Biographie universelle ancienne et moderne Dom Jean-Luc d'
Achéry, né à
Saint-Quentin, en 1609, fit profession dans l'
abbaye d'
Isle de la même ville ; mais,
voyant qu'on n'y observait pas fidèlement la règle de
saint Benoît, fondateur de l'ordre, il embrassa, le 04
octobre 1632, la réforme de saint Maur, dans l'
abbaye
de la Ste-Trinité de
Vendôme. Bientôt après, il fut attaqué du calcul, ce qui obligea de le transporter à
Paris, où il se fixa à l'
abbaye de St-Germain-des-Prés, partageant son temps, malgré ses infirmités qui ne le quittèrent jamais, entre les exercices de piété et l'étude, dont il contribua beaucoup à faire revivre le
goût dans l'ordre qu'il avait embrassé. Il se livra surtout à la recherche des monuments du
moyen-âge ; il mit en ordre la bibliothèque dont l'
abbaye lui avait confié la direction, en fit des catalogues exacts, et l'augmenta de plusieurs bons livres qu'il rassembla avec soin. Il entretint avec la plupart des autres
abbayes de l'ordre de
saint Benoît des relations qui lui procurèrent beaucoup de pièces intéressantes, restées jusqu'alors ensevelies, et dont la publication lui acquit une grande réputation.
Son premier ouvrage fut l'édition de l'
Epître
attribuée à l'apôtre
saint Barnabé. Le P. Hugues Ménard,
religieux de la même congrégation, qui en avait découvert le manuscrit dans l'
abbaye de
Corbie, l'avait déjà commentée, ayant le dessein de la publier ; mais la mort l'en avait empêché.
Luc d'
Achéry la fit paraître sous ce titre :
Epistola catholica S. Barnabæ apostoli, gr. et lat., cum notis Nic. Hug. Menardi, et elogio ejusdem auctoris,
Paris, 1645, in-4°. En 1648,
dom Luc rassembla en un seul volume la
Vie et les
uvres du bienheureux Lanfranc,
archevêque de
Cantorbéry,
Paris, 1648, in-fol. La vie de Lanfranc, qui est en tête, est tirée d'un ancien manuscrit de l'
abbaye du Bec ; et ses uvres se composent de ses
Commentaires sur les Epîtres de saint Paul, d'après un manuscrit de l'
abbaye de St-Melaine de
Rennes ; d'un
Traité du corps et du sang de Jésus-Christ, contre Bérenger. Les notes qui accompagnent cette édition, et surtout la vie et les lettres de Lanfranc, sont exactes et savantes. L'appendice contient la
Chronique de l'abbaye du Bec, depuis sa fondation, en 1304, jusqu'en 1437 ; la
Vie de saint Herluin, fondateur et premier abbé de ce
monastère : celles des quatre abbés qui lui succédèrent, et celle de saint Augustin, non pas l'
évêque
d'
Hippone, comme Teissier le donne à penser dans sa
Bibliotheca bibliothecarum, mais l'apôtre de l'Angleterre : des
Traités sur l'Eucharistie, l'un par Hugues,
évêque de
Langres, et l'autre par Durand, abbé de
Troarn, contre l'hérésie de Bérenger. Le Catalogue des ouvrages
ascétiques des Pères et des auteurs modernes, que d'
Achéry composa par ordre de
dom Grégoire Tarisse, supérieur général, parut dans la même année, sans nom d'auteur, sous ce titre :
Asceticorum, vulgo spiritualium opusculorum, quæ inter Patrum opera reperiuntur, Indiculus, etc.,
Paris, 1648. in-4°. Ce Catalogue, qui a été réimprimé et augmenté par les soins de
dom Jacques Rémi,
Paris, 1671, in-4°, était particulièrement utile aux personnes qui embrassaient la vie
religieuse ; l'auteur indique le mérite de chaque livre, l'utilité qu'on en peut retirer. On y trouve les titres de plusieurs ouvrages
mystiques qu'on recherchait dans l'avant-dernier siècle, mais qui sont aujourd'hui
totalement oubliés. En 1651,
dom Luc publia la
Vie et les
uvres de Guibert, abbé de Nogent-sous-Couci, auxquelles il a ajouté un grand nombre de Vies de saints et d'autres pièces,
Paris 1651, in-fol. Les notes sont savantes et judicieuses ; il y fait l'
histoire de plusieurs
abbayes, et publie des diplômes et des chartes encore inconnus. On a attaqué depuis, avec raison, la date de quelques-uns ; mais l'erreur tient de ce que ces actes ont été imprimés d'après des copies, et non d'après les originaux. D'
Achéry a aussi mis au
jour la
Règle des Solitaires, du P. Grimlaïc, qu'il a enrichie de notes et d'observations,
Paris, 1653,
in-12.
