LIVRE VII
PLATON LES MYSTÈRES D'ÉLEUSIS
III LES MYSTÈRES D'ÉLEUSIS
Les mystères d'Eleusis furent dans l'antiquité grecque et latine l'objet d'une vénération spéciale. Les auteurs mêmes qui tournèrent en ridicule les fables mythologiques n'osèrent toucher au culte des « grandes déesses. » Leur règne, moins bruyant que celui des Olympiens, se montra plus sûr et plus efficace. En un temps immémorial, une colonie grecque venue d'Egypte avait apporté dans la tranquille baie d'Eleusis le culte de la grande Isis sous le nom de Dèmètèr ou de la mère universelle. Depuis ce temps Eleusis était resté un centre d'initiation.
Dèmètèr et sa fille
Perséphone
présidaient aux petits et aux grands mystères, de là leur
prestige.
Si le peuple révérait en
Cérès
la terre mère et la déesse de l'agriculture, les
Initiés
y voyaient la Lumière céleste mère des
âmes, et. l'Intelligence
divine, mère des
dieux cosmogoniques.
Son culte était desservi par
des
prêtres appartenant à la plus ancienne famille sacerdotale de
l'
Attique. Ils se disaient fils de la
Lune, c'est-à-dire nés pour
être médiateurs entre la
Terre et le
Ciel, issus de la
sphère
où se trouve le pont jeté entre les deux régions, par lequel
les
âmes descendent et remontent. Dès l'origine, leur fonction avait
été « de chanter, dans cet abîme de misères,
les délices du céleste séjour et d'enseigner les moyens d'en
retrouver la route ». De là leur nom d'
Eumolpides ou « chantres
des mélodies bienfaisantes », douces régénératrices
des hommes. Les
prêtres d'
Eleusis enseignèrent toujours la grande
doctrine
ésotérique qui leur venait d'Egypte. Mais dans le cours
des âges ils la revêtirent de tout le charme d'une mythologie plastique
et ravissante. Par un art subtil et profond, ces enchanteurs surent se servir
des passions terrestres pour exprimer des idées célestes. Ils mirent
à profit l'attrait des sens, la pompe des cérémonies, les
séductions de l'art pour induire l'
âme à une vie meilleure
et l'
esprit à l'intelligence des vérités divines. Nulle part
les mystères n'apparaissent sous une forme aussi humaine, aussi vivante
et colorée.
Le
mythe de
Cérès et
de sa fille
Proserpine forment le cur du culte d'
Eleusis (111).
Comme une théorie brillante, toute l'
initiation éleusinienne tourne
et se développe autour de ce cercle lumineux. Or, dans son sens intime,
ce
mythe est la représentation
symbolique de l'
histoire de l'
âme,
de sa descente dans la matière, de ses souffrances dans les ténèbres
de l'oubli, puis de sa réascension et de son retour à la vie divine.
En d'autres termes, c'est le drame de la chute et de la
rédemption
sous sa forme
hellénique.
On peut donc affirmer d'autre part que pour l'Athénien
cultivé et
initié du temps de Platon, les mystères d'
Eleusis
offraient le complément explicatif, la contrepartie lumineuse des représentations
tragiques d'Athènes. Là, dans le théâtre de
Bacchus,
devant le peuple houleux et grondant, les incantations terribles de
Melpomène
évoquaient l'homme terrestre aveuglé par ses passions, poursuivi
par la Némésis de ses crimes, accablé par un
Destin implacable
et souvent incompréhensible. Là retentissaient les luttes
prométhéennes,
les imprécations des Erynnies ; là rugissaient les désespoirs
d'dipe et les fureurs d'
Oreste. Là régnaient la sombre Terreur
et la Pitié lamentable. A
Eleusis, dans l'enceinte de
Cérès,
tout s'éclaircissait. Le cercle des choses s'étendait pour les
initiés
devenus
voyants. L'
histoire de Psyché-Perséphone était pour
chaque
âme une révélation surprenante. La vie s'expliquait
comme une
expiation ou comme une épreuve. En deçà et au delà
de son présent terrestre, l'homme découvrait les zones étoilées
d'un passé, d'un avenir divin. Après les affres de la mort, les
espérances, les libérations, les joies élyséennes,
et, à travers les portiques du temple grand ouvert, les chants des bienheureux,
la lumière submergeante d'un merveilleux au-delà.
Voilà ce qu'étaient le Mystères en face
de la Tragédie : le drame divin de l'
âme complétant, expliquant
le drame terrestre de l'homme.
