L'ÉVANGILE SELON LE SPIRITISME
CHAPITRE XIII Que votre main gauche ne sache pas ce que donne votre main droite
Faire le bien sans ostentation. Les infortunes cachées. Denier de la veuve. Convier les pauvres et les estropiés. Obliger sans espoir de retour. Instructions des Esprits : La charité matérielle et la charité morale. La bienfaisance. La pitié. Les orphelins. Bienfaits payés par l'ingratitude. Bienfaisance exclusive.
Faire le bien sans ostentation
1. Prenez garde de ne pas faire vos bonnes uvres
devant les hommes pour en être regardés, autrement vous n'en recevrez
point la récompense de votre Père qui est dans les cieux.
Lors donc que vous donnerez l'aumône, ne faites point sonner la trompette
devant vous, comme font les hypocrites dans les synagogues et dans les rues pour
être honorés des hommes. Je vous dis, en vérité, ils
ont reçu leur récompense. Mais
lorsque vous faites l'aumône,
que votre main gauche ne sache pas ce que fait votre main droite ;
afin que l'aumône soit dans le secret ; et votre Père, qui voit ce
qui se passe dans le secret, vous en rendra la récompense. (
Saint Matthieu,
ch. VI, v. de 1 à 4.)
2. Jésus étant descendu de la
montagne,
une grande foule de peuple le suivit ; et en même temps un lépreux
vint à lui et l'adora en lui disant : Seigneur, si vous voulez, vous pouvez
me guérir.
Jésus étendant la main, le toucha et lui
dit : Je le veux, soyez guéri ; et à l'instant la lèpre fut
guérie. Alors
Jésus lui dit :
Gardez-vous bien de parler
de ceci à personne ; mais allez vous montrer aux
prêtres, et
offrez le don prescrit par Moïse, afin que cela leur serve de témoignage.
(
Saint Matthieu, ch. VIII, v. de 1 à 4.)
3. Faire le bien sans ostentation est un grand mérite ; cacher la
main qui donne est encore plus méritoire ; c'est le signe incontestable
d'une grande supériorité morale : car pour voir les choses de plus
haut que le vulgaire, il faut faire abstraction de la vie présente et s'identifier
avec la vie future ; il faut, en un mot, se placer au-dessus de l'humanité
pour renoncer à la satisfaction que procure le témoignage des hommes
et attendre l'approbation de
Dieu. Celui qui prise le suffrage des hommes plus
que celui de
Dieu, prouve qu'il a plus de foi dans les hommes qu'en
Dieu, et que
la vie présente est plus pour lui que la vie future, ou même qu'il
ne croit pas à la vie future ; s'il dit le contraire, il agit comme s'il
ne croyait pas à ce qu'il dit.
Combien y en a-t-il qui n'obligent qu'avec l'espoir que l'obligé ira crier
le bienfait sur les toits ; qui, au grand
jour, donneront une grosse somme, et
dans l'ombre ne donneraient pas une pièce de monnaie ! C'est pourquoi
Jésus
a dit : « Ceux qui font le bien avec ostentation ont déjà
reçu leur récompense » ; en effet, celui qui cherche sa glorification
sur la terre par le bien qu'il fait, s'est déjà payé lui-même
;
Dieu ne lui doit plus rien ; il ne lui reste à recevoir que la punition
de son orgueil.
Que la main gauche ne sache pas ce que donne la main droite,
est une figure qui caractérise admirablement la bienfaisance modeste ;
mais s'il y a la modestie réelle, il y a aussi la modestie jouée,
le simulacre de la modestie ; il y a des gens qui cachent la main qui donne, en
ayant soin d'en laisser passer un bout, regardant si quelqu'un ne la leur voit
pas cacher. Indigne parodie des maximes du Christ ! Si les bienfaiteurs orgueilleux
sont dépréciés parmi les hommes, que sera-ce donc auprès
de
Dieu ! Ceux-là aussi ont reçu leur récompense sur la terre.
On les a vus ; ils sont satisfaits d'avoir été vus : c'est tout
ce qu'ils auront.
Quelle sera donc la récompense de celui qui fait peser ses bienfaits sur
l'obligé, qui lui impose en quelque sorte des témoignages de reconnaissance,
lui fait sentir sa position en exaltant le prix des sacrifices qu'il s'impose
pour lui ? Oh ! pour celui-là, il n'a pas même la récompense
terrestre, car il est privé de la douce satisfaction d'entendre bénir
son nom, et c'est là un premier châtiment de son orgueil ; les larmes
qu'il tarit au profit de sa vanité, au lieu de monter au
ciel, sont retombées
sur le cur de l'affligé et l'ont ulcéré. Le bien qu'il
fait est sans profit pour lui, puisqu'il le reproche, car tout bienfait reproché
est une monnaie altérée et sans valeur.
L'obligeance sans ostentation a un double mérite ; outre la
charité
matérielle, c'est la
charité morale ; elle ménage la susceptibilité
de l'obligé ; elle lui fait accepter le bienfait sans que son amour-propre
en souffre, et en sauvegardant sa dignité d'homme, car tel acceptera un
service qui ne recevrait pas l'aumône ; or, convertir le service en aumône
par la manière dont on le rend, c'est humilier celui qui le reçoit,
et il y a toujours orgueil et méchanceté à humilier quelqu'un.
La vraie
charité, au contraire, est délicate et ingénieuse
à dissimuler le bienfait, à éviter jusqu'aux moindres apparences
blessantes, car tout froissement moral ajoute à la souffrance qui naît
du besoin ; elle sait trouver des paroles douces et affables qui mettent l'obligé
à son aise en face du bienfaiteur, tandis que la
charité orgueilleuse
l'écrase. Le sublime de la vraie générosité, c'est
lorsque le bienfaiteur, changeant de rôle, trouve le moyen de paraître
lui-même l'obligé vis-à-vis de celui à qui il rend
service. Voilà ce que veulent dire ces paroles : Que la main gauche ne
sache pas ce que donne la main droite.
Les infortunes cachées
4. Dans les grandes calamités, la
charité s'émeut,
et l'on voit de généreux élans pour réparer les désastres
; mais, à côté de ces désastres généraux,
il y a des milliers de désastres particuliers qui passent inaperçus,
des gens qui gisent sur un grabat sans se plaindre. Ce sont ces infortunes discrètes
et cachées que la vraie générosité sait aller découvrir
sans attendre qu'elles viennent demander assistance.
