PREMIÈRE PARTIE
Introduction
Clôture des travaux d'apprenti Banquets
Signes extérieurs de la franc-maçonnerie. Esprit de prosélytisme des maçons. Proposition d'un profane. Le cabinet des réflexions. Description de la loge. Places, insignes et fonctions des officiers. Ouverture des travaux d'apprenti. Les visiteurs. Les honneurs maçonniques. Réception du profane. Discours de l'orateur : dogmes, morale, règles générales de la franc-maçonnerie, rites, organisation des Grandes-Loges et des Grands-Orients, etc. Clôture des travaux d'apprenti. Banquets. Loges d'adoption. Mme de Xaintrailles reçue franc-maçon. Pose de la première pierre et inauguration d'un nouveau temple. Installation d'une loge et de ses officiers. Adoption d'un louveteau. Cérémonie
funèbre. Réception de compagnon. Réception de maître. Interprétation des symboles maçonniques. Les hauts grades. Carré mystique. Appendice : statistique universelle de la franc-maçonnerie. Calendrier. Alphabet. Abréviations. Protocoles. Explication des gravures.
A ces généralités, on ajoute habituellement quelques notions
particulières sur les règles d'ordre et de police à observer dans la loge quand les travaux sont ouverts. Ces règles se réduisent à ceci :
Tout membre d'une loge, à son arrivée dans les pas perdus, se décore de l'
habit de son grade, c'est-à-dire de son tablier, et frappe à la porte les coups mystérieux. Averti, par un signal de l'intérieur, qu'il a été entendu, il attend, pour entrer, que le couvreur lui ait ouvert. Si l'on est au milieu d'une délibération, ou il reste dehors, ou il s'abstient de voter. Introduit, il marche suivant le mode prescrit, s'arrête entre les deux colonnes, salue maçonniquement à l'orient, à l'occident et au midi, se met
à l'ordre, c'està-dire dans une posture consacrée, et attend que le
vénérable lui dise de prendre séance. S'il est apprenti, sa place est au nord ;
compagnon, au sud ; maître, indifféremment sur les deux colonnes. Il n'est permis ni de sortir du temple, ni de passer d'une colonne à l'autre, sans en avoir obtenu l'autorisation, dans le premier cas, du
vénérable ; dans le seond, d'un surveillant.
Un maçon doit se tenir décemment sur sa colonne, et ne parler ni à haute voix, ni à voix basse, et encore moins converser en langue étrangère avec les
frères qui sont assis à ses côtés. Toute son attention est due aux travaux. Quand il veut faire quelque observation ou quelque demande, il se lève, se tourne vers le surveillant de sa colonne, frappe dans les mains pour attirer ses regards, se met à l'ordre, et attend que la parole lui soit accordée. Alors il expose sa pensée en ternies clairs, précis et mesurés. Il ne peut parler plus de deux fois sur le même sujet. Si, au milieu de son discours, le
vénérable frappe, il s'interrompt, et ne continue que sur l'invitation qui lui en est faite. S'il emploie des expressions inconvenantes ou ironiques, ou s'il commet quelque autre faute contre les préceptes maçonniques ou contre la discipline, le
vénérable lui fait présenter le tronc de bienfaisance, et il doit, sans murmurer, y
déposer son offrande.
Il est aussi d'usage qu'avant de clore les travaux, le
vénérable
fasse l'instruction, c'est-à-dire qu'il adresse une série de questions
aux surveillants, qui y répondent suivant une formule adoptée. Cette
sorte de catéchisme rappelle les différentes circonstances de la
réception. Nous reviendrons sur ce sujet lorsque nous expliquerons les
allégories maçonniques.
Les cérémonies qui ne sont pas spéciales
aux degrés de
compagnon et de maître ont lieu en
loge d'apprenti,
afin que tous les membres de l'
atelier aient la faculté d'y assister.
On a vu que la fête de l'ordre se célèbre deux fois par an : la première, à la
Saint-Jean d'
hiver ; la seconde, à la
Saint-Jean d'été. Chacune de ces réunions se termine par un banquet auquel tous les maçons, sans exception, sont obligés de prendre part.
