses soins constants.
On le vit un
jour se
dépouiller d'une partie de ses vêtements pour
en couvrir de malheureux soldats français qu'on dirigeait par l'Allemagne
sur la Hongrie, en
janvier 1795, malgré les rigueurs de la saison.
Après une vie passée tout entière dans la pratique des vertus,
Eckartshausen attendit avec résignation sa dernière heure, annoncée par des souffrances très vives, et il mourut, à Münich, le 13 mai 1803, laissant un fils de sa troisième femme, Thérèse Weiss, et quatre filles de son second
mariage avec Gabrielle de Wollter. Sa première femme, Geneviève de Guiquerez, fille d'un capitaine français, était morte, dès l'année 1780, en mettant au monde l'unique
fruit de leur union.
(Biographie universelle ancienne et moderne - Tome 12 - Page 217)