43.
Le propre de l'
esprit de ténèbres
est de tenir l'homme dans la défiance de ses propres droits ;
ou s'il ne peut empêcher qu'il en acquière quelquefois
la connaissance, il a soin de les envelopper de
couleurs illusoires
qui retiennent ce malheureux homme toujours au-dessous de sa vraie mesure,
et qui lui font continuellement
immoler la réalité aux
images et aux apparences. C'est par là qu'il est parvenu presque
par toute la terre à faire substituer les traditions à
la loi, la lettre à l'
esprit, et les ténébreuses
passions humaines aux lumières de vérité qui ont
éclairé les prophètes. L'homme, depuis le crime,
s'est trouvé entraîné dans la pente de cette région
terrestre et morte qui ne tend qu'à s'affaisser, et qui ne peut
qu'affaisser l'homme avec elle quand il cesse de se rappeler son
illustre
origine ; l'
ennemi de l'homme ajoute encore journellement à ce
poids déjà si qui faisait dire à Salomon :
Cette
demeure terrestre abat l'esprit dans la multiplicité de ses soins.
(Sagesse 9:15).
Ce n'est donc que par la plus ardente vigilance,
que le nouvel homme saura résister à tant d'obstacles.
Car il va trouver en soi-même, et la tradition qu'a reçue sa mémoire,
et la loi qu'a reçue son
esprit ; et s'il se livre aux uvres de
sa loi, ou aux uvres de l'
esprit, la voix de la tradition s'élèvera
contre lui, et cherchera à le troubler et à lui faire
paraître criminelles les uvres de la loi et de l'
esprit.
Il sait que sa nature spirituelle et divine l'appelle
à opérer des uvres de paix et à travailler
au rétablissement de l'ordre universel ; il sait que cette même
nature divine et spirituelle qui l'
anime est au-dessus du temps, et
est faire pour ne point connaître de temps ; ainsi toutes les fois que
l'occasion se présentera de remplir son uvre, il la saisira,
fut-ce même le
jour de sabbat terrestre. Mais alors cette voix
du sabbat s'élèvera contre lui, et voudra transformer
son bienfait en une véritable
prévarication ; c'est probablement
pour nous retracer ce
symbole de l'homme, et de cet affligeant assemblage
qui se trouve en lui, que le Réparateur guérit un
jour
de sabbat, au milieu de la synagogue, cet homme qui avait une main sèche
; car en effet cette synagogue représenta parfaitement alors
la réunion de la lumière et des ténèbres,
où d'un côté agissait la vertu active de celui qui venait
rendre aux hommes de l'
esprit l'usage
de leur main desséchée
; et de l'autre l'opposition d'un peuple matériel et grossier
qui s'appuyait sur la lettre même de sa loi pour combattre l'
esprit
de la véritable destination de notre être.
Mais ce n'était pas seulement pour nous
retracer le
symbole de cet affligeant assemblage que le Réparateur
en agit ainsi, c'était encore plus pour communiquer aux hommes
aveugles l'instruction dont cette uvre de guérison n'était
que l'occasion et le sujet. Aussi quand elle eut excité le murmure
des Juifs il leur dit : "Qui est celui d'entre vous qui ayant une brebis
qui vienne à tomber dans une fosse le
jour du sabbat, ne la prenne,
et ne l'en retire ? Or, combien un homme est-il plus excellent qu'une
brebis ? Il est donc permis de faire du bien le
jour du sabbat."
Il leur parla plus fortement encore au sujet des
épis que ses
disciples, passant le long des blés un
jour
de sabbat, avaient rompus et mangés : "N'avez-vous point la dans
la loi que les
prêtres, au
jour de sabbat, violent le sabbat dans
le temple et ne sont pas néanmoins coupables ? Et cependant je
vous dis que celui qui est ici est plus grand que le temple. Que si
vous saviez bien ce que veut dire cette parole : J'aime mieux la
miséricorde
que le sacrifice, vous n'auriez pas condamné des innocents, car
le fils de l'homme est maître du sabbat même."
