VOLUME I
La vérité, l'âpre vérité
Danton
CHAPITRE XXX
UN AMBITIEUX
Il n'y a plus qu'une seule noblesse,
c'est le titre de duc, marquis est ridicule,
au mot duc on tourne la tête.
Edinburgh Review
Le
marquis de La Mole reçut l'abbé Pirard sans aucune de ces petites façons de grand seigneur, si polies, mais si impertinentes pour qui les comprend. C'eût été du temps perdu, et le
marquis était assez avant dans les grandes affaires pour n'avoir point de temps à perdre.
Depuis six mois, il intriguait pour faire accepter à la fois au roi et à la nation un certain ministère, qui, par reconnaissance, le ferait
duc.
Le
marquis demandait en vain, depuis de longues années, à son avocat de
Besançon, un travail clair et précis sur ses procès de Franche-Comté. Comment l'avocat célèbre les lui eût-il expliqués, s'il ne les comprenait pas lui-même ?
Le petit
carré de papier, que lui remit l'abbé, expliquait tout.
Mon cher abbé, lui dit le
marquis, après avoir expédié en moins de cinq minutes toutes les formules de politesse et d'interrogation sur les choses personnelles, mon cher abbé, au milieu de ma prétendue prospérité, il me manque du temps pour m'occuper
sérieusement de deux petites choses assez importantes pourtant : ma famille et mes affaires. Je soigne en grand la fortune de ma maison, je puis la porter loin ; je soigne mes plaisirs, et c'est ce qui doit passer avant tout, du moins à mes yeux, ajouta-t-il en surprenant de l'étonnement dans ceux de l'abbé Pirard. Quoique homme de sens, l'abbé était émerveillé de voir un vieillard parler si franchement de ses plaisirs.
Le travail existe sans doute à
Paris, continua le
grand seigneur, mais perché au cinquième étage, et dès
que je me rapproche d'un homme, il prend un appartement au second, et sa femme
prend un
jour ; par conséquent plus de travail, plus d'efforts que pour
être ou paraître un homme du monde. C'est là leur unique affaire
dès qu'ils ont du pain.
Pour mes procès, exactement parlant, et encore pour chaque procès pris à part, j'ai des avocats qui se tuent ; il m'en est mort un de la poitrine, avant-hier. Mais, pour mes affaires en général, croiriez-vous, monsieur, que, depuis trois ans, j'ai renoncé à trouver un homme qui, pendant qu'il écrit pour moi, daigne songer un peu sérieusement à ce qu'il fait ? Au reste, tout ceci n'est qu'une préface.
Je vous estime, et j'oserais
ajouter, quoique vous
voyant pour la
première fois, je vous aime. Voulez-vous être mon secrétaire, avec huit mille francs d'appointements ou bien avec le double ? J'y gagnerai encore, je vous jure ; et je fais mon affaire de vous conserver votre belle cure, pour le
jour où nous ne nous conviendrons plus.
L'abbé refusa ; mais vers la fin de la conversation, le véritable embarras où il voyait le
marquis lui suggéra une idée.
J'ai laissé au fond de mon
séminaire, dit-il au
marquis, un pauvre jeune homme, qui, si je ne me trompe, va y être rudement persécuté. S'il n'était qu'un simple
religieux, il serait déjà
in pace.
Jusqu'ici ce jeune homme ne sait que le latin et l'Ecriture
sainte ; mais il n'est pas impossible qu'un
jour il déploie de grands talents
soit pour la
prédication, soit pour la direction des
âmes. J'ignore
ce qu'il fera ; mais il a le
feu sacré, il peut aller loin. Je comptais
le donner à notre
évêque, si jamais il nous en était venu un qui eût un peu de votre manière de voir les hommes et les affaires.
D'où sort votre jeune homme ? dit le
marquis.
On le dit fils d'un charpentier de nos
montagnes, mais je le croirais plutôt fils naturel de quelque homme riche. Je lui ai vu recevoir une
lettre anonyme ou pseudonyme avec une lettre de change de cinq cents francs.
Ah ! c'est Julien
Sorel, dit le
marquis.
D'où savez-vous son nom ? dit l'abbé étonné ; et comme il rougissait de sa question :
C'est ce que je ne vous dirai pas, répondit le
marquis.
Eh bien ! reprit l'abbé, vous pourriez essayer d'en faire votre secrétaire ; il a de l'énergie, de la raison ; en un mot, c'est un essai à tenter.
Pourquoi pas ? dit le
marquis ; mais serait-ce un homme à se laisser graisser la patte par le préfet de police ou par tout autre pour faire l'espion chez moi ? Voilà toute mon objection.
D'après les assurances favorables de l'abbé Pirard, le
marquis prit un billet de mille francs :
Envoyez ce
viatique à Julien
Sorel ; faites-le-moi venir.
On voit bien, dit l'abbé Pirard, que vous habitez.
