L'OLYMPE
Les divinités antérieures à Jupiter
appartiennent aux âges mythologiques les plus reculés, et, pour ainsi dire, aux origines du monde. Leurs
histoires, ou plutôt leurs
légendes, sont empreintes d'une certaine confusion, leur physionomie tient encore pour ainsi dire du
chaos. À partir du règne de Jupiter, les personnalités divines s'accentuent plus nettement. Si parfois les
dieux ont encore des attributs ou des fonctions semblables, si plusieurs d'entre eux sont la même personne sous des noms différents, leurs traits sont plus distincts, leur rôle mieux défini.
Avant Jupiter, le
Chaos se débrouille, le
Jour se fait, le
Ciel et la
Terre s'unissent, la divinité se manifeste en quelque sorte partout, mais le monde divin ne réside dans aucun lieu bien déterminé. Le fils et successeur de
Saturne constitue et organise l'ordre divin. Dès le commencement de son règne, mais non sans combat, les
Titans, fils de la
Terre, vont disparaître ; le partage du monde se fera dans sa famille, la voûte céleste, tantôt voilée de nuages, tantôt resplendissante d'azur, de
feux et de lumière, soutiendra le palais mystérieux du souverain maître, père des
dieux et des hommes. Ce palais, c'est l'
Olympe, ou l'Empyrée.
De son séjour élevé bien au-dessus des régions terrestres, aux
extrêmes confins de l'éther, dans l'espace invisible, Jupiter préside aux évolutions du monde, observe les peuples, pourvoit aux besoins des hommes, assiste à leurs rivalités, prend part à leurs querelles, poursuit et punit les coupables, veille à la protection de l'innocence, en un mot s'acquitte des devoirs d'un roi souverain. Il convoque les autres
dieux, les réunit dans l'
Olympe, à sa cour et sous son sceptre.
Il s'établit entre toutes les divinités un commerce incessant, elles daignent se rapprocher des mortels, s'unir avec eux ; réciproquement, les mortels généreux aspirent aux honneurs de
l'
Olympe, et, par leurs actions héroïques, s'efforcent d'obtenir des
dieux l'immortalité.
Le
mont Olympe étant le plus élevé de la Grèce, c'est sur son sommet, parfois perdu dans les nuages, que les poètes placèrent le séjour de Jupiter et de la plupart des
dieux.
On appelait
Olympiens les douze
dieux principaux, c'est-à-dire Jupiter,
Neptune,
Pluton,
Mars,
Vulcain,
Apollon,
Junon,
Vesta,
Minerve,
Cérès,
Diane et
Vénus.
Jupiter, en grec Zeus
Jupiter, disent les poètes,
est le père, le roi des
dieux et des hommes ; il règne
dans l'
Olympe et, d'un signe de tête, ébranle l'univers.
Il était le fils de
Rhéa et de
Saturne qui dévorait
ses
enfants à mesure qu'ils venaient au monde. Déjà
Vesta, sa fille aînée,
Cérès,
Pluton,
Neptune avaient été dévorés, lorsque
Rhéa, voulant sauver son
enfant, se réfugia en
Crète,
dans l'antre de
Dicté, où elle donna le
jour, en même
temps, à Jupiter et à
Junon. Celle-ci fut dévorée
par
Saturne. Quant au jeune Jupiter,
Rhéa le fit nourrir
par
Adrasté et
Ida, deux nymphes de
Crète, qu'on appelait
les Mélisses, et recommanda son enfance aux
Curètes,
anciens habitants du pays. Cependant, pour tromper son mari,
Rhéa
lui fit avaler une pierre emmaillotée. Les Mélisses
nourrirent Jupiter avec le lait de la
chèvre Amalthée
et le miel du mont
Ida de
Crète.
Devenu adolescent, il s'associa
la déesse Métis, c'est-à-dire la Prudence. Ce fut par le
conseil de Métis qu'il fit prendre à
Saturne un breuvage dont l'effet
fut de lui faire vomir premièrement la pierre qu'il avait avalée,
et ensuite tous les
enfants engloutis dans son sein.
Avec l'aide de ses
frères,
Neptune et
Pluton, il se proposa d'abord de détrôner son père
et de bannir les
Titans, cette branche rivale qui faisait obstacle
à sa
royauté. Il leur déclara donc la guerre
ainsi qu'à
Saturne. La
Terre lui prédit une victoire
complète, s'il pouvait délivrer ceux des
Titans que
son père tenait enfermés dans le Tartare, et les engager
à combattre pour lui. Il l'entreprit, et en vint à
bout, après avoir tué Campé, la geôlière,
qui avait la garde des
Titans dans les Enfers.
C'est alors que les
Cyclopes donnèrent
à Jupiter le tonnerre, l'éclair et la foudre, à
Pluton un casque, et à
Neptune un trident. Avec ces armes,
les trois
frères vainquirent
Saturne, le chassèrent
du trône et de la société des
dieux, après
lui avoir fait subir de cruelles tortures. Les
Titans qui avaient
aidé
Saturne à combattre furent précipités
dans les profondeurs du Tartare sous la garde des
Géants.
Après cette victoire, les trois
frères, se
voyant maîtres du monde, se le partagèrent entre eux : Jupiter eut le
ciel,
Neptune la mer, et
Pluton les Enfers.
Mais à la guerre des
Titans succéda la révolte des
Géants,
enfants du
Ciel et de la
Terre. D'une taille monstrueuse et d'une
force proportionnée, ils avaient les jambes et les pieds en forme de
serpent ; quelques-uns avaient cent bras et cinquante têtes. Résolus de détrôner Jupiter, ils entassèrent Ossa sur Pélion, et l'
Olympe
sur Ossa d'où ils essayèrent d'escalader le
ciel.
Ils lançaient contre les
dieux des rochers dont les uns,
tombant dans la mer, devenaient des îles, et les autres, retombant
à terre, formaient des
montagnes.
Jupiter était dans une grande inquiétude,
parce qu'un ancien oracle annonçait que les
Géants
seraient invincibles, à moins que les
dieux n'appelassent
un mortel à leur secours. Ayant défendu à l'
Aurore,
à la
Lune et au
Soleil de découvrir ses desseins, il devança
la
Terre qui cherchait à secourir ses
enfants ; et, par l'avis
de
Pallas, ou
Minerve, il fit venir
Hercule qui, de concert avec
les autres
dieux, l'aida à exterminer les
Géants Encelade,
Polybétès, Alcyonée,
Porphyrion, les deux Aloïdes
Ephialte
et
Otus,
Eurytus, Clytius, Tityus,
Pallas, Hippolytus,
Agrius,
Thaon
et le redoutable
Typhon qui, seul, donna plus de peine aux
dieux
que tous les autres.
Après les avoir défaits, Jupiter
les précipita jusqu'au fond du Tartare, ou, suivant d'autres
poètes, il les enterra vivants, les uns dans un pays, les
autres dans un autre.
Encelade fut enseveli sous le mont
Etna. C'est
lui dont l'
haleine embrasée, dit Virgile, exhale les
feux
que lance le volcan ; lorsqu'il essaie de se retourner, il fait
trembler la
Sicile, et une épaisse fumée obscurcit
l'atmosphère. Polybétès fut enterré
sous l'île de Lango,
Otus sous l'île de
Candie, et
Typhon
sous l'île d'Ischia.
Selon Hésiode, Jupiter fut marié
sept fois ; il épousa successivement Métis,
Thémis,
Eurynome,
Cérès,
Mnémosyne,
Latone
et
Junon, sa sur, qui fut la dernière de ses femmes.
Il s'éprit aussi d'
amour pour un grand nombre de simples mortelles, et des unes et des autres lui naquirent beaucoup d'
enfants qui tous furent mis
au rang des
dieux et demi-dieux.
Son autorité
suprême, reconnue par tous les habitants du
ciel et de la terre, fut cependant
plus d'une fois contrariée par
Junon, son
épouse. Cette déesse
osa même une fois ourdir contre lui une conspiration des
dieux. Grâce
au concours de Thétis et à l'intervention du terrible
géant
Briarée, cette conspiration fut promptement étouffée, et
l'
Olympe rentra dans l'éternelle obéissance.
Parmi les divinités, Jupiter tenait
toujours le premier rang ; et son culte était le plus solennel
et le plus universellement répandu. Ses trois plus fameux
oracles étaient ceux de Dodone, de Libye et de
Trophonius.
Les victimes les plus ordinaires qu'on lui
immolait étaient
la chèvre, la brebis et le taureau blanc dont on avait eu
soin de dorer les cornes. On ne lui sacrifiait point de victimes
humaines ; souvent on se contentait de lui offrir de la farine,
du sel et de l'encens. L'
aigle, qui plane en haut des cieux et fond
comme la foudre sur sa proie, était son
oiseau favori.
Le jeudi,
jour de la semaine, lui était
consacré (
Jovis dies).
Dans la
fable, le nom de Jupiter précède
celui de beaucoup d'autres
dieux, même de rois : Jupiter-Ammon
en Libye, Jupiter-Sérapis en Egypte, Jupiter-Bélus en Assyrie, Jupiter-Apis, roi d'
Argos, Jupiter-Astérius, roi de
Crète, etc.
Le plus ordinairement, il est représenté sous la figure d'un homme majestueux, avec de la barbe, une abondante chevelure, et assis sur un trône. De la main droite, il tient la foudre figurée de deux manières, ou par un tison flamboyant des deux bouts ou par une machine pointue des deux côtés et armée de deux
flèches. De la main gauche, il tient une Victoire, et à ses pieds se trouve un
aigle aux ailes déployées qui enlève
Ganymède. La partie supérieure du
corps est nue, et la partie inférieure couverte.
Mais cette manière de le représenter
n'était pas uniforme. L'imagination des artistes modifiait
son image ou sa statue, suivant les circonstances et le lieu même
où Jupiter était honoré. Les Crétois
le représentaient sans oreilles, pour marquer son impartialité
; les
Lacédémoniens, au contraire, lui en donnaient
quatre, pour démontrer qu'il est en état d'entendre
toutes les prières. A côté de Jupiter, on voit
souvent la Justice, les
Grâces et les
Heures.
La statue de Jupiter, par Phidias, était
d'or et d'ivoire : le
dieu paraissait assis sur un trône,
ayant sur la tête une
couronne d'olivier, tenant de la main
gauche une Victoire aussi d'or et d'ivoire, ornée de bandelettes
et couronnée. De la droite, il tenait un sceptre sur le bout
duquel reposait un
aigle resplendissant de l'éclat de toutes
sortes de métaux. Le trône du
dieu était incrusté
d'or et de pierreries : l'ivoire et l'ébène y faisaient
par leur mélange une agréable variété.
Aux quatre coins, il y avait quatre Victoires qui semblaient se
donner la main pour danser, et deux autres aux pieds de Jupiter.
A l'endroit le plus élevé du trône, au-dessus
de la tête du
dieu, on avait placé d'un côté
les
Grâces, de l'autre les
Heures, les unes et les autres
comme filles de Jupiter.
Junon, en grec Hèra
Junon était fille de
Saturne et de
Rhéa,
sur de Jupiter, de
Neptune, de
Pluton, de
Cérès
et de
Vesta. Elle fut nourrie, selon
Homère, par l'Océan
et par Thétis ; d'autres disent que ce furent les
Heures
qui prirent soin de son éducation. Elle épousa Jupiter,
son
frère jumeau. Leurs noces furent célébrées
en
Crète, sur la territoire des Gnossiens, près du
fleuve Thérène. Pour rendre ces noces plus solennelles,
Jupiter ordonna à
Mercure d'y inviter tous les
dieux, tous
les hommes et tous les
animaux. Tous s'y rendirent, excepté
la nymphe Chéloné, assez téméraire pour
se moquer de ce
mariage, et qui fut changée en tortue.
Jupiter et
Junon ne vivaient pas en bonne intelligence
: des querelles éclataient continuellement entre eux.
Junon
fut plus d'une fois battue et maltraitée par son
époux,
à cause de son humeur acariâtre. Une fois Jupiter alla
jusqu'à la suspendre entre le
ciel et la terre avec une chaîne
d'or, et lui mettre une enclume à chaque pied.
Vulcain, son
fils, ayant voulu la dégager de là, fut culbuté,
d'un coup de pied, de
ciel sur terre.
Les infidélités de Jupiter en
faveur des belles mortelles excitèrent et justifièrent
souvent la jalousie et la haine de
Junon. De son côté,
cette déesse irascible eut des intrigues amoureuses, notamment
avec le
géant Eurymédon. Elle conspira avec
Neptune
et
Minerve pour détrôner Jupiter, et le chargea de
liens. Mais Thétis, la Néréide, amena au secours
de Jupiter le formidable
Briarée, dont la seule présence
arrêta les desseins des conspirateurs.
Junon persécuta
toutes les concubines de Jupiter et tous les
enfants issus de ses illégitimes
amours,
Hercule,
Io,
Europe,
Sémélé, Platée, etc.
On dit qu'elle éprouvait pour les femmes inconstantes et coupables une
profonde aversion.
Elle eut plusieurs
enfants :
Hébé,
Vulcain,
Mars,
Typhon, Ilithyie, Argé.
Dans la
guerre de Troie, elle prit fait et cause avec
Minerve pour les Grecs contre les Troyens qu'elle ne cessa de poursuivre de sa haine, même après la
destruction de leur ville. Dans
L'Iliade, elle prend la ressemblance de
Stentor, un des chefs grecs dont la voix plus éclatante que l'
airain, plus forte que celle de cinquante hommes robustes réunis, servait de trompette à l'armée.
Comme on donnait à chaque
dieu quelque attribution particulière,
Junon avait en partage les royaumes, les empires et les richesses ; c'est aussi ce qu'elle offrit au berger
Pâris, s'il voulait lui adjuger le prix de la beauté. Elle prenait, disait-on, un soin particulier des parures et des ornements des femmes : c'est pour cela que, dans ses statues, ses
cheveux paraissaient élégamment ajustés. Elle présidait aux
mariages, aux noces, aux accouchements. Alors, et selon le cas, on l'invoquait sous les noms de
Juga,
Pronuba, Lucine, etc. Elle présidait aussi à la monnaie, d'où son surnom de Moneta.
