L'ÉVANGILE SELON LE SPIRITISME
CHAPITRE XI Aimer son prochain comme soi-même
Le plus grand commandement. Faire pour les autres ce que nous voudrions que les autres fissent pour nous. Parabole des créanciers et des débiteurs. Rendez à César ce qui est à César. Instructions des Esprits : La loi d'amour. L'égoïsme. La foi et la charité Charité envers les criminels. Doit-on exposer sa vie pour un malfaiteur ?
Le plus grand commandement
1. Les
Pharisiens ayant appris qu'il avait
fermé
la bouche aux Sadducéens, s'assemblèrent ; et l'un d'eux,
qui était docteur de la loi, vint lui faire cette question pour le tenter
: Maître, quel est le plus grand commandement de la loi ?
Jésus leur répondit : Vous aimerez le Seigneur votre
Dieu de tout
votre cur, de toute votre
âme et de tout votre
esprit ; c'est le plus
grand et le premier commandement. Et voici le second qui est semblable à
celui-là :
Vous aimerez votre prochain comme vous-mêmes.
Toute la loi et les prophètes sont renfermés dans ces deux commandements.
(
Saint Matthieu, ch. XXII, v. 34 à 40.)
2. Faites aux hommes tout ce que vous voulez qu'ils
vous fassent ; car c'est la loi et les prophètes. (Id., ch. VII, v.
12.)
Traitez tous les hommes de la même manière que
vous voudriez qu'ils vous traitassent. (
Saint Luc, ch. VI, v. 31.)
3. Le royaume des cieux est comparé à
un roi qui voulut faire rendre compte à ses serviteurs ; et ayant
commencé à le faire, on lui en présenta un qui lui devait
dix mille talents. Mais comme il n'avait pas les moyens de les lui rendre,
son maître commanda qu'on le vendît, lui, sa femme et ses
enfants,
et tout ce qu'il avait, pour satisfaire à cette dette. Le serviteur,
se jetant à ses pieds, le conjurait, en lui disant : Seigneur, ayez un
peu de patience, et je vous rendrai le tout. Alors le maître de ce
serviteur, étant touché de
compassion, le laissa aller et lui remit
sa dette. Mais ce serviteur ne fut pas plutôt sorti, que trouvant
un de ses
compagnons qui lui devait cent deniers, il le prit à la gorge
et l'étouffait presque en lui disant : Rends-moi ce que tu me dois.
Et son
compagnon, se jetant à ses pieds, le conjurait en lui disant : Ayez
un peu de patience et je vous rendrai le tout. Mais il ne voulut pas l'écouter
; et il s'en alla, et le fit mettre en prison, pour l'y tenir jusqu'à ce
qu'il lui rendît ce qu'il lui devait.
Les autres serviteurs, ses
compagnons,
voyant ce qui se passait,
en furent extrêmement affligés, et avertirent leur maître de
tout ce qui était arrivé. Alors le maître l'ayant fait
venir lui dit : Méchant serviteur, je vous avais remis tout ce que vous
me deviez, parce que vous m'en aviez prié ; ne fallait-il donc pas
que vous eussiez aussi pitié de votre
compagnon, comme j'avais eu pitié
de vous. Et son maître, étant ému de colère, le livra
entre les mains des bourreaux jusqu'à ce qu'il payât tout ce qu'il
devait.
C'est ainsi que mon Père qui est dans le
ciel vous traitera, si chacun
de vous ne pardonne du fond de son cur à son
frère les fautes
qu'il aura commises contre lui. (
Saint Matthieu. ch. XVIII, v. de 23 à
35.)
