Benoît XII fut élu pape à
Avignon le 20 décembre 1334. Il s'appelait
Jacques de Nouveau, surnommé
Fournier. Il était né à
Saverdun, dans le comté de
Foix ; son père était boulanger, c'est de là sans doute que lui venait le surnom de Fournier. Etant jeune, il avait embrassé la vie monastique dans l'
abbaye de Boulbonne, de l'ordre de Cîteaux. Il vint étudier à
Paris, où il était bachelier quand il fut élu abbé de Fontfroide du même ordre. Parvenu au doctorat, il fut fait
évêque de
Pamiers en 1317, puis
évêque de
Mirepoix ; enfin,
cardinal par le
pape Jean XXII, auquel il succéda huit ans après.
Benoît XII fut nommé au refus du
cardinal de Comminge, à qui la
faction française voulait imposer pour condition de ne point aller à Rome, ce qu'il rejeta, en disant qu'il renoncerait plutôt au
cardinalat, parce qu'il croyait que la papauté était en danger. Tous les suffrages s'étant trouvés réunis, par une espèce de prodige, en faveur de Benoît, celui-ci dit aux électeurs : « Vous avez choici un âne. » Ce qui signifiait sans doute qu'il s'avouait très
ignorant dans le manège de cour ; car il était d'ailleurs habile jurisconsulte et savant
théologien.
A peine élevé au siège
pontifical, il
reçut une députation des Romains, qui le pressaient de revenir en Italie. Il n'était pas éloigné de se rendre à ce vu, et songeait à établir sa résidence à
Bologne. Mais l'
esprit de
faction et de révolte qui troublait cette ville le fit renoncer à son dessein. Il s'occupa donc de gouverner l'
Eglise au lieu où la Providence l'avait placé.
Son premier soin fut d'ordonner la résidence aux
évêques, et de leur défendre de paraître à la cour sans y être appelés pour affaires. Il écrivit au clergé de Castille pour exhorter les ecclésiastiques à réformer leurs murs scandaleuses, afin de ne pas exposer la
religion chrétienne aux mépris des
musulmans. Il révoqua ensuite toutes les expectatives dont son prédécesseur avait surchargé les
églises, abolit la pluralité des bénéfices, et tâcha de bannir la faveur et la simonie dans la dispense des emplois ecclésiastiques. Les
hérésies qui infectaient alors plusieurs pays, telles que celles des
Vaudois en Lyonnais et en
Dauphiné, celles des
Fraticelles en Italie, et d'autres encore en Irlande et en Allemagne, fixèrent son attention et l'engagèrent à établir des
inquisitions en plusieurs endroits, ou à invoquer le secours de la puissance séculière dans les Etats où l'
inquisition n'était pas admise.
Philippe de
Valois, qui régnait alors en France, envoya
proposer à
Benoît XII de faire Jean, son fils aîné, roi de
Vienne, de le faire lui-même
vicaire de l'empire en Italie, de lui donner les décimes des dîmes pendant dix ans, et tout le trésor de l'
Eglise pour le secours de la terre sainte. Le pape et les
cardinaux, effrayés de ces prétentions, cherchèrent alors à négocier avec l'empereur Louis de Bavière, qu'il s'agissait de relever des censures dont l'avait frappé
Jean XXII. Mais l'accommodement ne put avoir lieu. (Voyez l'
Histoire ecclésiastique de
Fleury.) Les rois de France et de Naples, d'un côté, le roi de Bohême et le
duc de Bavière son gendre, de l'autre, s'y opposèrent pour divers motifs ; et de plus, Philippe avait saisi, dans tous ses Etats, les revenus des
cardinaux. Les dispositions favorables de
Benoît XII pour l'empereur Louis se trouvant ainsi paralysées par la crainte du roi de France, l'Empereur convoqua une diète à Francfort, où il fut décrété en principe que la puissance impériale ne venait point du pape, et établi en fait que les procédures de
Jean XII étaient nulles, attendu qu'elles avaient été faites au préjudice de l'appel que l'Empereur avait interjeté au futur
concile dans le cours de l'année 1337. Le roi Philippe de
Valois vint visiter
Benoît XII à
Avignon, et lui faire part du dessein qu'il avait d'entreprendre une nouvelle
croisade. Ce prétexte fournit ensuite à ce même monarque, ainsi qu'au roi d'Angleterre, un moyen pour lever sur le clergé de leurs Etats des décimes, dont ils employaient les deniers à la guerre qu'ils se faisaient l'un à l'autre. Benoît écrivit à Philippe pour se plaindre de cette infidélité. Cette lettre est du 04 avril 1337. Le pape articulait les mêmes griefs contre le roi du Portugal. Il formait encore d'autres plaintes
contre le roi de France, au sujet de l'extension et de l'abus du droit de régale,
à la faveur duquel les officiers royaux pillaient ou dégradaient les bénéfices vacants, ou bien
dépouillaient les bénéficiers titulaires, avant que leur dépossession eût été
légalement prononcée. L'extension du droit de régale, résultant de l'ordonnance appelée
Philippine, excita la réclamation du pape. « Mais le roi y ayant persisté, Benoît ne crut pas, dit Bossuet, qu'il fût de la prudence d'un pape de pousser les choses à bout, ni qu'il fallût toujours, dans les affaires ecclésiastiques, s'arrêter si
scrupuleusement aux moindres minuties, et la
Philippine subsista dans
toute sa vigueur. »
Benoît XII s'occupa aussi de la situation du roi d'Arménie,
qui avait été obligé de se soumettre au soudan d'Egypte,
et de lui prêter serment de
fidélité. Il lui écrivit
pour lui représenter que ce serment, extorqué par la violence, était
contraire à la volonté de
Dieu, à la justice et à
la dignité royale. En conséquence, il l'en déchargea par
l'autorité
apostolique, dans sa lettre du 1er mai 1338. « Mais, après
de telles dispenses, observe judicieusement
Fleury, quel fond pouvaient faire
les infidèles sur les serments des chrétiens ? »
Vers ce même temps,
Benoît XII reçut à
Avignon une ambassade du grand khan des Tartares, et des lettres de quatre princes
de la nation des Alains, qui demandaient à renouveler plus intimement leur
alliance
religieuse avec le pape. Benoît reçut avec honneur ces ouvertures,
fit des présents aux députés, répondit d'une manière
affectueuse à leurs princes, et envoya quatre
frères mineurs, en
qualité de nonces, en Tartarie.