Vous ne connaissez pas la
tyrannie qui pèse sur nous autres pauvres provinciaux,
et en particulier sur les
prêtres non amis des
jésuites. On ne voudra pas laisser partir Julien
Sorel, on saura se couvrir des prétextes les plus habiles, on me répondra qu'il est malade, la poste aura perdu les lettres, etc., etc.
Je prendrai un de ces
jours une lettre du ministre à l'
évêque, dit le
marquis.
J'oubliais une précaution, dit l'abbé : ce jeune homme quoique né bien bas a le cur haut, il ne sera d'aucune utilité dans vos affaires si l'on effarouche son orgueil ; vous le rendriez stupide.
Ceci me plaît, dit le
marquis, j'en ferai le camarade de mon fils, cela suffira-t-il ?
Quelque temps après, Julien reçut une lettre d'une écriture inconnue et portant le timbre de Châlon, il y trouva un mandat sur un marchand de
Besançon, et l'avis de se rendre à
Paris sans délai. La lettre était signée d'un nom supposé, mais en l'ouvrant Julien avait tressailli : une feuille d'arbe était tombée à ses pieds ; c'était le signal dont il était convenu avec l'abbé Pirard.
Moins d'une heure après, Julien fut appelé
à l'
évêché où il se vit accueillir avec une
bonté toute paternelle. Tout en citant Horace, Monseigneur lui fit, sur
les hautes destinées qui l'attendaient à
Paris, des compliments
fort adroits et qui, pour remerciements, attendaient des explications. Julien
ne put rien dire, d'abord parce qu'il ne savait rien, et Monseigneur prit beaucoup
de considération pour lui. Un des petits
prêtres de l'
évêché
écrivit au
maire qui se hâta d'apporter lui-même un passeport
signé, mais où l'on avait laissé en blanc le nom du voyageur.
Le soir avant minuit, Julien était chez Fouqué, dont l'
esprit sage fut
plus étonné que charmé de l'avenir qui semblait attendre son ami.
Cela finira pour toi, dit cet électeur libéral, par une place de
gouvernement, qui t'obligera à quelque démarche qui sera vilipendée dans
les journaux. C'est par ta honte que j'aurai de tes nouvelles.
Rappelle-toi que, même financièrement parlant, il vaut mieux gagner cent
louis dans un bon commerce de
bois, dont on est le maître que de
recevoir quatre mille francs d'un gouvernement, fût-il celui du roi
Salomon.
Julien ne vit dans tout cela que la petitesse d'
esprit d'un bourgeois de
campagne. Il allait enfin paraître sur le théâtre des grandes choses. Il
aimait mieux moins de certitude et des chances plus vastes. Dans ce
cur-là il n'y avait plus la moindre peur de mourir de faim. Le bonheur
d'aller à
Paris, qu'il se figurait peuplé de gens d'
esprit fort
intrigants, fort hypocrites, mais aussi polis que l'
évêque de
Besançon
et que l'
évêque d'
Agde, éclipsait tout à ses yeux. Il se représenta
humblement à son ami, comme privé de son
libre arbitre par la lettre de
l'abbé Pirard.
Le lendemain vers midi, il arriva dans
Verrières le
plus heureux des hommes ; il comptait revoir madame de Rênal. Il alla d'abord
chez son premier protecteur, le bon abbé
Chélan. Il trouva une réception
sévère.
Croyez-vous m'avoir quelque obligation ? lui dit M.
Chélan, sans répondre à son salut. Vous allez déjeuner
avec moi, pendant ce temps on ira vous louer un autre
cheval, et vous quitterez
Verrières,
sans y voir personne.
Entendre c'est obéir, répondit Julien avec une mine de
séminaire, et
il ne fut plus question que de
théologie et de belle latinité.
Il monta à
cheval, fit une
lieue, après quoi
apercevant un
bois, et personne pour l'y voir entrer, il s'y enfonça. Au
coucher du
soleil, il renvoya le
cheval. Plus tard, il entra chez un paysan, qui
consentit à lui vendre une échelle et à le suivre en la portant
jusqu'au petit
bois qui domine le
COURS DE LA FIDÉLITÉ,
à
Verrières.
Je suis un pauvre conscrit réfractaire... ou
un contrebandier, dit le paysan, en prenant congé de lui, mais qu'importe
! mon échelle est bien payée, et moi-même je ne suis pas sans
avoir passé quelques
mouvements de montre en ma vie.
La nuit était fort noire.
Vers une heure du matin, Julien, chargé de son
échelle, entra dans
Verrières. Il descendit le plus tôt qu'il put dans
le
lit du torrent, qui traverse les magnifiques
jardins de M. de Rênal à
une profondeur de dix pieds, et contenu entre deux murs. Julien monta
facilement avec l'échelle. Quel accueil me feront les
chiens de garde ?
pensait-il. Toute la question est là. Les
chiens aboyèrent, et
s'avancèrent au galop sur lui ; mais il siffla doucement, et ils vinrent
le caresser.