Le nouvel homme éclairé de la même
lumière, expliquera sans cesse la tradition par la loi, la lettre
par l'
esprit, et l'
esprit par a volonté du suprême auteur
des choses. Ce nouvel homme n'oubliera donc pas que ce n'est point au
temple à prescrire la loi et les formes des sacrifices qui doivent
s'opérer dans son sein, que c'est au temple à recevoir
cette loi et ces sacrifices, tels qu'il convient au prince des
prêtres
selon l'ordre de Melchisédech de les lui prescrire ; que ce temple
n'a d'autre obligation que de se maintenir toujours dans l'ordre convenable,
et d'être prêt à toutes les heures où il plaira
à ce prince des
prêtres d'y venir offrir son encens.
Aussi il aura la sage précaution de ne jamais
oser commencer lui-même à s'approcher des cérémonies
saintes, sans qu'il sente que le temple est prêt, que toutes les
lampes y sont allumées, que le
feu de l'
esprit a pénétré
ses murs, ses fondements, ses colonnes, et a décoré toutes
les parties de ce temple d'une manière digne du sacrificateur
qui doit s'y rendre, et des saints mystères qui s'y doivent opérer.
Il sentira par ce moyen que non seulement le fils
de l'homme est au-dessus du sabbat temporel, mais que le temple même
a aussi ce magnifique privilège, puisque ce temple n'est autre
chose que le nouvel homme, et que le nouvel homme participe à
tous les droits et à toutes les propriétés de l'
esprit
du Seigneur ; il reconnaîtra alors que de même l'
esprit du Seigneur
est le chef et le maître du nouvel homme, de même le nouvel homme
devient par lui le chef et le maître de la loi ; que si c'est au nouvel
homme à attendre et à recevoir de l'
esprit du Seigneur
les lumières, la sainteté et la vie, c'est au temple bâti
par la main des hommes à attendre et à recevoir du nouvel
homme l'administration de toutes ces choses, et qu'ainsi l'
esprit du
Seigneur se trouve à la fois par là, le maître du nouvel
homme, la maître du temple, le maître du sabbat, le maître de la loi,
puisqu'il comprend tout, puisqu'il dirige tout, puisqu'il pénètre
tout, et que ce n'est que dans lui que les propriétés
des choses,
leurs vertus, leurs figures, et leur
esprit peuvent
trouver leur explication, et leur véritable accomplissement.
Il se trouvera peut-être dans le nouvel homme
des Juifs, qui lui demanderont, comme autrefois les docteurs de la loi
et les
Pharisiens demandaient au Réparateur :
Pourquoi vos
disciples violent-ils la tradition des anciens? Car ils ne lavent point
leurs mains lorsqu'ils prennent leur repas. Lorsqu'ils ne seront
pas susceptibles de s'élever à ces sublimes régions
de l'
esprit qui expliquent tout, il les fera tomber en confusion, en
leur objectant leur propre conduite sur des points d'une plus grande
importance ; et il leur dira : "Pourquoi vous-mêmes, violez-vous
le commandement de
Dieu pour suivre votre tradition ? Car
Dieu a fait
ce commandement : honorez votre père, et votre mère ;
et cet autre : que celui qui outrage de paroles son père
ou sa mère, soit puni de mort. Cependant vous dites : quiconque
dira à son père ou à sa mère : tout don
que je fais à
Dieu vous est utile, satisfait à la loi,
encore qu'après cela il n'honore, et n'assiste point son père
ou sa mère, et ainsi vous avez rendu inutile le commandement
de
Dieu par votre tradition. Hypocrites que vous êtes, Isaïe a
bien prophétisé de vous quand il a dit : ce peuple est
proche de moi en paroles, et il m'honore des lèvres, mais son
cur est bien éloigné de moi... toute plante qui
n'aura point été plantée par mon père qui
est dans le
ciel, sera arrachée."
