LIVRE TROISIÈME
Le Mystère sacerdotal ou l'Art de se faire servir par les esprits
CHAPITRE X : Le Magnétisme du Mal
Un seul
esprit remplit l'immensité. C'est
celui de
Dieu que rien ne limite ou ne partage, celui qui est tout entier
partout sans être renfermé nulle part.
Les
esprits créés ne peuvent vivre
que sous des enveloppes proportionnelles à leur milieu qui réalisent
leur action en la limitant et les empêchant d'être absorbés
dans l'
infini.
Jetez une goutte d'
eau douce dans la mer, elle
s'y perdra à moins qu'elle ne soit préservée par
une enveloppe imperméable.
Il n'existe donc pas d'
esprits sans enveloppe et
sans forme ; ces formes sont relatives au milieu où ils vivent
et dans notre atmosphère ; par exemple, il ne peut exister d'autres
esprits que ceux des hommes avec les
corps que nous leur voyons et ceux
des
animaux dont nous ignorons encore la destinée et la nature.
Les astres ont-ils des
âmes ? Et la terre
que nous habitons a-t-elle une conscience et une pensée qui lui
soit propre ? Nous l'ignorons ; mais on ne peut convaincre d'erreur
ceux qui ont voulu le supposer.
On a expliqué ainsi certains phénomènes
exceptionnels par des manifestations spontanées de l'
âme
de la terre et comme on a remarqué souvent une sorte d'antagonisme
dans ces manifestations, on en a conclu que l'
âme de la terre
est multiple, qu'elle se révèle par quatre
forces élémentaires
qu'on peut résumer en deux et qui s'équilibrent par trois,
ce qui est une des solutions de la grande
Enigme du
Sphinx.
Suivant les
hiérophantes anciens, la matière
n'est que le
substratum des
esprits créés.
Dieu
ne la crée pas immédiatement. De
Dieu émanent les
puissances, les
Elohim qui constituent le
ciel et la terre, et
suivant leur doctrine, il faudrait entendre ainsi la première
phrase de la Genèse :
Bereschith la tête ou le premier
principe,
Bara créa,
Elohim les puissances,
ouath aarès qui sont ou qui font (sous-entendu) le
ciel et
la terre. Nous avouons que cette traduction nous semble plus logique
que celle qui donnerait un verbe
Bara employé au singulier
au nominatif pluriel
Elohim.
Ces
Elohim, ou ces puissances, seraient
les grandes
âmes des mondes dont les formes seraient la substance
spécifiée dans leurs vertus élémentaires.
Dieu, pour créer un monde, aurait lié ensemble quatre
génies qui en se débattant auraient produit d'abord le
chaos et qui, forcés de se reposer après la lutte, auraient
formé l'
harmonie des
éléments ; ainsi la terre
emprisonna le
feu et se gonfla pour échapper aux envahissements
de l'
eau. L'
air s'échappa des cavernes et enveloppa la terre
et l'
eau, mais le
feu lutte toujours contre la terre et la ronge, l'
eau
envahit à son tour la terre et monte en nuages dans le
ciel :
l'
air s'irrite, et pour chasser les nuages, il forme des courants et
des tempêtes. La grande loi de l'
équilibre, qui est la
volonté de
Dieu, empêche que les combats ne détruisent
les mondes avant le temps marqué pour leurs
transfigurations.
Les mondes comme les
Elohim sont liés
ensemble par des chaînes magnétiques que leur révolte
cherche à briser. Les soleils sont rivaux des soleils, et les
planètes s'exercent contre les planètes en opposant aux
chaînes d'attraction une énergie égale de répulsion
pour se défendre de l'absorption et conserver chacune son existence.
Ces
forces colossales ont parfois pris une figure
et se sont présentées sous l'apparence de
géants.
