Biographie universelle ancienne et moderne Hunéric, second roi des
Vandales établis en Afrique, était l'aîné des trois fils que laissa
Genséric. Aussitôt après la mort de son père, arrivée au commencement de l'année 477, il monta sur le trône où l'appelait la loi même par laquelle
Genséric avait réglé que la
couronne passerait toujours au plus âgé des princes ses descendants, soit que celui en qui se trouverait
cette condition appartint à la ligne directe, soit qu'il sortît des
branches collatérales ; mais cette loi, conçue dans le but de prévenir les désordres des minorités, causa la ruine de la famille royale :
Hunéric le premier se baigna dans le sang des siens pour assurer la
couronne à son fils.
On sait peu de choses des premières années de ce prince. Il devait être fort jeune encore lorsque
Genséric l'envoya en otage auprès de Valentinien III, à la suite du traité par lequel il s'engageait à payer tribut à l'empire, puisqu'à cette époque (en 435) le conquérant de l'Afrique était lui-même à peine âgé de trente ans.
Hunéric fut bientôt renvoyé à son père, tant ce barbare eut l'art d'
inspirer de confiance à la cour d'Occident ; et sept ou huit ans après, il épousa la fille de Théodemer, roi des
Visigoths, qui régnait sur les provinces méridionales des Gaules. Ces liens furent rompus par le cruel et soupçonneux
Genséric, qui, prétendant que sa bru avait voulu l'empoisonner pour régner à sa place, lui fit
couper le nez et les oreilles, et la renvoya dans cet état à Théodemer. C'est peut-être à cette violence qu'il faut attribuer, au moins en partie, la fameuse expédition d'
Attila dans les Gaules, par suite de l'alliance que se hâta de contracter avec le roi des
Huns,
Genséric devenu également
l'
ennemi des Romains et des
Visigoths. La seconde
épouse d'
Hunéric fut la fille aînée de Valentinien III (Voyez
Eudoxie).
A l'avènement d'
Hunéric, le royaume des
Vandales,
fondé par la victoire, semblait affermi par la paix ; mais une marine redoutable,
des troupes qui devaient se croire invincibles, n'étaient que de faibles appuis pour un trône que ne soutenaient pas en même temps l'
amour du peuple et les talents du chef de l'Etat. Le fils de
Genséric n'avait hérité d'aucune de ses grandes qualités ; et s'il conserva l'Afrique, c'est que le faible Zénon, tremblant devant les autres barbares qui se disputaient les lambeaux de la puissance romaine, n'osa entreprendre de l'en chasser. D'ailleurs les
Vandales ne pouvaient avoir d'
ennemi qui leur fût plus funeste que leur roi lui-même. Dans son impitoyable avarice, il épuisa les peuples pour grossir son trésor : les flottes et l'armée sans paye, sans entretien, cessèrent d'être l'effroi des Romains. Ce règne, cependant, s'était annoncé avec quelque modération : un des premiers soins d'
Hunéric avait été d'envoyer en Espagne auprès d'
Euric, roi des
Visigoths, une ambassade chargée d'entretenir la bonne intelligence alors établie entre les deux nations. Il donna aussi un peu de repos à l'
Eglise, persécutée sous son père, et rendit même contre les manichéens des ordonnances sévères qui lui valurent les éloges des
catholiques. Mais déjà la révolte impunie des
Maures qui se cantonnèrent sur le mont Aurase en
Numidie, où ils se maintinrent jusqu'à la chute de Gélimer, avait attesté la lâcheté du roi des
Vandales, quand le meurtre de ses proches, les supplices des chrétiens, l'oppression du peuple, vinrent encore
déposer contre sa cruauté et sa
tyrannie.
Son frère Théodoric fut une de ses premières victimes. La veuve de ce prince s'était acquis l'estime des
Vandales par ses grandes qualités ; et son fils aîné faisait concevoir les plus belles espérances : ils n'en devinrent que plus coupables aux yeux d'
Hunéric, qui les punit de leurs vertus en les faisant égorger. Un autre de ses neveux, Godagize, fut condamné avec sa femme à la misère et à l'exil. Les nombreux amis de Théodoric effrayaient son persécuteur : pour n'avoir plus à les redouter, il ordonna leur supplice. Les vieux conseillers de son père, les serviteurs qu'en mourant il lui avait recommandés gémissaient sur les maux de l'Etat : leur mort délivra la tyran de leurs plaintes importantes. Heldica, ancien ministre de
Genséric, versa sous le fer des bourreaux un reste de sang que l'âge avait presque glacé.
Son frère Gamuth, condamné à des travaux publics et cruellement fustigé une fois par mois, ne trouva qu'au bout de cinq ans, dans une mort désirée, la fin de ce long supplice.
On ne sait pour quelles raisons l'empereur d'Orient crut, sur ces entrefaites, devoir user de quelques ménagements envers
Hunéric ; mais, en 480, il lui enoya enambassade Alexandre, intendant de la maison de Placidie, belle-sur du roi des
vandales. L'objet de cette mission parut être d'obtenir d'
Hunéric qu'il renonçât formellement aux prétentions sur l'héritage de Valentinien, dont
Genséric n'avait cessé d'inquiéter la cour de Constantinople.