Remontant alors de terrasse en terrasse, quoique toutes les
grilles fussent fermées, il lui fut facile d'arriver jusque sous la fenêtre
de la
chambre à coucher de madame de Rênal qui, du côté
du
jardin, n'est élevée que de huit ou dix pieds au-dessus du sol.
Il y avait aux volets une petite ouverture en forme de cur, que Julien
connaissait bien. A son grand chagrin, cette petite ouverture n'était
pas éclairée par la lumière intérieure d'une veilleuse.
Grand
Dieu ! se dit-il ; cette nuit, cette
chambre n'est
pas occupée par madame de Rênal ! Où sera-t-elle couchée
? La famille est à
Verrières, puisque j'ai trouvé les
chiens
; mais je puis rencontrer dans cette
chambre, sans veilleuse, M. de Rênal
lui-même ou un étranger, et alors quel esclandre !
Le plus prudent était de se retirer ; mais ce parti fit horreur à
Julien. Si c'est un étranger, je me sauverai à toutes jambes,
abandonnant mon échelle ; mais si c'est elle, quelle réception m'attend ?
Elle est tombée dans le repentir et dans la plus haute piété, je n'en
puis douter ; mais enfin, elle a encore quelque souvenir de moi,
puisqu'elle vient de m'écrire. Cette raison le décida.
Le cur tremblant, mais cependant résolu à périr ou à la voir, il jeta
de petits cailloux contre le volet ; point de réponse. Il appuya son
échelle à côté de la fenêtre, et frappa lui-même contre le volet,
d'abord doucement, puis plus fort. Quelque obscurité qu'il fasse, on
peut me tirer un coup de fusil, pensa Julien. Cette idée réduisit
l'entreprise folle à une question de bravoure.
Cette
chambre est inhabitée cette nuit, pensa-t-il, ou, quelle que soit
la personne qui y couche, elle est éveillée maintenant. Ainsi plus rien
à ménager envers elle ; il faut seulement tâcher de n'être pas entendu
par les personnes qui couchent dans les autres
chambres.
Il descendit, plaça son échelle contre un des
volets, remonta et passant la main dans l'ouverture en forme de cur, il
eut le bonheur de trouver assez vite le fil de fer attaché au crochet qui
fermait le volet. Il tira ce fil de fer ; ce fut avec une joie inexprimable qu'il
sentit que ce volet n'était plus retenu et cédait à son effort.
Il faut l'ouvrir petit à petit, et faire reconnaître ma voix. Il
ouvrit le volet assez pour passer la tête, et en répétant
à voix basse :
C'est un ami.
Il s'assura, en prêtant l'oreille, que rien ne troublait
le silence profond de la
chambre. Mais décidément, il n'y avait
point de veilleuse même à demi éteinte, dans la cheminée
: c'était un bien mauvais signe.
Gare le coup de fusil ! Il réfléchit un peu
; puis, avec le doigt, il osa
frapper contre la vitre : pas de réponse
; il frappa plus fort. Quand je devrais casser la vitre, il faut en finir. Comme
il frappait très fort, il crut entrevoir, au milieu de l'extrême
obscurité comme une ombre blanche qui traversait la
chambre. Enfin, il
n'y eut plus de doute, il vit une ombre qui semblait s'avancer avec une extrême
lenteur. Tout à coup il vit une joue qui s'appuyait à la vitre contre
laquelle était son il.
Il tressaillit, et s'éloigna un peu. Mais la nuit
était tellement noire que, même à cette distance, il ne put
distinguer si c'était madame de Rênal. Il craignait un premier cri
d'alarme ; depuis un moment, il entendait les
chiens rôder et gronder à
demi autour du pied de son échelle. C'est moi, répétait-il
assez haut, un ami.
Pas de réponse ; le fantôme blanc avait disparu.
Daignez m'ouvrir, il faut que je vous parle, je suis trop malheureux !
et il frappait de façon à briser la vitre.
Un petit bruit sec se fit entendre ; l'espagnolette de la fenêtre cédait ;
il poussa la croisée, et sauta légèrement dans la
chambre.
Le fantôme blanc s'éloignait ; il lui prit les
bras ; c'était une femme. Toutes ses idées de courage s'évanouirent.
Si c'est elle, que va-t-elle dire ? Que devint-il, quand il comprit à un
petit cri que c'était madame de Rênal ?
Il la serra dans ses bras ; elle tremblait, et avait à peine la
force de
le repousser.
Malheureux ! que faites-vous ?
A peine si sa voix convulsive pouvait articuler ces mots. Julien y vit
l'indignation la plus vraie.
Je viens vous voir après quatorze mois d'une cruelle séparation.
Sortez, quittez-moi à l'instant. Ah ! M.