Il n'y a point de vérité au-dessus
de ces dernières paroles, et qui mérite plus l'attention
du nouvel homme, parce que ces paroles embrassent à la fois toutes
les lois, tous les temps, et tout le
jugement ; voilà pourquoi
ce nouvel homme s'en fera comme une armure avec laquelle il brisera
sans cesse les traits de l'
ennemi ;
voilà pourquoi il commencera
par lier le fort, afin de pouvoir entrer dans sa maison, et piller ses
armes ; ayant sans cesse devant les yeux que s'il ne s'associe pas
continuellement avec l'
esprit, s'il ne s'efforce pas de naître continuellement
de l'
esprit, s'il ne met pas tous ses soins à être planté
par l'
esprit, enfin
s'il n'est pas avec l'esprit, il sera contre
l'esprit ; et s'il n'amasse point avec l'esprit, il dissipera.
Il sait que "tout péché, et tout
blasphème sera remis aux hommes, mais que le blasphème
contre l'
esprit, ne leur sera point remis,
Il sait que si quelqu'un
parle contre le fils de l'homme, il lui sera remis, mais que s'il parle
contre l'
esprit, il ne lui sera remis ni en ce monde-ci, ni en l'autre."
Or il croirait blasphémer contre l'
esprit, que de ne pas amasser
continuellement avec l'
esprit, puisque ce serait comme s'il croyait
à une autre puissance qu'à celle de l'
esprit. Il croirait
parler contre l'
esprit que de ne pas se lier perpétuellement
avec l'
esprit, parce que ce serait comme s'il croyait pouvoir vivre
d'une autre vie que de la vie de l'
esprit.
Ainsi non seulement il s'abstiendra de tous les
blasphèmes contre le fils de l'homme, qui pourront être
susceptibles de pardon, en ce qu'ils ne tombent que sur l'homme temporel,
ou sur l'enveloppe de l'
esprit ; mais ce nouvel homme ne laissera pas
même subsister en lui les moindres traces d'offenses encore plus
secondaires, et plus susceptibles de rémission, tant il sera
occupé à se prémunir contre les blasphèmes
irrémissibles, ou à se remplir si bien de l'activité
de l'
esprit, qu'un
jour à venir on ne puisse pas lui reprocher
de n'avoir pas été dévoué exclusivement
à l'
esprit, et qu'on ne lui fasse pas payer jusqu'à
la
dernière obole, c'est-à-dire tous les moments qu'il
n'aurait pas passés dans cette confiance entière et absolue
que l'homme doit avoir à l'
esprit, et c'est ici que se vérifie
cette terrible parole :
beaucoup d'appelés, et peu d'élus
; car tous les hommes étaient nés pour accomplir cette
importante loi.
Or qui ne frissonnera pas sur le petit nombre,
qui puisse être traité comme lui ayant été
fidèle, et sur la multitude que l'
ennemi en a éloignés
depuis l'origine, et qu'il en éloignera jusqu'à la fin
par ses illusions de tout genre, et surtout, en leur faisant sacrifier
la loi à la tradition, l'
esprit à la lettre, et la réalité
à l'apparence ? Qui ne frissonnera pas, dis-je, de voir à
quel petit nombre seront réduits ceux qui feront, avec assez
de
fidélité, la volonté de l'
esprit, pour qu'un
jour on dise de chacun d'eux :
celui-là est le frère,
la sur, et la mère de l'esprit.
44.
Le vieil homme est tombé sous le joug d'une
triple mort, que l'on désigne sous le nom de la mort du
corps,
la mort de l'
âme, et la mort de l'
esprit ; mais qui, ayant eu primitivement
pour cause, et pour principe, la mort ou l'abolition de ses titres de
pensée,
parole, et
opération de l'Éternel,
doit se considérer sous le nom de la mort de son être divin,
qui, en effet, est aujourd'hui comme enseveli dans un
sépulcre,
en comparant sa déplorable situation avec l'état glorieux
dont il a joui ; il faut donc que le nouvel homme ait pour tâche de
se procurer une triple
résurrection, c'est-à-dire, qu'il
arrache sa pensée, sa parole, et son action aux ténébreuses
régions où elles sont en esclavage, qu'il retienne sa
pensée, sa parole, et son action sur le bord du précipice,
dans lequel l'
ennemi cherche journellement à les entraîner, et
qu'il prévienne pour l'avenir la mort de sa pensée, de
sa parole, et de son action, dans toutes les circonstances où
l'
ennemi pourra les menacer.