Hunéric se montra disposé à satisfaire Zénon sur ce point. Il lui fit dire qu'il voulait contracter avec lui une amitié inviolable ; qu'il renonçait pour toujours à toutes les demandes formées par son père, et qu'il saisirait toutes les occasions de témoigner à l'empereur sa reconnaissance des bons traitements que Placidie recevait à sa cour. Les ambassadeurs qui portèrent ces assurances à Constantinople y furent comblés de présents. Alexandre ne fut pas moins magnifiquement traité par les deux princes : il obtint même d'
Hunéric qu'il permît aux
catholiques d'élever un
évêque de leur communion sur le siège de Carthage, vacant depuis vingt-quatre ans. Leur choix tomba sur Eugène, dont les travaux et le zèle
religieux furent, selon le rapport des auteurs ecclésiastiques, couronnés de si grands succès, qu'ils excitèrent la fureur des
ariens et rallumèrent dans l'Afrique les
feux d'une cruelle persécution, quoique l'on puisse soupçonner de quelque exagération les récits qui nous en ont transmis les affreux détails.
Hunéric, qui, bien qu'
arien, n'avait pas épargné le partriarche de sa propre secte, Jocundus, qu'il fit
brûler vif à cause de son attachement à la famille du prince Théodoric, ne devait pas être plus humain à l'égard des
catholiques.
Saint Victor de Vite nous a laissé l'
histoire de leurs souffrances ; nous n'en ferons remarquer qu'une seule circonstance assez singulière : c'est que, dans sa description des diverses tortures employées ou imaginées par les bourreaux, l'on peut reconnaître l'horrible pratique d'arracher la chevelure, que l'on a retrouvée parmi les sauvages du nouveau monde. Il paraît qu'on employait pour ce supplice une espèce de tourniquet de
bois, auquel on attachait les
cheveux de la victime. Les uns dit saint Victor de Vite, perdaient les yeux pendant l'exécution ; la plupart y laissaient aussi la vie. Le même auteur rapporte que cette persécution, par laquelle
Dieu voulut punir, dit-il, la corruption introduite dans son
Eglise, fut précédée d'une foule de phénomènes, signes menaçants de la colère céleste ; il cite dans le nombre une
pluie de pierres qui mettaient le
feu aux maisons où elles tombaient. On porte à plus de 400 le nombre des
évêques qui furent alors chassés de leurs
églises, dont les biens furent vendus ou livrés aux
ariens ; mais il paraît qu'un seul reçut la palme du
martyre : ce fut Lætus,
évêque de Leptis. Les gémissements des
autres chrétiens livrés au supplice, les plaintes des
confesseurs, dont plusieurs, si l'on en croit les
annalistes du temps, conservèrent l'usage de la parole après qu'on leur eût coupé la langue, parvinrent jusqu'à Rome, et émurent vivement le pape Félix II. Il invoqua, en faveur des fidèles, l'intercession de Zénon, qui envoya Vrane en Afrique pour essayer d'
adoucir le cruel
Hunéric. Mais, loin de se laisser fléchir, le roi, par une sorte de raffinement de férocité, ordonna que les rues par où l'ambassadeur allait passer fussent bordées d'échafauds, de chevalets, de bourreaux, de victimes ; spectacle qui devait lui ôter tout espoir d'apaiser une haine si terrible et si implacable. Cette inutile ambassade eut lieu en 484.
Dans cette même année, la mort vint mettre fin aux cruautés et au règne d'
Hunéric. Méprisé des étrangers, détesté de ses sujets, il laissa son royaume dans un tel état d'épuisement que ses successeurs ne purent le relever. On rapporte qu'il mourut rongé des vers, et dans des douleurs si horribles qu'il se déchirait les membres avec les dents. Selon la chronique de saint Isidore, il rendit ses entrailles comme
Arius.
Hunéric laissa trois fils, Hildéric, Hoamer et Evagès. Hildéric fut d'abord écarté du trône, où monta, par la loi d'âge, son cousin Gondamond ou
Gondebaud, fils de Genzon, dernier
frère d'
Hunéric. Au bout de douze ans, à Gondamond succéda son
frère Trasimond, qui en régna vingt-sept : après lui, Hildéric, qui alors, en 523, devait être âgé d'environ soixante ans, obtint à son tour la
couronne. Avant de la placer sur sa tête, il se hâta de rappeler les
évêques et de faire cesser la persécution, afin d'éluder, par cette pieuse subtilité, le serment que lui avait arraché Trasimond à son
lit de mort, de ne point protéger les
catholiques quand il serait roi. Cependant, le prince Hoamer signala les commencements de ce règne par des victoires sur les
Maures qui lui valurent le surnom d'
Achille des
Vandales. Mais bientôt les apparences d'une guerre avec les
Goths d'Italie qu'Hildéric avait offensés en faisant enfermer, sous prétexte de conspiration, Amalfride, veuve de Trasimond et sur du grand Théodoric, vinrent offrir à Gélimer l'occasion de faire éclater les projets ambitieux qu'il couvait depuis longtemps. Il se saisit en 530 de la personne d'Hildéric et de ses deux
frères, les retint en prison, et monta sur le trône des
Vandales, dont il fut le dernier roi. (Voyez
Bélisaire).
(Biographie universelle ancienne et moderne - Tome 20 - Pages 163-165)
Dictionnaire universel d'histoire et de géographie de Bouillet Hunéric, deuxième roi des Vandales en Afrique, succéda à son père
Genséric en 477, mort en 488.
Son règne ne fut qu'une suite de crimes : il fit égorger son
frère Théodoric, la veuve de ce prince, ainsi que son
enfant, les anciens amis et les ministres de
Genséric.
Hunéric était
arien ; il persécuta les
catholiques, et en fit, dit-on, périr 40.000 dans d'horribles supplices.
Marie-Nicolas Bouillet, Dictionnaire universel d'histoire et de géographie, 20ème édition (1866), p. 902.