Les petits Mystères se célébraient
au mois de
février, à Agraé, bourg voisin d'Athènes
Les aspirants qui avaient subi un examen préalable et fourni des preuves
de leur naissance, de leur éducation et de leur honorabilité, étaient
reçus à rentrée de l'enceinte fermée par le
prêtre
d'
Eleusis nommé
hiérocéryx ou
héraut sacré,
assimilé à
Hermès, coiffé comme lui du pétase
et portant le
caducée. C'était le guide, le médiateur, l'interprète
des Mystères. Il conduisait les arrivants vers un petit temple à
colonnes ioniennes, dédié à
Korè, la grande
Vierge
Perséphone. Le gracieux
sanctuaire de la déesse se cachait
au fond d'un vallon tranquille, au milieu d'un
bois sacré, entre des groupes
d'ifs et de peupliers blancs. Alors les
prêtresses de
Proserpine, les hiérophantides,
sortaient du temple en péplos immaculés, bras nus, couronnées
de narcisses. Elles se rangeaient en ligne au haut de l'escalier et entonnaient
une mélopée grave sur le mode
dorien. Elles disaient en scandant
leurs paroles avec de grands gestes :
« Ô aspirants des Mystères, vous voici
au seuil de
Proserpine. Tout ce que vous allez voir va vous surprendre. Vous apprendrez
que votre vie présente n'est qu'un tissu de rêves mensongers et confus.
Le sommeil qui vous entoure d'une zone de ténèbres emporte vos rêves
et vos
jours dans son flux, comme des débris flottants qui s'évanouissent
à la
vue. Mais par delà, s'étend une zone de lumière
éternelle. Que
Perséphone vous soit propice et vous enseigne elle-même
à franchir le
fleuve des ténèbres et à pénétrer
jusqu'à Dèmètèr céleste. »
Puis, la prophantide ou prophétesse qui conduisait
le chur, descendait trois marches de l'escalier et proférait cette
malédiction d'une voix solennelle, d'un regard effrayant : « Mais
malheur à ceux qui seraient venus pour profaner les Mystères ! Car
la déesse poursuivra ces curs pervers pendant toute leur vie, et
dans le royaume des ombres, elle ne lâchera pas sa proie ! »
Plusieurs
jours se passaient ensuite en
ablutions, en jeûnes,
en prières et en instructions.
Le soir du dernier
jour, les
néophytes se réunissaient
dans la partie la plus secrète du
bois sacré pour y assister à
l'
enlèvement de Perséphone. La scène se jouait en
plein
air par les
prêtresses du temple. L'usage remontait fort loin, et
le fond de cette représentation, l'idée dominante resta toujours
la même, quoique la forme variât beaucoup dans le cours des âges.
Du temps de Platon, grâce au développement récent de la tragédie,
l'ancienne sévérité
hiératique avait fait place à
un
goût plus humain, plus raffiné et à une tendance passionnelle.
Guidés par l'
hiérophante, les poètes anonymes d'
Eleusis avaient
fait de cette scène un petit drame qui se déroulait à peu
près ainsi :
(Les
néophytes arrivent deux à deux, dans une
clairière. Au fond, on voit des rochers avec une grotte, entourées
d'un
bois de
myrte et de quelques peupliers. Sur le devant, une prairie où
il y a des nymphes couchées autour d'une source. Au fond de la grotte,
on aperçoit
Perséphone assise sur un siège. Nue jusqu'à
la ceinture comme une Psyché, son buste svelte émerge
chastement
d'une draperie enroulée comme une vapeur d'azur à ses flancs. Elle
semble heureuse, inconsciente de sa beauté, et brode un long voile de fils
multicolores.
Dèmètèr, sa mère, est debout,
près d'elle, coiffée du kalathos, son sceptre à la main.)
HERMÈS (le héraut des Mystères, aux
assistants). Dèmètèr nous fait deux présents
excellents : les
fruits, afin que nous ne vivions pas comme les bêtes, et
l'
initiation qui donne un espoir plus doux à ceux qui y participent
et pour la fin de cette vie et pour toute l'éternité. Prenez garde
aux paroles que vous allez entendre, aux choses que vous allez voir.
DÈMÈTÈR (d'une voix grave).
Fille aimée des
Dieux, demeure dans cette grotte jusqu'à mon retour
et brode mon voile. Le
ciel est ta patrie, l'univers est à toi. Tu vois
les
Dieux ; ils viennent à ton appel. Mais n'écoute point la voix
d'Erôs le rusé, aux suaves regards, aux perfides conseils. Garde-toi
de sortir de la grotte, et ne cueille jamais les
fleurs séduisantes de
la terre ; leur parfum troublant et funeste te ferait perdre la lumière
du
ciel et jusqu'au souvenir. Tisse mon voile et vis heureuse jusqu'à mon
retour, avec les nymphes tes compagnes. Alors, sur mon char de
feu, attelé
de
serpents, je te ramènerai dans les splendeurs de l'Ether au-dessus de
la voie lactée.
PERSÉPHONE. Oui, mère auguste et redoutable,
par cette lumière qui t'environne et qui m'est chère, je le promets,
et que les
Dieux me châtient, si je ne tiens pas mon serment.
