Biographie universelle ancienne et moderne
Clément XI, élu pape le 23 ou 24 novembre 1700, après la mort d'
Innocent XII, était fils d'un sénateur romain, et se nommait
Jean-François Albani (1). Né à Pesaro en 1649, il fut d'abord secrétaire des brefs, et créé
cardinal en 1690. On assure qu'il hésita pendant trois
jours à consentir à son élévation, et qu'il ne se décida à accepter, que lorsqu'il ne lui resta plus aucun doute sur les sentiments de la France. Quoi qu'il en soit, ce fut sous son
pontificat que se renouvelèrent les fatales querelles de parti qui troublèrent la France pendant plus d'un demi-siècle, et ne contribuèrent pas peu à affaiblir l'autorité de la cour de Rome. La
bulle Vineam Domini fut un des premiers actes de
Clément XI. Elle était dirigée contre ceux qui n'acceptaient le formulaire qu'avec la
contrition du silence respectueux à l'égard du fait, ainsi qu'on l'a déjà observé sous
Clément IX. Les partisans de la cour de Rome prétendaient que le silence n'exprimait pas assez fortement la soumission due aux
bulles apostoliques et à l'autorité du pape. C'était remettre en question ce qui avait déjà été décidé, et donner de nouveau le signal de la
division.
Louis XIV, accablé des malheurs qui avaient troublé
ses dernières années dans le cours de la guerre de la succession d'Espagne, s'était laissé dominer par l'ascendant du
jésuite Letellier, son
confesseur. Celui-ci,
ennemi juré du
cardinal de
Noailles,
archevêque de
Paris, avait imaginé de faire condamner par la cour de Rome cent une propositions extraites du livre d'un
oratorien nommé le P.
Quesnel, ouvrage approuvé par le
cardinal, et qui contenait des réflexions sur le Nouveau Testament. Tel fut le sujet de la fameuse constitution
Unigenitus, et telle fut, du moins selon Duclos, l'intrigue qui la fit naître. Cette condamnation était d'autant plus extraordinaire, que le livre du P.
Quesnel avait été loué hautement par le P.
Lachaise, prédécesseur de Letellier dans la direction de la conscience du monarque, et par ce même
Clément XI, qui, dans cette occasion, dit Duclos, « ne céda qu'avec des remords sur le fond, et des craintes sur les suites. » On ne doit pas non plus oublier de dire que la condamnation ne fut prononcée qu'après un examen fait par une congrégation de
cardinaux, de
théologiens et de jurisconsultes, et qui dura deux années ; mais on sait aussi combien il est facile de donner une apparence suspecte à des propositions extraites d'un ouvrage où tout doit être lié, et présentées hors de leur place.
Ce pape était destiné à donner des exemples
fâcheux d'instabilité dans ses opinions.
Son attachement pour la France l'avait porté à reconnaître d'abord Philippe V comme roi d'Espagne ; mais il refusa néanmoins de lui donner l'investiture du royaume de Naples, et se dispoait à faire partir des troupes pour occuper Mantoue, afin de préserver, autant que possible, la neutralité de l'Italie, lorsqu'il apprit que le
duc de
Modène avait consenti à recevoir une garnison française dans cette place. Il se montra au surplus, en quelques circonstances, impartial entre les puissances belligérantes, quoique son affection fût pour les Français, car ceux-ci, aussi bien que les Autrichiens, ayant mis le pied sur le territoire de l'
Eglise, du côté de Ferrare, et n'ayant pas voulu d'abord se retirer sur les remontrances qui leur furent adressées, il excommunia les uns et les autres. Les impériaux ayant ensuite envahi les Etats de Parme, et levé des contributions sur le clergé, le pape les fit attaquer ; mais ses troupes, hors d'état de lutter contre un
ennemi trop puissant, furent elle-mêmes chassées du Parmesan ; et des deux côtés on publia des traités pour la défense des prétentions respectives du
vicaire de Jésus-Christ et du descendant des Césars. En attendant, les troupes autrichiennes traversèrent les Etats de l'
Eglise pour se rendre dans le royaume de Naples. Lorsqu'ils l'eurent conquis, l'empereur Joseph Ier déclara ne plus vouloir considérer ce royaume comme un
fief de l'
Eglise, et éleva de nouvelles prétentions contre
Clément XI, dont il se plaignait amèrement, parce qu'il n'avait pas voulu reconnaître l'
archiduc Charles comme roi d'Espagne. Le pape convoqua alors les
cardinaux, et l'on s'occupa d'organiser une résistance matérielle aux empiétements de la maison d'Autriche. Mais hors d'état de résister, il fut forcé de consentir, le 15
janvier 1709, à un traité avec l'Empereur, qui portait dans un article secret la reconnaissance formelle de l'
archiduc.
