De la Foi, de l'Espérance, de la Charité
Tels sont les piliers de la nouvelle loi.
Des
théologiens ont donné à ces trois mots les noms de
vertus théologales, qu'ils ont attribuées à nos vertus mondaines ; examinons si cette dénomination est fondée.
La FOI, suivant eux, serait la
vertu de croire fermement
des choses qui ne sont pas toujours conformes à la nature ni à la
raison. Ils ne savaient donc pas que
croire est l'opposé de
savoir,
et que l'homme crédule n'est trop souvent qu'un misérable qui dépend
de quiconque n'a pas pitié d'un être sans défense. La foi
est l'
acte de croire qui doit provenir de la persuasion de l'
esprit et
de la conscience. En matière de dogme, celui qui veut
croire a
plus de mérite que celui qui
croit. L'incrédulité
de saint Thomas, dont parle l'Ecriture, est sans doute une
métaphore pour
avertir, au contraire, que la foi ne doit pas être aveugle, et que la véritable foi, celle qui
sauve, c'est-à-dire qui mène à la vérité, doit être éclairée de la saine raison et appuyée de toute la conviction de la conscience.
L'ESPERANCE, selon ces
théologiens, est une vérité qui fait
espérer le paradis. Mais l'espérance n'étant qu'un simple état de l'
âme ne peut pas plus être une vertu qu'un sentiment de croyance ne peut être la vertu de la foi
[Note de
l'auteur : L'espérance et la crainte sont deux puissants
leviers dont les prêtres de tous les pays se servirent pour s'assurer la
domination des corps et des âmes.].
De ces trois mots, la CHARITE seule est une vertu, et, dans
son origine, elle était très respectable. En effet, elle devait
être chère au cur de l'homme, puisqu'elle a pour but de lui
faire secourir et aimer ses semblables. La
charité est un des plus beaux
mots de notre langue ; mais l'orgueil sacerdotal l'a fait vieillir et l'a, dès
sa naissance, banni de la bonne société, par le sens dédaigneux
et le ton méprisant dont on accompagnait le précepte :
faire
la charité. On y substitua le terme de
bienfaisance qui ne le
vaut pas : la bienfaisance marque uniquement l'art de secourir un malheureux,
soit parce qu'on y trouve du plaisir, soit parce que ses souffrances choquent
la
vue, et cette action ne se rapporte qu'à nous-même ; tandis que
la
charité exprime une double idée, comme elle fait éprouver
une double jouissance, celle de faire du bien et celle de le faire à un
être qui nous est cher. Ainsi, on s'est encore trompé en appelant
la
charité une vertu
théologale ; car
théologal veut
dire
qui a Dieu pour objet ; or, la
charité n'embrasse que l'humanité, mais l'embrasse tout entière ; elle est donc une vertu
éminemment maçonnique et nullement une
vertu théologale [Note de l'auteur : Un théologien compte encore quatre vertus cardinales (a) : force, prudence, tempérance et justice ; les trois premières ne sont que des qualités utiles à celui qui les possède, et non pas des vertus par rapport au prochain. La justice seule est une vertu utile aux autres ; mais il ne suffit pas d'être juste, il faut encore être bienfaisant.] Saint Paul eut raison de dire que la
charité l'emporte sur l'espérance et la foi.