Ce sont les Eggrégores du livre d'Hénoch, créatures
terribles pour qui nous sommes ce que sont pour nous les infusoires
ou les insectes microscopiques qui pullulent entre nos dents et sur
notre épiderme. Les Eggrégores nous écrasent sans
pitié parce qu'ils ignorent notre existence ; ils sont trop grands
pour nous voir, et trop bornés pour nous deviner.
Ainsi s'expliquent les convulsions planétaires
qui engloutissent des populations. Nous savons trop que
Dieu ne sauve
pas la mouche innocente, dont un cruel et stupide
enfant arrache les
pattes et les ailes, et que la Providence n'intervient pas en faveur
de la fourmilière dont un passant détruit et saccage les
édifices à coups de pied.
Parce que les organes d'un ciron échappent
à l'analyse de l'homme, l'homme se croit le droit de supposer
que, devant la nature éternelle, son existence à lui est
beaucoup plus précieuse que celle d'un ciron ! Hélas !
Le Camoëns avait probablement plus de génie que l'eggrégore
Adamastor ; mais le
géant Adamastor, couronné de nuages,
ayant les vagues pour ceinture, et les ouragans pour manteau, pouvait-il
deviner les
poésies du Camoëns ?
L'huître nous paraît bonne à manger,
nous supposons qu'elle n'a pas conscience d'elle-même, que, par
conséquent elle ne souffre pas, et, sans le moindre regret, nous
la dévorons toute vivante. Nous jetons, tout vivants, l'écrevisse,
le homard et la langouste dans l'
eau bouillante parce que, étant
cuits de cette façon, ils ont une chair plus ferme et un
goût
plus savoureux.
Par quelle loi terrible
Dieu abandonne-t-il ainsi
le faible au fort, et le petit au grand, sans que l'ogre ait, lui-même,
l'idée des tortures qu'il fait subir à l'être chétif
qu'il dévore ?
Et, qui nous assure que quelqu'un prendra notre
défense contre les êtres plus forts et aussi avides que
nous ? Les astres agissent et réagissent les uns sur les autres
; leur
équilibre est formé par des liens d'
amour et des
efforts de haine. Parfois, la résistance d'une étoile
se brise, et elle est attirée vers un
soleil qui la dévore;
parfois, une autre sent sa
force d'attraction expirer en elle et elle
est lancée hors de son orbite par le tournoiement des univers.
Des astres amoureux se rapprochent et enfantent de nouvelles étoiles.
L'espace
infini est la grande cité des soleils ; ils tiennent
conseil entre eux et s'adressent, réciproquement, des télégrammes
de lumière. Il y a des étoiles qui sont surs, il
y en a d'autres qui sont rivales. Les
âmes des astres, enchaînées
par la nécessité de leur course régulière,
peuvent exercer leur
liberté en diversifiant leurs effluves.
Quand la terre est méchante, elle rend les hommes furieux et
déchaîne les fléaux à sa surface ; elle envoie
alors aux planètes qu'elle n'aime pas un
magnétisme empoisonné,
mais, elles se vengent, en lui envoyant la guerre.
Vénus déverse
sur elle le venin des mauvaises murs ; Jupiter excite les rois
les uns contre les autres ;
Mercure déchaîne contre les hommes
les
serpents de son
caducée, la
Lune les rend fous et
Saturne
les pousse au désespoir. Ces
amours et ces colères des
étoiles sont la base de toute l'astrologie, maintenant, peut-être,
trop dédaignée. L'analyse spectrale de Bumsen n'a-t-elle
pas prouvé, tout récemment, que chaque
astre a son aimantation
déterminée par une base métallique spéciale
et particulière, et qu'il y a, dans le
ciel, des échelles
d'attraction comme des gammes de
couleurs ? Il peut donc exister aussi,
et il existe certainement, entre les globes célestes, des
influences
magnétiques qui obéissent, peut-être, à,
la volonté de ces globes si on les suppose doués d'intelligence
ou dominés par des génies que les anciens nommaient les
veilleurs du
ciel ou les Eggrégores.