Le culte de
Junon était presque aussi solennel et aussi répandu que celui de Jupiter. Elle inspirait une vénération
mêlée de crainte. C'est à
Argos,
Samos et Carthage qu'elle
était principalement honorée.
A
Argos, on voyait sur un trône la statue de cette déesse, d'une grandeur extraordinaire, toute d'or et d'ivoire : elle avait sur la tête une
couronne au-dessus de laquelle étaient les
Grâces et les
Heures. Elle tenait d'une main une
grenade, et de l'autre un sceptre, au bout duquel était un coucou,
oiseau aimé de la déesse.
A
Samos, la statue de
Junon portait aussi une
couronne : on l'appelait même
Junon la reine ; du reste, elle était couverte d'un grand voile de la tête aux pieds.
A Lanuvium, en Italie, la
Junon tutélaire portait une peau de chèvre, une javeline, un petit
bouclier et des escarpins recourbés en pointe sur le devant.
Ordinairement, elle est représentée en matrone majestueuse, quelquefois un sceptre à la main, ou une
couronne radiale sur la tête ; elle a auprès d'elle un paon, son
oiseau favori.
L'
épervier et l'oison lui étaient aussi consacrés : ils accompagnent quelquefois ses statues.
On ne lui sacrifiait pas de vaches, parce que, durant la guerre des
géants et des
dieux, elle s'était cachée sous cette forme en Egypte. Le dictame, le pavot, la
grenade lui étaient donnés en offrande ; ces plantes ornaient ses autels et ses images. La victime
immolée ordinairement en son honneur était une toute jeune brebis ; cependant, le premier
jour de chaque mois, on lui
immolait une truie. Les
prêtresses de
Junon étaient universellement respectées.
Les querelles de
Junon et de Jupiter ne sont, dit-on, qu'une
allégorie : elles représentent les troubles, les perturbations de
l'
air ou du
ciel. Ainsi,
Junon serait l'image de l'atmosphère si souvent
agitée, obscure et menaçante. Quant à Jupiter, il semblerait
personnifier l'éther pur, la sérénité du
firmament
par delà les nuages et les astres. Du reste, une expression de la langue
latine paraît justifier cette
conception. De même que nous disons
"passer la nuit à la belle étoile", c'est-à-dire
en plein
air, les Latins disaient "passer la nuit sous Jupiter". Dans
la même langue, le nom de ce
dieu est employé poétiquement
dans le sens de
pluie, phénomène aussi inexplicable que la foudre
pour les anciens.
Minerve ou Pallas, en grec Athèna
Minerve, fille de Jupiter, était la déesse de la
sagesse, de la guerre, des sciences et des arts. Jupiter, après avoir dévoré Métis ou la Prudence, se sentant un grand mal de tête, eut recours à
Vulcain qui, d'un coup de
hache, lui fendit la tête. De son cerveau sortit
Minerve tout armée, et dans un âge qui lui permit de secourir son père dans la guerre des
géants où elle se distingua par sa vaillance. Un des traits les plus fameux de l'
histoire de
Minerve est son différend avec
Neptune pour donner son nom à la ville d'Athènes. Les douze grands
dieux, choisis pour arbitres, décidèrent que celui des deux qui produirait la chose la plus utile à la ville lui donnerait son nom.
Neptune, d'un coup de trident, fit sortir de terre un
cheval,
Minerve en fit sortir un olivier, ce qui lui assura la victoire.
La
chaste Minerve resta vierge ; cependant, elle ne craignit
pas de disputer le prix de la beauté à
Junon et à
Vénus. Afin de l'emporter sur ses rivales, elle offrit à leur
juge,
Pâris, le savoir et la vertu. Ses offres furent vaines, et elle en conçut un grand dépit.
Cette déesse était la fille privilégiée du maître de l'
Olympe ; il lui avait accordé plusieurs de ses prérogatives suprèmes. Elle donnait l'
esprit de prophétie, prolongeait à son gré les
jours des mortels, procurait le bonheur après la mort ; tout ce qu'elle autorisait d'un signe de tête était irrévocable ; tout ce qu'elle promettait arrivait infailliblement. Tantôt elle conduit
Ulysse dans ses voyages, tantôt elle daigne enseigner aux filles de
Pandare l'art d'exceller dans les travaux qui conviennent aux femmes, à représenter des
fleurs et des combats dans des ouvrages de tapisserie. C'est elle encore qui embellit de ses mains le manteau de
Junon. Enfin c'est elle qui fait construire le vaisseau des
Argonautes d'après son dessin, et qui place à la proue le
bois parlant, coupé dans la
forêt de Dodone, lequel dirigeait leur route, les avertissait des dangers, et leur indiquait les moyens de les éviter. Sous ce langage figuré, il est aisé de reconnaître le gouvernail du vaisseau.
Beaucoup de villes se mirent sous la protection de
Minerve, mais la
ville entre toutes favorisée par la déesse fut Athènes, à laquelle elle avait donné son nom. Là, son culte était en honneur
perpétuel : elle y avait ses autels, ses plus belles statues, ses fêtes solennelles, et surtout un temple d'une remarquable architecture, le temple de la Vierge, le Parthénon. Ce temple, reconstruit sous Périclès, avait cent pieds en tous sens. La statue, d'or et d'ivoire, haute de trente-neuf pieds, était l'uvre de Phidias.
Aux Panathénées, fêtes solennelles de
Minerve, tous les peuples de l'
Attique accouraient à Athènes. Ces fêtes, à l'origine, ne duraient qu'un
jour, mais ensuite leur durée se prolongea.
On distinguait les grandes et les petites Panathénées ; les grandes se
célébraient tous les cinq ans, et les petites tous les ans. À ces fêtes, se disputaient trois sortes de prix, ceux de la course, de la lutte et de la
poésie ou de la musique. Aux grandes Panathénées, on promenait dans Athènes un navire orné du
péplum, ou voile de
Minerve, chef-d'uvre de broderie exécuté par les
dames athéniennes.
Dans ses statues et ses images, on lui donne une beauté
simple, négligée, modeste, un
air grave, empreint de noblesse, de
force et de majesté. Elle a ordinairement le casque en tête, une pique d’une main, un
bouclier de l'autre, et l'
égide sur la poitrine. Le plus souvent la déesse est assise ; mais, quand elle est debout, elle a toujours, avec l'attitude résolue d'une guerrière, l'
air méditatif et le regard porté vers de hautes
conceptions.
Les
animaux consacrés à
Minerve étaient la chouette et le
dragon. On lui sacrifiait de grandes victimes ; ainsi, aux grandes Panathénées, chaque tribu de l'
Attique lui
immolait un buf, dont la chair était ensuite distribuée au peuple par les sacrificateurs.
On considère habituellement
Minerve (
Athéna) et
Pallas comme la même divinité. Les Grecs même associent les deux noms Pallas-Athèna. Cependant, d'après certains poètes, ces deux divinités ne sauraient être confondues.
Pallas, appelée la Tritonienne aux yeux pers, fille de
Triton, avait été chargée de l'éducation de
Minerve. Toutes deux se plaisaient aux exercices des armes. Un
jour,
elles se portèrent un défi et en vinrent aux mains.
Minerve allait être blessée si Jupiter n'eût mis l'
égide devant sa fille ;
Pallas en fut épouvantée, et, tandis qu'elle reculait en regardant cette
égide,
Minerve la blessa mortellement. Elle en éprouva un profond chagrin, et, pour se consoler, elle fit faire une image de
Pallas ayant l'
égide sur sa poitrine. C'est, dit-on, cette image ou statue qui plus tard devint le fameux
Palladium de
Troie.
Dans
Homère,
Minerve couvre ses épaules de l'immortelle
égide où est gravée la tête de la Gorgone Méduse, environnée de
serpents, et de laquelle pendent des rangs de franges d'or. Autour de cette
égide étaient la Terreur, la Dissension, la
Force, la Guerre, etc. L'
égide se prend quelquefois pour la cuirasse de
Minerve, plus rarement pour son
bouclier. Les seules divinités portant l'
égide sont
Minerve,
Mars et Jupiter. L'
égide de Jupiter était faite avec la peau de la
chèvre Amalthée, sa nourrice.
Vesta, en grec Hestia
Il importe, de ne pas confondre l'antique
Vesta, c'est-à-dire
Titéia ou la
Terre, femme d'Uranus, avec la vierge
Vesta, déesse du
feu ou le
feu même, car les Grecs la nommaient Hestia, mot qui signifie foyer de la maison. Cependant, chez les poètes, bien souvent ces deux divinités paraissent être confondues.
Vesta, déesse du
feu, avait un culte qui, en Asie et en Grèce, remontait à la plus haute antiquité. Elle était honorée à
Troie, longtemps avant la ruine de cette ville, et ce fut
Enée qui, croit-on, apporta en Italie son culte et son
symbole : il l'avait parmi ses
dieux pénates.
Les Grecs commençaient et finissaient tous leurs sacrifices
par honorer
Vesta, et l'invoquaient la première, avant tous les autres
dieux. Il y avait à Corinthe un temple de
Vesta, mais sans aucune statue ; on voyait seulement au milieu de ce temple un
autel pour les sacrifices qui se faisaient à la déesse. Elle avait aussi des autels dans plusieurs temples consacrés à d'autres
dieux, comme à
Delphes, à Athènes, à Ténédos, à
Argos, à Milet, à
Ephèse, etc.
Son culte consistait principalement à entretenir le
feu qui
lui était consacré et à prendre garde qu'il ne s'éteignît.
A Rome,
Numa Pompilius fit bâtir à
Vesta un temple en forme de globe, image de l'univers. C'est au milieu de ce temple que l'on entretenait le
feu sacré avec d'autant plus de vigilance qu'il était regardé comme le gage de l'empire du monde. Si ce
feu venait à s'éteindre, on ne devait le rallumer qu'aux rayons du
soleil, au moyen d'une sorte de miroir. Même sans que le
feu s'éteignît, il était renouvelé tous les ans, le premier
jour de mars.
A Rome, ainsi que chez les Grecs,
Vesta, la vierge, n'avait d'autre image ou d'autre
symbole que le
feu sacré. Une des manières de la représenter était en habit de matrone, vêtue de la stola, tenant de la main droite un flambeau ou une lampe, ou une
patère, vase à deux anses, appelé capeduncula, quelquefois aussi un
Palladium ou une petite Victoire. Parfois, au lieu de la
patère, elle tient une haste, javelot sans fer, ou une corne
d'abondance. Sur les médailles et les monuments, les titres qu'on lui donne sont
Vesta la sainte, l'éternelle, l'heureuse, l'ancienne,
Vesta la mère, etc.
Chez les Romains, le
feu sacré de
Vesta était
gardé et entretenu par de jeunes vierges, les
Vestales. Ces jeunes filles étaient choisies dans les plus grandes familles de Rome, à l'âge de six à dix ans. Elles restaient au service de la déesse pendant une
durée de vingt à trente ans. Elles rentraient ensuite au sein de la société romaine, avec la permission de contracter
mariage. Mais, durant leur sacerdoce, les
Vestales qui laissaient le
feu s'éteindre étaient
sévèrement et même cruellement punies : celle qui violait ses vœux de virginité était mise à mort, parfois enterrée vive.
En compensation de toutes ces rigueurs, les
Vestales étaient
l'objet d'un respect universel : comme les hauts dignitaires, elles étaient précédées d'un licteur, ne dépendaient que du
collège des pontifes ; elles étaient appelées souvent pour apaiser les dissensions dans les familles : on leur confiait les secrets des particuliers et quelquefois ceux de l'Etat. C'est entre leurs mains que l'empereur Auguste avait déposé son testament ; et, après sa mort, elles le portèrent au sénat romain.
Elles avaient la tête ceinte de bandelettes de laine blanche,
qui leur retombaient gracieusement sur les épaules et de chaque côté de la poitrine. Leurs vêtements étaient d'une grande simplicité, mais non dépourvus d'élégance. Par dessus une robe blanche elles portaient une sorte de rochet de la même
couleur. Leur manteau, qui était de pourpre, leur cachait une épaule et laissait l'autre demi-nue. Primitivement elles se coupaient les
cheveux, mais plus tard elles portèrent toute leur chevelure. Quand le luxe se fut répandu dans Rome, on les vit se promener en somptueuse litière, même dans un char magnifique, avec une nombreuse suite de femmes et d'esclaves.
Latone
Latone, fille du
Titan Cus, selon Hésiode, fille de
Saturne, selon
Homère, fut aimée de Jupiter.
Junon, jalouse de sa rivale, la fit persécuter par le
serpent Python, et fit promettre à la
Terre de ne lui donner aucune retraite. Sur le point de devenir mère, elle parcourait le monde, cherchant un asile.
Neptune eut pitié de son sort : d'un coup de son trident, il fit sortir de la mer l'île de
Délos.
Latone, momentanément changée en caille par Jupiter, se réfugie dans cette île, où elle met au monde
Apollon et
Diane, à l'ombre d'un olivier
ou d'un palmier. L'île de
Délos, d'abord flottante,
fut fixée plus tard par
Apollon au milieu des Cyclades, celles-ci
étant, pour ainsi dire, rangées en cercle autour d'elle.
Latone était particulièrement
honorée à
Délos et à
Argos. Ainsi que
Junon ou Lucine, elle présidait à la naissance des
hommes, et les mères, dans leurs angoisses et leurs souffrances,
lui adressaient des invocations.
Apollon ou Phébus
En grec, les noms Phoibos et
Apollon sont parfois réunis.
Fils de Jupiter et de
Latone,
frère jumeau de
Diane,
Apollon ou
Phébus naquit dans l'île flottante de
Délos, qui, à partir de ce moment, devient stable et
immobile par la volonté du jeune
dieu ou la faveur de
Neptune. Dès son adolescence,
il prit son carquois et ses terribles
flèches, et vengea
sa mère du
serpent Python, par lequel elle avait été
si obstinément poursuivie. Le
serpent fut tué, écorché,
et sa peau servit à couvrir le trépied sur lequel
s'asseyait la Pythonisse de
Delphes pour rendre ses oracles. D'un
visage rayonnant de beauté, avec une chevelure blonde qui
tombait en boucles gracieuses sur ses épaules, d'une taille
haute et dégagée, d'une attitude et d'une démarche
séduisantes, il aima la nymphe
Coronis, qui le rendit père
d'Esculape. Ce fils d'
Apollon, qui excellait dans la médecine,
ayant usé des secrets de son art pour ressusciter Hippolyte,
sans l'assentiment des
dieux, fut foudroyé par Jupiter.
