Caractère essentiellement chrétien
du Martiniste
Les cléricaux ont fait tous leurs efforts, à
toute époque, pour conserver pour eux seuls la possibilité des
communications avec le plan divin. D'après leur prétention, toute
communication qui ne vient pas par leur
influence est due soit à Satan,
soit à quelques autres démons. Ils ont même poussé
la calomnie jusqu'au point de prétendre que les Martinistes n'étaient
pas chrétiens et que ce n'était pas le Christ qu'ils servaient,
mais je ne sais quel diable, déguisé sous ce nom.
Voici, en attendant, la réponse de Claude de
Saint-Martin
à ces niaiseries :
« Mais j'ajoute que les
éléments mixtes
sont le médium que le Christ devait prendre pour venir jusqu'à nous,
au lieu que nous, nous devons briser, traverser ces
éléments pour
arriver jusqu'à lui, que tant que nous reposerons sur ces
éléments,
nous sommes encore en arrière.
*
* *
Néanmoins, comme je crois parler à un homme
mesuré, calme et discret, je ne vous cacherai point que, dans l'école
où j'ai passé, il y a plus de vingt-cinq ans, les
communications
de tout genre étaient nombreuses et fréquentes, et j'en ai eu ma
part comme beaucoup d'autres, et que, dans cette part, tous les signes indicatifs
du réparateur étaient compris. Or, vous n'ignorez plus que ce réparateur et la cause active sont la même chose.
*
* *
Je crois que la parole s'est toujours communiquée
directement et sans
intermède depuis le commencement des choses. Elle a
parlé directement à
Adam, à ses
enfants et successeurs, à
Noé, à Abraham, à Moïse, aux prophètes, etc.,
jusqu'au temps de Jésus-Christ. Elle a parlé par le grand nom, et
elle voulait si bien le transmettre elle-même directement, que, selon la
loi
lévitique, le grand
prêtre s'enfermait seul dans le
Saint des
Saints pour le prononcer ; et que même, selon quelques traditions, il avait
des sonnettes au bas de sa robe pour en couvrir la prononciation aux oreilles
de ceux qui restaient dans les autres enceintes.
« Lorsque le Christ est venu, il a rendu encore la
prononciation de ce mot plus centrale ou plus intérieure, puisque le grand
nom que ces quatre lettres exprimaient est l'explosion quaternaire ou le signal
crucial de toute vie ; au lieu que Jésus-Christ, en apportant d'en haut
le ש des hébreux, ou la lettre S, a joint le saint ternaire lui-même
au grand nom quaternaire, dont trois est le principe. Or, si le quaternaire devait
trouver en nous sa propre source dans les ordinations anciennes, à plus
forte raison le nom du Christ doit-il aussi attendre de lui exclusivement toute
son efficacité et toute sa lumière. Aussi nous a-t-il dit de nous
enfermer dans notre
chambre, quand nous voudrions prier : au lieu que, dans l'ancienne
loi, il fallait absolument aller adorer au
Temple de Jérusalem ; et ici,
je vous renverrai aux petits traités de votre ami sur la pénitence,
la sainte prière, le vrai abandon, intitulés :
Der
Weg zu Christ ; vous y verrez, à tous les pas, si tous les
modes humains ne sont pas disparus, et s'il est possible que quelque chose vous
soit transmis véritablement, si l'
esprit ne se crée pas en nous,
comme il se crée éternellement dans le principe de la nature universelle,
où se trouve en permanence l'image d'où nous avons tiré notre
origine, et qui a servi de cadre au
Mensebwerdung. Sans doute, il y a une
grande vertu attachée à cette prononciation véritable, tant
centrale qu'orale, de ce grand nom et de celui de Jésus-Christ qui en est
comme la
fleur. La vibration de notre
air élémentaire est une chose
bien secondaire dans l'opération par laquelle ces noms rendent sensible
ce qui ne l'était pas. Leur vertu est de faire aujourd'hui et à
tout moment ce qu'ils ont fait au commencement de toutes choses pour leur donner
l'origine ; et comme ils ont produit toute chose avant que l'
air existât,
sans doute qu'ils sont encore au-dessus de l'
air, quand ils remplissent les mêmes
fonctions ; et il n'est pas plus impossible à cette divine parole de se
faire entendre auditivement, même à un sourd et dans un lieu privé
d'
air, qu'il n'est difficile à la lumière spirituelle de se rendre
sensible à nos yeux même physiques, quand même nous serions
aveugles et enfoncés dans le cachot le plus ténébreux. Lorsque
les hommes font sortir les paroles hors de leur vraie place, et qu'ils les livrent
par
ignorance, imprudence ou
impiété, aux régions extérieures
ou à la
disposition des hommes du torrent, elles conservent sans doute
toujours de leur vertu, mais elles en retirent toujours aussi beaucoup à
elles, parce qu'elles ne s'accommodent pas des combinaisons humaines ; aussi ces
trésors si respectables n'ont-ils fait autre chose qu'éprouver du
déchet, en passant par la main des hommes ; sans compter qu'ils n'ont cessé
d'être remplacés par des ingrédients ou nuls ou dangereux,
qui, produisant aussi des effets, ont fini par remplir d'
idoles le monde entier,
parce qu'il est le temple du vrai
Dieu, qui est le centre de la parole. »
Ne terminons pas cet extrait sans faire remarquer que c'est
à
Saint-Martin lui-mème que l'Ordre est redevable, non seulement
du sceau, mais encore du nom
mystique du Christ (
), qui orne tous les documents officiels du Martinisme.