4. « Aimer son prochain comme soi-même ; faire pour les autres
ce que nous voudrions que les autres fissent pour nous, » est l'expression
la plus complète de la
charité, car elle résume tous les
devoirs envers le prochain. On ne peut avoir de guide plus sûr à
cet égard qu'en prenant pour mesure de ce que l'on doit faire aux autres
ce que l'on désire pour soi. De quel droit exigerait-on de ses semblables
plus de bons procédés, d'
indulgence, de bienveillance et de dévouement
que l'on n'en a soi-même pour eux ? La pratique de ces maximes tend à
la
destruction de l'égoïsme ; quand les hommes les prendront pour
règle de leur conduite et pour base de leurs institutions, ils comprendront
la véritable fraternité, et feront régner entre eux la paix
et la justice ; il n'y aura plus ni haines ni dissensions, mais union,
concorde
et bienveillance mutuelle.
Rendez à César ce qui est à César
5. Alors les
Pharisiens s'étant retirés firent dessein entre
eux de le surprendre dans ses paroles. Ils lui envoyèrent donc leurs
disciples avec les Hérodiens, lui dire : Maître, nous savons que
vous êtes véritable, et que vous enseignez la voie du
Dieu dans la
vérité, sans avoir égard à qui que ce soit, parce
que vous ne considérez point la personne dans les hommes ; dites-nous
donc votre avis sur ceci : Nous est-il libre de payer le tribut à César,
ou de ne pas le payer ?
Mais
Jésus, connaissant leur malice, leur dit : Hypocrites,
pourquoi me tentez-vous ? Montrez-moi la pièce d'
argent qu'on donne pour
le tribut. Et eux lui ayant présenté un denier,
Jésus leur
dit : De qui est cette image et cette inscription ? De César, lui
dirent-ils. Alors
Jésus leur répondit :
Rendez donc à
César ce qui est à César, et à Dieu ce qui est à
Dieu.
L'ayant entendu parler de la sorte, ils admirèrent sa réponse, et le laissant, ils se retirèrent. (
Saint Matth., ch. XXII, v. de 15 à 22 ;
Saint Marc, ch. XII, v. de 13 à 17.)
6. La question posée à
Jésus
était motivée par cette circonstance que les Juifs ayant en horreur
le tribut qui leur était imposé par les Romains, en avaient fait
une question
religieuse ; un parti nombreux s'était formé pour refuser
l'impôt ; le payement du tribut était donc pour eux une question
irritante d'actualité, sans cela la demande faite à
Jésus
: « Nous est-il libre de payer ou de ne pas payer le tribut à César
? » n'aurait eu aucun sens. Cette question était un piège
; car, suivant sa réponse, ils espéraient exciter contre lui soit
l'autorité romaine, soit les Juifs dissidents. Mais «Jésus,
connaissant leur malice,» élude la difficulté en leur donnant
une leçon de justice, et en disant de rendre à chacun ce qui lui
est dû. (Voir l'introduction, article :
Publicains.)
8. L'
amour résume la doctrine de
Jésus
tout entière, car c'est le sentiment par excellence, et les sentiments
sont les instincts élevés à la
hauteur du progrès
accompli. A son point de départ, l'homme n'a que des instincts ; plus avancé
et corrompu, il n'a que des sensations ; mais instruit et purifié, il a
des sentiments ; et le point exquis du sentiment, c'est l'
amour, non l'
amour dans
le sens vulgaire du mot, mais ce
soleil intérieur qui condense et réunit
dans son ardent foyer tontes les aspirations et toutes les révélations
surhumaines. La loi d'
amour remplace la personnalité par la
fusion des
êtres ; elle anéantit les misères sociales. Heureux celui
qui, dépassant son humanité, aime d'un large
amour ses
frères
en douleurs ! Heureux celui qui aime, car il ne connaît ni la détresse
de l'
âme, ni celle du
corps ; ses pieds sont légers, et il vit comme
transporté hors de lui-même. Lorsque
Jésus eut prononcé
ce mot divin d'
amour, ce mot fit tressaillir les peuples, et les
martyrs, ivres
d'espérance, descendirent dans le cirque.