Voilà une des faces sous lesquelles nous
pouvons considérer la triple
résurrection du nouvel homme
; et ce point de
vue est d'autant plus réel, qu'il n'est que
la trop ressemblante image de la périlleuse destinée de
toute la postérité humaine ; d'ailleurs, il est l'extrait,
et le tableau réduit de l'uvre universelle qui s'opère
en grand sur toute cette postérité de l'homme.
Car, cette grande uvre, embrassant tous les
temps, toutes les régions, et toutes les
générations
de la famille humaine, a dû agir dès l'origine pour arracher
la proie à l'
ennemi, qui l'avait déjà emportée
dans la maison de servitude, ou dans le tombeau ; elle a dû agir depuis
pour reprendre des mains de cet
ennemi, les victimes qu'il saisissait
journellement, et qu'il emmenait également dans ses sombres demeures
; enfin elle agira encore dans l'avenir, pour empêcher que cet
ennemi ne puisse s'emparer si aisément de nouvelles victimes,
ou qu'au moins il ne puisse venir les saisir jusque dans le bercail
; et ne doutons pas que ne se trouve là l'
esprit des trois époques
des lois de restauration parmi les hommes, l'
esprit de la triple manifestation
de la sagesse éternelle dans le temps, et le trinaire qui caractérise
essentiellement toutes les opérations qui ont été
ou accomplies, ou simplement annoncées, et figurées par
les divers élus que cette sagesse éternelle a envoyés,
en différentes fois, sur la terre, pour la délivrance
des mortels, pour leur soulagement, et pour leur instruction.
Car pourquoi verrions-nous dans ces sources de
restauration qui ont été ouvertes, une voie sacerdotale
et
lévitique, une voie spirituelle et prophétique, et
une voie de
liberté et de lumière qui ne peut être
regardée que comme une voie divine ? Pourquoi verrions-nous dans
cet ordre sacerdotal, des
Lévites, des
prêtres, et un seul
grand
prêtre ? Pourquoi verrions-nous dans le peuple hébreu
qui nous représente toute la famille humaine, un état
d'esclavage, un état de combat, et un état de victoires
et de triomphes, si tous ces tableaux n'avaient pas pour but de nous
donner une instruction qui étendît notre
esprit, et qui nous
fût applicable à nous-mêmes ?
Oui, le nouvel homme peut y lire à découvert
cette triple
résurrection si nécessaire à notre
être, pour qu'il jouisse de quelque repos, et si conforme à
cette triple mort, ou à cette triple concentration que nous éprouvons
si douloureusement, quand nous voulons jeter un instant nos regards
sur nous-mêmes, et qui nous convainc d'une manière si triste,
et si démonstrative de cette triple mort, ou de cette triple
concentration dans laquelle le premier homme a plongé ses facultés
spirituelles, et a entraîné les facultés spirituelles
de toutes sa malheureuse postérité.
La première et la plus pénible de
ces trois
résurrections que le nouvel homme aura à opérer
en lui, est d'arracher de toutes les substances fausses dont il est
environné, celles de ses pensées, de ses volontés,
et de ses actions qui s'y sont englouties, et pour ainsi dire
amalgamées,
et qui y sont comme dans un vrai tombeau, où, non seulement,
elles ne jouissent point du
jour, et de la lumière, mais où
elles tendent continuellement vers une effroyable putréfaction
; en effet, il est impossible de concevoir une opération plus
douloureuse que celle de séparer ainsi les différents
métaux que nous avons laissé souder ensemble, puisqu'il
n'y a qu'une
fusion entière qui puisse nous y faire parvenir
; niais ce qui paraît au-dessus des
forces ordinaires, n'est point au-dessus
des
forces du nouvel homme, puisqu'il est le fils de l'
esprit, et qu'il
a bu le médicament salutaire, ou ce puissant
dissolvant que
Jérémie
compare à
un marteau qui brise les pierres (23:29).