Chélan,
pourquoi m'avoir empêché de lui écrire ? j'aurais prévenu
cette horreur.
Elfe le repoussa avec une
force vraiment extraordinaire. Je me
repens de mon crime ; le
Ciel a daigné m'éclairer, répétait-elle
d'une voix entrecoupée. Sortez ! fuyez !
Après quatorze mois de malheur, je ne vous quitterai certainement pas
sans vous avoir parlé. Je veux savoir tout ce que vous avez fait. Ah ! je
vous ai assez aimée pour mériter cette confidence... Je veux tout
savoir.
Malgré madame de Rênal, ce ton d'autorité
avait de l'empire sur son cur.
Julien, qui la tenait serrée avec passion, et résistait
à ses efforts pour se dégager, cessa de la presser dans ses bras.
Ce mouvement rassura un peu madame de Rênal.
Je vais retirer l'échelle, dit-il, pour qu'elle ne nous compromette
pas si quelque domestique, éveillé par le bruit, fait une ronde.
Ah ! sortez, sortez au contraire, lui dit-on avec
une véritable colère. Que m'importent les hommes ? c'est
Dieu qui
voit l'affreuse scène que vous me faites et qui m'en punira. Vous abusez
lâchement des sentiments que j'eus pour vous, mais que je n'ai plus. Entendez-vous,
monsieur Julien ?
Il retirait l'échelle fort lentement pour ne pas faire de bruit.
Ton mari est-il à la ville ? lui dit-il, non pour la braver mais
emporté par l'ancienne habitude.
Ne me parlez pas ainsi, de grâce, ou j'appelle mon mari. Je ne suis
déjà que trop coupable de ne pas vous avoir chassé, quoi qu'il pût en
arriver. J'ai pitié de vous lui dit-elle, cherchant à blesser son
orgueil qu'elle connaissait si irritable.
Ce refus de tutoiement, cette façon brusque de briser un lien si tendre,
et sur lequel il comptait encore, portèrent jusqu'au délire le transport
d'
amour de Julien.
Quoi ! est-il possible que vous ne m'aimiez plus ! lui dit-il avec un de
ces accents du cur, si difficiles à écouter de sang-froid.
Elle ne répondit pas ; pour lui, il pleurait amèrement.
Réellement, il n'avait plus la
force de parler.
Ainsi je suis complètement oublié du seul être qui m'ait jamais aimé !
A quoi bon vivre désormais ? Tout son courage l'avait quitté dès qu'il
n'avait plus eu à craindre le danger de rencontrer un homme ; tout avait
disparu de son cur, hors l'
amour.
Il pleura longtemps en silence ; elle entendait le bruit
de ses sanglots. Il prit sa main, elle voulut la retirer ; et cependant, après
quelques mouvements presque convulsifs, elle la lui laissa. L'obscurité
était extrême ; ils se trouvaient l'un et l'autre assis sur le
lit
de madame de Rênal.
Quelle différence avec ce qui était il y a quatorze mois ! pensa Julien ;
et ses larmes redoublèrent. Ainsi l'absence détruit sûrement tous les
sentiments de l'homme ! Il vaut mieux m'en aller.
Daignez me dire ce qui vous est arrivé, dit enfin Julien d'une voix
presque éteinte par la douleur.
Sans doute, répondit madame de Rênal
d'une voix dure, et dont l'accent avait quelque chose de sec et de reprochant
pour Julien, mes égarements étaient connus dans la ville, lors de
votre départ. Il y avait eu tant d'imprudence dans vos démarches
! Quelque temps après, alors j'étais au désespoir, le respectable
M.
Chélan vint me voir. Ce fut en vain que, pendant longtemps, il voulut
obtenir un aveu. Un
jour, il eut l'idée de me conduire dans cette
église
de
Dijon, où j'ai fait ma première communion. Là, il osa
parler le premier... Madame de Rênal fut interrompue par ses larmes. Quel
moment de honte ! J'avouai tout. Cet homme si bon daigna ne point m'accabler du
poids de son indignation : il s'affligea avec moi. Dans ce temps-là, je
vous écrivais tous les
jours des lettres que je n'osais vous envoyer ;
je les cachais soigneusement, et quand j'étais trop malheureuse, je m'enfermais
dans ma
chambre et relisais mes lettres.
Enfin, M.
Chélan obtint que je les lui remettrais... Quelques-unes,
écrites avec un peu plus de prudence, vous avaient été envoyées ; vous ne
me répondiez point.
Jamais, je te jure, je n'ai reçu aucune lettre de toi au
séminaire.
Grand
Dieu, qui les aura interceptées ?
Juge de ma douleur, avant le
jour où je te
vis à la
cathédrale, je ne savais si tu vivais encore.