Le spiritisme, à son tour, vient prononcer un second
mot de l'alphabet divin ; soyez attentifs, car ce mot soulève la pierre
des tombeaux vides, et la
réincarnation, triomphant de la mort,
révèle à l'homme ébloui son patrimoine intellectuel
; ce n'est plus aux supplices qu'elle le conduit, mais à la conquête
de son être, élevé et transfiguré. Le sang a racheté
l'
Esprit, et l'
Esprit doit aujourd'hui racheter l'homme de la matière.
J'ai dit qu'à son début l'homme n'a que des instincts ; celui donc
en qui les instincts dominent est plus près du point de départ que
du but. Pour avancer vers le but, il faut vaincre les instincts au profit des
sentiments, c'est-à-dire perfectionner ceux-ci en étouffant les
germes latents de la matière. Les instincts sont la germination et les
embryons du sentiment ; ils portent avec eux le progrès, comme le gland
recèle le chêne, et les êtres les moins avancés sont
ceux qui, ne dépouillant que peu à peu leur chrysalide, demeurent
asservis à leurs instincts. L'
Esprit doit être cultivé comme
un champ ; toute la richesse future dépend du labour présent, et
plus que des biens terrestres, il vous apportera la glorieuse élévation
; c'est alors que, comprenant la loi d'
amour qui unit tons les êtres, vous
y chercherez les suaves jouissances de l'
âme qui sont le prélude
des joies célestes. (Lazare,
Paris, 1862)
9. L'
amour est d'
essence divine, et depuis le premier jusqu'au dernier,
vous possédez au fond du cur l'étincelle de ce
feu sacré.
C'est un fait que vous avez pu constater bien des fois : l'homme le plus abject,
le plus vil, le plus criminel, a pour un être ou pour un objet quelconque
une affection vive et ardente, à l'épreuve de tout ce qui tendrait
à la diminuer, et atteignant souvent des proportions sublimes.
J'ai dit pour un être ou un objet quelconque, parce qu'il existe parmi vous
des individus qui dépensent des trésors d'
amour dont leur cur
surabonde, sur des
animaux, sur des plantes, et même sur des objets matériels
: espèces de
misanthropes se plaignant de l'humanité en général,
se raidissant contre la pente naturelle de leur
âme qui cherche autour d'elle
l'affection et la sympathie ; ils rabaissent la loi d'
amour à l'état
d'instinct. Mais, quoi qu'ils fassent, ils ne sauraient étouffer le germe
vivace que
Dieu a déposé dans leur cur à leur création
; ce germe se développe et grandit avec la moralité et l'intelligence,
et, quoique souvent comprimé par l'égoïsme, il est la source
des saintes et douces vertus qui font les affections sincères et durables,
et vous aident à franchir la route escarpée et aride de l'existence
humaine.
Il est quelques personnes à qui l'épreuve de
la réincarnation répugne, en ce sens que d'autres participent aux
sympathies affectueuses dont ils sont jaloux.
Pauvres frères ! c'est votre
affection qui vous rend égoïstes ; votre
amour est restreint à
un cercle intime de parents ou d'amis, et tous les autres vous sont indifférents.
Eh bien ! pour pratiquer la loi d'
amour telle que
Dieu l'entend, il faut que vous
arriviez par degrés à aimer tous vos
frères indistinctement.
La tâche sera longue et difficile, mais elle s'accomplira :
Dieu le veut,
et la loi d'
amour est le premier et le plus important précepte de votre
nouvelle doctrine, parce que c'est celle-là qui doit un
jour tuer l'égoïsme
sous quelque forme qu'il se présente ; car, outre l'égoïsme
personnel, il y a encore l'égoïsme de famille, de caste, de nationalité.
Jésus a dit : « Aimez votre prochain comme vous-mêmes ; »
or, quelle est la limite du prochain ? est-ce la famille, la secte, la nation
? Non, c'est l'humanité tout entière. Dans les mondes supérieurs,
c'est l'
amour mutuel qui harmonise et dirige les
Esprits avancés qui les
habitent, et votre planète destinée à un progrès prochain,
par sa transformation sociale, verra pratiquer par ses habitants cette sublime
loi, reflet de la Divinité.