Quelle est cette femme à l'
air distingué, à la mise simple
quoique soignée, suivie d'une jeune fille vêtue aussi modestement
? Elle entre dans une maison de sordide apparence où elle est connue sans
doute, car à la porte on la salue avec respect. Où va-t-elle ? Elle
monte jusqu'à la
mansarde : là gît une mère de famille
entourée de petits
enfants ; à son arrivée la joie brille
sur ces visages amaigris ; c'est qu'elle vient calmer toutes ces douleurs ; elle
apporte le nécessaire assaisonné de douces et consolantes paroles
qui font accepter le bienfait sans rougir, car ces infortunés ne sont point
des mendiants de profession ; le père est à l'hôpital, et
pendant ce temps la mère ne peut suffire aux besoins. Grâce à
elle, ces pauvres
enfants n'endureront ni le froid ni la faim ; ils iront à
l'école chaudement vêtus, et le sein de la mère ne tarira
pas pour les plus petits. S'il en est un de malade parmi eux, aucun soin matériel
ne lui répugnera. De là elle se rend à l'hospice pour porter
au père quelques douceurs et le tranquilliser sur le sort de sa famille.
Au coin de la rue, l'attend une voiture, véritable magasin de tout ce qu'elle
porte à ses protégés qu'elle visite ainsi successivement
; elle ne leur demande ni leur croyance, ni leur opinion, car pour elle tous les
hommes sont
frères et
enfants de
Dieu. Sa tournée finie, elle se
dit : J'ai bien commencé ma journée. Quel est son nom ? où
demeure-t-elle ? Nul ne le sait ; pour les malheureux, c'est un nom qui ne trahit
rien ; mais c'est l'
ange de consolation ; et, le soir, un concert de bénédictions
s'élève pour elle vers le Créateur :
catholiques, juifs,
protestants, tous la bénissent.
Pourquoi cette mise si simple ? C'est qu'elle ne veut pas
insulter à la misère par son luxe. Pourquoi se fait-elle accompagner
par sa jeune fille ? C'est pour lui apprendre comment on doit pratiquer la bienfaisance.
Sa fille aussi veut faire la
charité, mais sa mère lui dit : «
Que peux-tu donner, mon
enfant, puisque tu n'as rien à toi ? Si je te remets
quelque chose pour le passer à d'autres, quel mérite auras-tu ?
C'est en réalité moi qui ferais la
charité et toi qui en
aurais le mérite ; ce n'est pas juste. Quand nous allons visiter les malades,
tu m'aides à les soigner ; or, donner des soins, c'est donner quelque chose.
Cela ne te semble-t-il pas suffisant ? rien n'est plus simple ; apprends à
faire des ouvrages utiles, et tu confectionneras des vêtements pour ces
petits
enfants ; de cette façon tu donneras quelque chose venant de toi.
» C'est ainsi que cette mère vraiment chrétienne forme sa
fille à la pratique des vertus enseignées par le Christ. Est-elle
spirite ? Qu'importe !
Dans son intérieur, c'est la femme du monde, parce
que sa position l'exige ; mais on ignore ce qu'elle fait, parce qu'elle ne veut
d'autre approbation que celle de
Dieu et de sa conscience. Pourtant un
jour une
circonstance imprévue conduit chez elle une de ses protégées
qui lui rapportait de l'ouvrage ; celle-ci la reconnut et voulut bénir
sa bienfaitrice. « Chut ! lui dit-elle ;
ne le dites à personne.
» Ainsi parlait
Jésus.
Le denier de la veuve
5. Jésus étant assis vis-à-vis du tronc, considérait
de quelle manière le peuple y jetait de l'
argent, et que plusieurs gens
riches y en mettaient beaucoup. Il vint aussi une pauvre veuve qui y mit
seulement deux petites pièces de la valeur d'un quart de sou. Alors
Jésus ayant appelé ses
disciples, leur dit : Je vous dis en vérité,
cette pauvre veuve a plus donné que tous ceux qui ont mis dans le tronc
; car tous les autres ont donné de leur abondance, mais celle-ci a donné
de son indigence, même tout ce qu'elle avait et tout ce qui lui restait
pour vivre. (
Saint Marc, ch. XII, v. de 41 à 44.
Saint Luc, ch.
XXI, v. de 1 à 4.)
6. Beaucoup de gens regrettent de ne pouvoir faire autant de bien qu'ils
le voudraient, faute de ressources suffisantes, et s'ils désirent la fortune,
c'est, disent-ils, pour en faire un bon usage. L'intention est louable, sans doute,
et peut être très sincère chez quelques-uns ; mais est-il
bien certain qu'elle soit chez tous complètement désintéressée
? N'y en a-t-il pas qui, tout en souhaitant faire du bien aux autres, seraient
bien aises de commencer par s'en faire à eux-mêmes, de se donner
quelques jouissances de plus, de se procurer un peu du superflu qui leur manque,
sauf à donner le reste aux pauvres ? Cette arrière-pensée,
qu'ils se dissimulent peut-être, mais qu'ils trouveraient au fond de leur
cur s'ils voulaient y fouiller, annule le mérite de l'intention,
car la vraie
charité pense aux autres avant de penser à soi. Le
sublime de la
charité, dans ce cas, serait de chercher dans son propre
travail, par l'emploi de ses
forces, de son intelligence, de ses talents, les
ressources qui manquent pour réaliser ses intentions généreuses
; là serait le sacrifice le plus agréable au Seigneur. Malheureusement
la plupart rêvent des moyens plus faciles de s'enrichir tout d'un coup et
sans peine, en courant après des
chimères, comme les découvertes
de trésors, une chance aléatoire favorable, le recouvrement d'héritages
inespérés, etc. Que dire de ceux qui espèrent trouver, pour
les seconder dans les recherches de cette nature, des auxiliaires parmi les
Esprits
? Assurément ils ne connaissent ni ne comprennent le but sacré du
spiritisme, et encore moins la mission des
Esprits, à qui
Dieu permet de
se communiquer aux hommes ; aussi en sont-ils punis par les déceptions.