Apollon,
furieux, perce de ses
flèches les
Cyclopes, qui avaient forgé
la foudre. Cette vengeance, regardée comme un attentat, le
fit chasser de l'
Olympe. Exilé du
ciel, condamné à
vivre sur la terre,
Apollon se réfugia chez
Admète,
roi de Thessalie, dont il garda les troupeaux. Tel était
le charme qu'il exerçait autour de lui dans les campagnes,
si nombreux étaient les agréments dont il embellissait
la vie champêtre, que les
dieux mêmes devinrent alors
jaloux des bergers.
Durant son exil, il chantait et jouait de la
lyre ;
Pan, avec sa flûte, osa rivaliser avec lui devant
Midas, roi de
Phrygie, désigné pour arbitre.
Midas,
ami de
Pan, se prononça en sa faveur, et, pour le punir de
son stupide
jugement,
Apollon lui fit pousser des oreilles dâne.
Le satyre Marsyas, autre joueur de flûte, ayant voulu aussi
rivaliser avec
Apollon, à la condition que le vaincu serait
mis à la discrétion du vainqueur, fut vaincu par le
dieu, qui le fit écorcher vif. Un
jour,
Mercure lui dérobe
son troupeau, et
Apollon passe du service d'
Admète à
celui de Laomédon, fils d'
Ilus et père de
Priam.
Apollon aida
Neptune à construire les
murailles de
Troie, et les
dieux n'avant reçu de Laomédon
aucun salaire, il punit cette ingratitude en frappant le. peuple
d'une peste qui causa d'immenses ravages.
Il erra encore quelque temps sur la terre,
aima
Daphné, fille du
fleuve Pénée, qui se
déroba à son
amour et fut métamorphosée
en laurier ; Clytie qui, se
voyant abandonnée pour sa
sur Leucothoé, se morfondit de douleur et se changea
en héliotrope ; enfin Clymène qui eut d'
Apollon
un grand nombre d'
enfants, dont le plus célèbre est
Phaéton.
Diane, en grec Artémis
Diane ou
Artémis, fille de
Latone et de Jupiter,
sur jumelle d'
Apollon, née à
Délos, vint
au monde quelques instants avant son
frère. Témoin
des douleurs maternelles de
Latone, elle conçut une telle
aversion pour le
mariage, qu'elle demanda et obtint de Jupiter la
grâce de garder une virginité perpétuelle ainsi
que
Minerve, sa sur. C'est pour cette raison que ces deux
déesses reçurent de l'oracle d'
Apollon le nom de
Vierges
blanches. Jupiter l'arma lui-même d'un arc et de
flèches,
et la fit reine des
bois. Il lui donna pour cortège soixante
nymphes, appelées
Océanies, et vingt autres
nommées
Asies, dont elle exigeait une inviolable
chasteté.
Avec ce nombreux et gracieux cortège,
elle se livre à la chasse, son occupation favorite. Toutes
ses nymphes sont grandes et belles, mais la déesse les surpasse
toutes en taille et en beauté. Comme
Apollon, son
frère,
elle a différents noms : sur la terre, elle s'appelle
Diane
ou
Artémis : au
ciel, la
Lune ou Phébé ; aux
Enfers,
Hécate. Elle avait en outre un grand nombre de surnoms,
selon les qualités qu'on lui attribuait, les contrées
qu'elle semblait favoriser, les temples où on l'honorait.
Quand
Apollon, c'est-à-dire le
Soleil,
a disparu à l'
horizon,
Diane, c'est-à-dire la
Lune,
resplendit dans les cieux et répand discrètement sa
lumière dans les profondeurs mystérieuses de la nuit.
Ces deux divinités ont des fonctions non identiques, mais
semblables : alternativement, elles éclairent le monde ;
de là leur caractère de fraternité.
Apollon
est célébré de préférence par
les jeunes garçons ;
Diane, plutôt par les churs
de jeunes filles.
Cette déesse est grave, sévère, cruelle et même
vindicative. Elle sévit sans pitié contre tous ceux qui ont provoqué
son ressentiment. Elle n'hésite pas à détruire leurs moissons,
à ravager leurs troupeaux, semer l'épidémie autour d'eux,
à humilier, faire périr même leurs
enfants. A la prière
de
Latone, sa mère, elle se joint à
Apollon, pour percer de ses
flèches tous les
enfants de la malheureuse Niobé. Elle traite ses
nymphes avec la même rigueur, si elles oublient leur devoir.
Un
jour,
Actéon, dans une partie de
chasse, la surprend au
bain : elle lui jette de l'
eau au visage
; il est aussitôt métamorphosé en cerf et dévoré
par ses
chiens. Un autre
jour, dans un accès de jalousie,
elle perce de ses
flèches ou fait périr cruellement
Orion qu'elle aime et qui s'est laissé enlever par l'
Aurore.
Opis, compagne de
Diane, n'eut pas un sort plus heureux.
Vierge implacable,
Diane s'éprit cependant
pour la beauté d'Endymion. Ce petit-fils de Jupiter avait
obtenu du maître de l'
Olympe la singulière faveur d'un
sommeil perpétuel. Toujours jeune, sans jamais sentir les
atteintes de la vieillesse, ni de la mort, Endymion dormait dans
une grotte du mont Latmos, en
Carie. C'est là que
Diane ou
la
Lune venait chaque nuit le visiter.
La
biche et le sanglier lui étaient
particulièrement consacrés. On lui offrait en sacrifice
les primeurs de la terre, des bufs, des
béliers, des
cerfs blancs, quelquefois des victimes humaines. On sait que le
sacrifice d'
Iphigénie a inspiré plus d'un poète
tragique. En Tauride, tous les naufragés sur cette côte
étaient
immolés à
Diane ou jetés en
son honneur dans un précipice. En
Cilicie, elle avait un
temple où les adorateurs marchaient sur des
charbons ardents.
Son temple le plus célèbre était incontestablement celui
d'
Ephèse. Durant 220 ans, toute l'Asie concourut à le construire,
l'orner et l'enrichir. Les immenses richesses qu'il contenait furent sans doute
la cause des différentes révolutions qu'il éprouva. Ou prétend
qu'il fut détruit et reconstruit sept fois. Cependant l'
histoire ne mentionne
que deux
incendies de ce temple : le premier par les
Amazones, le second par Erostrate,
la nuit même où naquit Alexandre. Il fut entièrement détruit
l'an 963, sous l'empereur Gallien.
Les statues de
Diane d'
Ephèse sont assez connues : le
corps de la déesse est ordinairement divisé par bandes, en sorte qu'elle paraît pour ainsi dire emmaillotée. Elle porte sur la tête une tour à plusieurs étages
; sur chaque bras, des
lions ; sur la poitrine et l'estomac, un
grand nombre de mamelles. Tout le bas du
corps est parsemé
de différents
animaux, de bufs ou taureaux, de cerfs,
de
sphinx, d'abeilles, d'insectes, etc. On y voit même des
arbres et différentes plantes, tous
symboles de la nature
et de ses innombrables productions.
Ailleurs on l'a parfois représentée
avec trois têtes, la première de
cheval, la seconde
de femme ou de laie, et la troisième d'un
chien, ou encore
celles d'un taureau, d'un
chien et d'un
lion.
Ces diverses représentations de la déesse
semblent se rapporter à un culte primitif, d'origine asiatique,
mélangé de traditions égyptiennes. Dans l'art
grec proprement dit, c'est surtout la
chaste Diane, la
Diane chasseresse,
amante des
bois et des
montagnes, la déesse fière
et hautaine, la resplendissante reine des nuits, que la sculpture
et la gravure ont le plus souvent représentée.
On la voit en habit de chasse, les
cheveux
noués par derrière, la robe retroussée avec
une seconde ceinture, le carquois sur l'épaule, un
chien
à ses côtés, et tenant un arc bandé dont
elle décoche une
flèche. Elle a les jambes ainsi que
les pieds nus, et le sein droit découvert. Quelquefois elle
est chaussée de brodequins. Souvent elle a un croissant au-dessus
du front,
symbole de la
Lune. On la représentait chassant,
ou dans le
bain, ou se reposant des fatigues de la chasse. Les poètes
la dépeignent tantôt sur un char traîné
par des
biches ou des cerfs blancs, tantôt montée elle-même
sur un cerf, tantôt courant à pied avec son
chien,
et toujours entourée de ses nymphes, armées comme
elle d'arcs et de
flèches. La gravure ci-jointe représente
le groupe de
Diane à la
biche, uvre de Jean Goujon.
Cérès, en grec Dèmèeter
Cérès, fille de
Saturne et d'
Ops, ou
de
Vesta, ou de
Cybèle, apprit aux hommes l'art de cultiver
la terre, de semer, de récolter le blé, et d'en faire
du pain, ce qui l'a fait regarder comme la déesse de l'agriculture.
Jupiter, son
frère, épris de sa beauté, eut
d'elle
Perséphone ou
Proserpine. Elle fut aussi aimée
de
Neptune, et, pour échapper à sa poursuite, elle
se changea en jument. Le
dieu s'en aperçut et se métamorphosa
en
cheval. Les
amours de
Neptune la rendirent mère du
cheval
Arion.
Honteuse de la violence que lui avait faite
Neptune, elle prit le deuil et se retira dans une grotte, où
elle séjourna si longtemps que le monde était en danger
de mourir de faim, parce que, durant son absence, la terre était
frappée de stérilité. Enfin
Pan, étant
à la chasse en
Arcadie, découvrit sa retraite, et
en informa Jupiter, qui, par l'intervention des
Parques, l'apaisa
et la rendit au monde privé de ses bienfaits.
Les Phigaliens, en
Arcadie, lui dressèrent
une statue de
bois dont la tête était celle d'une jument
avec sa crinière d'où sortaient des
dragons. On l'appelait
la
Cérès noire. Cette statue, ayant été
brûlée par accident. les Phigaliens négligèrent
le culte de
Cérès, et furent punis d'une affreuse
disette, qui ne cessa pas avant que, sur le conseil d'un oracle,
la statue fût rétablie.
Pluton ayant enlevé
Proserpine,
Cérès,
inconsolable, se plaignit à Jupiter ; mais, peu satisfaite
de la réponse, elle se mit à la recherche de sa fille.
Les uns racontent qu'elle était montée sur un char
traîné par des
dragons ailés, et qu'elle tenait
à la main un flambeau allumé au
feu de l'
Etna ; d'autres
disent qu'elle allait à pied çà et là,
de contrées en contrées. Après avoir couru
pendant tout le
jour, elle allumait un flambeau, et continuait sa
course pendant la nuit.
Cérès s'arrêta d'abord
à
Eleusis. Dans les campagnes voisines de cette ville, on
voyait une pierre sur laquelle la déesse s'était assise,
accablée de douleur, et qu'on nommait la
pierre triste.
On montrait aussi un puits près duquel elle s'était
reposée. A Athènes, elle fut accueillie par Céléus,
et reconnut son hospitalité en enseignant à Triptolème,
son fils, l'art de l'agriculture. De plus, elle lui donna un char
traîné par deux
dragons, l'envoya par le monde pour
y établir le labourage, et le pourvut de blé à
cet effet. Ensuite elle fut reçue par Hippothoon et sa femme
Méganise, mais refusa le vin qu'ils lui offraient, comme
ne convenant pas à sa tristesse et à son deuil.
Passant en
Lycie, elle changea en grenouilles
des paysans qui avaient troublé l'
eau d'une fontaine où
elle voulait étancher sa soif. Un fait identique est attribué
par certains poètes à la déesse
Latone.
Enfin, après avoir parcouru le monde
sans rien apprendre de sa fille, elle revint en
Sicile, où
la nymphe
Aréthuse l'informa que
Proserpine était
femme de
Pluton et reine des Enfers.
En
Sicile, tous les ans, en commémoration
du départ de
Cérès pour ses longs voyages,
les insulaires, voisins de l'
Etna, couraient la nuit avec des flambeaux
allumés et en poussant de grands cris.
En Grèce, les Démétries,
Céréales, ou fête de
Cérès, étaient
nombreuses. Les plus curieuses étaient assurément
celles où les adorateurs de la déesse se fustigeaient
mutuellement avec des fouets faits d'écorce d'
arbres. Athènes
avait deux fêtes solennelles en l'honneur de
Cérès,
l'une nommée
Eleusinia, l'autre
Thesmophoria.
Elles avaient été instituées, disait-on, par
Triptolème. On
immolait des porcs, à cause du dégât
qu'ils causent aux biens de la terre, et l'on y faisait des
libations
de vin doux.
Ces fêtes furent introduites
plus tard à Rome : elles étaient célébrées
par les
dames romaines vêtues de blanc. Les hommes même, simples spectateurs,
s'habillaient d'étoffes blanches. On croyait que ces fêtes, pour
être agréables à la déesse, ne devaient pas être
célébrées par des gens en deuil. C'est pour cette raison
qu'elles furent omises l'année de la bataille de
Cannes.
Outre le porc, la truie ou la laie,
Cérès agréait aussi le
bélier comme victime. Dans ses solennités, les guirlandes dont on faisait usage étaient de
myrte ou de narcisse ; mais les
fleurs étaient interdites, parce que c'était en cueillant des
fleurs que
Proserpine avait été enlevée par
Pluton. Le pavot seul lui était consacré, non seulement parce qu'il croît au milieu des blés, mais aussi parce que Jupiter lui en fit manger pour lui procurer du sommeil, et par conséquent quelque trêve à sa douleur.