(Dèmètèr
sort.)
LE CHUR DES NYMPHES. Ô
Perséphone
! Ô Vierge, ô
chaste fiancée du
Ciel, qui brodes la figure
des
Dieux sur ton voile, puisses-tu ne jamais connaître les vaines illusions
et les maux sans nombre de la terre. L'éternelle Vérité te
sourit. Ton
époux céleste
Dionysos t'attend dans l'Empyrée.
Parfois il t'apparaît sous la forme d'un
soleil lointain ; ses rayons te
caressent ; il respire ton souffle et tu
bois sa lumière... D'avance, vous
vous possédez !... Ô Vierge, qui donc est plus heureuse que toi ?
PERSÉPHONE. Sur ce voile d'azur aux plis interminables,
je brode, de mon aiguille d'ivoire, Les figures innombrables des êtres et
de toutes les choses. J'ai fini l'
histoire des
Dieux ; j'ai brodé le
Chaos
effrayant aux cent têtes, aux mille bras. De là doivent sortir les
êtres mortels. Qui donc les a fait naître ? Le Père des
Dieux
me l'a dit, c'est Erôs. Mais je ne l'ai jamais vu, j'ignore sa forme. Qui
donc me peindra son visage ?
LES NYMPHES. Ne songe pas à cela. Pourquoi cette
vaine question ?
PERSÉPHONE (se lève et rejette le voile)
Erôs ! le plus ancien et pourtant le plus jeune des
dieux, source intarissable
des joies et des pleurs car c'est ainsi qu'on m'a parlé de toi
Dieu terrible, seul inconnu, seul invisible des Immortels et seul désirable,
mystérieux Erôs ! quel trouble, quel vertige me saisit à ton
nom !
LE CHUR. Ne cherche pas à en savoir
davantage. Les questions dangereuses ont perdu des hommes et même des
dieux.
PERSÉPHONE (fixe dans le vide ses yeux pleins d'épouvante).
Est-ce un souvenir ? Est-ce un pressentiment affreux ? Le
Chaos...
les hommes... l'abîme des
générations, le cri des enfantements,
les clameurs furieuses de la haine et de la guerre... le
gouffre de la mort !
J'entends, je vois tout cela, et cet abîme m'attire, il me reprend, il faut
que j'y descende. Erôs m'y plonge avec sa torche incendiaire. Ah ! je vais
mourir ! Loin de moi ce rêve horrible !
(Elle se couvre le visage de
ses mains et sanglote.)
LE CHUR Oh ! vierge divine, ce n'est
encore qu'un rêve, mais il prendrait
corps, il deviendrait l'inéluctable
réalité, et ton
ciel disparaîtrait comme un vain songe, si
tu cédais à ton désir coupable. Obéis à cet
avertissement salutaire, reprends ton aiguille et tisse ton voile. Oublie l'astucieux,
l'impudent, le criminel Erôs !
PERSÉPHONE (ôte les mains de son visage, qui a changé
d'expression. Elle sourit à travers ses larmes). Folles que vous
êtes ! Insensée que j'étais ! Je m'en souviens maintenant,
je l'ai entendu, dire dans les mystères
olympiens : Erôs est le plus
beau des
dieux ; sur un char ailé il préside aux évolutions
des Immortels, au mélange des essences premières. C'est lui qui
conduit les hommes hardis, les héros, du fond du
Chaos aux sommets de l'Ether.
Il sait tout ; comme le Feu-Principe, il traverse tous les mondes, il tient les
clefs de la terre et du
ciel ! Je veux le voir !
LE CHUR Malheureuse ! arrête !
ÉRÔS (sort du bois sous la forme d'un adolescent
ailé). Tu m'appelles,
Perséphone ? Me voici.
PERSÉPHONE. (se rassied). On te dit
rusé, et ton visage est l'innocence même ; on te dit tout-puissant,
et tu parais un frêle
enfant ; on te dit traître, et plus je regarde
tes yeux, plus mon cur s'épanouit, plus je prends confiance en toi,
bel
enfant enjoué. On te dit savant et habile. Peux-tu m'aider à
broder ce voile ?
ÉRÔS. Volontiers, me voici près
de toi, à tes pieds. Quel voile merveilleux ! Il semble trempé dans
l'azur de tes yeux. Quelles figures admirables ta main y a brodées, moins
belles cependant que la divine brodeuse, qui ne s'est jamais
vue elle-même
dans un miroir.
(Il sourit malicieusement.)
PERSÉPHONE. Me voir moi-même !
serait-ce possible ?
(Elle rougit.) Mais reconnais-tu ces figures ?
ÉRÔS. Si je les connais ! l'
histoire des
Dieux. Mais, pourquoi t'arrêter
au
Chaos ? C'est là que la lutte commence. Ne tisseras-tu pas la guerre
des
Titans, la naissance des hommes et leurs
amours ?