La seconde
résurrection sera de retenir
sur les bords du précipice, celles de ses pensées, de
ses volontés, et de ses actions qui seraient prêtes à
y tomber, s'il n'employait toute sa vigilance à les arracher
des mains qui les portaient déjà dans le
sépulcre
; mais le même pouvoir dont il se sera servi dans la première
résurrection lui sera également utile dans la seconde,
et ce seront encore de nouvelles victimes qu'il retirera des bras de
la mort.
La troisième
résurrection sera celle
qu'il opérera d'avance sur celles de ses pensées, de ses
volontés, et de ses actions qui, à l'avenir, pourraient
être exposées aux attaques de l'
ennemi, et qu'il voudrait
essayer de corrompre afin de les engloutir avec lui dans ses abîmes,
parce qu'il ne suffira pas au nouvel homme de n'embrasser que les époques
passées, et présentes, dans la manifestation de sa puissance,
et de sa sagesse ; il lui faudra embrasser même les époques
qui ne sont pas encore, puisque tel est le plus grand privilège
de l'
esprit ; aussi travaillera-t-il sans relâche pour obtenir que la
main suprême l'environne, le soutienne, et le protège de
manière à ce que l'
ennemi ne puisse plus désormais
avoir sur lui aucun empire, et il y parviendra lorsqu'il aura subjugué
tout ce qui est en lui, et qu'il pourra dire de lui, ce que le Réparateur
disait de la corruption extérieure :
J'ai vaincu le monde.
Mais pour avoir encore de cette triple
résurrection
une idée plus simple, plus rapprochée, et par conséquent
plus facile à saisir, considérons-la dans une époque
où la mort ait déjà produit ses ravages dans toutes
les facultés spirituelles de l'homme ; ce tableau, étant
à la portée du plus grand nombre, ne pourra en être
que plus utile.
En effet, nous pouvons mourir dans nos uvres,
si nous portons nos pensées fausses, et nos volontés criminelles,
jusqu'à la consommation ; nous pouvons mourir dans nos volontés
corrompues, si elles se lient aux plans désordonnés que
nos pensées peuvent adopter, quand même nous n'irions pas
jusqu'à les réaliser dans nos uvres ; enfin nous
pouvons mourir dans nos pensées, si nous les laissons remplir
de tableaux contraires à la vérité, et à
la gloire de l'
esprit, quand même nous ne les adopterions pas
dans nos volontés, et quand même nous ne les laisserions
point se transformer en actes.
Voilà donc la triple
résurrection
que chaque homme doit opérer sur soi-même, s'il veut parvenir
à la dignité du nouvel homme ; et jamais nous ne pourrons
avoir la moindre idée de nos droits primitifs et de notre véritable
renaissance, si nous ne rétablissons pas à demeure en
nous une source d'actions régulières, une source de mouvements
vrais, et une source de pensées saines, parce que ces trois sources
découlent ensemble de la source unique, et éternelle de
l'
esprit.
Le nouvel homme, après s'être convaincu
de ces vérités, non seulement par sa persuasion intime,
mais encore par sa propre expérience, verra une douce surprise,
que le Réparateur n'a pas eu d'autre dessein que de faire ouvrir
les yeux aux hommes sur ces devoirs indispensables, et si salutaires,
lorsqu'il a employé sa puissance à ressusciter trois morts
au milieu du peuple d'Israël. Car c'est une chose frappante, et qu'on
ne saurait trop remarquer que la différence des lieux où
chacun de ces morts a été rappelé à la vie.
Lazare fut ressuscité dans le tombeau où il était
depuis quatre
jours, et où il sentait déjà mauvais.