Les effets de la loi d'
amour sont l'amélioration morale de la race humaine
et le bonheur pendant la vie terrestre. Les plus rebelles et les plus vicieux
devront se réformer quand ils verront les bienfaits produits par cette
pratique : Ne faites pas aux autres ce que vous ne voudriez pas qui vous fût
fait, mais faites-leur au contraire tout le bien qu'il est en votre pouvoir de
leur faire.
Ne croyez pas à la stérilité et à l'endurcissement
du cur humain ; il cède malgré lui à l'
amour vrai ;
c'est un
aimant auquel il ne peut résister, et le contact de et
amour vivifie
et féconde les
germes de cette vertu qui est dans vos curs à
l'état latent. La terre, séjour d'épreuve et d'exil, sera
alors purifiée par ce
feu sacré, et verra pratiquer la
charité,
l'humilité, la patience, le dévouement, l'
abnégation, la
résignation, le sacrifice, toutes vertus filles de l'
amour. Ne vous lassez
donc pas d'entendre les paroles de Jean l'
Evangéliste ; vous le savez,
quand l'infirmité et la vieillesse suspendirent le cours de ses
prédications,
il ne répétait que ces douces paroles : « Mes petits
enfants,
aimez-vous les uns les autres. »
Chers
frères aimés, mettez à profit
ces leçons ; la pratique en est difficile, mais l'
âme en retire un
bien immense. Croyez-moi, faites le sublime effort que je vous demande : «
Aimez-vous, » vous verrez bientôt la terre transformée et devenir
l'Elysée où les
âmes des justes viendront goûter le
repos. (Fénelon.
Bordeaux, 1861.)
10. Mes chers
condisciples, les
Esprits ici présents vous disent
par ma voix : Aimez bien, afin d'être aimés. Cette pensée
est si juste, que vous trouverez en elle tout ce qui console et calme les peines
de chaque
jour ; ou plutôt, en pratiquant cette sage maxime, vous vous élèverez
tellement au-dessus de la matière, que vous vous spiritualiserez avant
votre dépouillement terrestre. Les études spirites ayant développé
chez vous la compréhension de l'avenir, vous avez une certitude : l'avancement
vers
Dieu, avec toutes les promesses qui répondent aux aspirations de votre
âme ; aussi devez-vous vous élever assez haut pour juger sans les
étreintes de la matière, et ne pas condamner votre prochain avant
d'avoir reporté votre pensée vers
Dieu.
Aimer, dans le sens profond du mot, c'est être loyal,
probe, consciencieux,
pour faire aux autres ce que l'on voudrait pour soi-même ; c'est chercher
autour de soi le sens intime de toutes les douleurs qui accablent vos
frères
pour y apporter un adoucissement ; c'est regarder la grande famille humaine comme
la sienne, car cette famille, vous la retrouverez dans une certaine période,
en des mondes plus avancés, et les
Esprits qui la composent sont, comme
vous,
enfants de
Dieu, marqués au front pour s'élever vers l'
infini.
C'est pour cela que vous ne pouvez refuser à vos
frères ce que
Dieu
vous a libéralement donné, parce que, de votre côté,
vous seriez bien aises que vos
frères vous donnassent ce dont vous auriez
besoin. A toutes les souffrances donnez donc une parole d'espérance et
d'appui, afin que vous soyez tout
amour, toute justice.
Croyez que cette sage parole : « Aimez bien pour être
aimés, » fera son chemin ; elle est révolutionnaire, et suit
la route qui est fixe, invariable. Mais vous avez déjà gagné,
vous qui m'écoutez ; vous êtes infiniment meilleurs qu'il y a cent
ans ; vous avez tellement changé à votre avantage que vous acceptez
sans conteste une foule d'idées nouvelles sur la
liberté et la fraternité
que vous eussiez rejetées jadis ; or, dans cent ans d'ici, vous accepterez
avec la même facilité celles qui n'ont pu encore entrer dans votre
cerveau.