L'étude de la nature nous fait constater
des contradictions qui nous étonnent. Partout, nous rencontrons
les preuves d'une intelligence infinie, mais, souvent aussi, nous avons
à reconnaître l'action de
forces parfaitement aveugles.
Les fléaux sont des désordres qu'on ne peut attribuer
au principe de l'ordre éternel. Les pestes, les inondations,
les famines, ne sont pas des ordres de
Dieu. Les attribuer au diable,
c'est-à-dire à un
ange damné dont
Dieu permet la
mauvaise œuvre, c'est supposer un
Dieu hypocrite qui se cache, pour
mal faire, derrière un gérant responsable, taré.
D'où viennent donc ces désordres ? De l'erreur des causes
secondes. Mais si les causes secondes sont capables d'erreur, c'est
qu'elles sont intelligentes et
autonomes, et nous voici en plein dans
la doctrine des Eggrégores.
Suivant cette doctrine, les astres n'auraient cure
dés parasites qui pullulent sur leur épiderme et s'occuperaient
uniquement de leurs haines et de leurs
amours. Notre
soleil, dont les
tâches sont un commencement de refroidisse-ment, est entraîné
lentement, mais fatalement, vers la constellation d'
Hercule. Un
jour,
il manquera de lumière et de
chaleur car les astres vieillissent
et doivent mourir comme nous. Il n'aura plus alors la
force de repousser
les planètes qui iront, avec impétuosité, se briser
sur lui et ce sera la fin de notre univers. Mais un nouvel univers se
formera avec les débris de celui-ci. Une nouvelle création
sortira du
chaos et nous renaîtrons, dans une espèce nouvelle,
capables de lutter avec plus davantage contre la stupide grandeur des
Eggrégores, et il en sera ainsi jusqu'à ce que le grand
Adam soit reconstitué. Cet
esprit des
esprits, cette forme des
formes, ce
géant collectif qui résume la création
tout entière. Cet
Adam qui, suivant les kabbalistes, cache le
soleil derrière son talon, cache des étoiles dans les
touffes de sa barbe, et, lorsqu'il veut marcher, touche, d'un pied,
l'Orient, et de l'autre l'occident.
Les Eggrégores sont les Enacim de la Bible
ou plutôt, suivant le livre d'Hénoch, ils en sont les pères.
Ce sont les
Titans de la
Fable et on les retrouve dans toutes les traditions
religieuses.
Ce sont eux qui, en se battant, lancent les aérolithes
dans l'espace, voyagent à
cheval sur les comètes et font
pleuvoir des étoiles filantes et des bolides enflammés
L'
air devient malsain, les
eaux se corrompent, la terre tremble et les
volcans éclatent avec fureur lorsqu'ils sont irrités ou
malades. Parfois, pendant les nuits d'été, les habitants
attardés des vallées du midi voient avec épouvante
la forme colossale d'un homme
immobile qui est assis sur le plateau
des
montagnes et qui
baigne ses pieds dans quelque lac solitaire ; ils
passent en faisant le signe de la
croix et s'imaginent avoir vu Satan
lorsqu'ils ont rencontré seulement l'ombre pensive d'un Eggrégore.
Ces Eggrégores, s'il fallait admettre leur
existence, seraient les
agents plastiques de
Dieu, les rouages vivants
de la machine créatrice, multiformes comme
Protée mais
enchaînés toujours à leur matière élémentaire.
Ils sauraient les secrets que l'immensité nous dérobe
mais seraient
ignorants des choses que nous savons. Les évocations
de la magie ancienne s'adressent à eux et les noms bizarres que
leur donnaient la Perse ou la Chaldée sont encore conservés
dans les anciens grimoires.