PERSÉPHONE. Ma science s'arrête
ici et ma mémoire me fait défaut. Ne m'aideras-tu pas à broder
la suite ?
ÉRÔS (lui jette un regard enflammé). Oui,
Perséphone,
mais à une condition, c'est que, d'abord, tu viennes cueillir avec moi
une
fleur sur la prairie, la plus belle de toutes !
PERSÉPHONE (sérieuse). Ma mère
auguste et sage me l'a défendu. « N'écoute pas la voix d'Erôs,
m'a-t-elle dit, ne cueille pas les
fleurs de la prairie.
Sinon, tu seras la plus
misérable des Immortelles ! »
ÉRÔS. Je comprends. Ta mère ne veut pas que tu connaisses
les secrets de la terre et des enfers. Si tu respirais les
fleurs de la prairie,
ils te seraient révélés.
PERSÉPHONE. Les connais-tu ?
ÉRÔS. Tous ; et tu le vois, je n'en suis
que plus jeune et plus agile. Ô fille des
dieux, l'abîme a des terreurs
et des frissons que le
ciel ignore ; mais il ne comprend pas le
ciel, celui qui
n'a pas traversé la terre et les enfers.
PERSÉPHONE. Peux-tu me les faire comprendre
?
ÉRÔS. Oui, regarde !
(Il touche la terre de la pointe de son arc
; un grand narcisse en sort.)
PERSÉPHONE. Oh, la
fleur admirable !
Elle fait trembler et surgir dans mon cur un divin ressouvenir. Quelquefois,
endormie sur une cime de mon
astre aimé, que dore un éternel couchant,
à mon réveil, j'ai vu, sur la pourpre de l'
horizon, flotter une
étoile d'
argent dans le sein nacré du
ciel vert pâle. Il me
semblait alors qu'elle était le flambeau de l'
époux immortel, promesse
des
dieux, du divin
Dionysos. Mais l'étoile descendait, descendait... et
le flambeau mourait au loin. Cette
fleur merveilleuse ressemble à
cette étoile.
ÉRÔS Moi qui transforme et relie toute chose, moi qui fais du petit
l'image du grand, de la profondeur le miroir du
ciel, moi qui mélange le
ciel et l'enfer sur la terre, qui élabore toutes les formes dans le profond
océan, j'ai fait renaître ton étoile de l'abîme sous
la forme d'une
fleur, afin que tu puisses la
toucher, la cueillir et la respirer.
LE CHUR. Prends garde que cette magie ne soit un piège !
PERSÉPHONE. Comment nommes-tu cette
fleur ?
ÉRÔS. Les hommes l'appellent narcisse ; moi je l'appelle Désir.
Vois, comme elle te regarde, comme elle se tourne vers toi. Ses blancs pétales
frémissent comme vivants, de son cur d'or s'échappe un parfum qui remplit toute l'atmosphère de volupté. Dès que tu porteras cette
fleur magique à ton visage, tu verras, dans un tableau immense et merveilleux, les monstres de l'abîme, la terre profonde et le cur des hommes. Rien ne te sera caché.
PERSÉPHONE. Ô
fleur merveilleuse, au parfum enivrant, mon cur palpite, mes doigts
brûlent en te saisissant. Je veux te respirer, te presser sur mes lèvres, te poser sur mou cur, dussé-je en mourir ?
(La terre s'entrouvre à côté d'elle. De la fente béante et noire on voit surgir lentement, jusqu'à mi-hauteur,
Pluton, sur un char attelé de deux
chevaux noirs. Il saisit
Perséphone au moment où elle cueille la
fleur et l'attire violemment à lui. Celle-ci se tord inutilement dans ses bras et pousse un grand cri. Aussitôt le char s'enfonce et disparaît.
Son roulement se perd au loin comme un tonnerre souterrain. Les nymphes s'éparpillent en gémissant dans le
bois. Erôs s'enfuit avec un éclat de rire.)
LA VOIX DE PERSÉPHONE (sous terre). Ma mère ! Au secours ! Ma mère
!
HERMÈS. Ô aspirants des mystères, dont la vie est encore obscurcie par les fumées de la vie mauvaise, ceci est votre
histoire. Gardez et méditez ce mot d'Empédocle : la
génération est une
destruction terrible qui fait passer les vivants dans les morts. Jadis vous avez vécu de la vraie vie, et puis, attirés par un charme, vous êtes tombés dans l'abîme terrestre, subjugués par le
corps. Votre présent n'est qu'un songe fatal. Le passé, l'avenir, seuls existent vraiment. Apprenez à vous souvenir, apprenez à prévoir. »
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Pendant cette scène, la nuit était tombée les torches funèbres s'allumaient entre les noirs cyprès, aux abords du petit temple, et les spectateurs s'éloignaient en silence, poursuivis par les chants éplorés des hiérophantides, appelant :
Perséphone !