(
Livre des Médiums, n° 294, 295.)
Ceux dont l'intention est pure de toute idée personnelle doivent se consoler
de leur impuissance à faire autant de bien qu'ils le voudraient par la
pensée que l'
obole du pauvre, qui donne en se privant, pèse plus
dans la balance de
Dieu que l'or du riche qui donne sans se priver de rien. La
satisfaction serait grande sans doute de pouvoir largement secourir l'indigence
; mais si elle est refusée, il faut se soumettre et se borner à
faire ce qu'on peut. D'ailleurs, n'est-ce qu'avec l'or qu'on peut tarir les larmes,
et faut-il rester inactif parce qu'on n'en possède pas ? Celui qui veut
sincèrement se rendre utile à ses
frères en trouve mille
occasions ; qu'il les cherche, et il les trouvera ; si ce n'est d'une manière,
c'est d'une autre, car il n'est personne, ayant la libre jouissance de ses facultés,
qui ne puisse rendre un service quelconque, donner une consolation,
adoucir une
souffrance physique ou morale, faire une démarche utile ; à défaut
d'
argent, chacun n'a-t-il pas sa peine, son temps, son repos, dont il peut donner
une partie ? Là aussi est l'
obole du pauvre, le denier de la veuve.
Convier les pauvres et les estropiés
7. Il dit aussi à celui qui l'avait invité : Lorsque vous
donnerez à dîner ou à souper, n'y conviez ni vos amis, ni
vos
frères, ni vos parents, ni vos voisins qui seront riches, de peur qu'ils
ne vous invitent ensuite à leur tour, et qu'ainsi ils ne vous rendent ce
qu'ils avaient reçu de vous. Mais lorsque vous faites un festin,
conviez-y les pauvres, les estropiés, les
boiteux et les aveugles ; et
vous serez heureux de ce qu'ils n'auront pas le moyen de vous le rendre ; car
cela vous sera rendu dans la
résurrection des justes.
Un de ceux qui étaient à table, ayant entendu ces paroles, lui dit
: Heureux celui qui mangera du pain dans le royaume de
Dieu ! (
Saint Luc, ch. XIV, v. de 12 à 15.)
8. « Lorsque vous faites un festin, dit
Jésus,
n'y conviez pas vos amis, mais les pauvres et les estropiés. » Ces
paroles, absurdes, si on les prend à la lettre, sont sublimes si l'on en
cherche l'
esprit.
Jésus ne peut avoir voulu dire qu'au lieu de ses amis
il faut réunir à sa table les mendiants de la rue ; son langage
était presque toujours figuré, et à des hommes incapables
de comprendre les nuances délicates de la pensée, il fallait des
images fortes, produisant l'effet des
couleurs tranchantes. Le fond de sa pensée
se révèle dans ces mots : « Vous serez heureux de ce qu'ils
n'auront pas le moyen de vous le rendre » ; c'est dire qu'on ne doit point
faire le bien en
vue d'un retour, mais pour le seul plaisir de le faire. Pour
donner une comparaison saisissante, il dit : Conviez à vos festins les
pauvres, car vous savez que ceux-là ne pourront rien vous rendre ; et par
festins il faut entendre, non les repas proprement dits, mais la participation
à l'abondance dont vous jouissez.
Cette parole peut cependant aussi recevoir son application dans un sens plus littéral.
Que de gens n'invitent à leur table que ceux qui peuvent, comme ils le
disent, leur faire honneur, ou qui peuvent les convier à leur tour ! D'autres,
au contraire, trouvent de la satisfaction à recevoir ceux de leurs parents
ou amis qui sont moins heureux ; or, qui est-ce qui n'en a pas parmi les siens
? C'est parfois leur rendre un grand service sans en avoir l'
air. Ceux-là,
sans aller recruter les aveugles et les estropiés, pratiquent la maxime
de
Jésus, s'ils le font par bienveillance, sans ostentation, et s'ils savent
dissimuler le bienfait par une sincère cordialité.
INSTRUCTIONS DES ESPRITS
La charité matérielle et la charité morale
9. « Aimons-nous les uns les autres et faisons à autrui ce
que nous voudrions qui nous fût fait. » Toute la
religion, toute la
morale se trouvent renfermées dans ces deux préceptes ; s'ils étaient
suivis ici-bas, vous seriez tous parfaits : plus de haines, plus de dissentiments
; je dirai plus encore : plus de pauvreté, car du superflu de la table
de chaque riche, bien des pauvres se nourriraient, et vous ne verriez plus, dans
les sombres quartiers que j'ai habités pendant ma dernière incarnation,
de pauvres femmes traînant après elles de misérables
enfants
manquant de tout.
Riches ! pensez un peu à cela ; aidez de votre mieux les malheureux ; donnez,
pour que
Dieu vous rende un
jour le bien que vous aurez fait, pour que vous trouviez,
au sortir de votre enveloppe terrestre, un cortège d'
Esprits reconnaissants
qui vous recevront au seuil d'un monde plus heureux.
Si vous pouviez savoir la joie que j'ai éprouvée en retrouvant là-haut
ceux que j'avais pu obliger dans ma dernière vie !...
Aimez donc votre prochain ; aimez-le comme vous-mêmes, car vous le savez
maintenant, ce malheureux que vous repoussez est peut-être un
frère,
un père, un ami que vous rejetez loin de vous ; et alors quel sera votre
désespoir en le reconnaissant dans le monde des
Esprits !
Je souhaite que vous compreniez bien ce que peut être
la charité morale, celle que chacun peut pratiquer ; celle qui ne
coûte rien de matériel, et cependant celle qui est plus difficile
à mettre en pratique.
La
charité morale consiste à se supporter les
uns les autres, et c'est ce que vous faites le moins, en ce bas monde où
vous êtes incarnés pour le moment. Il y a un grand mérite,
croyez-moi, à savoir se taire pour laisser parler un plus sot que soi ;
et c'est encore là un genre de
charité. Savoir être sourd
quand un mot moqueur s'échappe d'une bouche habituée à railler
; ne pas voir le sourire dédaigneux qui accueille votre entrée chez
des gens qui, souvent à tort, se croient au-dessus de vous, tandis que,
dans la vie spirite,
la seule réelle, ils en sont quelquefois bien
loin ; voilà un mérite, non pas d'humilité, mais de
charité
; car ne pas remarquer les torts d'autrui, c'est la
charité morale.