Les Arabes, poétiques conservateurs des
traditions primitives de l'Orient, croient encore à ces gigantesques
génies. Il en est des blancs et des noirs ; les noirs sont malsains
et se nomment les Afrites. Mahomet a conservé ces génies
et en fait des
anges si grands que le vent de leurs ailes balayent les
mondes dans l'espace. Nous avouons ne pas aimer cette multitude infinie
d'êtres intermédiaires qui nous cachent
Dieu et semblent
le rendre inutile. Si la chaîne des
esprits grossit toujours ses anneaux
en remontant vers
Dieu, nous ne voyons pas de raisons pour qu'elle s'arrête
car elle progressera toujours dans l'
infini sans jamais pouvoir le
toucher.
Nous avons des milliards de
dieux à vaincre ou à fléchir
sans pouvoir jamais arriver à la
liberté et à la
paix. C'est pourquoi nous rejetons définitivement et absolument
la mythologie des Eggrégores.
Ici, nous respirons longuement et nous nous essuyons
le front comme un homme qui se réveille après un rêve
pénible. Nous contemplons le
ciel plein d'astres mais vide de
fantômes et avec un indicible soulagement de cur, nous répétons
à pleine voix ces premières paroles du
symbole de
Nicée
:
Credo in unum Deum.
Tombant avec les Eggrégores et les Afrites,
Satan flamboie un instant dans le
ciel et disparaît comme un éclair.
Videbam Satanam sicut fulgures (ou fulgur) de clo cadentem.
Les
géants de la Bible ont été
ensevelis par le
déluge. Les
Titans de la
Fable ont été
écrasés sous les
montagnes qu'ils avaient entassées.
Jupiter n'est plus qu'une étoile, et toute la fantasmagorie gigantesque
de l'ancien monde n'est plus qu'un colossal éclat de rire qui
se nomme
Gargantua dans Rabelais.
Dieu même ne veut plus qu'on le représente
sous la forme d'un monstrueux
panthée. Il est le père
des proportions et de l'
harmonie et repousse les énormités.
Ses
hiéroglyphes favoris sont les blanches et douces figures
de l'
agneau et de la
colombe et il se présente à nous
dans les bras d'une mère, sous la forme d'un petit
enfant. Combien
le
symbolisme catholique est adorable et combien d'abominables
prêtres
l'ont méconnu.
Vous figurez-vous la
colombe de l'
esprit d'
amour
planant sur la fumée grasse des auto-da-fés, et la vierge
mère regardant
brûler des Juives ! Voyez-vous de malheureux
jeunes gens tomber sous les balles des
zouaves de l'
enfant Jésus
et des canons rayés qu'on braque autour du trésor des
indulgences ! Mais qui peut sonder les secrets de la Providence ! Peut-être
que par cette aberration du pouvoir militaire, tous les dissidents sont
absous et que le péché du pasteur devient l'innocence
du monde !
Le Pape, d'ailleurs, n'est-il pas un saint
prêtre
et ne croit-il pas faire son devoir dans toute la sincérité
de son cur ? Qui donc est le coupable ? -- Le coupable, c'est
l'
esprit de contradiction et d'erreur, c'est l'
esprit de mensonge qui
a été homicide dès le commencement, c'est le tentateur,
c'est le diable, c'est le
magnétisme du mal.
Le
magnétisme du mal, c'est le courant fatal
des habitudes perverses, c'est la synthèse hybride de tous les
insectes voraces et rusés que l'homme emprunte aux
animaux les
plus malfaisants et c'est bien dans ce sens philosophique que le
symbolisme
du
Moyen-Age a personnifié le démon.
Il a des cornes de
bouc ou de taureau, des yeux
de hibou, un nez en bec de
vautour, une gueule de tigre, des ailes de
chauve-souris, des griffes de
harpie et un ventre d'hippopotame. Quelle
figure pour un
ange même déchu, et qu'il y a loin de là
au superbe roi des enfers rêvé par le génie de Milton
!