Dieu me fit la grâce de comprendre combien je
péchais envers lui, envers mes
enfants, envers mon mari, reprit madame
de Rênal. Il ne m'a jamais aimée comme je croyais alors que vous
m'aimiez...
Julien se précipita dans ses bras, réellement
sans projet et hors de lui. Mais madame de Rênal le repoussa, et continuant
avec assez de fermeté :
Mon respectable ami, M.
Chélan, me fit comprendre
qu'en épousant M. de Rênal, je lui avais engagé toutes mes
affections, même celles que je ne connaissais pas, et que je n'avais jamais
éprouvées avant une liaison fatale... Depuis le grand sacrifice
de ces lettres, qui m'étaient si chères, ma vie s'est écoulée
sinon heureusement, du moins avec assez de tranquillité. Ne la troublez
point ; soyez un ami pour moi... le meilleur de mes amis. Julien couvrit ses mains
de baisers ; elle sentit qu'il pleurait encore. Ne pleurez point, vous me faites
tant de peine... Dites-moi à votre tour ce que vous avez fait. Julien ne
pouvait parler. Je veux savoir votre genre de vie au
séminaire, répéta-t-elle,
puis vous vous en irez.
Sans penser à ce qu'il racontait, Julien parla des intrigues et des
jalousies sans nombre qu'il avait d'abord rencontrées, puis de sa vie
plus tranquille depuis qu'il avait été nommé répétiteur.
Ce fut alors, ajouta-t-il, qu'après un long
silence, qui sans doute était destiné à me faire comprendre
ce que je vois trop aujourd'hui, que vous ne m'aimiez plus et que j'étais
devenu indifférent pour vous... Madame de Rênal serra ses mains.
Ce fut alors que vous m'envoyâtes une somme de cinq cents francs.
Jamais, dit madame de Rênal.
C'était une lettre timbrée de
Paris et signée
Paul
Sorel, afin de déjouer tous les soupçons.
Il s'éleva une petite discussion sur l'origine possible
de cette lettre. La position morale changea. Sans le savoir, madame de Rênal
et Julien avaient quitté le ton solennel ; ils étaient revenus à
celui d'une tendre amitié. Ils ne se voyaient point, tant l'obscurité
était profonde, mais le son de la voix disait tout. Julien passa le bras
autour de la taille de son amie ; ce mouvement avait bien des dangers. Elle essaya
d'éloigner le bras de Julien, qui avec assez d'habileté, attira
son attention dans ce moment par une circonstance intéressante de son récit.
Ce bras fut comme oublié et resta dans la position qu'il occupait.
Après bien des conjectures sur l'origine de la lettre
aux cinq cents francs, Julien avait repris son récit, il devenait un peu
plus maître de lui en parlant de sa vie passée, qui, auprès
de ce qui lui arrivait en cet instant, l'intéressait si peu.
Son attention
se fixa tout entière sur la manière dont allait finir sa visite. Vous allez sortir, lui disait-on toujours, de temps en temps, et avec
un accent bref.
Quelle honte pour moi si je suis éconduit ! ce sera
un remords à empoisonner toute ma vie, se disait-il, jamais elle ne m'écrira.
Dieu sait quand je reviendrai en ce pays ! De ce moment, tout ce qu'il y avait
de céleste dans la position de Julien disparut rapidement de son cur.
Assis à côté d'une femme qu'il adorait, la serrant presque
dans ses bras, dans cette
chambre où il avait été si heureux,
au milieu d'une obscurité profonde, distinguant fort bien que depuis un
moment elle pleurait, sentant, au mouvement de sa poitrine, qu'elle avait des
sanglots, il eut le malheur de devenir un froid politique, presque aussi calculant
et aussi froid que lorsque, dans la cour du
séminaire, il se voyait en
butte à quelque mauvaise plaisanterie de la part d'un de ses camarades
plus fort que lui. Julien faisait durer son récit, et parlait de la vie
malheureuse qu'il avait menée depuis son départ de
Verrières.
Ainsi, se disait madame de Rênal, après un an d'absence, privé
presque entièrement de marques de souvenir, tandis que moi je l'oubliais,
il n'était occupé que des
jours heureux qu'il avait trouvés
à Vergy. Ses sanglots redoublaient. Julien vit le succès de son
récit. Il comprit qu'il fallait tenter la dernière ressource : il
arriva brusquement à la lettre qu'il venait de recevoir de
Paris.
J'ai pris congé de Monseigneur l'
évêque.
Quoi ! vous ne retournez pas à
Besançon ! vous nous quittez pour toujours ?
Oui, répondit Julien, d'un ton résolu ; oui, j'abandonne un pays où je suis oublié même de ce que j'ai le plus aimé en ma vie, et je le quitte pour ne jamais le revoir. Je vais à
Paris...
Tu vas à
Paris ! s'écria assez haut madame de Rênal.