Le fils unique de la veuve de Naïm fut ressuscité dans le chemin,
et pendant qu'on le portait dans le
sépulcre, la fille de
Jaïre,
chef de la synagogue, étant âgée de douze ans, fut ressuscitée
dans la maison de son père. Comment n'apercevrions-nous pas,
dans ces trois
résurrections opérées par le Réparateur,
cette triple
résurrection que nous devons faire tous en nous-mêmes,
et qui est à la fois, et l'uvre principale, et la récompense
du nouvel homme.
En effet, ce Lazare ressuscité dans le tombeau,
et déjà livré à la putréfaction,
est le type de nos actes dépravés, et des
prévarications
que nous avons portées jusqu'à l'uvre, et à
la consommation, c'est-à-dire, jusque dans la demeure de la mort,
et de la corruption, qui nous est figurée ici-bas par les
sépulcres
matériels. Le fils unique de la veuve de Naïm, ressuscité
dans le chemin du tombeau, est le type de nos volontés criminelles
qui ont adhéré aux plans
faux de notre pensée,
mais qui n'ont été arrêtées dans la voie
du tombeau, c'est-à-dire, avant d'arriver à leur consommation,
et aux actes
iniques qui en auraient complété la corruption,
et leur auraient fait connaÎtre la putréfaction sépulcrale.
Enfin la fille du chef de la synagogue, ressuscitée dans la maison,
est le type de cette mort que nous pouvons éprouver dans notre
pensée, quand nous la laissons infecter de plans coupables, et
injurieux à l'
esprit de vérité, qui ne veut pas
que nous adoptions d'autres plans que les siens, qui a daigné
choisir la pensée de l'homme pour être le chef de la synagogue
universelle, et qui désire sans cesse que cette pensée
de l'homme, et tous les
enfants qui peuvent émaner d'elle, répandent
partout la vie qui les
anime.
45.
Sans doute ce ne sera qu'après avoir ainsi
purifié tout son être, et opéré en soi cette
triple
résurrection, que le nouvel homme fera, en lui-même,
l'élection dont nous avons parlé d'avance, ou l'élection
des douze
vertus qui doivent le manifester dans toute l'étendue
de ses propres régions ; avant cette époque il était
si incapable de faire une pareille élection, qu'il n'aurait même
jamais pu en concevoir l'idée, et encore moins l'exécuter,
si l'
esprit de vérité n'était venu prendre en lui
la place de toutes ses substances de mensonge. Aussi il sent plus que
jamais combien nous nous exposons, quand nous osons marcher par nous-mêmes
dans la carrière spirituelle ; et c'est l'
esprit qui le dirige,
c'est dans le prince des justes, c'est dans ce Réparateur qu'il
apprend de nouveau à s'attacher à cette sainte réserve,
puisque le Réparateur lui-même, ou le prince des justes
ne veut pas faire par soi l'élection de ses douze apôtres mais
qu'il passe toute une nuit en prières avant de les choisir (
Luc
6:12).
Ce ne sera pas seulement cette ordonnance intérieure
de lui-même qu'il soumettra au mouvement de l'
esprit ; mais dans
toutes les circonstances de sa vie, il aura sans cesse à la bouche
ces paroles du psaume 101:3 :
En quelque jour que je vous invoque,
exaucez-moi. Il ne voudra pas même d'une vertu qui né
vienne que de lui, parce qu'il sait combien elle serait fragile ; mais
il ouvrira en lui les substances de ses vertus afin que l'
esprit vienne
s'en emparer, les vivifier, et les gouverner dans toutes les circonstances.
Ainsi il priera sans cesse l'
esprit de venir demeurer
dans sa pénitence, dans son humilité, dans son courage,
dans sa résignation, dans sa prière, dans sa foi, dans
son
amour, dans ses lumières, dans son espérance, dans
sa
charité, dans toutes les affections pures de son
âme, et dans
tous les mouvements de son
essence spirituelle et divine, afin qu'il
ne puisse plus être vaincu dans les combats qu'il aura à
soutenir.
Il verra avec quel art les hommes évitent
les dangers naturels qui les menacent, avec quelle sagesse ils préviennent
les maux que leur expérience leur a appris à prévoir,
avec quelle intelligence ils savent mettre les
éléments
en combat, et les opposer les uns aux autres pour se préserver
des ravages que ces
éléments pourraient leur occasionner,
s'ils les laissaient livrés à la
force cachée,
et impétueuse qui les pousse sans cesse aux désordres.