Cependant cette
charité ne doit pas empêcher
l'autre ; mais pensez surtout à ne pas mépriser votre semblable
; rappelez-vous tout ce que je vous ai déjà dit : Il faut se souvenir
sans cesse que, dans le pauvre rebuté, vous repoussez peut-être un
Esprit qui vous a été cher, et qui se trouve momentanément
dans une position inférieure à la vôtre. J'ai revu un des
pauvres de votre terre que j'avais pu, par bonheur, obliger quelquefois, et qu'il
m'arrive
maintenant d'implorer à mon tour.
Rappelez-vous que
Jésus a dit que nous sommes
frères, et pensez toujours à cela avant de repousser le lépreux ou le mendiant. Adieu
; pensez à ceux qui souffrent, et priez. (Sur Rosalie.
Paris, 1860.)
10. Mes amis, j'ai entendu plusieurs d'entre vous se dire : Comment puis-je faire la
charité ? souvent je n'ai pas même le nécessaire
!
La
charité, mes amis, se fait de bien des manières ; vous pouvez
faire la
charité en pensées, en paroles et en actions. En pensées
: en priant pour les pauvres délaissés qui sont morts sans avoir
été à même de voir la lumière ; une prière
du cur les soulage. En paroles : en adressant à vos
compagnons de
tous les
jours quelques bons avis ; dites aux hommes aigris par le désespoir,
les privations, et qui blasphèment le nom du Très-Haut : «
J'étais comme vous ; je souffrais, j'étais malheureux, mais j'ai
cru au Spiritisme, et voyez, je suis heureux maintenant. » Aux vieillards
qui vous diront : « C'est inutile ; je suis au bout de ma carrière
; je mourrai comme j'ai vécu. » Dites à ceux-là : «
Dieu a pour nous tous une justice égale ; rappelez-vous les ouvriers de
la dixième heure. » Aux petits
enfants qui, déjà viciés
par leur entourage, s'en vont rôder par les chemins, tout prêts à
succomber aux mauvaises tentations, dites-leur : «
Dieu vous voit, mes chers
petits, » et ne craignez pas de leur répéter souvent cette
douce parole ; elle finira par prendre
germe dans leur jeune intelligence, et
au lieu de petits vagabonds, vous aurez fait des hommes. C'est encore là
une
charité.
Plusieurs d'entre vous disent aussi : « Bah ! nous
sommes si nombreux sur la terre,
Dieu ne peut pas nous voir tous. » Ecoutez
bien ceci, mes amis : Quand vous êtes sur le sommet d'une
montagne, est-ce
que votre regard n'embrasse pas les milliards de grains de sable qui couvrent
cette
montagne ? Eh bien !
Dieu vous voit de même ; il vous laisse votre
libre arbitre, comme vous laissez ces grains de sable aller au gré du vent
qui les disperse ; seulement,
Dieu, dans sa
miséricorde infinie, a mis
au fond de votre cur une sentinelle vigilante qu'on appelle la
conscience.
Ecoutez-la ; elle ne vous donnera que de bons conseils. Parfois vous l'engourdissez
en lui opposant l'
esprit du mal ; elle se tait alors ; mais soyez sûrs que
la pauvre délaissée se fera entendre aussitôt que vous lui
aurez laissé apercevoir l'ombre du remords. Ecoutez-la, interrogez-la,
et souvent vous vous trouverez consolés du conseil que vous en aurez reçu.
Mes amis, à chaque régiment nouveau le général remet
un drapeau ; je vous donne, moi, cette maxime du Christ : « Aimez-vous les
uns les autres. » Pratiquez cette maxime ; réunissez-vous tous autour
de cet étendard, et vous en recevrez le bonheur et la consolation. (Un
Esprit protecteur.
Lyon, 1860.)
La bienfaisance
11. La bienfaisance, mes amis, vous donnera dans ce monde les plus pures
et les plus douces jouissances, les joies du cur qui ne sont troublées
ni par le remords, ni par l'indifférence. Oh ! puissiez-vous comprendre
tout ce que renferme de grand et de doux la générosité des
belles
âmes, ce sentiment qui fait que l'on regarde autrui du même
il que l'on se regarde soi-même, qu'on se
dépouille avec joie
pour couvrir son
frère. Puissiez-vous, mes amis, n'avoir de plus douce
occupation que celle de faire des heureux ! Quelles sont les fêtes du monde
que vous puissiez comparer à ces fêtes joyeuses, quand, représentants
de la Divinité, vous rendez la joie à ces pauvres familles qui ne
connaissent de la vie que les vicissitudes et les amertumes ; quand vous voyez
soudain ces visages flétris rayonner d'espérance, car ils n'avaient
pas de pain, ces malheureux, et leurs petits
enfants,
ignorant que vivre c'est
souffrir, criaient, pleuraient et répétaient ces paroles qui s'enfonçaient
comme un
glaive aigu dans le cur maternel : J'ai faim !... Oh ! comprenez
combien sont délicieuses les impressions de celui qui voit renaître
la joie là où, un instant auparavant, il ne voyait que désespoir
! Comprenez quelles sont vos obligations envers vos
frères ! Allez, allez
au devant de l'infortune ; allez au secours des misères cachées
surtout, car ce sont les plus douloureuses. Allez, mes bien-aimés, et souvenez-vous
de ces paroles du Sauveur : « Quand vous vêtirez un de ces petits,
songez que c'est à moi que vous le faites ! »
Charité ! mot sublime qui résume toutes les vertus, c'est toi qui
dois conduire les peuples au bonheur ; en te pratiquant, ils se créeront
des jouissances infinies pour l'avenir, et pendant leur exil sur la terre, tu
seras leur consolation, l'avant-goût des joies qu'ils goûteront plus
tard quand ils s'embrasseront tous ensemble dans le sein du
Dieu d'
amour. C'est
toi, vertu divine, qui m'as procuré les seuls moments de bonheur que j'aie
goûtés sur la terre. Puissent mes
frères incarnés croire
la voix de l'ami qui leur parle et leur dit : C'est dans la
charité que
vous devez chercher la paix du cur, le contentement de l'
âme, le remède
contre les afflictions de la vie. Oh ! quand vous êtes sur le point d'accuser
Dieu, jetez un regard au-dessous de vous ; voyez que de misères à
soulager ; que de pauvres
enfants sans famille ; que de vieillards qui n'ont pas
une main amie pour les secourir et leur
fermer les yeux quand la mort les réclame
! Que de bien à faire ! Oh ! ne vous plaignez pas ; mais, au contraire,
remerciez
Dieu, et prodiguez à pleines mains votre sympathie, votre
amour,
votre
argent à tous ceux qui, déshérités des biens
de ce monde, languissent dans la souffrance et dans l'isolement. Vous recueillerez
ici-bas des joies bien douces, et plus tard...