Perséphone ! Les petits mystères étaient terminés. Les
néophytes étaient devenus
mystes, c'est-à-dire
voilés. Ils allaient retourner à leurs occupations habituelles, mais le grand
voile des mystères s'était étendu sur leurs yeux. Entre eux et le monde extérieur, un nuage s'était interposé. En même temps, un il intérieur s'était ouvert dans leur
esprit, par lequel ils apercevaient vaguement un autre monde plein de formes attirantes, qui se mouvaient dans des
gouffres tour à tour splendides et ténébreux.
Les grands mystères qui faisaient suite aux petits mystères, et qui s'appelaient aussi les
Orgies sacrées, ne se célébraient que tous les cinq ans, au mois de septembre, à
Eleusis.
Ces fêtes, toutes
symboliques, duraient neuf
jours ; le huitième, on distribuait aux
mystes les insignes de l'
initiation : le thyrse et une corbeille appelée ciste, entourée de branches de lierre. Celle-ci renfermait des objets mystérieux dont l'intelligence devait donner le secret de la vie. Mais la corbeille était soigneusement scellée. Il n'était permis de l'ouvrir qu'à la fin de l'
initiation et devant l'
hiérophante.
Puis on se livrait à une joie exultante, on agitait des flambeaux, on se les passait l'un à l'autre, on poussait des cris d'allégresse. Ce jour-là, un cortège portait d'Athènes à
Eleusis la statue de
Dionysos, couronné de
myrtes, qu'on nommait
Iacchos. Sa venue à
Eleusis annonçait la grande renaissance. Car il représentait l'
esprit divin qui pénètre toute chose, le régénérateur des
âmes, le médiateur entre la terre et le
ciel.
Cette fois-ci, on entrait dans le temple par la porte
mystique, pour y passer la nuit sainte, ou nuit de l'
initiation.
On pénétrait d'abord sous un vaste portique compris dans l'enceinte extérieure. Là, le
héraut, avec des menaces terribles et le cri :
Eskato Bébéloï ! hors d'ici les
profanes ! écartait les intrus qui parvenaient quelquefois à se glisser dans l'enceinte avec les
mystes. A ceux-ci, il faisait jurer, sous peine de mort, de ne rien révéler de ce qu'ils verraient. Il ajoutait : « Vous voici au seuil souterrain de Perséphône. Pour comprendre la vie future et votre condition présente, il faut avoir traversé l'empire de la mort ; c'est l'épreuve des
initiés. Il faut savoir braver les ténèbres, pour jouir de la lumière. » Ensuite, on revêtait la peau de faon, image de la
lacération et du déchirement de l'
âme plongée dans la vie corporelle. Puis on éteignait les flambeaux et les lampes, et on entrait dans le
labyrinthe souterrain.
Les
mystes tâtonnaient d'abord dans les ténèbres. Bientôt on entendait des bruits, des gémissements et des voix redoutables. Des éclairs accompagnés de tonnerre sillonnaient les ténèbres. A leur lueur, on apercevait des visions effrayantes : tantôt un monstre,
chimère ou
dragon ; tantôt un homme lacéré, sous les pieds d'un
sphinx : tantôt une larve humaine. Ces apparitions étaient si soudaines qu'on n'avait pas le temps de distinguer l'artifice qui les produisait, et l'obscurité complète qui leur succédait en redoublait l'horreur.
Plutarque rapproche la terreur que donnaient ces visions de l'état d'un homme à son
lit de mort.
La scène la plus étrange, et qui touchait à la magie véritable, se passait dans une
crypte où un
prêtre
phrygien, vêtu d'une robe asiatique calamistrée, à raies verticales, rouges et noires, était debout devant un brasier de cuivre, qui éclairait vaguement la salle de sa lueur intermittente. D'un geste qui ne souffrait pas de réplique, il forçait les arrivants à s'asseoir à l'entrée et jetait dans le brasier de grosses poignées de parfum narcotiques. La salle s'emplissait aussitôt d'épais tourbillons de fumée, et bientôt on y distinguait un pêle-mêle de formes changeantes, animales et humaines. Quelquefois, c'étaient de longs
serpents qui s'étiraient en sirènes et s'enchevêtraient dans un enroulement interminable ; quelquefois, des bustes de nymphes voluptueusement cambrés, aux bras étendus, se changeaient en chauves-souris ; des têtes charmantes d'adolescents, en mufles de
chiens. Et tous ces monstres, tour à tour jolis et hideux, fluides, aériens, décevants, irréels, aussi vite évanouis qu'apparus, tournoyaient, chatoyaient, donnaient le vertige, enveloppaient les
mystes fascinés comme pour leur barrer la route. Quelquefois, le
prêtre de
Cybèle étendait sa courte baguette au milieu des vapeurs, et l'effluve de sa volonté semblait imprimer à la ronde multiforme un mouvement tourbillonnant et une vitalité inquiétante. Passez ! disait le
Phrygien. Les
mystes se levaient et entraient dans le cercle. Alors, la plupart se sentaient frôlés étrangement, d'autres rapidement touchés par des mains invisibles ou violemment jetés par terre. Quelques-uns reculaient d'effroi et s'en retournaient par où ils étaient venus. Les plus courageux seuls passaient en s'y prenant à plusieurs fois ; car une ferme résolution coupait court au sortilège
(112).