Car il voit l'homme avoir la
disposition de ces
éléments,
et pouvoir, à son gré, tempérer le
feu par l'
eau,
le froid par la
chaleur, le sec par l'humide, et varier les propriétés
dans lesquelles il demeure, par l'application des substances diverses
que la nature a placées sous sa main avec une prodigue abondance.
Le nouvel homme ne mettra pas en doute que l'
esprit
n'ait les mêmes pouvoirs dans les régions où sa
pure
essence et sa suprématie l'appellent à régner
en maître et en souverain ; il ne doutera pas que cet
esprit ne possède,
selon sa classe, incomparablement plus de dons, de prévoyance,
et de sagesse, que n'en peut jamais posséder l'homme qui est
réduit à la région élémentaire, quelle
que soit l'industrie que cet homme ait pu y déployer. Il ne doutera
pas que cet
esprit n'ait à sa
disposition des nombres incalculables
de propriétés, et de substances de sa propre nature, en
comparaison de ce peu de substances élémentaires que nous
pouvons employer ici-bas, à la conservation de notre matière,
et à la production comme à l'entretien des uvres
de nos mains.
Plein de cette salutaire persuasion, le nouvel
homme quand il sera faible et fatigué, dira à l'
esprit
: apposez une de vos
forces sur ma faiblesse, et elle la fortifiera.
Quand il sera lâche et froid, il dira à l'
esprit : apposez une
de vos substances ardentes sur ma froideur, et elle la réchauffera.
Quand il sera emporté par son ardeur impétueuse il dira
à l'
esprit : apposez une de vos substances calmes sur mon impétuosité,
et elle la tempérera. Quand il sera dans les ténèbres,
il dira à l'
esprit : apposez une de vos substances lumineuses
sur mon obscurité, et elle l'éclairera. Quand il sera
ébloui par la lumière, il dira à l'
esprit : apposez
sur mes yeux une de vos substances intermédiaires, et je ne craindrai
plus de perdre la
vue ; quand il sera environné de ses
ennemis,
il dira à l'
esprit, mettez entre eux et moi un de vos
boucliers,
et je serai à l'abri de toutes leurs attaques. Quand il se sentira
comme suspendu par un fil au-dessus des abîmes, il dira à l'
esprit
: étendez jusqu'à moi une de vos mains, et je marcherai
sur ces abîmes comme sur le plus ferme terrain.
Voilà de quelle manière le nouvel
homme se liera à l'industrie de l'
esprit pour se guérir
de tous ses maux, pour se préserver de tous ses dangers, et pour
subvenir à tous ses besoins ; car nous ne devons point craindre
de répéter une vérité si essentielle, et
si consolante ; savoir, que l'
esprit se prête mille fois plus
aisément encore à ce soulagement de nos besoins spirituels,
que la nature ne se prête à celui de nos besoins matériels,
parce qu'il nous aime, et que la nature ne peut nous aimer, mais qu'elle
ne peut que nous abandonner aveuglément toutes les substances
qu'elle engendre, pour que nous nous occupions ensuite à les
employer à notre avantage, selon notre sagesse, et selon nos
lumières. C'est donc ainsi que se conduira Ie nouvel homme envers
l'
esprit ; il tâchera de tellement captiver sa bienveillance, qu'il
puisse, avec une entière confiance, lui dire :
En quelque
jour que je vous invoque, exaucez-moi.
La meilleure manière de pouvoir arriver
à cet heureux terme, et de pouvoir réellement dire avec
confiance à l'
esprit :
En quelque jour que je vous invoque
exaucez-moi, c'est de mettre bien soigneusement à profit
les substances salutaires qu'il veut bien nous remettre pour le soulagement
de nos infirmités. Plus nous en retirerons d'utilité,
plus il nous en distribuera d'autres avec abondance, de façon que notre
prière pourrait à 1a fin se transformer en une invocation
active et perpétuelle, et qu'au lieu de dire cette prière,
nous pourrions la réaliser, et l'opérer à tout
moment, par une continuelle préservation et guérison de
nous-mêmes.