Dieu seul le sait !... (Adolphe,
évêque d'Alger.
Bordeaux, 1861.)
12. Soyez bons et charitables, c'est la
clef des cieux que vous tenez en
vos mains ; tout le bonheur éternel est renfermé dans cette maxime
: Aimez-vous les uns les autres. L'
âme ne peut s'élever dans les
régions spirituelles que par le dévouement au prochain ; elle ne
trouve de bonheur et de consolation que dans les élans de la
charité
; soyez bons, soutenez vos
frères, laissez de côté l'affreuse
plaie de l'égoïsme ; ce devoir rempli doit vous ouvrir la route du
bonheur éternel. Du reste, qui d'entre vous n'a senti son cur bondir,
sa joie intérieure se dilater au récit d'un beau dévouement,
d'une uvre vraiment charitable ? Si vous ne recherchiez que la volupté
que procure une bonne action, vous resteriez toujours dans le chemin du progrès
spirituel. Les exemples ne vous manquent pas ; il n'y a que les bonnes volontés
qui sont rares. Voyez la foule des hommes de bien dont votre
histoire vous rappelle
le pieux souvenir.
Le Christ ne vous a-t-il pas dit tout ce qui concerne ces vertus de
charité
et d'
amour ? Pourquoi laisse-t-on de côté ses divins enseignements
? Pourquoi ferme-t-on l'oreille à ses divines paroles, le cur à
toutes ses douces maximes ? Je voudrais qu'on apportât plus d'intérêt,
plus de foi aux lectures
évangéliques ; on délaisse ce livre,
on en fait un mot creux, une lettre close ; on laisse ce code admirable dans l'oubli
: vos maux ne proviennent que de l'abandon volontaire que vous faites de ce résumé
des lois divines. Lisez donc ces pages toutes brûlantes du dévouement
de
Jésus, et méditez-les.
Hommes forts, ceignez-vous ; hommes faibles, faites-vous des armes de votre douceur,
de votre foi ; ayez plus de persuasion, plus de constance dans la propagation
de votre nouvelle doctrine ; ce n'est qu'un encouragement que nous sommes venus
vous donner, ce n'est que pour stimuler votre zèle et vos vertus que
Dieu
nous permet de nous manifester à vous ; mais si on voulait, on n'aurait
besoin que de l'aide de
Dieu et de sa propre volonté : les manifestations
spirites ne sont faites que pour les yeux fermés et les curs indociles.
La
charité est la vertu fondamentale qui doit soutenir tout l'édifice
des vertus terrestres ; sans elle les autres n'existent pas. Sans la
charité
point d'espoir dans un sort meilleur, pas d'intérêt moral qui nous
guide ; sans la
charité point de foi, car la foi n'est qu'un pur rayon
qui fait briller une
âme charitable.
La
charité est l'ancre éternelle du salut dans tous les globes :
c'est la plus pure émanation du Créateur lui-même ; c'est
sa propre vertu qu'il donne à la créature. Comment voudrait-on méconnaître
cette suprême bonté ? Quel serait, avec cette pensée, le cur
assez pervers pour refouler et chasser ce sentiment tout divin ? Quel serait l'
enfant
assez méchant pour se mutiner contre cette douce caresse : la
charité
?
Je n'ose pas parler de ce que j'ai fait, car les
Esprits ont aussi la pudeur de
leurs uvres ; mais je crois celle que j'ai commencée une de celles
qui doivent le plus contribuer au soulagement de vos semblables. Je vois souvent
les
Esprits demander pour mission de continuer ma tâche ; je les vois, mes
douces et chères surs, dans leur pieux et divin ministère
; je les vois pratiquer la vertu que je vous recommande, avec toute la joie que
procure cette existence de dévouement et de sacrifices ; c'est un grand
bonheur pour moi de voir combien leur caractère est honoré, combien
leur mission est aimée et doucement protégée.
Hommes de bien,
de bonne et forte volonté, unissez-vous pour continuer grandement l'uvre
de propagation de la
charité ; vous trouverez la récompense de cette
vertu par son exercice même ; il n'est pas de joie spirituelle qu'elle ne
donne dès la vie présente. Soyez unis ; aimez-vous les uns les autres
selon les préceptes du Christ. Ainsi soit-il. (
Saint Vincent de Paul.
Paris,
1858.)
13. Je me nomme la
charité, je suis la route principale qui conduit
vers
Dieu ; suivez-moi, car je suis le but où vous devez tous viser.
J'ai fait ce matin ma tournée habituelle, et, le cur navré, je
viens vous dire : Oh ! mes amis, que de misères, que de larmes, et combien
vous avez à faire pour les sécher toutes ! J'ai vainement cherché
à consoler de pauvres mères ; je leur disais à l'oreille
: Courage ! il y a de bons curs qui veillent sur vous ; on ne vous abandonnera
pas ; patience !
Dieu est là ; vous êtes ses aimées, vous
êtes ses élues. Elles paraissaient m'entendre et tournaient de mon
côté de grands yeux égarés ; je lisais sur leur pauvre
visage que leur
corps, ce tyran de l'
Esprit, avait faim, et que si mes paroles
rassérénaient un peu leur cur, elles ne remplissaient pas leur
estomac. Je répétais encore : Courage ! courage ! Alors une pauvre
mère, toute jeune, qui allaitait un petit
enfant, l'a pris dans ses bras
et l'a tendu dans l'espace vide, comme pour me prier de protéger ce pauvre
petit être qui ne prenait à un sein stérile qu'une nourriture
insuffisante.