Aujourd'hui que le mouvement spirite a fait un grand pas, voyez avec quelle rapidité
les idées de justice et de rénovation renfermées dans les
dictées des
Esprits sont acceptées par la moyenne partie du monde
intelligent ; c'est que ces idées répondent à tout ce qu'il
y a de divin en vous ; c'est que vous êtes préparés par une
semence féconde : celle du siècle dernier, qui a implanté
dans la société les grandes idées de progrès ; et
comme tout s'enchaîne sous le doigt du Très-Haut, toutes les leçons
reçues et acceptées seront renfermées dans cet échange
universel de l'
amour du prochain ; par lui, les
Esprits incarnés jugeant
mieux, sentant mieux, se tendront la main des confins de votre planète
; on se réunira pour s'entendre et s'aimer, pour détruire toutes
les injustices, toutes les causes de mésintelligence entre les peuples.
Grande pensée de rénovation par le spiritisme,
si bien décrite dans le
Livre des Esprits, tu produiras le
grand miracle du siècle à venir, celui de la réunion de tous
les intérêts matériels et spirituels des hommes, par l'application
de cette maxime bien comprise : Aimez bien, afin d'être aimé. (Sanson,
ancien membre de la Société spirite de
Paris, 1863.)
L'égoïsme
11. L'égoïsme, cette plaie de l'humanité, doit disparaître
de la terre, dont il arrête le progrès moral ; c'est au spiritisme
qu'est réservée la tâche de la faire monter dans la hiérarchie
des mondes. L'égoïsme est donc le but vers lequel tous les vrais croyants
doivent diriger leurs armes, leurs
forces, leur courage ; je dis leur courage,
car il en faut plus pour se vaincre soi-même que pour vaincre les autres.
Que chacun mette donc tous ses soins à le combattre en soi, car ce monstre
dévorant de toutes les intelligences, cet
enfant de l'orgueil est la source
de toutes les misères d'ici-bas. Il est la négation de la
charité,
et par conséquent le plus grand obstacle au bonheur des hommes.
Jésus vous a donné l'exemple de la
charité, et Ponce-Pilate
de l'égoïsme ; car lorsque le Juste va parcourir les saintes stations
de son
martyre, Pilate se lave les mains en disant : Que m'importe ! Il dit aux
Juifs : Cet homme est juste, pourquoi voulez-vous le crucifier ? et cependant
il le laisse conduire au supplice.
C'est à cet antagonisme de la
charité et de l'égoïsme,
c'est à l'envahissement de cette lèpre du cur humain que le
christianisme doit de n'avoir pas encore accompli toute sa mission. C'est à
vous, apôtres nouveaux de la foi et que les
Esprits supérieurs éclairent,
qu'incombent la tâche et le devoir d'extirper ce mal pour donner au christianisme
toute sa
force et déblayer la route des ronces qui entravent sa marche.
Chassez l'égoïsme de la terre pour qu'elle puisse graviter dans l'échelle
des mondes, car il est temps que l'humanité revête sa robe virile,
et pour cela il faut d'abord le chasser de votre cur. (Emmanuel.
Paris,
1861.)
12. Si les hommes s'aimaient d'un commun
amour, la
charité serait mieux pratiquée ; mais il faudrait pour cela que
vous vous efforçassiez de vous débarrasser de cette cuirasse qui
couvre vos curs, afin d'être plus sensibles envers ceux qui souffrent.
La rigidité tue les bons sentiments ; le Christ ne se rebutait pas ; celui
qui s'adressait à lui, quel qu'il fût, n'était pas repoussé
: la femme adultère, le criminel étaient secourus par lui ; il ne
craignait jamais que sa propre considération eût à en souffrir.
Quand donc le prendrez-vous pour modèle de toutes vos actions ?
Si la
charité régnait sur la terre, le méchant n'aurait plus d'empire
; il fuirait honteux ; il se cacherait, car il se trouverait déplacé
partout. C'est alors que le mal disparaîtrait ; soyez bien pénétrés
de ceci.