Alors, on atteignait une grande salle
circulaire, éclairée d'un
jour funèbre par de rares lampadaires.
Au centre, une colonne unique, un
arbre en bronze, dont le feuillage métallique
s'étend sur tout le plafond
(113). Dans ce feuillage
s'incrustent des
chimères, des
gorgones, des
harpies, des hiboux, des sphinges
et des stryges, images parlantes de tous les maux terrestres, de tous les démons
qui s'acharnent sur l'homme. Ces monstres, reproduits en métaux reluisants,
s'enroulent au branchage, et, d'en-haut, semblent guetter leur proie. Sous l'
arbre
siège, sur un trône magnifique, Pluton-Aïdonée, au manteau
de pourpre. Sous lui, la
nébride ; sa main tient le trident ; son front
est soucieux. A côté du roi des Enfers, qui ne sourit jamais, son
épouse : la grande, la svelte
Perséphone. Les
mystes la reconnaissent
sous les traits de l'hiérophantide qui avait déjà représenté
la déesse dans les petits mystères. Elle est toujours belle, plus
belle peut être dans sa mélancolie, mais combien changée sous
sa robe de deuil aux larmes d'
argent et sous le
diadème d'or ! Ce n'est
plus la Vierge de la grotte ; maintenant, elle sait la vie d'en-bas et elle souffre.
Elle règne sur des puissances inférieures, elle est souveraine parmi
les morts, mais étrangère dans son empire. Un pâle sourire
éclaire son visage assombri par l'ombre de l'Enfer. Ah ! dans ce sourire,
il y a la science du Bien et du Mal, le charme inexprimable de la douleur vécue
et muette. La souffrance enseigne la pitié. Elle accueille avec un regard
de
compassion les
mystes qui s'agenouillent et
déposent à ses pieds
des
couronnes de narcisse. Alors reluit dans ses yeux une
flamme mourante, espérance
perdue, lointain ressouvenir du
ciel !
Tout à coup, au bout d'une galerie montante, brillent
des torches, et, comme un coup de trompette, une voix clame. « Arrivez,
mystes Iacchos est revenu ! Dèmètèr attend sa fille. Evohé
! » Les échos sonores du souterrain répètent ce cri.
Perséphone se dresse sur son trône, comme réveillée
en sursaut d'un long sommeil et traversée d'une pensée fulgurante
: « La lumière ! Ma mère !
Iacchos ! » Elle veut s'élancer
: mais Aïdonée la retient du geste, par le pan de sa robe ; et elle
retombe sur son trône, comme morte. Alors, les lampadaires s'éteignent
subitement, et une voix s'écrie : « Mourir, c'est renaître
! » Mais les
mystes se pressent par la galerie des héros et des demi-dieux,
vers l'ouverture du souterrain, où les attendent le
Hermès et le
porte-flambeau. On leur ôte la peau de faon, on les asperge d'
eau lustrale,
on les revêt de lin frais et on les
amène dans le temple splendidement
illuminé, où les reçoit l'
hiérophante, le grand-prêtre
d'
Eleusis, vieillard majestueux, vêtu de pourpre.
Et maintenant, laissons parler Porphyre. Voici comment il
raconte l'
initiation suprême d'
Eleusis :
« Couronnés de
myrte,
nous entrons, avec les autres
initiés, dans le vestibule du temple,
aveugles encore ; mais l'
hiérophante, qui est à l'intérieur,
va bientôt nous ouvrir les yeux. Mais d'abord car il ne faut rien
faire avec précipitation d'abord lavons-nous dans l'
eau sacrée.
Car c'est avec des mains pures et un cur pur que nous sommes priés
d'entrer dans l'enceinte sacrée. Conduits devant l'
hiérophante,
il nous
lit, dans un livre de pierre, des choses que nous ne devons pas divulguer,
sous peine de mort. Disons seulement qu'elles s'accordent avec le lieu et la circonstance.