Ailleurs, mes amis, j'ai vu de pauvres vieillards sans travaux et bientôt
sans asile, en proie à toutes les souffrances du besoin, et, honteux de
leur misère, n'osant pas, eux qui n'ont jamais mendié, aller implorer
la pitié des passants. Le cur ému de
compassion, moi qui n'ai
rien, je me suis faite mendiante pour eux, et je vais de tous côtés
stimuler la bienfaisance, souffler de bonnes pensées aux curs généreux
et
compatissants. C'est pourquoi je viens à vous, mes amis, et je vous
dis : Là-bas il y a des malheureux dont la huche est sans pain, le foyer
sans
feu et le
lit sans couverture. Je ne vous dis pas ce que vous devez faire
; j'en laisse l'initiative à vos bons curs ; si je vous dictais votre
ligne de conduite, vous n'auriez plus le mérite de votre bonne action ;
je vous dis seulement : Je suis la
charité, et je vous tends la main pour
vos
frères souffrants.
Mais si je demande, je donne aussi et je donne beaucoup ;
je vous convie à un grand banquet, et je fournis l'
arbre où vous
vous rassasierez tous ! Voyez comme il est beau, comme il est chargé de
leurs et de
fruits ! Allez, allez, cueillez, prenez tous les
fruits de ce bel
arbre qui s'appelle la bienfaisance. A la place des rameaux que vous aurez pris,
j'attacherai toutes les bonnes actions que vous ferez, et je rapporterai cet
arbre
à
Dieu pour qu'il le charge de nouveau, car la bienfaisance est inépuisable.
Suivez-moi donc, mes amis, afin que je vous compte parmi ceux qui s'enrôlent
sous ma bannière ; soyez sans crainte ; je vous conduirai dans la voie
du salut, car je suis
la Charité. (Carita, martyrisée à
Rome.
Lyon, 1861.)
14. Il y a plusieurs manières de faire la
charité que beaucoup
d'entre vous confondent avec l'aumône ; il y a pourtant une grande différence.
L'aumône, mes amis, est quelquefois utile, car elle soulage les pauvres
; mais elle est presque toujours humiliante et pour celui qui la fait et pour
celui qui la reçoit. La
charité, au contraire, lie le bienfaiteur
et l'obligé, et puis elle se déguise de tant de manières
! On peut être charitable même avec ses proches, avec ses amis, en
étant indulgents les uns envers les autres, en se pardonnant ses faiblesses,
en ayant soin de ne froisser l'amour-propre de personne ; pour vous, spirites,
dans votre manière d'agir envers ceux qui ne pensent pas comme vous ; en
amenant les moins clairvoyants à croire, et cela sans les heurter, sans
rompre en visière avec leurs convictions, mais en les amenant tout doucement
à nos réunions où ils pourront nous entendre, et où
nous saurons bien trouver la brèche du cur par où nous devrons
pénétrer. Voilà pour un côté de la
charité.
Ecoutez maintenant la
charité envers les pauvres, ces déshérités
ici-bas, mais ces récompensés de
Dieu, s'ils savent accepter leurs
misères sans murmurer, et cela dépend de vous. Je vais me faire
comprendre par un exemple.
Je vois plusieurs fois dans la semaine une réunion de
dames : il y en a
de tous les âges ; pour nous, vous le savez, elles sont toutes surs.
Que font-elles donc ? Elles travaillent vite, vite ; les doigts sont agiles ;
aussi voyez comme les visages sont radieux, et comme les curs battent à
l'unisson ! mais quel est leur but ? c'est qu'elles voient approcher l'
hiver qui
sera rude pour les pauvres ménages ; les fourmis n'ont pas pu amasser pendant
l'été le grain nécessaire à la provision, et la plupart
des effets sont engagés ; les pauvres mères s'inquiètent
et pleurent en songeant aux petits
enfants qui, cet
hiver, auront froid et faim
! Mais patience, pauvres femmes !
Dieu en a inspiré de plus fortunées
que vous ; elles se sont réunies et vous confectionnent de petits vêtements
; puis un de ces
jours, quand la neige aura couvert la terre et que vous murmurerez
en disant : «
Dieu n'est pas juste, » car c'est votre parole ordinaire
à vous qui souffrez ; alors vous verrez apparaître un des
enfants
de ces bonnes travailleuses qui se sont constituées les ouvrières
des pauvres ; oui, c'est pour vous qu'elles travaillaient ainsi, et votre murmure
se changera en bénédiction, car dans le cur des malheureux
l'
amour suit de bien près la haine.
Comme il faut à toutes ces travailleuses un encouragement, je vois les
communications des bons
Esprits leur arriver de toutes parts ; les hommes qui
font partie de cette société apportent aussi leur concours en faisant
une de ces lectures qui plaisent tant ; et nous, pour récompenser le zèle
de tous et de chacun en particulier, nous promettons à ces ouvrières
laborieuses une bonne clientèle qui les payera,
argent comptant, en bénédictions,
seule monnaie qui ait cours au
ciel, leur assurant en outre, et sans crainte de
trop nous avancer, qu'elle ne leur manquera pas. (Carita.
Lyon, 1861.)
15. Mes chers amis, chaque
jour j'en entends parmi vous qui disent : «
Je suis pauvre, je ne puis pas faire la
charité » ; et chaque
jour
je vous vois manquer d'
indulgence pour vos semblables ; vous ne leur pardonnez
rien, et vous vous érigez en
juges souvent sévères, sans
vous demander si vous seriez satisfaits qu'on en fît autant à votre
égard. L'
indulgence n'est-elle pas aussi de la
charité ? Vous qui
ne pouvez faire que la
charité indulgente, faites-la au moins, mais faites-la
grandement. Pour ce qui est de la
charité matérielle, je veux vous
raconter une
histoire de l'autre monde.