Commencez par donner l'exemple vous-mêmes ; soyez charitables envers tous
indistinctement ; efforcez-vous de ne plus remarquer ceux qui vous regardent avec
dédain, et laissez à
Dieu le soin de toute justice, car chaque
jour,
dans son royaume, il sépare le bon grain de l'ivraie.
L'égoïsme est la négation de la
charité ; or, sans la
charité point de repos dans la société ; je dis plus, point
de sécurité ; avec l'égoïsme et l'orgueil, qui se donnent
la main, ce sera toujours une course au plus adroit, une lutte d'intérêts
où sont foulées aux pieds les plus saintes affections, où
les liens sacrés de la famille ne sont pas même respectés.
(Pascal.
Sens, 1862.)
La foi et la charité
13. Je vous ai dit dernièrement, mes chers
enfants, que la
charité
sans la foi ne suffisait point pour maintenir parmi les hommes un ordre social
capable de les rendre heureux. J'aurais dû dire que la
charité est
impossible sans la foi. Vous pourrez bien trouver, à la vérité,
des élans généreux même chez la personne privée
de
religion, mais cette
charité austère qui ne s'exerce que par
l'
abnégation, par le sacrifice constant de tout intérêt égoïste,
il n'y a que la foi qui puisse l'
inspirer, car il n'y a qu'elle qui nous fasse
porter avec courage et persévérance la croix de cette vie.
Oui, mes
enfants, c'est en vain que l'homme avide de jouissances voudrait se faire
illusion sur sa destinée ici-bas, en soutenant qu'il lui est permis de
ne s'occuper que de son bonheur. Certes,
Dieu nous créa pour être
heureux dans l'éternité ; cependant la vie terrestre doit uniquement
servir à notre perfectionnement moral, lequel s'acquiert plus facilement
avec l'aide des organes et du monde matériel. Sans compter les vicissitudes
ordinaires de la vie, la diversité de vos
goûts, de vos penchants,
de vos besoins, est aussi un moyen de vous perfectionner en vous exerçant
dans la
charité. Car, ce n'est qu'à
force de concessions et de sacrifices
mutuels que vous pouvez maintenir l'
harmonie entre des
éléments
aussi divers.
Vous aurez cependant raison en affirmant que le bonheur est destiné à
l'homme ici-bas, si vous le cherchez, non dans les jouissances matérielles,
mais dans le bien. L'
histoire de la chrétienté parle de
martyrs
qui allaient au supplice avec joie ; aujourd'hui, et dans votre société,
il ne faut pour être chrétien, ni l'holocauste du
martyre, ni le
sacrifice de la vie, mais uniquement et simplement le sacrifice de votre égoïsme,
de votre orgueil et de votre vanité. Vous triompherez, si la
charité
vous
inspire et si la foi vous soutient. (
Esprit protecteur. Cracovie, 1861.)
Charité envers les criminels
14. La vraie
charité est un des plus sublimes enseignements que
Dieu ait donnés au monde. Il doit exister entre les véritables
disciples
de sa doctrine une fraternité complète. Vous devez aimer les malheureux,
les criminels, comme des créatures de
Dieu, auxquelles le pardon et la
miséricorde seront accordés s'ils se repentent, comme à vous-mêmes,
pour les fautes que vous commettez contre sa loi. Songez que vous êtes plus
répréhensibles, plus coupables que ceux auxquels vous refusez le
pardon et la
commisération, car souvent ils ne connaissent pas
Dieu comme
vous le connaissez, et il leur sera moins demandé qu'à vous.
Ne jugez point, oh ! ne jugez point, mes chers amis, car le
jugement que vous
portez vous sera appliqué plus sévèrement encore, et vous
avez besoin d'
indulgence pour les péchés que vous commettez sans
cesse. Ne savez-vous pas qu'il y a bien des actions qui sont des crimes aux yeux
du
Dieu de pureté, et que le monde ne considère pas même comme
des fautes légères ?
