Biographie universelle ancienne et moderne Blanche de Castille, fille du roi Alphonse IX,
épouse de
Louis VIII, roi de France, et mère de
saint Louis, fut amenée en France en l'an 1200, étant à peine dans sa quatorzième année : Louis VIII n'était pas plus âgé qu'elle ; et l'
histoire a remarqué qu'ils vécurent ensemble pendant vingt-six ans, sans s'éloigner l'un de l'autre, et sans que leur union eût été altérée un seul instant. Blanche, aussi séduisante par sa beauté qu'étonnante par son
esprit et la fermeté de son caractère, prit un grand ascendant sur son
époux ; elle assistait avec lui au conseil, le suivait dans ses expéditions militaires, et paraissait tellement née pour dominer que
Philippe-Auguste, son beau-père, ne rougissait pas de la consulter, et de céder à ses conseils. L'habitude de se livrer aux affaires dans une cour où les
grands vassaux rivalisaient de puissance avec les
rois
adoucit ce qu'il y avait de trop altier dans la caractère de cette princesse. Sans renoncer à l'austérité de ses principes, elle mit de l'adresse, de la coquetterie même dans sa conduite, et ne négligea aucun moyen permis pour satisfaire ses désirs, tout entiers renfermés dans la prospérité de la France et la gloire de son fils. Elle forma
saint Louis, seul monarque qui n'ait été comparé ni à ses prédécesseurs, ni à ceux qui l'ont suivi, et deux fois
régente dans des circonstances difficiles, elle assura la tranquillité
du royaume.
Louis VIII étant mort en 1226, Blanche se hâta de faire sacrer
Louis IX, l'aîné de ses fils, et s'empara de l'autorité, sans attendre le consentement des grands, dont elle connaissait les
dispositions et les projets ; mais, quoique tout se fît par sa volonté, elle crut devoir faire agir et parler son fils comme s'il avait gouverné lui-même ; ainsi, on vit
Louis IX, à peine dans sa treizième année, commander les armes et haranguer en public avec toute l'assurance d'un monarque qui aurait vieilli sur le trône. Elle ne donna sa confiance qu'au
cardinal Romain, parce qu'étant étranger, il ne pouvait trouver de véritable appui qu'en elle. C'est ainsi qu'Anne d'Autriche, dans des circonstances semblables, accorda une préférénce exclusive au
cardinal Mazarin. Les Français ne supportant qu'avec impatience la domination des femmes, on vit bientôt se former un parti des plus puissants seigneurs, dont quelques-uns réclamaient la régence, comme parents du jeune roi ; ils prirent les armes, et essayèrent plusieurs fois d'enlever
Louis IX, sachant bien que, s'ils pouvaient s'emparer de sa personne, ils le feraient aisément parler au gré de leurs prétentions. Mais Blanche déconcerta toutes leurs mesures. Disposant des trésors de la
couronne, elle assembla une armée ; et, par la promptitude de ses démarches, par sa fermeté et son adresse, elle rompit l'association formée par les seigneurs avant qu'elle eût eu le temps de devenir formidable. Elle fit en personne le siège de Bellesme au
Perche, au milieu d'un
hiver extrêmement rigoureux, et s'en rendit maîtresse, malgré les efforts du
duc de
Bretagne, Pierre Mauclerc, soutenu par les Anglais ; elle poursuivit sa condamnation avec la plus grande sévérité, le fit déclarer coupable de lèse-majesté et de
félonie, et lui accorda ensuite sa grâce, afin de montrer qu'elle savait aussi bien pardonner que venger les droits du trône. Elle était secrètement servie par Thibaut, comte de
Champagne, depuis si longtemps redoutable à la
couronne, par l'étendue et la position de ses domaines. Le comte Thibaut poussa la galanterie jusqu'à se plaindre bien plus amèrement des rigueurs de Blanche que de la politique de la régente, qui lui enlevait une partie de son héritage. Dans le temps même où elle prévoyait qu'elle aurait à dissiper une grande
faction, elle osait renouveler la guerre contre les Albigeois, guerre qui durait depuis
Philippe-Auguste. Elle eut la gloire de la terminer, et maria
Louis IX à Marguerite, fille du comte
de
Provence. La fin de sa régence fut aussi tranquille que le commencement en avait été agité : c'est un rapport de plus entre cette princesse et Anne d'Autriche. Toutes deux furent calomniées par les partis ; toutes deux ont été vengées par l'
histoire, et par l'attachement des rois dont elles avaient formé le cur, et conservé le pouvoir.