En
Crète, en
Sicile, à
Lacédémone
et dans plusieurs autres villes du
Péloponnèse, on
célébrait périodiquement les
Eleusinies,
ou mystères de
Cérès. Mais ce sont les mystères
d'
Eleusis qui ont le plus de célébrité. D'
Eleusis
ils passèrent à Rome, où ils subsistèrent
jusqu'au règne de Théodose. Ces mystères étaient
divisés en grands et en petits. Les petits mystères
étaient une préparation aux grands mystères
; ils se célébraient près d'Athènes,
sur les bords de l'Ilissus. Ils conféraient une sorte de
noviciat. Après un certain laps de temps plus ou moins long,
le novice était
initié aux grands mystères,
dans le temple d'
Eleusis, et pendant la nuit. Quatre ministres présidaient
aux cérémonies de l'
initiation. Le premier était
l'
Hiérophante, ou celui qui révèle les
choses sacrées ; le second, le
Dodonque, ou chef des
Lampadophores ; le troisième, l'
Hiérocéryce,
ou chef des
hérauts sacrés ; le quatrième,
l'
Assistant à l'
autel, dont l'habillement
allégorique
représentait la
lune. L'archonte-roi d'Athènes était
le surintendant des fêtes d'
Eleusis. Les ministres subalternes
étaient fort nombreux et distribués en plusieurs classes,
suivant l'importance de leurs mystérieuses fonctions. Les
fêtes d'
Eleusis duraient neuf
jours, chaque année,
dans le mois de septembre. Pendant ces neuf
jours, les tribunaux
étaient fermés.
Les Athéniens faisaient
initier leurs
enfants aux mystères d'
Eleusis, dès le berceau. Il
était interdit, même aux femmes, de se faire mener
au temple en voiture ou en chariot. Les
initiés se considéraient
comme placés sous la tutelle et la protection de
Cérès
: on leur faisait espérer une félicité sans
bornes.
Dans ces mystères, les cérémonies étaient
sans doute emblématiques : on suppose qu'elles avaient trait uniquement
aux évolutions des astres, à la succession des saisons et à
la marche du
soleil. Le silence étant
religieusement observé par
les
initiés, on en est réduit à de pures hypothèses.
Cérès est habituellement représentée
sous l'aspect ne belle femme, d'une taille majestueuse, d'un teint
coloré : elle a les yeux langoureux, et les
cheveux blonds
retombant en désordre sur ses épaules.
Outre une
couronne d'épis
de blé, elle porte un
diadème très élevé. Parfois
elle est couronnée d'une guirlande d'épis ou de pavots,
symbole
de la fécondité. Elle a la poitrine forte, les seins gonflés
; elle tient de la main droite un faisceau d'épis, et de la gauche une
torche ardente. Sa robe tombe jusque sur les pieds, et souvent elle porte un voile
rejeté en arrière.
Parfois on lui donne
un sceptre ou une faucille : deux petits
enfants, attachés à son
sein et tenant chacun une corne d'abondance, indiquent assez la nourrice du genre
humain. Elle porte une draperie de teinte jaune,
couleur des blés mûrs.
Icrelle est représentée dans l'attitude triomphante
de la déesse des moissons. Elle est entièrement vêtue,
symbole
de la
Terre qui dérobe aux yeux sa
force fécondante et ne laisse
voir que ses productions. De la main droite, elle retient son voile sur l'épaule
gauche ; de l'autre main, elle serre contre elle un bouquet des champs : sa
couronne
d'épis est placée sur une chevelure artistement dressée,
et elle porte vers le
ciel un regard satisfait avec une expression de reconnaissance
pour les autres
dieux qui l'ont secondée.
Son
char est attelé de
lions ou de
serpents.
Sur ses monuments, elle est appelée
le plus souvent
Magna Mater,
Mater Maxima (
Mère
puissante,
très puissante Mère) ; on l'appelle
aussi
Ceres deserta (
Cérès l'abandonnée),
ou
tædifera (
porte-flambeau),
thesmophoros
ou
legifera (
législatrice), parce qu'on attribuait
à cette déesse l'invention des lois. Par ses attributs,
elle rappelle l'lsis égyptienne.
Vulcain, en grec Hèphæstos
Vulcain était fils de Jupiter et de
Junon, ou, selon quelques mythologues, de
Junon seule, avec le secours du vent. Honteuse d'avoir mis au monde un fils si difforme, la déesse le précipita dans la mer, afin qu'il restât éternellement caché dans les abîmes. Mais il fut recueilli par la belle Thétis et
Eurynome, filles de l'Océan. Pendant
neuf années, entouré de leurs soins, il demeura dans
une grotte profonde, occupé à leur fabriquer des boucles,
des agrafes, des colliers, des bagues, des bracelets. Cependant,
la mer le cachait sous ses flots, si bien qu'aucun des
dieux ni
des hommes ne connaissait le lieu de sa retraite, sauf les deux
divinités qui le protégeaient.
Vulcain, conservant au fond de son cur du
ressentiment contre sa mère, à cause de cette injure,
fit une chaise d'or qui avait un ressort mystérieux, et l'envoya
dans le
ciel.
Junon admire un siège si précieux et, n'ayant
aucune méfiance, veut s'y asseoir. Aussitôt, elle est prise
comme dans un trébuchet. Elle y serait restée longtemps
sans l'intervention de
Bacchus, qui enivra
Vulcain pour l'obliger à
délivrer
Junon. Cette aventure de la mère des
dieux excita
l'hilarité de tous les habitants de l'
Olympe c'est du moins
ce que prétend
Homère.
Ailleurs,
Homère raconte que ce fut Jupiter
lui-même qui précipita
Vulcain du haut du
ciel. Le
jour
où, pour punir
Junon d'avoir excité une tempête
qui devait faire périr
Hercule, Jupiter avait suspendu cette
déesse au milieu des airs,
Vulcain, par un sentiment de
compassion
ou de piété filiale, vint au secours de sa mère.
Il paya cher ce mouvement de bonté. Jupiter le prit par les pieds
et le lança dans l'espace. Après avoir roulé tout
le
jour dans les airs, l'infortuné
Vulcain tomba dans l'île
de Lemnos, où il fut recueilli et soigné par les habitants.
Dans cette épouvantable chute, il se cassa les deux jambes, et
resta
boiteux pour toujours.
Cependant, par le crédit de
Bacchus,
Vulcain
fut rappelé dans le
ciel et rétabli dans les bonnes grâces
de Jupiter, qui lui fit
épouser la plus belle et la plus infidèle
de toutes les déesses,
Vénus, mère de l'
Amour.
Ce
dieu, si laid, si difforme, est de tous les
habitants de l'
Olympe le plus laborieux, et en même temps le plus
industrieux. C'est lui qui, comme en se jouant, fabriquait les bijoux
pour les déesses, lui qui, avec ses
Cyclopes, dans l'île
de Lemnos ou dans le mont
Etna, forgeait les foudres de Jupiter. Il
eut l'idée ingénieuse de faire des fauteuils qui se rendaient
d'eux-mêmes à l'assemblée des
dieux. Il n'est pas
seulement le
dieu du
feu, mais encore celui du fer, de l'
airain, de
l'
argent, de l'or, de toutes les matières
fusibles. On lui attribuait
tous les ouvrages forgés qui passaient pour des merveilles :
le palais du
Soleil, les armes d'
Achille, celles d'
Enée, le sceptre
d'
Agamemnon, le collier d'
Hermione, la
couronne d'
Ariane, le réseau
invisible dans lequel il prit
Mars et
Vénus, etc.
Ce
dieu avait plusieurs temples à Rome,
mais hors des murs : le plus ancien, disait-on, avait été
bâti par
Romulus. Dans les sacrifices qui lui étaient offerts,
on avait coutume de faire consumer par le
feu toute la victime, de n'en
réserver rien pour le festin sacré ; ainsi, c'étaient
réellement des holocaustes. La garde de ses temples était
confiée à des
chiens ; le
lion lui était consacré.
Ses fêtes se célébraient au mois d'août, c'est-à-dire
durant les chaleurs ardentes de l'été. En l'honneur du
dieu du
feu, ou plutôt considérant le
feu comme le
dieu
même, le peuple jetait des victimes dans un brasier, afin de se
rendre la divinité propice. A l'occasion de ces fêtes,
qui duraient huit
jours consécutifs, il y avait des courses populaires
où les concurrents tenaient une torche à la main. Celui
qui était vaincu donnait sa torche au vainqueur.
On regarda comme fils de
Vulcain tous ceux qui
se rendirent célèbres dans l'art de forger les métaux.
Les surnoms les plus ordinaires qu'on donne à
Vulcain, ou
Hèphæstos,
sont Lemnius (le Lemnien),
Mulciber ou Mulcifer (qui manie le fer),
Etnæus (de l'
Etna), Tardipes (à la marche lente), Junonigena
(fils de
Junon),
Chrysor (brillant), Callopodion (qui a les pieds tordus,
cagneux,
boiteux), Amphigyéis (qui boite des deux pieds), etc.
Sur les anciens monuments, ce
dieu est représenté
barbu, la chevelure un peu négligée, couvert à
demi d'un habit qui ne lui descend qu'au-dessus du genou, portant un
bonnet rond et pointu. De la main droite, il tient un marteau, et de
la gauche, des tenailles. Bien que, selon la
fable, il fût
boiteux,
les artistes supprimaient ce défaut ou l'exprimaient à
peine sensible. Ainsi, il se présentait debout, mais sans aucune
apparente difformité.
Les poètes plaçaient la demeure
ordinaire de
Vulcain dans une des îles Eoliennes, couverte
de rochers, dont le sommet vomit des tourbillons de fumée
et de
flamme. Du nom de cette île, appelée autrefois
Volcanie, aujourd'hui
Volcano, est venu le mot
Volcan.
Mercure, en grec Hermès
Mercure était fils de Jupiter et de Maïa,
fille d'
Atlas. Les Grecs le nommaient "
Hermès",
c'est-à-dire interprète ou messager.
Son nom latin
venait du mot "
Merces", marchandise. Messager des
dieux et en particulier de Jupiter, il les servait avec un zèle
infatigable et sans
scrupule, même dans des emplois peu honnêtes.
Il participait, comme ministre ou serviteur, à toutes les
affaires. On le voit s'occuper de la paix et de la guerre, des querelles
et des
amours des
dieux, de l'intérieur de l'
Olympe, des
intérêts généraux de monde, au
ciel,
sur la terre et dans les Enfers. Il se charge de fournir et servir
l'
ambroisie à la table des Immortels, il préside aux
jeux, aux assemblées, écoute les harangues, y répond
soit par lui-même, soit d'après les ordres qu'il a
reçus. Il conduit aux Enfers les
âmes des morts avec
sa baguette divine ou son
caducée ; il les ramène
quelquefois sur la terre. On ne pouvait mourir avant qu'il eût
entièrement rompu les liens qui rattachent l'
âme au
corps.
Dieu de l'éloquence et de l'art de bien
dire, il était aussi celui des voyageurs, des marchands et
même des filous. Ambassadeur
plénipotentiaire des
dieux,
il assiste aux traités d'alliance, les sanctionne, les ratifie,
et ne reste pas étranger aux déclarations de guerre
entre les cités et les peuples. De
jour, de nuit, il ne cesse
d'être vigilant, attentif, alerte. C'est en un mot le plus
occupé des
dieux et des hommes. S'agit-il d'accompagner,
de garder
Junon, il est là tout près d'elle ; faut-il
la surveiller, l'empêcher d'ourdir quelque intrigue, il est
là encore, toujours disposé à remplir son emploi.
Il est envoyé par Jupiter pour lui préparer ses entrées
auprès des plus aimables d'entre les mortelles, pour transporter
Castor et Pollux à Pallène, pour accompagner le char
de
Pluton qui enlève
Proserpine ; il s'élance du haut
de l'
Olympe, et traverse l'espace avec la rapidité de l'éclair.
C'est à lui que les
dieux confièrent la mission délicate
de conduire devant le berger
Pâris les trois déesses
qui se disputaient le prix de la beauté.
Tant de fonctions, tant d'attributs divers
accordés à
Mercure lui conféraient une importance
considérable dans les conseils des
dieux. D'autre part, les
hommes ajoutaient encore à ses qualités divines, en
lui attribuant mille talents industrieux. Non seulement il contribuait
au développement du commerce et des arts, mais c'est lui,
disait-on, qui avait formé le premier une langue exacte et
régulière, lui qui avait inventé les premiers
caractères de l'écriture, réglé l'
harmonie
des phrases, imposé des noms à une infinité
de choses, institué des pratiques
religieuses, multiplié
et affermi les relations sociales, enseigné le devoir aux
époux et aux membres de la même famille. Il avait aussi
appris aux hommes la lutte et la danse, et en général
tous les exercices du stade qui nécessitent de la
force et
de la grâce. Enfin il fut l'inventeur de la lyre, à
laquelle il mit trois cordes, et qui devint l'attribut d'
Apollon.
Ses qualités
ne laissaient pas d'être rachetées par quelques défauts.
Son
humeur inquiète, sa conduite artificieuse lui suscitèrent plus d'une
querelle avec les autres
dieux. Jupiter même, oubliant un
jour tous les
services de ce dévoué serviteur, le chassa du
ciel et le réduisit
à garder les troupeaux sur la terre : ce fut dans le temps où
Apollon
était frappé de la même disgrâce.
On a mis sur le compte de
Mercure un grand
nombre de filouteries. Etant encore
enfant, ce
dieu des marchands
et des larrons avait dérobé à
Neptune son trident,
à
Apollon ses
flèches, à
Mars son
épée,
à
Vénus sa ceinture. Il vola aussi les bufs
d'
Apollon ; mais, en vertu d'une convention pacifique, il les échangea
contre sa lyre. Ces larcins,
allégories assez transparentes,
indiquent que
Mercure, sans doute personnification d'un mortel
illustre,
était à la fois habile navigateur, adroit à
tirer de l'arc, brave à la guerre, élégant
et gracieux dans tous les arts, commerçant consommé,
faisant l'échange de l'agréable contre l'utile.
Il se rendit coupable d'un meurtre pour servir les
amours de Jupiter.
Argus, fils d'Arestor, avait cent yeux, dont
cinquante restaient ouverts pendant que le sommeil fermait les cinquante
autres.