Son ouvrage le plus considérable est le Recueil intitulé :
Veterum aliquot scriptorum, qui in Galliæ bibliothecis, maxime benedictinorum, latuerant, Spicilegium. etc., 1655-77, 13 vol. in-4°. Quoiqu'il n'ait donné à cet ouvrage que le titre de
Spicilège, c'est-à-dire de
glanures, on peut le regarder comme une moisson précieuse et abondante ; il contient un grand nombre de pièces du
moyen-âge, rares et précieuses, telles que des actes, des canons, des
conciles, des chroniques, des
histoires particulières, des vies de saints, des lettres, des
poésies, des diplômes, des chartes tirés des dépôts de différents
monastères. Chacun des treize volumes est accompagné d'une préface destinée à faire connaître les pièces qui y sont contenues, et auxquelles d'
Achéry a mis des notes qui prouvent sa vaste érudition et ses profondes connaissances. Il y a dans le 13ème tome une table chronologique. En 1723, le
Spicilège de
dom Luc étant devenu rare, L.-Fr.-J. de la
Barre en donna une nouvelle édition in-fol., 3 vol. Les pièces y sont rangées par ordre de matières, et chaque matière par ordre chronologique. A la tête du premier volume, il y a une table chronologique de tout ce que les trois renferment, une seconde table des pièces, selon l'ordre de l'ancienne édition, et une troisième, dans l'ordre alphabétique. De la
Barre s'est aussi attaché à corriger le texte, en faisant usage des variantes que Baluze et
dom Martène avaient recueillies, et il a ajouté quelques nouvelles pièces. Cette seconde édition n'empêche pas de rechercher la première, parce que les corrections de la
Barre sont souvent intercalés dans les textes que d'
Achéry avait respectés, et que ce nouvel éditeur a aussi beaucoup mutilé les savantes préfaces du premier.
On doit encore à
Luc d'
Achéry une bonne partie du Recueil des Actes des
Saints de l'ordre de
saint Benoît :
Acta Sanctorum ordinis Sancti Benedecti in sæculorum classes distributa, et cum eo edidit D. Johannes Mabillon, qui et universum opus notis, indicibus illustravit,
Paris, 1668-1701, 3 vol. in-fol. D'
Achery avait fait une ample collection de ces actes ; mais c'est le P.
Mabillon qui a eu la principale part à leur publication, et qui les a enrichis de savantes préfaces, de notes, d'observations et de tables.
D'
Achéry vivait dans une retraite absolue, ne sortait
presque point, et évitait les visites et les conversations inutiles : c'est ainsi qu'il se ménageait le temps nécessaire pour se livrer aux immenses travaux dont on vient de parler, et qui lui ont acquis l'estime des papes Alexandre VII et
Clément X, dont il reçut des médailles. Il atteignit, malgré ses continuelles infirmités, l'âge de 76 ans, et mourut dans l'
abbaye de St-Germain-des-Prés, le 29 avril 1683. Il fut enterré au-dessous de la bibliothèque dont il avait eu soin pendant plusieurs années. Cette
abbaye conservait les lettres qui lui avaient été adressées par divers savants. On trouve dans le
Journal des Savants du 26 novembre 1685, un court éloge d'
Achéry ; celui de Maugendre, qui a remporté le prix d'éloquence au
jugement de l'académie d'
Amiens, est plus complet ; il a été imprimé dans cette ville, en 1775.
(Biographie universelle ancienne et moderne - Tome 1 - Pages 118-119)