Clément XI eut ensuite de vives discussions avec Victor-Amédée, auquel la
Sicile avait été cédée par le traité d'Utrecht, et lança contre lui un interdit qui ne fut levé qu'en 1710, lorsque ce royaume eut passé aux mains d'un souverain plus puissant.
Après le renversement en Espagne d'Alberoni, dont le pape avait eu sujet
d'être mécontent, il voulut faire sentir à ce ministre tombé
tout le poids de sa colère. Il ordonna contre lui une enquête, et
prétendit le faire arrêter à Gênes où il s'était
réfugié. Mais celui-ci se défendit par des écrits,
s'échappa et gagna les
fiefs impériaux.
Le pape mourut peu après, dans sa 75ème année,
le 19 mars 1721, après un
pontificat de plus vingt ans. Il entreprit de faire corriger quelques imperfections dans le
calendrier grégorien. Les plus habiles astronomes d'Italie, qu'il convoqua pour cet effet, reconnurent la difficulté des moyens, et jugèrent qu'il fallait y renoncer.
Clément XI accueillit le fils de Jacques II, qui obtint à Rome les honneurs de la
royauté. Ce même pape secourut la
Provence et de grains et d'
argent pendant la peste de 1720. Il écrivait assez bien en latin.
Son bullaire avait été publié en 1718, in-fol. Tous ses ouvrages, recueillis par le
cardinal Albani, son neveu, ont été imprimés à Rome en 1729, 2 vol. in-fol. Sa vie est à la tête ; elle a été aussi écrite par Lafiteau et Reboulet. La première est en 2 vol.
in-12, et la seconde en 1 vol. in-4°.
Clément XI a été jugé comme un homme soumis à l'opinion de deux partis contraires,
exalté par les uns, et blâmé sans mesure par les autres. Une médaille frappée pour lui en Allemagne atteste du moins la haute opinion qu'on avait de lui ; d'un côté, on voyait son buste avec cet exergue :
Albanum coluere patres, mme maxima rerum Roma colit ;
sur l'autre était représentée une
couronne de
fleurs, avec ces quatre mots :
Justitia,
Pietas,
Prudentia,
Eruditio. On n'a point attaqué ses murs, on ne l'accuse point de prodigalités pour le
népotisme, ni de parcimonie pour les pauvres. L'
histoire ne doit dissimuler ni les torts qu'il eut aux yeux de quelques personnes, ni les vertus qui ne lui sont pas refusées, même par ses
ennemis. Il eut pour successeur Innocent XIII.
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(1) Les Italiens l'appellent
Gian Francesco degli Albani d'Urbino.
(Biographie universelle ancienne et moderne - Tome 8 - Pages 398-399)
Dictionnaire universel d'histoire et de géographie de Bouillet Clément XI, Jen-François Albani, né à Pesaro en 1649, élu en 1700, mort en 1721. Il se montra favorable à
Louis XIV dans la guerre de succession d'Espagne ; il eut de vifs démêlés
avec Victor-Amédée, devenu roi de
Sicile (1713-1718). Pour mettre un terme aux troubles de l'
Eglise de France, il confirma la condamnation des cinq fameuses propositions de Jansénius par la
bulle Vineam Domini Sabaoth, 1705, et donna la célèbre constitution
Unigenitus, 1713, qui condamnait 101 propositions du P.
Quesnel.
Marie-Nicolas Bouillet, Dictionnaire universel d'histoire et de géographie, 20ème édition (1866), p. 427.