L'affaire de
Sicile occupa également ses soins. Ce
royaume, occupé par Pierre d'
Aragon, lui était disputé par
Robert, roi de Naples. Le pape se déclara pour celui-ci :
1°
attendu son droit de disposer de la
Sicile, comme
fief de l'
Eglise ;
2°
à cause de l'injuste
invasion de Pierre Ier en 1282 ; et
3°
enfin parce que Frédéric avait fait couronner de son vivant Pierre
II, son fils, au mépris du traité qu'il avait fait avec Charles
le
Boîteux ; traité confirmé par
Boniface VIII en 1303. Pour
régler cette contestation, Benoît envoya deux nonces en
Sicile, d'où
ils furent écartés, et qui se virent forcés de borner tous
leurs efforts à lancer des sentences d'
excommunication contre Pierre et
ses adhérents. Le clergé de Hongrie formait des plaintes contre
les vexations des officiers du roi et des seigneurs. Ces plaintes supposaient
au pape un droit sur le temporel des souverains, suivant les prétentions
de
Boniface VIII et la doctrine d'Augustin Triomfe.
Benoît XII se contenta
d'écrire au roi de Hongrie une lettre d'exhortation, en date du 20 septembre
1338.
Au nord de l'
Europe, d'autres affaires attirèrent
aussi son attention. L'
ordre teutonique avait envahi quelques domaines appartenant
au roi de Pologne, entre autres Culm et la Poméranie. Benoît envoya
deux nonces pour informer sur cette
invasion qui intéressait l'
Eglise,
dont le roi de Pologne était regardé comme tributaire. L'ordre fut
condamné par contumace à restitution, à une indeminté
de 194.500 marcs et à 1600 marcs de dépens, avec
excommunication
contre les auteurs du délit. Le roi de Suède, Magnus, après
l'expulsion de Christophe, roi de Danemark, s'était emparé de la
Scanie, et demandait au pape de lui confirmer la possession de cette province.
Benoît XII lui répondit qu'il ne pouvait faire ce qu'il désirait,
attendu que l'usage de tous ses prédécesseurs était de ne
faire aucune concession de ces sortes de biens temporels, sans avoir cité
ceux qui peuvent y être intéressés.
Les objectifs de discipline et de dogme occupèrent
pareillement les soins de
Benoît XII. Il réforma les moines noirs et les
frères mineurs. Il fut question de son temps de la réunion des
Eglises grecque et latine ; mais cette tentative n'eut point de succès. Le
pontificat de
Benoît XII, qui dura 7 ans et 4 mois, fut dénué de grands événements, mais remplis de travaux utiles à la
religion. Benoît différait de son prédécesseur et dans l'extérieur et dans la conduite morale.
Jean XXII avait le visage pâle,
la taille petite, la voix faible ; Benoît était fort grand, avait le visage sanguin et la voix sonore. Jean s'appliqua à enrichir ses parents ; Benoît disait au contraire : « A
Dieu ne plaise que le roi de France m'asservisse tellement par les parents, qu'il me porte à faire tout ce qu'il désire comme mon prédécesseur. »
Benoît XII mourut le 25 avril 1342, et fut inhumé
à
Avignon. La statue de ce pape, que l'on voit au
Vatican, porte deux
couronnes
à la tiare. Quelques auteurs pensent que ce fut
Clément V ou
Jean XXII qui ajouta la seconde. Ce fut
Boniface VIII, ainsi qu'il résulte du petit ouvrage de Jos. Garampi, intitulé :
Illustrazione di un antico Sigillo della Garfagnana, Rome, 1762, in-4°. Benoît laissa plusieurs écrits qui ne sont pas imprimés ; mais on conservait
à Rome son traité
de la Vision béatifique, qui paraît avoir été son principal ouvrage.
(Biographie universelle ancienne et moderne - Tome 3 - Pages 650-651)