Vous en ririez peut-être, si vous les entendiez hors du
Temple ; mais, ici,
vous n'en avez nulle
envie en écoutant les paroles du vieillard, car il
est toujours vieux, et en regardant les
symboles révélés
(114). Et vous êtes très loin de rire quand
Dèmètèr confirme, par sa langue particulière et ses
signaux, par de vives scintillations de lumière, des nuages empilés
sur des nuages, tout ce que nous avons vu et entendu de son
prêtre sacré
; alors, finalement, la lumière d'une sereine merveille remplit le
Temple
; nous voyons les purs champs d'Elysée ; nous entendons le chur des
bien heureux ; alors, ce n'est pas seulement par une apparence extérieure
ou par une interprétation philosophique, mais en fait et en réalité,
que l'
hiérophante devient le créateur et le révélateur
de toutes choses ; le
Soleil n'est que son porte-flambeau, la
Lune son officiant
près de l'
autel, et
Hermès son hérault
mystique. Mais le
dernier mot a été prononcé :
Konx Om Pax (115).
Le
rite est consommé et nous sommes
Voyants pour toujours.
»
Que disait donc le grand
hiérophante ? Quelles étaient
ces paroles sacrées, cette révélation suprême ?
Les
initiés apprenaient que la divine Perséphône,
qu'ils avaient
vue au milieu des terreurs et des supplices des enfers, était
l'image de l'
âme humaine enchaînée à la matière
dans cette vie, ou livrée dans l'autre à des
chimères et
à des tourments plus grands encore, si elle a vécu esclave de ses
passions. Sa vie terrestre est une
expiation ou une épreuve d'existences
précédentes. Mais l'
âme peut se purifier par la discipline,
elle peut se souvenir et pressentir par l'effort combiné de l'intuition,
de la raison et de la volonté, et participer d'avance aux vastes vérités
dont elle doit prendre possession pleine et entière dans l'immense au-delà.
Alors seulement Perséphône redeviendra la pure, la lumineuse, la
Vierge
ineffable, dispensatrice de l'
amour et de la joie. Quant à
sa mère
Cérès, elle était, dans les mystères,
le
symbole de l'Intelligence divine et du principe intellectuel de l'homme, que
l'
âme doit rejoindre pour atteindre sa perfection.
S'il faut en croire Platon,
Jamblique,
Proclus, et tous les
philosophes
alexandrins, l'élite des
initiés avait dans l'intérieur
du temple des visions d'un caractère extatique et merveilleux. J'ai cité
le témoignage de Porphyre. Voici celui de
Proclus : « Dans toutes
les
initiations et mystères, les
dieux (ce mot signifie ici tous les ordres
d'
esprits) montrent beaucoup de formes d'eux-mêmes et apparaissent sous
une grande variété de figures ; quelquefois c'est une lumière
sans forme, quelquefois cette lumière revêt la forme humaine ; quelquefois
une forme différente »
(116). Voici le passage
d'Apulée : « Je m'approchai des confins de la mort et ayant atteint
le seuil de
Proserpine, j'en revins ayant été porté à
travers tous les
éléments (
esprits élémentaux de la
terre, de l'
eau, de l'
air et du
feu). Dans les profondeurs de minuit, je vis le
soleil reluisant d'une lumière splendide, en même temps que les
dieux
infernaux et les
dieux supérieurs et, m'approchant de ces divinités,
je leur payai le tribut d'une pieuse adoration. »
Si vagues que soient ces témoignages, ils semblent
se rapporter à des phénomènes
occultes. Selon la doctrine
des mystères, les visions extatiques du temple se seraient produites à
travers le plus pur des
éléments : la lumière spirituelle
assimilée à l'Isis céleste. Les oracles de
Zoroastre l'appellent
: la Nature qui parle par elle-même, c'est-à-dire un élément
par lequel le
Mage donne une expression visible et instantanée à
la pensée, et qui sert également de
corps et de vêtement aux
âmes, qui sont les plus belles pensées de
Dieu. C'est pourquoi l'
hiérophante,
s'il avait le pouvoir de produire ce phénomène, de mettre les
initiés
en rapport avec les
âmes des héros et des
dieux (
anges et
archanges)
était assimilé à ce moment au Créateur, au Démiurge
; le Porte-flambeau, au
Soleil, c'est-à-dire à la Lumière
hyperphysique ; et le
Hermès à la parole divine qui est son interprète.
Quoiqu'il en soit de ces visions, il n'y a qu'une voix dans l'antiquité
sur l'
exaltation sereine que produisaient les dernières révélations
d'
Eleusis. Alors un bonheur inconnu, une paix surhumaine descendait dans le cur
des
initiés. La vie semblait vaincue, l'
âme délivrée,
le cycle redoutable des existences accompli. Tous se retrouvaient avec une joie
limpide, une certitude
ineffable dans le pur éther de l'
âme universelle.
Nous venons de revivre le drame d'
Eleusis avec son sens intime
et caché. J'ai indiqué le fil conducteur qui traverse ce
labyrinthe,
j'ai montré la grande unité qui domine sa richesse et sa complexité.