Il faut vraiment la mauvaise foi d'un clérical pour
venir prétendre que ce nom sacré se rapporte à une autre
personne que N.-S. Jésus-Christ, le Verbe divin créateur. M. Antonini
qui dans son livre
Doctrine du Mal prétend que le schin hébraïque satanise tous les mots où il entre, montre simplement qu'il est incapable de rien comprendre au
symbolisme.
Le Martinisme est chrétien ; mais son esprit est nettement anticlérical
« C'est bien l'
ignorance et l'hypocrisie des
prêtres
qui est une des causes principales des maux qui ont affligé l'
Europe depuis
plusieurs siècles jusqu'à ce
jour.
Je ne compte pas la prétendue transmission de l'
Eglise
de Rome, qui, à mon avis, ne transmet rien comme
Eglise, quoique quelques-uns
de ses membres puissent transmettre quelquefois, soit par leur vertu personnelle,
soit par la foi des ouailles, soit par une volonté particulière
du bien. »
La pratique. - Les êtres astraux
Comme tout illuminé,
Saint-Martin sait insister sur
le danger des communications avec les astraux. Témoin cet extrait de la
correspondance des deux amis.
Ne pourrait-on pas nommer les trois royaumes que votre école
désignait «
naturel,
spirituel et
divin »,
naturel,
astral et
divin ?
Toutes ces manifestations qui viennent à la suite
d'une
initiation, ne seraient-elles pas du règne astral, et dès
que l'on a mis les pieds dans ce domaine, n'entre-t-on pas en société
avec les êtres qui l'habitent, dont la plupart, s'il m'est permis, dans
un sujet semblable, de me servir d'une expression triviale, sont mauvaise compagnie
? N'entre-t-on pas en société avec des êtres qui peuvent tourmenter,
jusqu'à l'excès l'opérateur qui vit dans cette foule, au
point de lui susciter le désespoir et de lui
inspirer le suicide, témoin
Schropfer et le comte de Cagliostro ! Sans doute qu'il restera aux
initiés
des moyens plus ou moins efficaces pour se garantir des visions ; mais en général, il me semble que cette situation qui est hors de l'ordre établi par la Providence peut plutôt avoir des suites funestes que favorables pour notre avancement.
Saint-Martin et Cagliostro
Cela nous
amène à montrer en quelle méfiance
l'illuminé français tenait l'envoyé des
frères Templiers
d'Allemagne. Nul mieux que
Saint-Martin ne pouvait juger de la réalité
de certains faits produits par Cagliostro, des
influences très élevées qui, parfois, se manifestaient ; mais aussi des détestables entités qui ne manquaient pas, à d'autres moments, de s'emparer de l'
esprit et des
âmes des assistants.
Cagliostro
Je découvris, par des discours, que leur maître,
malgré l'abjection de son état moral, avait opéré
par la parole et qu'il avait même transmis à ses
disciples la connaissance
d'opérer de la même façon pendant son absence.
Un exemple marquant dans ce genre, et que j'ai appris, il
y a un couple d'années, est celui qui arriva à la consécration
de la loge maçonnique égyptienne à
Lyon, le 26
juillet 556,
suivant leur calcul, qui me parait erroné. Les travaux durèrent
trois
jours, les prières cinquante-quatre heures ; il y avait vingt-sept
membres assemblés. Dans le temps que les membres prièrent l'Eternel
de manifester son approbation par un signe visible, et que le maître était
au milieu de ses cérémonies, le Réparateur parut, et bénissait
les membres de l'assemblée. Il était descendu devant un nuage bleu
qui servait de véhicule à cette apparition ; peu à peu il
s'éleva encore sur ce nuage qui, du moment de son abaissement du
ciel sur
la terre, avait acquis une splendeur si éblouissante, qu'une jeune fille
C., présente, n'en put soutenir l'éclat. Les deux grands prophètes
et le législateur d'Israël leur donnèrent aussi des signes
d'approbation et de bonté. Qui pourrait, avec quelque vraisemblance, mettre
la ferveur et la piété de vingt-sept membres en doute ? Cependant,
quel était l'instituteur de la loge et l'ordonnateur, quoique absent des
cérémonies ? Cagliostro ! Ce seul mot suffit pour faire voir que
l'erreur et les formes empruntées peuvent être la suite de la bonne
foi et des intentions
religieuses de vingt-sept membres assemblés.