Deux hommes venaient de mourir ;
Dieu avait dit : Tant que ces deux hommes vivront,
on mettra dans un sac chacune de leurs bonnes actions, et à leur mort on
pèsera ces sacs. Quand ces deux hommes arrivèrent à leur
dernière heure,
Dieu se fit apporter les deux sacs ; l'un était
gros, grand, bien bourré, il résonnait le métal qui le remplissait
; l'autre était tout petit, et si mince, qu'on voyait à travers
les rares sous qu'il contenait ; et chacun de ces hommes reconnut son sac : Voici
le mien, dit le premier : je le reconnais ; j'ai été riche et j'ai
beaucoup donné. Voilà le mien, dit l'autre ; j'ai toujours été
pauvre, hélas ! je n'avais presque rien à partager. Mais, ô
surprise ! les deux sacs mis dans la balance, le plus gros devint léger,
et le petit s'alourdit, si bien qu'il emporta de beaucoup l'autre côté
de la balance. Alors
Dieu dit au riche : Tu as beaucoup donné, c'est vrai,
mais tu as donné par ostentation, et pour voir ton nom figurer à
tous les temples de l'orgueil, et de plus en donnant tu ne t'es privé de
rien ; vas à gauche et sois satisfait que l'aumône te soit comptée
encore pour quelque petite chose. Puis il dit au pauvre : Tu as bien peu donné,
toi, mon ami ; mais chacun des sous qui sont dans cette balance représente
une privation pour toi ; si tu n'as pas fait l'aumône, tu as fait la
charité,
et ce qu'il y a de mieux, tu as fait la
charité naturellement, sans penser
qu'on t'en tiendrait compte ; tu as été indulgent ; tu n'as pas
jugé ton semblable, tu l'as au contraire excusé dans toutes ses
actions : passe à droite, et va recevoir ta récompense. (Un
Esprit
protecteur.
Lyon, 1861.)
16. La femme riche, heureuse, qui n'a pas besoin d'employer son temps aux
travaux de son ménage, ne peut-elle consacrer quelques heures à
des travaux utiles pour ses semblables ? Qu'avec le superflu de ses joies elle
achète de quoi couvrir le malheureux qui grelotte de froid ; qu'elle fasse,
de ses mains délicates, de grossiers mais chauds vêtements ; qu'elle
aide la mère à couvrir l'
enfant qui va naître ; si son
enfant,
à elle, a quelques dentelles de moins, celui du pauvre aura plus chaud.
Travailler pour les pauvres, c'est travailler à la vigne du Seigneur.
Et toi, pauvre ouvrière, qui n'as pas de superflu, mais qui veux, dans
ton
amour pour tes
frères, donner aussi du peu que tu possèdes,
donne quelques heures de ta journée, de ton temps ton seul trésor
; fais de ces ouvrages élégants qui tentent les heureux ; vends
le travail de ta veille, et tu pourras aussi procurer à tes
frères
ta part de soulagement ; tu auras peut-être quelques rubans de moins, mais
tu donneras des souliers à celui qui a les pieds nus.
Et vous, femmes vouées à
Dieu, travaillez aussi à son uvre,
mais que vos ouvrages délicats et coûteux ne soient pas faits seulement
pour orner vos chapelles, pour attirer l'attention sur votre adresse et votre
patience ; travaillez, mes filles, et que le prix de vos ouvrages soit consacré
au soulagement de vos
frères en
Dieu ; les pauvres sont ses
enfants bien-aimés
; travailler pour eux, c'est le glorifier. Soyez-leur la Providence qui dit :
Aux
oiseaux du
ciel Dieu donne la pâture. Que l'or et l'
argent qui se tissent
sous vos doigts se changent en vêtements et en nourriture pour ceux qui
en manquent. Faites cela, et votre travail sera béni.
Et vous tous qui pouvez produire, donnez ; donnez votre génie, donnez vos
inspirations, donnez votre cur que
Dieu bénira. Poètes, littérateurs,
qui n'êtes lus que par les gens du monde, satisfaites leurs loisirs, mais
que le produit de quelques-unes de vos uvres soit consacré au soulagement
des malheureux ; peintres, sculpteurs, artistes en tous genres, que votre intelligence
vienne aussi en aide à vos
frères, vous n'en aurez pas moins de
gloire, et il y aura quelques souffrances de moins.
Tous vous pouvez donner ; dans quelque classe que vous soyez, vous avez quelque
chose que vous pouvez partager ; quoi que ce soit que
Dieu vous ait donné,
vous en devez une partie à celui qui manque du nécessaire, parce
qu'à sa place vous seriez bien aises qu'un autre partageât avec vous.
Vos trésors de la terre seront un peu moindres, mais vos trésors
dans le
ciel seront plus abondants ; vous y recueillerez au centuple ce que vous
aurez semé en bienfaits ici-bas. (Jean.
Bordeaux, 1861.)
La pitié
17. La pitié est la vertu qui vous rapproche le plus des
anges ;
c'est la sur de
charité qui vous conduit vers
Dieu. Ah ! laissez
votre cur s'attendrir à l'aspect des misères et des souffrances
de vos semblables ; vos larmes sont un baume que vous versez sur leurs blessures,
et lorsque, par une douce sympathie, vous parvenez à leur rendre l'espérance
et la résignation, quel charme n'éprouvez-vous pas ! Ce charme,
il est vrai, a une certaine amertume, car il naît à côté
du malheur ; mais s'il n'a pas l'âcreté des jouissances mondaines,
il n'a pas les poignantes déceptions du vide que celles-ci laissent après
elles ; il a une suavité pénétrante qui réjouit l'
âme.
La pitié, une pitié bien sentie, c'est de l'
amour ; l'
amour, c'est
du dévouement ; le dévouement, c'est l'oubli de soi-même ;
et cet oubli, cette
abnégation en faveur des malheureux, c'est la vertu
par excellence, celle qu'a pratiquée toute sa vie le divin
Messie, et qu'il
a enseignée dans sa doctrine si sainte et si sublime. Lorsque cette doctrine
sera rendue à sa pureté primitive, qu'elle sera admise par tous
les peuples, elle donnera le bonheur à la terre en y faisant régner
enfin la
concorde, la paix et l'
amour.
Le sentiment le plus propre à vous faire progresser en domptant votre égoïsme
et votre orgueil, celui qui dispose votre
âme à l'humilité,
à la bienfaisance et à l'
amour de votre prochain, c'est la pitié
! cette pitié qui vous émeut jusque dans vos entrailles devant les
souffrances de vos
frères, qui vous fait leur tendre une main secourable
et vous arrache de sympathiques larmes. N'étouffez donc jamais dans vos
curs cette émotion céleste, ne faites pas comme ces égoïstes
endurcis qui s'éloignent des affligés, parce que la
vue de leur
misère troublerait un instant leur joyeuse existence ; redoutez de rester
indifférents lorsque vous pouvez être utiles. La tranquillité
achetée au prix d'une indifférence coupable, c'est la tranquillité
de la mer
Morte, qui cache au fond de ses
eaux la vase
fétide et la corruption.