Par une
harmonie savante et souveraine, un lien étroit unissait les cérémonies
variées au drame divin, qui formait le centre
idéal, le foyer lumineux
de ces fêtes
religieuses. Ainsi les
initiés s'identifiaient peu à
peu avec l'action. De simples spectateurs ils devenaient acteurs et reconnaissaient,
à la fin, que le drame de
Perséphone se passait en eux-mêmes.
Et quelle surprise, quelle joie dans cette découverte ! S'ils souffraient,
s'ils luttaient avec elle dans la vie présente, ils avaient comme elle
l'espoir de retrouver la félicité divine, la lumière de la
grande Intelligence. Les paroles de l'
hiérophante, les scènes et
les révélations du temple leur en donnaient l'avant-goût.
Il va sans dire que chacun comprenait ces choses selon son
degré de culture et sa capacité intellectuelle. Car, comme le dit Platon, et cela est vrai pour tous les temps, il y a beaucoup de gens qui portent le thyrse et la baguette et peu d'inspirés. Après l'époque d'Alexandre, les Eleusinies furent atteintes dans une certaine mesure par la décadence payenne, mais leur fond sublime subsista et les sauva de la déchéance qui frappa les autres temples. Par la profondeur de leur doctrine sacrée, par la splendeur de leur mise en scène, les Mystères se maintinrent pendant trois siècles, en face du christianisme grandissant. Ils ralliaient alors cette élite, qui, sans nier que
Jésus fût une manifestation d'ordre héroïque et divin, ne voulaient pas oublier, comme le faisait déjà l'
Eglise d'alors, la vieille science et la doctrine sacrée. Il fallut un édit de Théodose, ordonnant de raser le temple d'
Eleusis, pour mettre fin à ce culte auguste, où la magie de l'art grec s'était plu à incorporer les plus hautes doctrines d'Orphée, de Pythagore et de Platon.
Aujourd'hui l'asile de l'antique Dèmètèr a disparu sans trace dans la baie silencieuse d'
Eleusis, et le papillon, l'insecte de Psyché qui traverse le golfe d'azur aux
jours de printemps, rappelle seul qu'ici, jadis, la grande Exilée, l'
Ame humaine, évoqua les
Dieux et reconnut son éternelle patrie.
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(111) Voir l'hymne homérique à Dèmètèr.
(112) La science contemporaine ne verrait, dans ces faits, que de simples hallucinations ou suggestions. La science de l'
ésotérisme antique attribuait à ce genre de phénomènes, qu'on produisait fréquemment dans les Mystères, une valeur à la fois subjective et objective. Elle croyait à l'existence d'
esprits élémentaires, sans
âme individualisée et sans raison, semi-conscients, qui remplissent l'atmosphère terrestre et sont, en quelque sorte, les
âmes des
éléments. La magie, qui est la volonté mise en acte dans le maniement des
forces occultes, les rend visibles quelquefois. C'est d'eux que parle Héraclite, lorsqu'il dit : « La nature, en tous lieux, est pleine de démons. » Platon les appelle : démons des
éléments ;
Paracelse : élémentaux. Selon ce médecin théosophe du seizième siècle, ils sont attirés par l'atmosphère magnétique de l'homme, s'y électrisent et sont capables, alors, de revêtir toutes les formes imaginables. Plus l'homme est livré à ses passions, plus il devient leur proie, sans s'en douter. Le mage seul les dompte et s'en sert. Mais ils constituent une
sphère d'illusions décevantes et de folies qu'il doit maîtriser et franchir à son entrée dans le monde
occulte. C'est eux que Bulwer appelle le
gardien du seuil, dans son curieux roman de
Zanoni.
(113) C'est l'
arbre des songes mentionné par Virgile dans la descente d'
Enée aux Enfers, au VIème livre de l
'Enéide, qui reproduit les scènes principales des mystères d'
Eleusis, avec des amplifications poétiques.
(114) Les objets en or, renfermés dans le ciste, étaient : la pomme de pin (
symbole de la fécondité, de la
génération), le
serpent en spirale (évolution universelle de l'
âme : chute dans la matière et
rédemption par l'
esprit), l'uf (rappelant la
sphère ou perfection divine, but de l'homme).
(115) Ces mots mystérieux n'ont pas de sens en grec. Cela prouve, en tout cas, qu'ils sont très anciens et viennent de l'Orient. Wilford leur donne une origine sanscrite.
Konx viendrait de
Kansha, signifiant : l'objet du plus profond désir ;
Om de
Oum,
âme de
Brahma, et
Pax de
Pasha, tour, échange, cycle. La bénédiction suprême de l'
hiérophante d'
Eleusis signifiait donc : Que tes désirs soient accomplis ; retourne à l'
âme universelle !
(116) Proclus,
Commentaire de la République de Platon.