La salle où se fait le banquet doit être, comme la loge, à l'abri des regards
profanes. On la décore habituellement de guirlandes de
fleurs ; et l'on suspend aux murs la
bannière de la loge et celles de tous les
ateliers qui ont envoyé des députations. La table a la forme d'un fer à
cheval. Le
vénérable en occupe le sommet ; les surveillants, les deux extrémités. Dans l'intérieur, se placent, en face du
vénérable, le maître des cérémonies et les diacres. Les différents objets qui couvrent la table sont disposés sur quatre lignes parallèles. La première ligne, à partir du bord extérieur, se compose des assiettes ; la seconde, des verres ; la troisième, des bouteilles ; la quatrième, des plats.
La
loge de table a son vocabulaire particulier. On y appelle la table,
atelier ; la nappe,
voile ; les serviettes,
drapeaux ; les plats,
plateaux ; les assiettes,
tuiles ; les cuillers,
truelles ; les fourchettes,
pioches ; les couteaux,
glaives. On donne le nom de
barriques, aux bouteilles ; de
canons, aux verres ; de
matériaux, aux mets ; de
pierre brute, au pain. Le vin est de la
poudre forte ; l'
eau, de la
poudre faible ; les liqueurs, de la
poudre fulminante ; le sel, du
sable ; le poivre, du
ciment ou du
sable jaune. Manger, c'est
mastiquer ;
tirer une canonnée, c'est boire. Cet
argot maçonnique est d'invention française, et ne remonte pas très haut, comme l'indiquent quelques-uns des mots adoptés. Quoi qu'il en soit, on est tenu d'employer ce langage; et tout
lapsus linguæ est puni d'une
canonnée de poudre faible, d'un verre d'
eau. La même peine est infligée pour toute autre faute commise à table. L'instrument du supplice est présenté au coupable par le maître des cérémonies
(8).
Pendant le repas, on porte
sept toasts ou santés
d'obligation ; ce qui n'empêche pas d'en porter d'autres ; mais,
dans ce cas, les termes des santés doivent être approuvés
d'avance par le
vénérable. Les
manuels anglais contiennent,
pour ces toasts supplémentaires, des formules toutes faites, dans lesquelles
les fidèles ont coutume de se renfermer. Les toasts maçonniques
américains sont au nombre de cinquante-huit. Les
profanes prétendent
que cette circonstance n'est pas étrangère à la mesure prise
par la Grande-Loge de New-York, qui interdit l'usage des liqueurs spiritueuses
dans les banquets. Le plus probable, c'est que la Grande-Loge a voulu rappeler
aux maçons qu'ils doivent l'exemple de la sobriété. Au reste,
voici quelques-unes de ces formules anglaises : « Santé, bonheur
et unanimité à tous les maçons libres et acceptés
répandus sur le globe ! Puissent-ils être toujours empressés
à soulager les
frères dans la détresse, et ne manquer jamais
des moyens d'accomplir ce devoir ! Puisse l'
amour fraternel, base de la
maçonnerie, non-seulement se perpétuer et s'accroître parmi
nous, mais encore pénétrer et se répandre dans tous les rangs
de la société humaine ! Puissions-nous, comme maçons,
être affectionnés à nos amis, fidèles à nos
frères, soumis aux lois, et justes, même envers nos
ennemis !
Puissions-nous redouter moins la mort que le plus petit reproche de notre conscience
! A tout le genre humain en une seule famille ! »
Les sept santés d'obligation se composent : 1 °
dans les Etats monarchiques, de celle du souverain et de sa famille ; et, dans
les républiques, de celle du magistrat suprême ; 2° de la santé
du grand-maître et des chefs de l'ordre ; 3° de celle du
vénérable
de la loge ; 4° de celle des surveillants ; 5° de celle des autres officiers
; 6° de celle des visiteurs ; 7° enfin de celle de « tous les maçons
répandus sur les deux hémisphères, heureux ou malheureux,
libres ou dans les fers, sédentaires ou voyageurs. » Dans les loges
anglaises, les santés d'obligation sont au nombre de trois seulement. On
porte la santé du souverain, celle du grand-maître national, et celle
de tous les maçons.