Sa voix était presque étouffée par les larmes, et montrait tout l'excès de son trouble. Julien avait besoin de cet encouragement ; il allait tenter une démarche qui pouvait tout décider contre lui ; et avant cette exclamation, n'y
voyant point, il ignorait absolument l'effet qu'il parvenait à produire. Il n'hésita plus ; la crainte du remords lui donnait tout empire sur lui-même ; il ajouta froidement en se levant :
Oui, madame, je vous quitte pour toujours, soyez heureuse ; adieu.
Il fit quelques pas vers la fenêtre ; déjà il l'ouvrait. Madame de Rênal s'élança vers lui. Il sentit sa tête sur son épaule et qu'elle le serrait dans ses bras, en collant sa joue contre la sienne.
Ainsi, après trois heures de dialogue, Julien obtint
ce qu'il avait désiré avec tant de passion pendant les deux premières.
Un peu plus tôt arrivés, le retour aux sentiments tendres, l'éclipse
des remords chez madame de Rênal eussent été un bonheur divin ; ainsi obtenus avec art, ce ne fut plus qu'un triomphe. Julien voulut absolument, contre les instances de son amie, allumer la veilleuse.
Veux-tu donc, lui disait-il, qu'il ne me reste aucun souvenir de t'avoir
vue ? L'
amour qui est sans doute dans ces yeux charmants sera donc perdu pour moi ? la
blancheur de cette jolie main me sera donc invisible ? Songe que je te quitte pour bien longtemps peut-être !
Madame de Rênal n'avait rien à refuser à
cette idée qui la faisait
fondre en larmes. L'aube commençait à
dessiner vivement les contours des sapins sur la
montagne à l'orient de
Verrières. Au lieu de s'en aller, Julien ivre de volupté demanda
à madame de Rênal de passer toute la journée caché
dans sa
chambre, et de ne partir que la nuit suivante.
Et pourquoi pas ? répondit-elle. Cette fatale
rechute m'ôte toute estime pour moi, et fait à jamais mon malheur,
et elle le pressait contre son cur avec ravissement. Mon mari n'est plus
le même, il a des soupçons ; il croit que je l'ai mené dans
toute cette affaire, et se montre fort piqué contre moi. S'il entend le
moindre bruit, je suis perdue, il me chassera comme une malheureuse que je suis.
Ah ! voilà une phrase de M.
Chélan,
dit Julien ; tu ne m'aurais pas parlé ainsi avant ce cruel départ
pour le
séminaire ; tu m'aimais alors !
Julien fut récompensé du sang-froid qu'il avait
mis dans ce mot : il vit son amie oublier en un clin d'il le danger que
la présence de son mari lui faisait courir pour songer au danger bien plus
grand de voir Julien douter de son
amour. Le
jour croissait rapidement et éclairait
vivement la
chambre ; Julien retrouva toutes les voluptés de l'orgueil,
lorsqu'il put revoir dans ses bras et presque à ses pieds, cette femme
charmante, la seule qu'il eût aimée et qui, peu d'heures auparavant,
était tout entière à la crainte d'un
Dieu terrible et à
l'
amour de ses devoirs. Des résolutions fortifiées par un an de
constance n'avaient pu tenir devant son courage.
Bientôt on entendit du bruit dans la maison ; une chose
à laquelle elle n'avait pas songé vint troubler madame de Rênal.
Cette méchante Elisa va entrer dans la
chambre, que faire de cette énorme échelle ? dit-elle à son ami ; où la cacher ? Je vais la porter au grenier, s'écria-t-elle tout à coup, avec une sorte d'enjouement.
Mais il faut passer dans la
chambre du domestique,
dit Julien étonné.
Je laisserai l'échelle dans le corridor, j'appellerai le domestique et lui donnerai une commission.
Songe à préparer un mot pour le cas où le domestique passant devant l'échelle, dans le corridor, la remarquera.
Oui, mon
ange, dit madame de Rênal en lui donnant
un baiser. Toi, songeà te cacher bien vite sous le
lit, si, pendant mon
absence, Elisa entre ici.
Julien fut étonné de cette gaieté soudaine.
Ainsi, pensa-t-il, l'approche d'un danger matériel, loin de la troubler, lui rend sa gaieté, parce qu'elle oublie ses remords ! Femme vraiment supérieure ! ah ! voilà un cur dans lequel il est glorieux de régner ! Julien était ravi.
Madame de Rênal prit l'échelle ; elle était
évidemment trop pesante pour elle. Julien allait à son secours ;
il admirait cette taille élégante et qui était si loin d'annoncer
de la
force, lorsque tout à coup, sans aide, elle saisit l'échelle,
et l'enleva comme elle eût fait une chaise. Elle la porta rapidement dans
le corridor du troisième étage où elle la coucha le long
du mur. Elle appela le domestique, et pour lui laisser le temps de s'habiller,
monta au colombier. Cinq minutes après, à son retour dans le corridor,
elle ne trouva plus l'échelle. Qu'était-elle devenue ? Si Julien
eût été hors de la maison, ce danger ne l'eût guère
touchée. Mais, dans ce moment, si son mari voyait cette échelle
! cet incident pouvait être abominable. Madame de Rênal courait partout.