Junon lui confia la garde d'
Io changée en vache ;
mais
Mercure endormit au son de sa flûte ce gardien vigilant,
et lui coupa la tête.
Junon, désolée et déçue,
prit les
yeux d'Argus et les répandit sur la queue du paon.
D'autres racontent qu'
Argus fut métamorphosé en paon
par cette déesse.
Le culte de
Mercure n'avait rien de particulier,
sinon qu'on lui offrait les langues des victimes,
emblème
de son éloquence. Par la même raison, on lui offrait
du lait et du miel. On lui
immolait des veaux et des
coqs. Il était
spécialement honoré en
Crète, pays de commerce,
et à
Cyllène en Elide, parce qu'on le croyait né
sur le mont du même nom, situé près de cette
ville. Il avait aussi un oracle en
Achaïe. Après beaucoup
de cérémonies, on parlait au
dieu à l'oreille,
pour lui demander ce qu'on désirait. Ensuite on sortait du
temple, les oreilles bouchées avec les mains, et les premières
paroles qu'on entendait étaient la réponse du
dieu.
A Rome, les
négociants célébraient une fête en son honneur, le
15 mai,
jour où on lui avait dédié un temple dans le cirque.
Ils sacrifiaient une truie pleine et s'aspergeaient de l'
eau d'une certaine fontaine
à laquelle on attribuait une vertu divine, priant le
dieu de favoriser
leur trafic et de leur pardonner leurs petites supercheries.
Les "ex-voto" que les voyageurs lui offraient au retour d'un
long et pénible voyage étaient des pieds ailés.
Comme divinité tutélaire,
Mercure
est ordinairement représenté avec une bourse à
la main gauche, et à l'autre un rameau d'olivier et une massue,
symboles, l'un de la paix, utile au commerce, l'autre de la
force
et de la vertu, nécessaires au trafic. En qualité
de négociateur des
dieux, il porte à la main le
caducée,
baguette magique ou divine,
emblème de la paix. Le
caducée
est entrelacé de deux
serpents, de sorte que la partie supérieure
forme un arc ; il est de plus surmonté de deux ailerons.
Le
dieu a des ailes sur son bonnet, et quelquefois à ses
pieds, pour marquer la légèreté de sa course
et la rapidité avec laquelle il exécute les ordres.
On le représente d'ordinaire en jeune homme, beau
de visage, d'une taille dégagée, tantôt nu, tantôt avec
un manteau sur les épaules, mais qui le couvre à peine. Il a souvent
un chapeau qu'on appelle "
pétase", auquel sont attachées
des ailes. Il est rare de le voir assis. Ses différents emplois au
ciel,
sur la terre, et dans les Enfers, le tenaient continuellement en activité.
Dans quelques peintures, on le voit avec la moitié du visage claire, et
l'autre noire et sombre : ce qui indique que tantôt il est dans le
ciel
ou sur la terre, tantôt dans les Enfers où il conduit les
âmes
des morts.
Lorsqu'on le représentait avec une
longue barbe et une figure de vieillard, on lui donnait un manteau descendant
jusqu'à ses pieds.
Mercure est, dit-on, le père du
dieu
Pan,
fruit de ses
amours avec Pénélope. Mais Pénélope
ne fut pas la seule mortelle ou déesse honorée de
ses faveurs ; il y eut encore
Acacallis, fille de
Minos, Hersé,
fille de
Cécrops, Eupolémie, fille de
Myrmidon, qui
le rendit père de plusieurs
enfants, Antianire, mère
d'Echion,
Proserpine, et la nymphe Lara, dont il eut les
dieux Lares.
"Hermès" étant au propre
le nom grec de
Mercure, on appelait de ce nom certaines statues,
faites de marbre et quelquefois de bronze, sans bras et sans pieds.
Les Athéniens et, à leur exemple, les autres peuples
de la Grèce, et même, par la suite, les Romains plaçaient
des hermès dans les carrefours des villes et les grandes
routes, parce que
Mercure présidait aux voyages et aux chemins.
Ordinairement, l'hermès n'est qu'un pilastre surmonté d'une
tête ; s'il y a deux têtes, c'est toujours celle de
Mercure réunie à celle d'une autre divinité.
Le mercredi,
jour de la semaine, lui est consacré ("
Mercurii dies").
Mars, en grec Arès
Mars ou
Arès, c'est-à-dire "
le brave", était fils de Jupiter et de
Junon. Les poètes latins lui donnent une autre origine. Jalouse de ce que Jupiter
avait mis au monde
Minerve, sans sa participation,
Junon avait voulu,
à son tour, concevoir et engendrer. La déesse Flore
lui indiqua une
fleur qui croissait dans les campagnes d'Olène
en
Achaïe, et dont le seul contact produisait ce merveilleux
effet. Grâce à cette
fleur, elle devint mère
de
Mars. Elle le fit élever par Priape, de qui il apprit
la danse et les autres exercices du
corps, préludes de la
guerre.
Les Grecs ont chargé l'
histoire de
Mars
d'un certain nombre d'aventures.
Allyrothius,
fils de Neptune, ayant fait violence
à Alcippe, fille de
Mars, ce
dieu la vengea en tuant l'auteur
du crime.
Neptune, désespéré de la mort de
son fils, assigna
Mars en
jugement devant les douze grands
dieux
de l'
Olympe, qui l'obligèrent à défendre sa
cause. Il la défendit si bien qu'il fut absous. Le
jugement
eut lieu sur une colline d'Athènes appelée depuis
"
l'Aréopage" (colline de
Mars), où
s'établit le fameux tribunal athénien.
Ascalaphus, fils de
Mars, qui commandait
les
Béotiens au siège de
Troie, ayant été
tué, le
dieu courut le venger lui-même, malgré
Jupiter qui avait défendu aux
dieux de prendre parti pour
ou contre les Troyens. Le roi du
ciel eut un accès de colère
furieuse, mais
Minerve l'apaisa, en promettant de soutenir les Grecs.
En effet, elle excita
Diomède à se
battre contre
Mars,
qui fut blessé au flanc par la lance de ce héros.
C'est
Minerve qui avait dirigé le coup.
Mars, en retirant
l'arme de sa blessure, jette un cri épouvantable, et aussitôt
il remonte dans l'
Olympe au milieu d'un tourbillon de poussière.
Jupiter le gourmande sévèrement, mais ne laisse pas
d'ordonner au médecin des
dieux de guérir son fils.
Péon met sur sa blessure un baume qui le guérit sans
peine, car, dans un
dieu, il n'y a rien qui soit mortel.
Homère et Ovide ont raconté les
amours de
Mars et de
Vénus.
Mars s'était mis en garde
contre les yeux clairvoyants de
Phébus, qui était
son rival auprès de la belle déesse, et avait placé
en sentinelle Alectryon, son favori ; mais, celui-ci s'étant
endormi,
Phébus aperçut les coupables et courut prévenir
Vulcain. L'
époux outragé les enveloppa dans un réseau
aussi solide qu'invisible, et rendit tous les
dieux témoins
de leur crime et de leur confusion.
Mars punit son favori, en le
métamorphosant en
coq ; depuis cette époque, cet
oiseau
tâche de réparer sa faute, en annonçant par
son chant le lever de l'
astre du
jour.
Vulcain, à la prière
de
Neptune, et sous sa caution, défait les merveilleux liens.
Les captifs, mis en
liberté, s'envolent aussitôt, l'un
dans la Thrace, son pays natal, l'autre à
Paphos, dans sa
retraite préférée.
Les poètes donnent à
Mars plusieurs
femmes et plusieurs
enfants. Il eut de
Vénus deux fils,
Deimos
et
Phobos (la Terreur et la Crainte), et une fille,
Hermione ou
Harmonie, qui épousa
Cadmus. Il eut de
Rhéa Romulus
et Rémus ; de Thébé, Evadné, femme de
Capanée, un des sept chefs thébains ; et de
Pirène,
Cycnus qui, monté sur le
cheval Arion, combattit contre
Hercule
et fut tué par ce héros. Les anciens habitants de
l'Italie donnaient à
Mars, pour
épouse, Néréine.
Ce
dieu a pour sur ou pour femme
Bellone.
C'est elle qui attelait et conduisait son char ; la Terreur (
Deimos)
et la Crainte (
Phobos) l'accompagnaient. Les poètes la dépeignent
au milieu des combats, courant ça et là, les
cheveux
épars, le
feu dans les yeux, et faisant retentir dans les
airs son fouet ensanglanté.
Comme
dieu de la guerre,
Mars est toujours
accompagné de la Victoire. Cependant, il n'était pas
toujours invincible.
Son culte paraît avoir été peu répandu chez les Grecs.
On ne parle d'aucun temple élevé en son honneur, et l'on ne cite
que deux ou trois de ses statues, en particulier celle de Sparte, qui était
liée et garrottée, afin que le
dieu n'abandonnât pas les armées durant la guerre.
Mais, à Rome,
Mars était
tout spécialement honoré. Dès le règne
de
Numa, il eut au service de son culte et de ses autels un
collège
de
prêtres, choisis parmi les patriciens. Ces
prêtres,
appelés
Saliens, étaient préposés à
la garde des douze
boucliers sacrés, ou anciles, dont l'un,
disait-on, était tombé du
ciel. Tous les ans, à
la fête du
dieu, les
Saliens, portant les
boucliers, et vêtus
d'une tunique de pourpre, parcouraient la ville en dansant et sautant.
Leur chef marchait à leur tête,
commençait la danse, et ils en imitaient les pas. Cette procession
très solennelle se terminait au temple du
dieu par un somptueux
et délicat festin. Parmi les temples nombreux que
Mars
avait à Rome, le plus célèbre fut celui qu'Auguste
lui dédia sous le nom de
Mars Vengeur.
On lui offrait comme victimes le taureau, le verrat, le
bélier,
et, plus rarement, le
cheval. Le
coq et le
vautour lui étaient consacrés.
Les
dames romaines lui sacrifiaient un
coq le premier
jour du mois qui porte son
nom, et c'est par ce mois que l'année romaine commença jusqu'au
temps de Jules César.
Les anciens
Sabins l'adoraient
sous l'effigie d'une lance ("
Quiris") : d'où le nom de
"
Quirinus" donné à son fils
Romulus, et celui de
"
Quirites" employé pour désigner les citoyens romains.
Il y avait à Rome une fontaine vénérée
et spécialement consacrée à
Mars. Néron
s'y baigna. Ce mépris des croyances populaires ne fit qu'augmenter
l'aversion qu'on éprouvait pour ce tyran. A dater de ce
jour,
sa santé étant devenue languissante, le peuple ne
douta point que, par son
sacrilège, il s'était attiré
la vengeance des
dieux.
Les anciens monuments représentent le
dieu Mars d'une manière assez uniforme, sous la figure
d'un homme armé d'un casque, d'une pique et d'un
bouclier
; tantôt nu, tantôt en costume de guerre, même
avec un manteau sur les épaules. Quelquefois il porte toute
sa barbe, mais le plus souvent il est imberbe, et parfois il tient
à la main le bâton de commandement. Sur sa poitrine,
on distingue l'
égide avec la tête de Méduse.
Il est tantôt monté sur son char traîné
par des
chevaux fougueux, tantôt à pied, toujours dans
une attitude guerrière.
Son surnom de "
Gravidus"
signifie : "
celui qui s'avance à grand pas".
Notre gravure
représente
Mars au repos : il a ses armes auprès de lui ; et l'
amour,
à ses pieds, semble le guetter en vain : il est encore soucieux et à
peine remis de ses combats.
Le mardi,
jour de la semaine, lui était consacré ("
Martii dies").
Vénus, en grec Aphrodite
Vénus ou Aphrodite est une des divinités
les plus célèbres de l'antiquité : c'est elle
qui présidait aux plaisirs de l'
amour. Sur son origine, comme
sur celle de beaucoup d'autres
dieux ou déesses, les poètes
ne sont pas d'accord. On a d'abord distingué deux
Vénus
: l'une s'est formée de l'écume de la mer échauffée
par le sang de Cælus ou Uranus, qui s'y mêla, quand
Saturne porta une main
sacrilège sur son père. On
ajoute que de ce mélange, la déesse naquit près
de l'île de Chypre, dans une nacre de perle.
Homère
dit qu'elle fut portée dans cette île par
Zéphyre,
et qu'il la remit entre les mains des
Heures, qui se chargèrent
de l'élever. Cette déesse ainsi conçue serait
la véritable Aphrodite, c'est-à-dire née de
l'écume, en grec "
Aphros".
On a donné quelquefois à cette
divinité une origine moins bizarre, en disant qu'elle était
issue de Jupiter et de
Dioné, fille de
Neptune, et par conséquent
sa cousine germaine.
Quelque origine que les différents poètes
aient donnée à
Vénus, et quoique souvent le
même poète en ait parlé différemment,
ils ont toujours eu en
vue la même
Vénus, à
la fois céleste et marine, déesse de la beauté
et des plaisirs, mère des
Amours, des
Grâces, des
Jeux
et des
Ris : c'est à la même qu'ils ont attribué
toutes les
fables qu'ils ont créées sur cette divinité.
Elle fut donnée par Jupiter comme
épouse à
Vulcain ; ses galanteries éclatantes avec
Mars firent la
risée des
dieux. Elle aima passionnément
Adonis, fut
la mère d'
Eros ou
Cupidon ou encore l'
Amour, celle du pieux
Enée, celle d'un grand nombre de mortels, car ses liaisons
avec les habitants du
ciel, de la terre et de la mer furent incalculables,
infinies.
On lui éleva des temples dans l'île
de Chypre, à
Paphos, à Amathonte ; dans l'île de
Cythère, etc. De là ses noms de
Cypris,
Paphia,
Cythérée. On l'appelait aussi
Dioné,
comme sa mère ;
Anadyomène, c'est-à-dire
"
sortant des eaux", etc.
Elle avait une ceinture où étaient
renfermées les grâces, les attraits, le sourire engageant,
le doux parler, le soupir plus persuasif, le silence expressif et
l'éloquence des yeux. On raconte que
Junon l'emprunta de
Vénus, pour ranimer les
feux de Jupiter
et pour le gagner à la cause des Grecs contre les Troyens.