Lorsqu'on
tire les santés, la
mastication cesse. Les
frères se lèvent, se mettent à l'ordre, et jettent leur
drapeau sur leur épaule gauche. Sur l'invitation du
vénérable, ils
chargent leurs canons, les alignent sur la table ; et, quand tout cela est fait, le
vénérable dit : « Mes
frères, nous allons porter une santé qui nous est infiniment chère et précieuse : c'est celle de... Nous y ferons
feu, bon
feu, le
feu le plus vif et le plus pétillant de tous les
feux. Mes
frères, la main droite au
glaive ! Haut le
glaive ! Salut du
glaive ! Le
glaive dans la main gauche ! La main droite aux armes! (c'est le verre.) Haut les armes ! En joue ! (ici, les
frères approchent le verre de leur bouche.)
Feu ! (on boit une partie de ce qu'il y a dans le verre.) Bon
feu ! (on boit encore une partie du vin contenu dans le verre.) Le plus vif et le plus pétillant de tous les
feux ! (on vide entièrement le verre.) L'arme au repos ! (on approche le verre de l'épaule droite.) En avant les armes
(9) ! Signalons nos armes ! Un ! (à ce commandement, on rapproche le canon de l'épaule gauche.) Deux ! (on le ramène à l'épaule droite.) Trois ! (on le reporte en avant.) Posons nos armes ! Un ! Deux ! Trois ! (à chacun de ces temps, les
frères font un mouvement par lequel ils descendent graduellement le canon vers la table. Au troisième, ils le posent avec bruit et avec ensemble, de manière qu'on n'entende qu'un seul coup.) Le
glaive à la main droite ! Haut le
glaive ! Salut du
glaive ! Le
glaive au repos ! (on pose doucement le couteau sur la table.) A moi, mes
frères ! (tous les
frères font, à l'exemple du
vénérable, le signe, la batterie manuelle et l'acclamation.)
Il est assez généralement d'usage de faire
précéder chaque
feu de l'expression de quelque sentiment ou de quelque
vu pour le
frère qui est l'objet de la santé. On répond
à tous les toasts. Le maître des cérémonies parle au nom des absents et des nouveaux
initiés. Aussitôt qu'on a tiré la santé du roi, le maître des cérémonies se place entre les deux surveillants, demande la parole, et se rend l'interprète du monarque.
Son remerciement achevé, il tire une canonnée dans la forme qu'on a
vue ; ensuite il brise le canon, afin qu'il ne puisse désormais servir pour une occasion moins solennelle. C'est le premier surveillant qui porte la santé du
vénérable. A cet effet, il le prie « d'inviter à charger et à aligner pour une santé qu'il va avoir la
faveur de proposer. » Lorsque tout est chargé et aligné, il annonce que la santé qu'il propose est celle du
vénérable, et il
commande les armes en la manière usitée. On place, entre la sixième et la septième santé, toutes celles qu'on
juge à propos d'
ajouter ; et, entre la troisième et la quatrième, les
morceaux d'architecture, ou discours ; et les
cantiques, c'est-à-dire les chansons, qui toutes doivent avoir la
franc-maçonnerie pour sujet.
La septième santé se confond avec la clôture des
travaux de table. On appelle les servants, qui se placent entre les surveillants et les maîtres des cérémonies. Les armes chargées et alignées, les
frères debout et à l'ordre, et rangés en cercle, chacun donne un bout de son drapeau à ses voisins de droite et de gauche, et revoit, en échange, un des bouts du leur ; ce qui s'appelle
former la chaîne d'union. Alors le
vénérable proclame la santé et entonne le
cantique qu'on va lire. Tous les
frères reprennent en chur le refrain.
Joignons-nous main en main ;
Tenons-nous ferme ensemble.
Rendons grâce au destin
Du nud qui nous ressemble.
Et soyons assurés
Qu'il ne se boit, sur les deux hémisphères,
Point de plus illustres santés
Que celles de nos frères.
Le
cantique fini, le
vénérable, après avoir commandé les armes, donne à ses voisins de droite et de gauche le baiser fraternel et un mot d'ordre, qui circulent sur les colonnes et lui sont rapportés de l'occident par le mattre des cérémonies. La clôture a lieu ensuite dans les termes usités.
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(8) Cet usage remonte à la plus haute antiquité. La
fable nous apprend, dit
Bailly (
Essai sur les Fables, t. I, p. 197), que, dans la
légion céleste, on suivait le même régime. Les
dieux qui se parjuraient après avoir juré par le
Styx étaient condamnés à boire une coupe de cette
eau empoisonnée. Cette coupe leur était présentée par
Iris. »
(9) Voyez planche n°3.