Enfin elle découvrit cette échelle sous le toit où le domestique
l'avait portée et même cachée. Cette circonstance était
singulière, autrefois elle l'eût alarmée.
Que m'importe, pensa-t-elle, ce qui peut arriver dans vingt-quatre
heures, quand Julien sera parti ? tout ne sera-t-il pas alors pour moi horreur et remords ?
Elle avait comme une idée vague de devoir quitter la vie, mais qu'importe ! Après une séparation qu'elle avait crue éternelle, il lui était rendu, elle le revoyait, et ce qu'il avait fait pour parvenir jusqu'à elle montrait tant d'
amour !
En racontant l'événement de l'échelle à Julien :
Que répondrai-je à mon mari, lui dit-elle,
si le domestique lui conte qu'il a trouvé cette échelle ? Elle rêva
un instant ; il leur faudra vingt-quatre heures pour découvrir le paysan
qui te l'a vendue ; et se jetant dans les bras de Julien, en le serrant d'un mouvement
convulsif : Ah ! mourir, mourir ainsi ! s'écriait-elle en le couvrant de
baisers, mais il ne faut pas que tu meures de faim, dit-elle en riant.
Viens ; d'abord je vais te cacher dans la
chambre de madame Derville, qui reste toujours fermée à
clef. Elle alla veiller à l'extrémité du corridor, et Julien passa en courant. Garde-toi d'ouvrir, si l'on frappe, lui dit-elle en l'enfermant à
clef ; dans tous les cas, ce ne serait qu'une plaisanterie des
enfants en jouant entre eux.
Fais-les venir dans le
jardin, sous la fenêtre, dit Julien, que j'aie le plaisir de les voir, fais-les parler.
Oui, oui, lui cria madame de Rênal en s'éloignant.
Elle revint bientôt avec des oranges, des biscuits, une bouteille de vin de Malaga ; il lui avait été impossible de voler du pain.
Que fait ton mari ? dit Julien.
Il écrit des projets de marchés avec des paysans.
Mais huit heures avaient sonné, on faisait beaucoup
de bruit dans la maison. Si l'on n'eût pas vu madame de Rênal, on
l'eût cherchée partout ; elle fut obligée de le quitter. Bientôt
elle revint, contre toute prudence, lui apportant une tasse de café ; elle
tremblait qu'il ne mourût de faim. Après le déjeuner, elle
réussit à amener les
enfants sous la fenêtre de la
chambre
de madame Derville. Il les trouva fort grandis, mais ils avaient pris l'
air commun,
ou bien ses idées avaient changé.
Madame de Rênal leur parla de Julien. L'aîné
répondit avec amitié et regrets pour l'ancien précepteur
; mais il se trouva que les cadets l'avaient presque oublié.
M. de Rênal ne sortit pas ce matin-là ; il montait
et descendait sans cesse dans la maison, occupé à faire des marchés
avec des paysans, auxquels il vendait sa récolte de pommes de terre. Jusqu'au
dîner, madame de Rênal n'eut pas un instant à donner à
son prisonnier. Le dîner sonné et servi, elle eut l'idée de
voler pour lui une assiette de soupe chaude. Comme elle approchait sans bruit
de la porte de la
chambre qu'il occupait, portant cette assiette avec précaution,
elle se trouva face à face avec le domestique qui avait caché l'échelle le matin. Dans ce moment, il s'avançait aussi sans bruit dans le corridor et comme écoutant. Probablement Julien avait marché avec imprudence. Le domestique s'éloigna un peu confus. Madame de Rênal entra hardiment chez Julien ; cette rencontre le fit frémir.
Tu as peur ! lui dit-elle ; moi, je braverais tous les dangers du monde et sans sourciller. Je ne crains qu'une chose, c'est le moment où je serai seule après ton départ : et elle le quitta en courant.
Ah ! se dit Julien
exalté, le remords est le seul danger que redoute cette
âme sublime !
Enfin le soir vint. M. de Rênal alla au
Casino.
Sa femme avait annoncé une migraine affreuse, elle se retira chez elle, se hâta de renvoyer Elisa, et se releva bien vite pour aller ouvrir à Julien.
Il se trouva que réellement il mourait de faim. Madame
de Rênal alla à l'office chercher du pain. Julien entendit un grand
cri. Madame de Rênal revint, et lui raconta qu'
entrant dans l'office sans
lumière, s'approchant d'un buffet où l'on serrait le pain, et étendant la main, elle avait touché un bras de femme. C'était Elisa qui avait jeté le cri entendu par Julien.
Que faisait-elle là ?