Mais le Satan de Milton ne représente autre
chose que le génie révolutionnaire des Anglais sous un
Cromwell et le vrai diable est toujours celui des
cathédrales
et des
légendes.
Il est adroit comme le singe, insinuant comme le
reptile, rusé comme le renard, enjoué comme le jeune
chat,
lâche comme le
loup ou le chacal.
Il est rampant et flatteur comme le valet, ingrat
comme un roi et vindicatif comme un mauvais
prêtre, inconscient
et perfide comme nue femme galante.
C'est un
protée qui prend toutes les formes,
excepté celle de l'
agneau et de la
colombe, disent les vieux
grimoires. Tantôt, c'est un petit page fripon qui porte la queue
d'une grande
dame ; tantôt, un
théologien fourré
d'hermine ou un chevalier bardé de fer. Le conseiller du mal
se glisse partout, il se cache même dans le sein des
roses. Parfois,
sous une chape de chantre ou d'
évêque, il promène
sa queue mal dissimulée le long des dalles d'une
église,
il se cramponne aux cordelettes de la discipline des nonnes et s'aplatit
entre les pages des
bréviaires. Il hurle dans la bourse vide
du pauvre, et, par le trou de la serrure des coffres-forts, il appelle
tout bas les voleurs.
Son caractère essentiel et ineffaçable,
c'est d'être toujours ridicule, car, dans l'ordre moral, il est
la bête et sera toujours la bêtise. On a beau ruser, combiner,
calculer, mal faire, c'est manquer d'
esprit.
Son habitude, disent les sorciers, c'est de demander
toujours quelque chose ; il se contente d'un chiffon, d'une savate,
d'un brin de paille. Qui ne comprend ici l'
allégorie ? Accorder
au mal la moindre chose, n'est-ce pas pactiser avec lui ? L'appeler,
ne fût-ce que par curiosité, n'est-ce pas lui livrer notre
âme ? Toute cette mythologie diabolique des
légendaires
est pleine de philosophie et de raison. L'orgueil, l'avarice, l'
envie
ne sont pas, par eux-mêmes, des personnages ; mais ils se personnifient
souvent dans les hommes, et ceux qui arrivent à voir le diable
se mirent dans leur propre laideur.
Le diable n'a jamais été beau ; ce
n'est pas un
ange déchu, il est damné de naissance, et
Dieu ne lui pardonnera jamais, car, pour
Dieu, il n'existe pas. Il existe
comme nos erreurs, il est le vice, il est la maladie, il est la peur,
il est la démence et le mensonge, il est la fièvre d'hôpital
des
limbes où languissent les
âmes malades. Jamais il n'est
entré dans les régions sereines du
ciel, et ne saurait,
par conséquent, en être tombé.
Arrière donc le dualisme
impie des Manichéens,
arrière, ce compétiteur de
Dieu, toujours puissant quoique
foudroyé, et qui lui dispute le monde. Arrière ce valet
séducteur des
enfants de son maître, qui a forcé
Dieu lui-même à subir la mort pour racheter les hommes
dont l'
ange rebelle avait fait ses esclaves, et à qui
Dieu abandonne,
néanmoins encore, la majorité de ceux qu'il a voulu racheter
par un si inconcevable sacrifice. A bas le dernier, le plus monstrueux
des Eggrégores. Gloire et triomphe éternel à
Dieu
seul !
Eternel honneur, toutefois, au dogme sublime de
la
Rédemption ; respect à toutes les traditions de l'
Eglise
universelle ; vive le
symbolisme antique ! Mais
Dieu nous garde de le
matérialiser ou des entités métaphysiques pour
des personnages réels, et des
allégories pour des
histoires
!
Les
enfants aiment à croire aux ogres et
aux
fées ; et les multitudes ont besoin de mensonge, je le sais,
je m'en rapporte là-dessus aux nourrices et aux
prêtres.