La vraie
charité ne consiste pas seulement dans l'aumône que vous
donnez, ni même dans les paroles de consolation dont vous pouvez l'accompagner
; non, ce n'est pas seulement ce que
Dieu exige de vous. La
charité sublime
enseignée par
Jésus consiste aussi dans la bienveillance accordée
toujours et en toutes choses à votre prochain. Vous pouvez encore exercer
cette sublime vertu sur bien des êtres qui n'ont que faire d'aumônes,
et que des paroles d'
amour, de consolation, d'encouragement amèneront au
Seigneur.
Les temps sont proches, je le dis encore, où la grande
fraternité régnera sur ce globe ; la loi du Christ est celle qui
régira les hommes : celle-là seule sera le frein et l'espérance,
et conduira les
âmes aux séjours bienheureux. Aimez-vous donc comme
les
enfants d'un même père ; ne faites point de différence
entre les autres malheureux, car c'est
Dieu qui veut que tous soient égaux
; ne méprisez donc personne ;
Dieu permet que de grands criminels soient
parmi vous, afin qu'ils vous servent d'enseignement. Bientôt, quand les
hommes seront amenés aux vraies lois de
Dieu, il n'y aura plus besoin de
ces enseignements-là, et
tous les Esprits impurs et révoltés
seront dispersés dans des mondes inférieurs en harmonie avec leurs
penchants.
Vous devez à ceux dont je parle le secours de vos
prières : c'est la vraie
charité. Il ne faut point dire d'un criminel
: « C'est un misérable ; il faut en purger la terre ; la mort qu'on
lui inflige est trop douce pour un être de cette espèce. »
Non, ce n'est point ainsi que vous devez parler. Regardez votre modèle,
Jésus ; que dirait-il, s'il voyait ce malheureux près de lui ? Il
le plaindrait ; il le considèrerait comme un malade bien misérable
; il lui tendrait la main. Vous ne pouvez le faire en réalité, mais
au moins vous pouvez prier pour lui, assister son
Esprit pendant les quelques
instants qu'il doit encore passer sur votre terre. Le repentir peut
toucher son
cur, si vous priez avec la foi. Il est votre prochain comme le meilleur
d'entre les hommes ; son
âme égarée et révoltée
est créée, comme la vôtre, pour se perfectionner ; aidez-le
donc à sortir du bourbier et priez pour lui. (Elisabeth de France. Le
Havre,
1862.)
15. Un homme est en danger de mort ; pour le sauver, il faut exposer sa vie ; mais on sait que cet homme est un malfaiteur, et que, s'il en réchappe, il pourra commettre de nouveaux crimes. Doit-on, malgré cela, s'exposer pour le sauver ?
Ceci est une question fort grave et qui peut se présenter naturellement à l'
esprit. Je répondrai selon mon avancement moral, puisque nous en sommes sur ce point de savoir si l'on doit exposer sa vie même pour un
malfaiteur. Le dévouement est aveugle : on secourt un
ennemi, on doit donc
secourir l'
ennemi de la société, un malfaiteur en un mot. Croyez-vous
que ce soit seulement à la mort que l'on court arracher ce malheureux ?
c'est peut-être à sa vie passée tout entière. Car,
songez-y, dans ces rapides instants qui lui ravissent les dernières minutes
de la vie, l'homme perdu revient sur sa vie passée, ou plutôt elle
se dresse devant lui. La mort, peut-être, arrive trop tôt pour lui
; la réincarnation pourra être terrible ; élancez-vous donc,
hommes ! vous que la science spirite a éclairés ; élancez-vous,
arrachez-le à sa
damnation, et alors, peut-être, cet homme qui serait
mort en vous blasphémant se jettera dans vos bras. Toutefois, il ne faut
pas vous demander s'il le fera ou s'il ne le fera point, mais aller à son
secours, car, en le sauvant, vous obéissez à cette voix du cur
qui vous dit : « Tu peux le sauver, sauve-le ! » (Lamennais.
Paris, 1862.)