Après son aventure avec
Mars, elle se retira
d'abord à
Paphos, puis alla se cacher dans les
bois du
Caucase.
Tous les
dieux la cherchèrent longtemps en vain ; mais une vieille
leur apprit le lieu de sa retraite : la déesse la punit en la
métamorphosant en rocher.
Rien n'est plus célèbre que la
victoire remportée par
Vénus, au
jugement de
Pâris,
sur
Junon et
Pallas, bien que ses deux rivales eussent exigé
d'elle que, avant de comparaître, elle déposât
sa redoutable ceinture. Elle témoigna perpétuellement
sa reconnaissance à
Pâris, qu'elle rendit possesseur
de la belle
Hélène, et aux Troyens, qu'elle ne cessa
de protéger contre les Grecs et
Junon même.
L'
amour le plus constant de
Vénus fut
celui qu'elle éprouva pour le charmant et jeune
Adonis, fils
de
Myrrha et de Cynire.
Myrrha, sa mère, fuyant le courroux
paternel, s'était retirée en Arabie, où les
dieux la changèrent en l'
arbre qui porte la
myrrhe. Le terme
de la naissance étant arrivé, l'
arbre s'ouvrit pour
faire
jour à l'
enfant.
Adonis fut reçu par les Nymphes,
qui le nourrirent dans les grottes du voisinage. Devenu adolescent,
il passa en
Phénicie.
Vénus le vit, l'aima, et, pour
le suivre à la chasse dans les
forêts du mont Liban,
elle abandonna le séjour de Cythère, d'Amathonte et
de
Paphos, et dédaigna l'
amour des
dieux.
Mars, jaloux et
indigné de cette préférence donnée à
un simple mortel, se changea en sanglier furieux, s'élança
sur
Adonis, et lui fit à la cuisse une blessure qui causa
sa mort.
Vénus était accourue, mais trop tard, au
secours de l'infortuné jeune homme. Accablée de douleur,
elle prit dans ses bras le
corps d'
Adonis, et, après l'avoir
longtemps pleuré, le changea en anémone,
fleur éphémère
du printemps.
D'autres racontent qu'
Adonis fut tué
par un sanglier que
Diane lança contre lui, pour se venger
de
Vénus qui avait causé la mort d'Hippolyte.
Adonis, descendu aux Enfers, fut aimé
encore de
Proserpine.
Vénus s'en plaignit à Jupiter.
Le maître des
dieux termina le débat en ordonnant qu'
Adonis
serait libre quatre mois de l'année, qu'il en passerait quatre
avec
Vénus, et le reste avec
Proserpine.
Sous le voile de cette
fable, on peut reconnaître
dans
Adonis la Nature en ses diverses phases et sous ses différents
aspects. Au printemps, elle se montre belle et féconde ; l'
hiver,
elle semble morte, mais bientôt elle reparaît avec la même
splendeur et la même fécondité.
Vénus n'est pas toujours, il s'en faut,
la déesse aimable des
Ris et des
Grâces. Elle était
fort vindicative, et impitoyable dans ses vengeances. Pour punir
le
Soleil (
Phébus) de l'indiscrétion qu'il avait eue
d'avertir
Vulcain de ses
amours avec
Mars, elle le rendit malheureux
dans la plupart de ses
amours. Elle le poursuivit même par
les armes, jusque dans ses descendants. Elle se vengea de la blessure
qu'elle avait reçue de
Diomède devant
Troie, en inspirant
à
Egialée, sa femme, une passion pour d'autres hommes.
Elle punit de même la muse
Clio qui avait blâmé
son
amour pour
Adonis, Hippolyte qui avait dédaigné
ses attraits. Enfin, Tyndare lui ayant fait une statue avec des
chaînes aux pieds, elle le punit par l'impudicité de
ses filles,
Hélène et
Clytemnestre.
Son fils
Cupidon est aussi aimable et aussi cruel
que sa mère.
Dans le culte de
Vénus, si répandu
en Grèce et dans le monde ancien, se mêlent toutes
les pratiques superstitieuses, les plus innocentes et les plus criminelles,
les moins impures comme les plus déréglées.
Les
hommages qui lui sont rendus se rattachent à la diversité
de ses origines et à l'opinion qu'en avaient eue différents
peuples, à des époques diverses. Ce culte rappelait
à la fois celui des divinités assyriennes et chaldéennes,
de l'Isis égyptienne et de l'Astarté des
Phéniciens.
Vénus présidait aux
mariages,
même aux naissances, mais particulièrement à
la galanterie. On lui consacra, parmi les
fleurs, la
rose ; parmi
les
fruits, la pomme et la
grenade ; parmi les
arbres, le
myrte
; parmi les
oiseaux, le
cygne, le moineau et surtout la
colombe.
On lui sacrifiait le
bouc, le verrat, le lièvre, et rarement
de grandes victimes.
On la représentait entièrement ou
à demi nue, jeune, belle, habituellement riante, tantôt
émergeant du sein des flots, debout, le pied sur une tortue,
sur une conque marine, ou montée sur un
hippocampe, avec un cortège
de
Tritons et de Néréides, tantôt traînée
sur un char attelé de deux
colombes ou deux
cygnes. Les Spartiates
la représentèrent tout armée, en souvenir de leurs
femmes qui avaient pris les armes pour défendre leur ville.
Le peintre Apelle avait représenté
dans un admirable tableau la naissance de
Vénus surnommée
"
Anadyomène", c'est-à-dire "
qui
sort de la mer". Ce tableau fut consacré à
la déesse même par l'empereur Auguste, et il existait
encore à l'époque du poète latin Ausone qui
en fait une courte, mais vive description. «
Voyez, dit-il,
comme cet excellent maître a bien exprimé cette eau
pleine d'écume qui coule à travers les mains et les
cheveux de la déesse, sans rien cacher de leurs grâces
» ; aussi, dès que
Pallas l'eut aperçue, elle
adressa ces paroles à
Junon : «
Cédons, cédons,
ô Junon, à cette déesse naissante tout le prix
de la beauté. »
Il existe de
Vénus un grand nombre de
statues : les plus belles et les plus célèbres sont
la "
Vénus de Médicis"que l'on croit
être une copie de la "
Vénus de Cnide",
exécutée par Praxitèle, la "
Vénus
d'Arles", la "
Vénus de Milo", découverte
à Milo par le comte de
Marcellus, en 1820.
Sur une médaille de l'
impératrice
Faustine, on voit l'image de "
Vénus mère"
: elle tient une pomme de la main droite, et de la gauche un petit
enfant
enveloppé de langes. Sur une autre médaille de la même
impératrice, on a représenté "
Vénus
victorieuse". Elle s'efforce, par ses caresses, de retenir
le
dieu Mars qui part pour la guerre.
Une des plus curieuses statues de cette déesse
variété de la
Vénus hermaphrodite, c'était
la "
Vénus barbata". Elle se trouvait à
Rome, et représentait dans sa partie supérieure un
homme portant une chevelure et une barbe abondantes, tandis que
dans sa partie inférieure, elle figurait une femme. Cette
singulière statue fut consacrée à la déesse
à l'occasion d'une maladie épidémique, à
la suite de laquelle les
dames romaines perdaient leurs
cheveux.
C'est à
Vénus qu'on en attribua la guérison.
Dans plusieurs tableaux modernes, cette divinité
est représentée sur son char, traîné par deux
cygnes
: elle porte une
couronne de
roses et une chevelure blonde : la joie
rayonne dans ses yeux, le sourire est sur ses lèvres : autour
d'elle se jouent deux
colombes et mille petits
amours.
Le
vendredi,
jour de la semaine, lui était
consacré ("
Veneris dies").
Bacchus, en grec Dionysos
Bacchus ou
Dionysos était fils de Jupiter et de
Sémélé, princesse thébaine, fille de
Cadmus.
Junon, toujours jalouse, et voulant faire périr à la fois la mère et l'
enfant qui allait naître, vint trouver la princesse, sous les traits de Béroé, sa nourrice, et lui conseilla d'exiger de Jupiter qu'il se présentât devant elle dans tout l'appareil de sa gloire.
Sémélé suivit ce perfide conseil. Jupiter, après bien des résistances, céda enfin aux sollicitations de celle qu'il aimait, et lui apparut bientôt au milieu des foudres et des éclairs. Le palais s'embrasa, et
Sémélé périt
au milieu des
flammes. Cependant
Junon fut trompée dans son attente. Jupiter fit retirer
Bacchus du brasier par
Vulcain.
Macris, fille d'Aristée, reçut l'
enfant dans ses bras, et le donna à Jupiter, qui le mit dans sa cuisse où il le garda le temps nécessaire pour qu'il vit le
jour.
D'autres racontent que les Nymphes le retirèrent du milieu des cendres maternelles, et se chargèrent de l'élever. Quoi qu'il en soit,
Bacchus passa toute son enfance loin de l'
Olympe et des regards malveillants de
Junon, dans les campagnes de
Nysa,
ville
fabuleuse de l'Arabie Heureuse ou peut-être des Indes.
Là, sa tante
Ino, par ordre de Jupiter, veilla à sa
première éducation avec le secours des
Hyades, des
Heures et des Nymphes, jusqu'à ce qu'il fût en âge
d'être instruit par les Muses et Silène.
Devenu grand, il fit la conquête des Indes
avec une troupe d'hommes et de femmes portant, au lieu d'armes, des
thyrses et des tambours.
Son retour fut une marche triomphale de
jour
et de nuit. Ensuite, il passa en Egypte, où il enseigna l'agriculture
et l'art d'extraire le miel ; il planta la vigne, et fut adoré
comme le
dieu du vin.
Il punit sévèrement tous ceux
qui voulurent s'opposer à l'établissement de son culte.
A Thèbes,
Penthée, successeur de
Cadmus, fut mis en
pièces par les
Bacchantes ; les Ménéides ou
filles de
Minyas furent changées en chauves-souris. Elles
étaient trois,
Iris, Clymène, Alcithoé. Soutenant
que
Bacchus n'était pas fils de Jupiter, elles continuèrent
à travailler pendant ses fêtes, et refusèrent
d'assister à la célébration des
Orgies.
Bacchus triompha de tous ses
ennemis et de tous les dangers auxquels les persécutions
incessantes de
Junon l'exposaient. Un
jour, fuyant devant l'implacable
déesse, il tomba de fatigue et s'endormit. Un
serpent à
deux têtes l'attaqua, et le
dieu, à son réveil,
le tua d'un coup de sarment.
Junon finit par le
frapper de folie,
et le fit errer dans une grande partie du monde. Il fut d'abord
accueilli avec bienveillance par
Protée, roi d'Egypte, puis
il passa en
Phrygie, où, ayant été admis aux
expiations,
il fut
initié aux mystères de
Cybèle. Dans la guerre des
géants, il se transforma en
lion, et combattit avec rage. Pour l'
animer, Jupiter lui criait sans cesse : «
Evohé, courage, mon fils. »
Venu dans l'île de Naxos, il consola et épousa
Ariane abandonnée par
Thésée, et lui donna la fameuse
couronne d'or, chef-d'uvre de
Vulcain. C'est
Bacchus, dit-on, qui le premier établit une école de musique ; c'est en son honneur que furent données les premières représentations théâtrales.
Silène, son père nourricier et en
même temps son précepteur, était fils de
Mercure
ou de
Pan et d'une nymphe. On le représente d'ordinaire avec
une tête chauve, des cornes, un gros nez retroussé, une
petite taille et une corpulence charnue, le plus souvent monté
sur un âne, et, comme il est en état d'ivresse, il a peine
à se tenir sur sa monture. S'il est à pied, il marche
d'un pas chancelant, appuyé sur un bâton ou sur un thyrse,
sorte de long javelot. On le reconnaît aisément à
sa
couronne de lierre, à la tasse qu'il tient, à son
air
jovial et même un peu goguenard.
Malgré son portrait si peu flatteur, Silène,
quand il n'était pas ivre, était un grand sage, capable
de donner à son divin élève des leçons de
philosophie.
Dans une églogue de Virgile, les vapeurs
du vin n'empêchent pas cet étrange vieillard d'exposer
sa doctrine sur la formation du monde.
Le cortège de
Bacchus était fort
nombreux. Sans compter Silène et les
Bacchantes, on y remarquait
des nymphes, des satyres, des bergers, des bergères, et même
le
dieu Pan. Tous portaient le thyrse enlacé de feuillage,
des ceps de vigne, des
couronnes de lierre, des coupes et des grappes
de raisin.
Bacchus ouvre la marche, et tout le cortège le
suit, en poussant des cris et faisant retentir de bruyants instruments
de musique.
Les
Bacchantes ou Ménades étaient
primitivement les nymphes ou les femmes que
Bacchus avait emmenées
avec lui à la conquête des Indes. Plus tard, on désigna
de ce nom des jeunes filles qui, simulant un transport bachique,
célébraient les
Orgies ou fêtes de
Bacchus
par une attitude, des cris et des bonds désordonnés.
Elles avaient les yeux hagards, la voix menaçante : leur
chevelure flottait éparse sur leurs épaules nues.
Bacchus est représenté ordinairement
avec des cornes,
symboles de la
force et de la puissance, couronné
de pampre, de lierre ou de figuier, sous les traits d'un jeune homme
riant et enjoué. D'une main, il tient une grappe de raisin
ou une corne en forme de coupe ; de l'autre, un thyrse entouré
de feuillage et de bandelettes. Il a les yeux noirs, et, sur ses
épaules descend en tresses ondoyantes sa longue chevelure
blonde aux reflets d'or. Il est le plus souvent imberbe, sa
jeunesse
étant éternelle comme celle d'
Apollon. Il est vêtu
d'un manteau de pourpre.
Il est tantôt assis sur un tonneau, tantôt
monté sur un char traîné par des tigres ou des
panthères, quelquefois par des centaures dont les uns jouent
de la lyre, les autres de la double flûte. Sur les monuments
les plus anciens, il est représenté avec une tête
de taureau ; sur quelques médailles, on le représente
debout, barbu, avec une robe triomphale qui tombe jusque sur ses
pieds. Le musée du Louvre possède plusieurs statues
de
Bacchus, entre autres celle de
Bacchus au repos.