Que la pitié est loin cependant de causer le trouble et l'ennui dont s'épouvante
l'égoïste ! Sans doute l'
âme éprouve, au contact du malheur
d'autrui et en faisant un retour sur elle-même, un saisissement naturel
et profond qui fait vibrer tout votre être et vous affecte péniblement
; mais la compensation est grande, quand vous parvenez à rendre le courage
et l'espoir à un
frère malheureux qu'attendrit la pression d'une
main amie, et dont le regard, humide à la fois d'émotion et de reconnaissance,
se tourne doucement vers vous avant de se
fixer sur le
ciel pour le remercier
de lui avoir envoyé un consolateur, un appui. La pitié est le mélancolique
mais céleste précurseur de la
charité, cette première
des vertus dont elle est la sur et dont elle prépare et ennoblit
les bienfaits. (Michel.
Bordeaux, 1862.)
Les orphelins
18. Mes
frères, aimez les orphelins ; si vous saviez combien il
est triste d'être seul et abandonné, surtout dans le jeune âge
!
Dieu permet qu'il y ait des orphelins pour nous engager à leur servir
de pères. Quelle divine
charité d'aider une pauvre petite créature
délaissée, de l'empêcher de souffrir de la faim et du froid,
de diriger son
âme afin qu'elle ne s'égare pas dans le vice ! Qui
tend la main à l'
enfant abandonné est agréable à
Dieu,
car il comprend et pratique sa loi. Pensez aussi que souvent l'
enfant que vous
secourez vous a été cher dans une autre incarnation ; et si vous
pouviez vous souvenir, ce ne serait plus de la
charité mais un devoir.
Ainsi donc, mes amis, tout être souffrant est votre
frère et a droit
à votre
charité, non pas cette
charité qui blesse le cur,
non cette aumône qui
brûle la main dans laquelle elle tombe, car vos
oboles sont souvent bien amères ! Que de fois elles seraient refusées
si, au grenier, la maladie et le dénuement ne les attendaient pas ! Donnez
délicatement, ajoutez au bienfait le plus précieux de tous : une
bonne parole, une caresse, un sourire d'ami ; évitez ce ton de protection
qui retourne le fer dans un cur qui saigne, et pensez qu'en faisant le bien,
vous travaillez pour vous et les vôtres. (Un
Esprit familier.
Paris, 1860.)
19. Que faut-il penser des gens qui, ayant été payés de leurs bienfaits par l'ingratitude, ne font plus de bien de peur de rencontrer des ingrats ?
Ces gens-là ont plus d'égoïsme que de
charité ; car ne faire le bien que pour en recevoir des marques de reconnaissance, ce n'est pas le faire avec désintéressement, et le bienfait désintéressé est le seul qui soit agréable à
Dieu. C'est aussi de l'orgueil, car ils se complaisent dans l'humilité de l'obligé qui vient mettre sa reconnaissance à leurs pieds. Celui qui cherche sur la terre la récompense du bien qu'il fait ne la recevra pas au
ciel ; mais
Dieu tiendra compte à celui qui ne la cherche pas sur la terre.
Il faut toujours aider les faibles, quoique sachant d'avance que ceux à qui on fait le bien n'en sauront pas gré. Sachez que si celui à qui vous rendez service oublie le bienfait,
Dieu vous en tiendra plus de compte que si vous étiez déjà récompensés par la reconnaissance de votre obligé.
Dieu permet que vous soyez parfois
payés d'ingratitude pour éprouver votre persévérance
à faire le bien.
Que savez-vous, d'ailleurs, si ce bienfait, oublié pour le moment, ne portera pas plus tard de bons
fruits ? Soyez certains, au contraire, que c'est une semence qui germera avec le temps. Malheureusement vous ne voyez toujours que le présent ; vous travaillez pour vous, et non en
vue des autres. Les bienfaits finissent
par amollir les curs les plus endurcis ; ils peuvent être méconnus ici-bas, mais lorsque l'
Esprit sera débarrassé de son voile charnel,
il se souviendra, et ce souvenir sera son châtiment ; alors il regrettera son ingratitude ; il voudra réparer sa faute, payer sa dette dans une autre
existence, souvent même en acceptant une vie de dévouement envers son bienfaiteur. C'est ainsi que, sans vous en douter, vous aurez contribué
à son avancement moral, et vous reconnaîtrez plus tard toute la vérité de cette maxime : Un bienfait n'est jamais perdu. Mais vous aurez aussi travaillé pour vous, car vous aurez le mérite d'avoir fait le bien avec désintéressement, et sans vous être laissé décourager par les déceptions.
Ah ! mes amis, si vous connaissiez tous les liens qui, dans la vie présente, vous rattachent à vos existences antérieures ; si vous pouviez embrasser la multitude des rapports qui rapprochent les êtres les uns des autres pour leur progrès mutuel, vous admireriez bien mieux encore la sagesse et la bonté du Créateur qui vous permet de revivre pour arriver à lui. (Guide protecteur.
Sens, 1862.)
20. La bienfaisance est-elle bien entendue quand elle est exclusive entre les gens d'une même opinion, d'une même croyance ou d'un même parti ?
Non, c'est surtout l'
esprit de secte et de parti qu'il faut abolir, car tous les hommes sont
frères. Le vrai chrétien ne voit que des
frères dans ses semblables, et avant de secourir celui qui est dans le besoin, il ne
consulte ni sa croyance, ni son opinion en quoi que ce soit. Suivrait-il le précepte de Jésus-Christ, qui dit d'aimer même ses
ennemis, s'il repoussait
un malheureux, parce que celui-ci aurait une autre foi que la sienne ? Qu'il le secoure donc sans lui demander aucun compte de sa conscience, car si c'est un
ennemi de la
religion, c'est le moyen de la lui faire aimer ; en le repoussant, on la lui ferait haïr. (
Saint Louis.
Paris, 1860.)