Considérons donc ce nouvel homme environné
de toutes les substances de l'
esprit, et les appliquant par sa foi effective,
ou par sa prière en actes, à tous les besoins qu'il peut
éprouver dans son uvre ; voyons-le à tous les pas
qu'il fait dans sa carrière, se procurer des nouvelles grâces,
de nouveaux appuis, de nouveaux bienfaits, et par cette
fidélité,
et ce vif dévouement, s'identifier tellement avec l'
esprit que
ces mêmes grâces, ces mêmes appuis, ces mêmes bienfaits
descendent sur lui comme gratuitement, mais d'une manière qui
lui soit comme naturelle, qu'il les reçoive à tout instant, sans
qu'il les cherche, et sans qu'il soit surpris cependant de les voir
ainsi prévenir même tous ses besoins.
Par cette douce perspective, jugeons ce que devait
être pour nous cet état glorieux où nous ne sommes
plus, mais dont le nouvel homme nous autorise à croire que nous
pouvons encore apercevoir les traces ici-bas. Car ce nouvel homme ne
doit être autre chose pour nous que le développement et
la manifestation de ce qu'était l'homme primitif, avant que les
suites du crime l'eussent englouti dans sa ténébreuse
prison.
Voyons-le donc développer les trésors
cachés en lui, et dont le Réparateur nous a montré
tant de
fruits semés dans le champ
évangélique
; voyons-le au milieu d'un peuple qui est au nombre d'environ
cinq
mille, n'ayant que
cinq pains et
deux poissons pour
les nourrir. Il les fera asseoir par troupes,
cinquante à
cinquante. Il lèvera les yeux au
ciel, il prendra les
cinq
pains et les
deux poissons, les bénira, les rompra,
les donnera à ses
disciples, afin qu'ils les présentent
au peuple ; ils en mangeront tous, ils seront rassasiés, et on
emportera
douze paniers pleins des morceaux qui seront restés.
Une fois il prendra
sept pains, et quelques
poissons pour
quatre mille hommes ; ils en mangeront tous, et seront rassasiés,
et on emportera
sept paniers pleins des morceaux qui seront restés.
Une autre fois voyons-le, comme
Elisée, multiplier
vingt pains
pour
mille personnes, et il s'en trouvera aussi de reste.
Tous ces faits ne sont que des témoignages,
et des
fruits des dons que l'
esprit a fait germer dans le nouvel homme
; ils ne font qu'annoncer cette nourriture spirituelle, active, et physique
que ce nouvel homme peut sans cesse multiplier en lui en faveur des
divers peuples qui habitent les diverses régions de son être
; car s'il est uni à la source de la vie, il n'y a plus rien
en lui où il ne puisse faire parvenir des ruisseaux de cette
source vivante, et où ces ruisseaux ne puissent tellement accumuler
leurs
eaux fécondes, que la fertilité s'y établisse,
et fournisse abondamment la subsistance à tout ce qu'il y aura
dans ses domaines légitimes, d'indigent, et d'affamé.
Si l'intelligence veut s'élever encore au-dessus
de ce nouvel homme, et se porter jusqu'aux lois, et aux voies que la
sagesse divine emploie pour faire descendre ses grâces et ses faveurs
sur les malheureux mortels, elle verra dans les faits rapportés
ci-dessus, premièrement, la puissance suprême apaisant
notre faim, et guérissant notre misère par le
nombre
de notre misère même ; secondement, elle y verra cette
même puissance suprême nous réserver, en outre, le
nombre nécessaire de sources abondantes pour nous seconder
dans notre régénération. Enfin elle y verra cette
même puissance suprême, agissant ensuite par
un nombre
pur, sur l'homme régénéré, et nous rendre
de nouveau, par là possesseurs de
ce même nombre pur
qui fut jadis notre caractère distinctif.