On lui
immolait la pie, parce que le vin délie
les langues, et rend les buveurs indiscrets ; le
bouc et le lièvre,
parce qu'ils mangent les bourgeons de la vigne. Parmi les
oiseaux fabuleux,
le
phénix lui était consacré ; parmi les quadrupèdes,
la panthère ; et parmi les
arbres, la vigne, le lierre, le chêne
et le sapin.
Ce
dieu avait, en
Arcadie, un temple où
l'on flagellait cruellement les jeunes filles devant ses autels.
Il est parfois nommé
Liber (Libre), parce
que le
dieu du vin délivre l'
esprit de tout souci ;
Evan,
parce que ses
prêtresses, dans leurs
orgies, couraient de tous
côtés en criant :
Evohé ;
Bacchus,
dérivé d'un mot grec qui signifie "
crier",
allusion aux cris des
bacchantes ou des grands buveurs. Il porte encore
d'autres surnoms empruntés à son pays d'origine ou aux
effets de l'ivresse :
Nysaeus, de
Nysa,
Lyaeus, qui chasse
le chagrin,
Bromius, bruyant, etc.
Les
orgies ou bacchanales étaient célébrées
primitivement par des femmes, dans les
bois, les
montagnes, au milieu
des rochers. Elles affectaient un caractère mystérieux. Plus
tard, elles admirent des personnes des deux sexes à leur célébration.
Il en résulta souvent d'
infâmes désordres.
A Athènes, les fêtes de
Bacchus,
les
Dionysiaques, se célébraient officiellement avec
plus de pompe que dans tout le reste de la Grèce. C'était
le premier archonte qui y présidait. Les principales cérémonies
consistaient en processions où l'on portait des thyrses,
des vases remplis de vin, des
couronnes de pampre, et les principaux
attributs de
Bacchus. Des jeunes filles, appelées "
canéphores",
portaient sur leurs têtes des corbeilles dorées, pleines
de
fruits d'où s'échappaient des
serpents apprivoisés
qui terrifiaient les spectateurs. Dans le cortège figuraient
aussi des hommes travestis en Silènes, Pans et Satyres qui
faisaient mille gestes bizarres, mille gambades, simulant ainsi
les folies de l'ivresse. On distinguait les grandes et les petites
dionysiaques : celles-là se célébraient vers
le mois de
février, celles-ci en
automne. A l'occasion des
dionysiaques, on instituait non seulement des courses, des luttes,
des
jeux, mais encore des concours de
poésie et de représentations dramatiques.
A Rome, on célébrait, en l'honneur
de
Bacchus ou Liber, des fêtes dites Libérales. Dans
ces fêtes très licencieuses, les
dames romaines ne
rougissaient pas de tenir des propos indécents, et de couronner
les moins honnêtes représentations du
dieu. L'an 558
de la fondation de la ville, le sénat rendit un décret
pour remédier à cette licence, remède inefficace,
les coutumes ou les murs étant plus fortes que les
lois.
Chose remarquable, on lui faisait, ainsi qu'à
Mercure, des
libations avec du vin coupé d'
eau, tandis que les
libations se faisaient aux autres
dieux avec du vin pur.
Le culte de
Bacchus ou
Dionysos fut introduit
assez tard dans la
religion grecque ; il est du moins bien postérieur
à celui des grands
dieux proprement dits ; il semble avoir
été importé en Grèce de la Haute Asie
ou peut-être de l'Egypte. En tout cas, si
Bacchus apparut
tardivement, il n'en eut pas moins d'adorateurs.
Il eut d'
Ariane plusieurs
enfants : Céranus,
Thoas, Enopion, Tauropolis, etc., qui ne sont guère connus
que de nom.
Thémis
Thémis, fille du
Ciel et de la
Terre ou d'Uranus et de
Titée, était sur aînée de
Saturne et tante de Jupiter. La
fable dit qu'elle voulait garder sa virginité, mais que Jupiter la força de l'
épouser, et qu'il la rendit mère de trois filles, l'Equité, la Loi et la Paix.
On fait encore de
Thémis la mère des
Heures et des
Parques. Dans l'
Olympe, cette déesse est assise auprès du trône de Jupiter ; elle aide le
dieu de ses conseils qui sont tous inspirés par la prudence
et l'
amour de la justice. Elle préside ou assiste aux délibérations des
dieux. C'est elle que Jupiter charge des missions les plus difficiles et les plus importantes. On la regardait comme la déesse de la Justice dont on lui fit porter le nom.
Dès l'origine, elle eut des temples où se rendaient des oracles. Sur le mont Parnasse, elle avait même un oracle de moitié avec
Tellus (la
Terre) ; elle le céda plus tard à
Apollon de
Delphes. Elle prédisait l'avenir non seulement aux hommes, mais encore aux
dieux. C'est elle qui révéla ce que les
Parques avaient ordonné du fils qui devait naître de Thétis. Elle empêcha Jupiter,
Neptune et
Apollon d'
épouser cette Néréide dont ils étaient amoureux, parce qu'elle devait être mère d'un fils plus grand que son père.
Ses attributs ordinaires sont ceux de la Justice : la balance et l'
épée, ou un faisceau de
haches entouré de verges,
symbole de l'autorité chez les Romains. Une main au bout d'un sceptre est encore un de ses attributs. Quelquefois on la représente avec un bandeau sur les yeux, pour désigner l'impartialité qui convient au caractère du
juge.
Cupidon, ou l'Amour
Nous avons cru devoir expliquer ci-dessus ce que, dans un sens
très général, les Grecs entendaient
par les mots Éros,
Antéros. Ces deux expressions
prirent avec le temps une signification beaucoup plus restreinte dans
la langue commune aussi bien que dans la langue poétique.
Éros finit donc par désigner
“l'amour”, avec l'acception du terme latin
équivalent, amor.
Son composé Antéros
eut dès lors non plus seulement le sens de
contre-amour, mais encore et plus souvent celui d'
amour pour
amour.
Vénus, disent les poètes, se plaignant
à
Thémis de ce qu'Éros, son fils,
restait toujours
enfant, la déesse consultée
répondit qu'il ne grandirait point tant qu'elle n'en aurait
pas d'autre. Alors sa mère lui donna pour
frère
Antéros avec lequel il commença à
grandir. Par cette jolie fiction, les poètes ont voulu faire
entendre que l'
amour, pour croître, a besoin de retour. On
représentait
Antéros, comme son
frère,
sous la figure d'un petit
enfant, avec des ailes, un carquois, des
flèches et un
baudrier.
Le nom de
Cupidon, en latin, implique l'idée d'
amour
violent, de désir amoureux, en grec Iméros. Mais,
dans la mythologie latine, on prête à ce
dieu
à peu près la même origine, la
même
histoire qu'au
dieu grec Éros,
amour.
Cupidon, d'après le plus grand nombre des poètes,
naquit de
Mars et de
Vénus. Dès qu'il eut vu le
jour, Jupiter, qui connut à sa physionomie tous les troubles
qu'il causerait, voulut obliger
Vénus à s'en
défaire. Pour le dérober à la
colère de Jupiter, elle le cacha dans les
bois,
où il suça le lait des bêtes
féroces. Aussitôt qu'il put manier l'arc, il s'en
fit un de frêne, employa le cyprès à
faire des
flèches, et essaya sur les
animaux les coups qu'il
destinait aux hommes. Depuis il échangea son arc et son
carquois contre d'autres en or.
Il est ordinairement représenté sous la figure
d'un
enfant de sept à huit ans, l'
air
désœuvré, mais malin: armé
d’un arc et d'un carquois rempli de
flèches ardentes,
quelquefois d'une torche allumée ou d'un casque et d'une
lance; couronné. de
roses,
emblème des
plaisirs. Tantôt, il est aveugle, car l'
Amour
n'aperçoit pas de défauts dans l'objet
aimé; tantôt il tient une
rose d'une
main et un
dauphin de l'autre. Quelquefois on le voit entre
Hercule et
Mercure,
symbole de ce que peuvent en
amour la valeur et
l'éloquence. Parfois il est placé près
de la Fortune ayant comme lui un bandeau sur les yeux. Il est toujours
peint avec des ailes, et ces ailes sont de
couleur d'azur, de pourpre
et d'or. Il se montre dans l'
air, le
feu, sur la terre et la mer. Il conduit des chars, touche la lyre, ou monte des
lions, des panthères et quelquefois un
dauphin, pour indiquer qu'il n'y a point de créature qui échappe au pouvoir de l'
Amour.
Il n'est pas rare de le voir représenté auprès de sa mère qui joue avec lui, le taquine ou le pressa tendrement contre son cur.
Parmi les
oiseaux, il aime le
coq et le
cygne,
oiseau favori de
Vénus; lui-même prend parfois des ailes de
vautour,
symbole de la cruauté. Il se plaît à monter sur le
cygne dont il embrasse le cou; et, quand il se tient sur le dos du
bélier, on voit paraître sur son visage autant d'allégresse et de fierté que lorsqu'il est assis sur un
lion, sur un centaure ou sur les épaules d'
Hercule.
S'il porte le casque, la pique et le
bouclier, il affecte de prendre
une attitude, une démarche guerrières, montrant ainsi qu'il est partout victorieux, et que
Mars lui-même se laisse désarmer par l'
Amour.
Cupidon s'éprit d'une violente passion pour une simple
mortelle, Psyché, princesse d'une beauté ravissante; et il voulut devenir son
époux. Longtemps
Vénus fit opposition à ce
mariage, et soumit Psyché à de difficiles et presque insurmontables épreuves. Enfin
Cupidon alla se plaindre à Jupiter qui se déclara pour lui.
Mercure reçut l'ordre d'enlever au
ciel Psyché qui, étant admise en la compagnie des
dieux, but le nectar, l'
ambroisie, et devint immortelle. On prépara le festin des noces. Chaque
dieu y joua son personnage;
Vénus même y dansa. Plus tard Psyché mit au monde une fille qu'on appela Volupté. La
fable de Psyché (mot grec qui signifie
âme) a inspiré Apulée, La
Fontaine, le poète V. de
Laprade, le grand peintre
baron Gérard, etc.
Les invocations à
Cupidon ou à l'
Amour sont
nombreuses dans les poètes.
Son culte était le plus souvent associé à celui de sa mère,
Vénus ou Aphrodite.
Iris
Iris, fille de Thaumas et d'Electra, était
la messagère des
dieux, et principalement de
Junon, comme
Mercure était le messager de Jupiter. Thaumas étant
fils de la
Terre,
Iris, à cause de son origine, doit être
considérée comme aussi antique que les plus anciens
dieux. Toujours assise auprès du Trône de
Junon, elle
est prête à exécuter ses ordres.
Son emploi
le plus important était de
couper le
cheveu fatal des femmes
qui allaient mourir, de même que
Mercure était chargé
de faire sortir des
corps les
âmes des hommes qui allaient
terminer leurs
jours. C'est elle qui avait soin de l'appartement
ainsi que du
lit de sa maîtresse, et qui l'aidait à
sa toilette. Lorsque cette déesse revenait des Enfers dans
l'
Olympe, c'est
Iris qui la purifiait avec des parfums.
Junon avait
pour elle une affection sans bornes, parce qu'elle ne lui apportait
jamais que de bonnes nouvelles.
On la représente sous la figure d'une grâcieuse jeune fille, avec des ailes brillantes de toutes les
couleurs réunies. Les poètes prétendaient que l'arc-en-ciel était la trace du pied d'
Iris descendant rapidement de l'
Olympe vers la terre pour porter un message ; c'est pourquoi on la représente le plus souvent avec l'arc-en-ciel au-dessous ou au-dessous d'elle.
Ce phénomène céleste se désigne aussi poétiquement par le nom d'écharpe d'
Iris.
Hébé et Ganymède
Hébé était fille de Jupiter et de
Junon. Selon quelques poètes,
Junon seule était sa mère : elle l'avait spontanément conçue en mangeant
force laitues sauvages à un festin offert par
Apollon. Jupiter, charmé de la beauté de sa fille, la nomma déesse de la
jeunesse, et lui confia l'honorable fonction de servir à
boire à la table des
dieux. Mais un
jour qu'elle s'était laissée tomber d'une manière peu décente, .Jupiter lui ôta son emploi pour le
donner à
Ganymède. Cependant
Junon, sa mère, la retint à son service, et lui confia le soin d'atteler son char. Plus tard,
Hercule, devenu immortel et ayant pris place parmi les
dieux, épousa
Hébé dans le
ciel, et eut de cette déesse une fille,
Alexiare, et un fils, Anicetus. A la prière d'
Hercule, elle rajeunit Iotas, neveu et
compagnon de ce héros.
Elle avait en Grèce plusieurs temples, dont quelques-uns
jouissaient du droit d'asile. On la représente couronnée de
fleurs, avec une coupe d'or à la main.
Ganymède, qui remplaça
Hébé dans ses fonctions, était fils de Tros, roi de
Dardanie, qui, à partir de son règne, prit le nom de
Troie. Ce jeune prince était d'une si éclatante beauté, que Jupiter voulut en faire son échanson. Un
jour que
Ganymède chassait sur le mont
Ida en
Phrygie, le
dieu se métamorphosa en
aigle et l'enleva dans l'
Olympe.
Cette
fable est, dit-on, fondée sur un fait historique. Tros
ayant envoyé en Lydie son fils
Ganymède offrir un sacrifice à Jupiter, fut enlevé et retenu par Tantale, roi de ce pays. Cet enlèvement fit éclater entre les deux princes une longue guerre qui ne se termina que par une première ruine de
Troie.
Quoi qu'il en soit, la
fable a persisté. Dans un ancien
monument, on voit un
aigle, avec les ailes déployées, enlevant
Ganymède qui tient de la main droite une pique, et de la gauche un vase,
symbole de
l'emploi qu'il va occuper.