Elle volait quelques sucreries, ou bien elle nous épiait, dit madame de Rênal avec une indifférence complète. Mais heureusement j'ai trouvé un pâté et un gros pain.
Qu'y a-t-il donc là ? dit Julien, en lui montrant les poches de son tablier.
Madame de Rênal avait oublié que, depuis le
dîner, elles étaient remplies de pain.
Julien la serra dans ses bras avec la plus vive passion ;
jamais elle ne lui avait semblé si belle. Même à
Paris, se
disait-il confusément, je ne pourrai rencontrer un plus grand caractère.
Elle avait toute la gaucherie d'une femme peu accoutumée à ces sortes
de soins, et en même temps le vrai courage d'un être qui ne craint
que des dangers d'un autre ordre et bien autrement terribles.
Pendant que Julien soupait de grand appétit, et que son amie le plaisantait sur la simplicité de ce repas, car elle avait horreur de
parler sérieusement, la porte de la
chambre fut tout à coup secouée avec
force. C'était M. de Rênal.
Pourquoi t'es-tu enfermée ? lui criait-il.
Julien n'eut que le temps de se glisser sous le canapé.
Quoi ! vous êtes tout habillée, dit M. de Rênal en
entrant ; vous soupez, et vous avez
fermé votre porte à
clef !
Les
jours ordinaires, cette question, faite avec toute la
sécheresse conjugale, eût troublé madame de Rênal, mais elle sentait que son mari n'avait qu'à se baisser un peu pour apercevoir Julien ; car M. de Rênal s'était jeté sur la chaise que Julien occupait un moment auparavant vis-à-vis le canapé.
La migraine servit d'excuse à tout. Pendant qu'à son tour son mari lui
contait longuement les incidents de la poule qu'il avait gagnée au
billard du
Casino, une poule de dix-neuf francs, ma foi ! ajoutait-il,
elle aperçut sur une chaise, à trois pas devant eux le chapeau de
Julien.
Son sang-froid redoubla, elle se mit à se déshabiller, et, dans
un certain moment, passant rapidement derrière son mari, jeta une robe
sur la chaise au chapeau.
M. de Rênal partit enfin. Elle pria Julien de recommencer
le récit de sa vie au
séminaire ; hier je ne t'écoutais pas,
je ne songeais, pendant que tu parlais, qu'à obtenir de moi le courage
de te renvoyer.
Elle était l'imprudence même. Ils parlaient très haut et il pouvait être
deux heures du matin, quand ils furent interrompus par un coup violent à
la porte. C'était encore M. de Rênal.
Ouvrez-moi bien vite, il y a des voleurs dans la maison ! disait-il,
Saint-Jean a trouvé leur échelle ce matin.
Voici la fin de tout, s'écria madame de Rênal, en se jetant dans les bras de Julien. Il va nous tuer tous les deux, il ne croit pas aux voleurs ; je vais mourir dans tes bras, plus heureuse à ma mort que je ne le fus de la vie. Elle ne répondait nullement à son mari qui se fâchait, elle embrassait Julien avec passion.
Sauve la mère de Stanislas, lui dit-il avec le regard du commandement. Je vais sauter dans la cour par la fenêtre du cabinet, et me sauver dans le
jardin, les
chiens m'ont reconnu. Fais un paquet de mes habits, et jette-le dans le
jardin aussitôt que tu pourras. En attendant, laisse enfoncer la porte. Surtout, point d'aveux je le défends, il vaut mieux qu'il ait des soupçons que des certitudes.
Tu vas te tuer en sautant ! fut sa seule réponse et sa seule inquiétude.
Elle alla avec lui à la fenêtre du cabinet ;
elle prit ensuite le temps de cacher ses habits. Elle ouvrit enfin à son
mari bouillant de colère. Il regarda dans la
chambre, dans le cabinet,
sans mot dire, et disparut. Les habits de Julien lui furent jetés, il les
saisit, et courut rapidement vers le bas du
jardin du côté du
Doubs.
Comme il courait, il entendit siffler une balle, et aussitôt le bruit d'un coup de fusil.
Ce n'est pas M. de Rênal, pensa-t-il, il tire trop mal pour cela. Les
chiens couraient en silence à ses côtés, un second coup cassa apparemment la patte à un
chien car il se mit à pousser des cris lamentables. Julien sauta le mur d'une terrasse, fit à couvert une cinquantaine de pas, et se remit à fuir dans une autre direction. Il entendit des voix qui s'appelaient, et vit distinctement le domestique, son
ennemi, tirer un coup de fusil ; un fermier vint aussi tirailler de l'autre côté du
jardin, mais déjà Julien avait gagné la rive du
Doubs où il s'habillait.
Une heure après, il était à une
lieue de
Verrières, sur la route de Genève ; si l'on a des soupçons, pensa Julien, c'est sur la route de
Paris qu'on me cherchera.