Lorsqu'à la suite d'une maladie violente dont il fut
attaqué en 1244,
saint Louis fit vu de marcher à la conquête
de la terre sainte, on vit la reine mère employer les larmes, les prières,
lui opposer le sentiment des ecclésiastiques les plus respectables, pour l'engager à renoncer à cette résolution. Elle n'ignorait pas cependant que la régence lui serait confiée pendant l'absence du roi ; mais l'ambition de cette princesse était au-dessus de pareils calculs. Trop habile pour ne pas prévoir les suites de cette
croisade, la puissance dont elle allait être revêtue lui était moins chère que le bonheur de la France et la présence de son fils. Elle l'accompagna jusqu'à
et perdit connaissance en recevant ses adieux ; il semblait qu'un secret pressentiment l'avertit qu'ils ne devaient plus se revoir. De retour à
Paris, elle s'occupa de l'administration du royaume avec une assiduité qui ne se démentit jamais ; l'ordre qu'elle mit dans les finances lui permit de rendre moins pesants les malheurs qui accablèrent les Français en Egypte ; l'
argent ne manqua jamais au roi. Elle maintint les seigneurs dans le devoir, les étrangers dans le respect des traités ; et, lorsque les paysans se révoltèrent, en apprenant la captivité du roi ; que, sous le nom de
pastoureaux, ils se livrèrent aux plus grands excès, Blanche retrouva, pour les soumettre, la même activité qui l'avait distinguée dans sa
jeunesse.
Pour apprécier le mérite de cette reine, il faut lire l'
histoire depuis 1223 jusqu'en 1252 ; rien de ce qui s'est passsé en France pendant cet intervalle ne lui a été étranger. Elle était jalouse du crédit qu'elle avait sur l'
esprit du roi, jusqu'à l'obliger à cacher une partie de l'attachement que lui inspirait Marguerite, sa femme ; cette jalousie tenait moins à l'ambition qu'à la tendresse qu'elle avait pour un fils dont le mérite flattait à la fois son cur et sa vanité ; car elle l'avait élevé avec une prédilection particulière ; et, malgré cette tendresse jalouse, elle lui disait souvent : « J'aimerais mieux vous voir mort, que souillé d'un péché mortel. »
La longue absence de
saint Louis, le bruit répandu qu'il voulait se
fixer dans la
Palestine, lui causèrent une douleur qui contribua à abréger ses
jours ; elle mourut à
Melun, le 1er décembre 1252, dans la 65ème année de son âge, et fut enterrée à l'
abbaye de Maubuisson, qu'elle avait fondée en 1242.
(Biographie universelle ancienne et moderne - Tome 4 - Pages 416-417)
Dictionnaire M. Bescherelle
Plusieurs reines du nom de Blanche furent célèbres à divers
égards, mais aucune n'égala
Blanche de Castille,
épouse de Louis VIII, reine de France et mère de
saint Louis. Fille d'Alphonse IX, roi de Castille, née en 1185, elle épousa, le 23 mai 1200, le prince Louis, fils de
Philippe-Auguste. A la mort de ce monarque, Blanche fut saluée reine de France, au sacre de son
époux dans la
cathédrale de
Reims, le 14
juillet 1223. En 1226, elle resta régente du royaume et tutrice de son fils
Louis IX ; elle se montra digne de ce double titre par sa fermeté et son intelligence. Lorsqu'elle remit au jeune roi les rênes de l'Etat, la France était tranquille, elle avait su par sa sagesse étouffer la ligue fomentée par la
Bretagne et l'Angleterre, apaiser les troubles en
Languedoc, calmer l'
émeute au sein de l'université de
Paris, et secondée par le
cardinal de St-Ange, elle avait triomphé de tous les obstacles et pouvait sans crainte, en 1235, remettre la direction du royaume à
Louis IX. Quand il partit pour la
Palestine, la régence lui fut de nouveau déléguée ; elle mourut le 1er décembre 1252. Ce qui distingue entre toutes
Blanche de Castille, c'est d'avoir su être grande reine en restant femme.
M. Bescherelle, aîné, Dictionnaire national ou Dictionnaire universel de la langue française - Volume I (A-F) (1856), p. 413.