Les Grâces ou Charites
Les
Grâces ou Charites étaient filles de Jupiter et d'
Eurynome ou Eunomie ; selon d'autres, du
Soleil et d'
Eglé, ou de Jupiter et de
Junon ; ou, selon l'opinion la plus commune, de
Bacchus et de
Vénus : la plupart des poètes en comptent trois et les nomment Aglaé (brillante),
Thalie (verdoyante), Euphrosyne (joie de l'
âme). Compagnes de
Vénus, la déesse de la beauté leur devait le charme et l'attrait qui assurent son triomphe. Leur pouvoir s'étendait à tous les agréments de la vie. Elles dispensaient aux hommes non seulement la bonne grâce, la gaieté, l'égalité d'humeur, la facilité des manières, mais encore la libéralité, l'éloquence, la sagesse. Leur plus belle prérogative était de présider aux bienfaits et à la reconnaissance.
On les représentait jeunes et vierges, et d'une taille
élancée. Elles se tenaient par la main, et dans une attitude dansante. Le plus souvent elles étaient nues ou à peine vêtues de légères étoffes, sans agrafes ni ceintures, avec un voile flottant.
Dans un groupe de leurs statue, à Élis, l'une tenait à la main une
rose, l'autre un dé à jouer, et la troisième une branche de
myrte.
Ces divinités aimables ne manquaient ni de temples ni d'autels. Elles en avaient particulièrement à Elis, à
Delphes, à Périnthe, à Byzance, etc. Elles partageaient aussi les honneurs rendus, dans des temples communs, à l'
Amour, à
Vénus, à
Mercure et, aux Muses.
Les Muses
Les Muses étaient filles de Jupiter et de
Mnémosyne ou Mémoire. Au même titre que
les
Grâces, elles ont leur place dans l'
Olympe, dans les
réunions, les festins, les concerts, les réjouissances des
dieux. Toutes sont jeunes, également belles, quoique différentes dans leur genre de beauté. Selon Hésiode elles sont au nombre de neuf, et, sur la
Terre, comme dans l'
Olympe, chacune a ses attributions,
sinon distinctes, du moins déterminées :
CLIO, nom formé d'un mot grec qui signifie
gloire,
renommée, était la muse de l'
Histoire. On la représente sous la figure d'une jeune fille couronnée de lauriers, tenant en sa main droite une
trompette, et de sa main gauche un livre qui a pour titre
Thucydide. A ces attributs on joint parfois le globe terrestre sur lequel elle pose, et le Temps qui se voit près d'elle, afin de montrer que l'
Histoire embrasse tous les lieux et tous les temps. Ses statues tiennent quelquefois une guitare d'une main, et un plectre de l'autre, parce que
Clio était aussi considérée comme l'inventrice de la guitare.
EUTERPE (en grec,
qui sait plaire) avait inventé la flûte ou suggéré son invention ; elle présidait à la Musique. C'est une jeune fille couronnée de
fleurs et jouant de la flûte. Des papiers de musique, des hautbois et autres instruments sont auprès d'elle. Par ces attributs, les anciens ont voulu exprimer combien les lettres ont de charme pour ceux qui les cultivent.
THALIE (ainsi nommée du mot grec qui signifie
fleurir)
présidait à la Comédie. C'est une
jeune fille à l'
air enjoué ; elle est
couronnée de lierre, chaussée de
brodequins, et tient un masque à la main. Plusieurs
de ses statues ont un clairon ou porte-voix, instrument dont on se
servait pour soutenir la voix des acteurs dans la comédie
antique.
MELPOMÈNE (d'un mot grec signifiant
chanter)
était la muse de la Tragédie.
Son maintien est grave et sérieux : elle est richement vêtue, et chaussée d'un cothurne ; elle tient d'une main un sceptre et des
couronnes, de l'autre un poignard ensanglanté. Parfois on lui donne pour suivantes la Terreur et la Pitié.
TERPSICHORE (en grec,
qui aime la danse) était la muse de la Danse. C'est une jeune fille, vive, enjouée, couronnée de guirlandes, et tenant une harpe au son de laquelle elle dirige en cadence tous ses pas. Des auteurs la font mère des Sirènes.
RATO (d'
Eros,
amour) présidait à la
poésie lyrique et
anacréontique. C'est une jeune nymphe vive et folâtre, couronnée de
myrte et de
roses. De la main gauche elle tient une lyre, et de la droite un archet ;
près d'elle est un petit
amour, et parfois des tourterelles se becquètent à ses pieds.
POLYMNIE (ou POLYHYMNIE, nom
composé de deux mots grecs qui
signifient
beaucoup et
hymne ou
chanson) était la muse de la
Rhétorique. Elle est couronnée de
fleurs, quelquefois de perles et de pierreries, avec des guirlandes autour d'elle, et habillée de blanc. Sa main droite est en action comme pour haranguer, et elle tient de la main gauche tantôt
un sceptre, tantôt un rouleau sur lequel est écrit le mot latin
suadere "persuader".
URANIE (du grec
Ouranos "ciel") présidait à l'Astronomie. On la représente vécue d'une robe de
couleur d'azur, couronnée d'étoile, et soutenant des deux mains un globe qu'elle semble mesurer, ou bien ayant près d'elle un globe posé sur un trépied, et plusieurs instruments de mathématiques. Selon Catulle,
Bacchus la rendit mère de l'
Hyménée.
CALLIOPE (nom
composé grec qui signifie
un beau
visage) était la muse de la
poésie héroïque et de la grande éloquence. Elle est représentée sous les traits d'une jeune fille
à l'
air majestueux, le front ceint d'une
couronne d'or,
emblème qui, selon Hésiode, indique sa suprématie parmi les autres muses. Elle est ornée de guirlandes, tient d'une main une trompette, et de l'autre un poème épique. Les poètes la disent mère d'Orphée.
Non seulement les Muses furent considérées comme des déesses, mais on leur prodigua tous les honneurs de la divinité. On leur offrait des sacrifices en plusieurs villes de la Grèce et de la Macédoine. Elles avaient à Athènes un magnifique
autel ; à Rome elles avaient plusieurs temples. Ordinairement le temple des Muses était aussi celui des
Grâces, les deux cultes étaient communs ou rarement séparés.
On ne faisait guère de festins sans les invoquer et sans les
saluer la coupe en main. Mais personne ne les a tant honorées que les poètes qui ne manquent jamais de leur adresser une invocation au commencement de leurs poèmes.
Le Parnasse, l'
Hélicon, le Pinde, le
Piérus étaient leur demeure ordinaire. Le
cheval ailé, Pégase, qui ne prête son clos et ses ailes qu'aux poètes, venait paître habituellement sur ces
montagnes et aux environs. Parmi les fontaines et les
fleuves, l'
Hippocrène, Castalie et le Permesse leur étaient consacrés, ainsi que, parmi les
arbres, le palmier et le laurier. Quand elles se promenaient en chur,
Apollon, couronné de laurier, et la lyre en main, ouvrait la marche et conduisait le cortège.
On les surnommait, à Rome, Camènes, expression
qui signifie “agréables chanteuses”. Leur surnom de Piérides vient de ce qu'elles fréquentaient le mont
Piérus en Macédoine. Mais certains poètes donnent à ce mot une autre explication.
Piérus, roi de Macédoine, disent-ils, avaient
neuf filles. Toutes excellaient dans la
poésie et la musique. Fières de leur talent, elles osèrent aller défier les Muses jusque sur le Parnasse. Le combat fut accepté, et les nymphes de la contrée, désignées pour arbitres, se prononcèrent pour les Muses. Indignées de ce
jugement, les Piérides s'emportèrent en invectives et voulurent même
frapper leurs rivales. Mais
Apollon intervint, et les métamorphosa en pies. A cause de leur victoire dans ce concours, les Muses auraient pris le nom de Piérides.
Le surnom de
Libéthrides, donné aussi aux Muses,
leur vient soit de la fontaine
Libéthra, en Magnésie, soit du mont Libéthrius, lesquels leur étaient consacrés.
Les Heures
Par le mot "
Heures",
les Grecs, primitivement, désignèrent, non pas les
divisions
du
jour, mais celles de l'année. Les
Heures étaient filles
de Jupiter et de
Thémis. Hésiode en compte trois : Eunomie,
Dicé et Irène, c'est-à-dire le Bon Ordre, la Justice
et la Paix.
Homère les nomme les "
portières du
ciel", et leur confie le soin d'ouvrir et de
fermer les portes
éternelles de l'
Olympe. La
mythologie grecque ne reconnut donc
d'abord que trois
Heures ou trois Saisons : le Printemps, l'Eté
et l'
Hiver. Ensuite, quand on y ajouta l'
Automne et le
solstice d'
hiver,
c'est-à-dire sa partie la plus froide, la mythologie créa
deux nouvelles
Heures, Carpo et Thalatte, qu'elle établit pour
veiller aux
fruits et aux
fleurs. Enfin, quand les Grecs partagèrent
le
jour en douze parties égales, les poètes multiplièrent
le nombre des
Heures jusqu'à douze, employées au service
de Jupiter, et les nommèrent "
les douze surs".
Ce furent ces divinités qui se chargèrent
de l'éducation de
Junon ; elles avaient aussi la mission de descendre
aux Enfers pour prendre
Adonis et le ramener à
Vénus.
Souvent les
Heures sont accompagnées des
Grâces : les poètes et les artistes les représentent
communément dansantes, avec un vêtement qui ne descend
que jusqu'aux genoux. Sur les monuments, elles paraissent toutes du
même âge : leur tête est couronnée de feuilles
de palmier qui se redressent.
Lorsqu'on fixa quatre Saisons, l'art introduisit
à son tour quatre
Heures, mais les représenta dans des
âges différents, avec de longues robes et sans
couronne
de palmier. L'Heure du printemps fut représentée sous
la figure d'une adolescente aux traits naïfs, à la taille
svelte et mince, aux formes à peine accusées. Ses trois
surs augmentent en âge par gradation.
Les
Heures présidaient à l'éducation
des
enfants, et réglaient toute la vie des hommes : aussi les
voit-on assister à toutes les noces célébrées
dans la mythologie.
Les Athéniens leur offraient les prémices
des
fruits de chaque saison. Ce culte gracieux ne fut pas transporté
à Rome, où cependant Hersilie, la femme de
Romulus, fut
considérée comme la divinité présidant aux
Saisons. On l'appelait Hora. Mais, comme on le verra en son lieu, cette
déesse avait encore d'autres attributions.
Les modernes représentent les
Heures avec
des ailes de papillon ;
Thémis ordinairement les accompagne,
et elles soutiennent des cadrans, des horloges, ou d'autres
symboles
de leurs attributions dans la fuite rapide du temps.
Les Parques
Les
Parques, divinités maîtresses du
sort des hommes, étaient trois surs, filles de la Nuit
ou de l'
Erèbe, ou bien de Jupiter et de
Thémis, ou,
selon quelques poètes, filles de la Nécessité
et du
Destin. L'obscurité de leur naissance indique qu'elles
ont exercé leurs fatales fonctions dès l'origine des
êtres et des choses ; elles sont aussi vieilles que la Nuit,
que la
Terre et le
Ciel. Elles se nomment Clotho,
Lachésis
et Atropos, et habitent un séjour voisin de celui des
Heures,
dans les régions
olympiques, d'où elles veillent non
seulement sur le sort des mortels, mais encore sur le mouvement
des
sphères célestes, et l'
harmonie du monde. Elles
ont un palais où les destinées des hommes sont gravées
sur le fer et sur l'
airain, de sorte que rien ne peut les effacer.
Immuables dans leurs desseins, elles tiennent ce fil mystérieux,
symbole du cours de la vie, et rien ne peut les fléchir et
les empêcher d'en
couper la trame. Une fois cependant, elles
consolèrent
Proserpine de la violence qu'on lui avait faite,
calmèrent la douleur de
Cérès affligée
de la perte de sa fille ; et, lorsque cette déesse fut outragée
par
Neptune, ce fut à leurs prières qu'elle consentit
à sortir d'une caverne de
Sicile où
Pan la découvrit.
Clotho, ainsi nommée
d'un mot grec qui signifie "
filer", paraît être la
moins vieille, pour ne pas dire la plus jeune des
Parques. C'est elle qui tient
le fil des destinées humaines. On la représente vêtue d'une
longue robe de diverses
couleurs, portant une
couronne formée de sept étoiles,
et tenant une quenouille qui descend du
ciel en terre. La
couleur qui domine dans
ses draperies est le bleu clair.
Lachésis, nom qui en grec signifie "
sort"
ou "
action de tirer au sort", est la
Parque qui
met le fil sur le fuseau. Ses vêtements sont quelquefois parsemés
d'étoiles, et on la reconnaît au grand nombre de fuseaux
épars autour d'elle. Ses draperies sont
couleur de
rose.
Atropos, c'est-à-dire en grec "
inflexible",
coupe impitoyablement le fil qui mesure la durée de la vie de chaque mortel.
Elle est représentée comme la plus âgée des trois surs,
avec un vêtement noir et lugubre ; près d'elle, on voit plusieurs
pelotons de fil plus ou moins garnis, suivant la longueur ou la brièveté
de la vie mortelle qu'ils mesurent.
Les anciens représentaient les
Parques
sous la forme de trois femmes au visage sévère, accablées
de vieillesse, avec des
couronnes faites de gros flocons de laine
entremêlée de narcisse. D'autres leur donnent des
couronnes
d'or ; quelquefois une simple bandelette leur entoure la tête
; rarement elles paraissent voilées.
Les Grecs et les Romains rendirent de grands
honneurs aux
Parques, et les invoquaient ordinairement après
Apollon, parce que, comme ce
dieu, elles pénétraient
l'avenir. On leur
immolait des brebis noires, comme aux
Furies.
Ces divines et infatigables filandières
n'avaient pas seulement pour fonction de dérouler et de trancher
le fil des destins. Elles présidaient aussi à la naissance
des hommes. Enfin, elles étaient chargées de conduire
à la lumière et de faire sortir du Tartare les héros
qui avaient osé y pénétrer. C'est ainsi qu'elles
servirent de guides à
Bacchus, à
Hercule, à
Thésée, à
Ulysse, à Orphée, etc.
C'est à elles encore que
Pluton confiait son
épouse,
lorsque, suivant l'ordre de Jupiter, elle retournait dans le
ciel
pour y passer six mois auprès de sa mère.