Mais j'écris un livre de philosophie
occulte qui ne doit être
lu ni par les
enfants, ni par les gens faibles d'
esprit.
Il est des gens à qui le monde paraîtrait
vide s'il n'était peuplé de
chimères.
L'immensité du
ciel les ennuierait si elle
n'était peuplée de farfadets et de démons. Ces
grands
enfants nous rappellent la
fable du bon La
Fontaine qui croyait
voir un mastodonte dans la
lune et qui regardait une souris cachée
entre les verres de la lunette. Nous avons tous, en nous, notre tentateur
ou notre diable qui naît de notre tempérament ou de nos
humeurs.
Pour les uns, c'est un dindon qui fait la roue ; pour d'autres, c'est
un singe qui grince des dents. C'est le côté bête
de notre humanité, c'est le repoussoir ténébreux
de notre
âme, c'est la férocité des instincts
animaux
exagérée par la vanité des pensées étroites
et fausses, c'est l'
amour du mensonge, enfin, dans les
esprits, qui,
par lâcheté ou par indifférence, désespèrent
de la vérité.
Les possédés du démon sont
en si grand nombre qu'ils composent ce que Jésus-Christ appelait
le monde, et c'est pourquoi il disait à ses apôtres : «
Le monde vous fera mourir ». Le diable tue ceux qui lui résistent,
et, consacrer son existence au triomphe de la vérité et
de la justice, c'est faire le sacrifice de sa vie. Dans la cité
des méchants, c'est le vice qui règne et c'est l'intérêt
du vice qui gouverne. Le juste est condamné d'avance, on n'a
pas besoin de le juger mais la vie éternelle appartient aux hommes
de cur qui savent souffrir et mourir.
Jésus, qui passait
en faisant le bien, savait qu'il marchait à la mort et disait
à ses amis : « Voici que nous allons à Jérusalem
où le fils de l'homme doit être livré au dernier
supplice. Je fais l'offrande de ma vie ; personne ne me la prend ; je
la
dépose pour la reprendre. Si quelqu'un veut m'imiter, qu'il
accepte d'avance la
croix des malfaiteurs et qu'il marche sur nos traces.
Vous tous qui me voyez, maintenant, bientôt vous ne me verrez
plus. » Veut-il donc se tuer, disaient les Juifs en l'entendant
parler ainsi. Mais se faire tuer par les autres, ce n'est pas se tuer
soi-même. Les héros des Thermopyles savaient bien qu'ils
mourraient là jusqu'au dernier, et leur glorieux combat ne fut
certainement pas un suicide.
Le sacrifice de soi-même n'est jamais le
suicide ; et Curtius, si son
histoire n'est pas
fabuleuse, Curtius n'est
pas un suicidé. Régulus, retournant à Carthage,
accomplissait-il un suicide ?
Socrate se suicidait-il lorsqu'il refusait
de s'évader de prison après son arrêt de mort ?
Caton, se déchirant les entrailles plutôt que de subir
la démence de César, est un républicain sublime.
Le soldat blessé, qui, tombé sur le champ de bataille
et n'ayant plus pour toute arme que sa baïonnette, lorsqu'on lui
dit : rends tes armes, se plonge cette baïonnette dans le cur
en disant : «
Viens les prendre », n'est pas un homme qui
se suicide, c'est un héros qui est fidèle à son
serment de vaincre ou de mourir. M. de
Beaurepaire, se brûlant
la cervelle plutôt que de souscrire une capitulation honteuse,
ne se suicide pas ; il se sacrifie à l'honneur !
Lorsqu'on ne pactise point avec le mal, on ne doit
pas le craindre ; mais lorsqu'on ne craint pas le mal, on ne doit pas
craindre la mort : elle n'a d'empire terrible que sur le mal. La mort
noire, la mort affreuse, la mort pleine d'angoisses et d'épouvante,
est la fille du diable. Ils se sont promis de mourir ensemble ; mais,
comme ils sont menteurs, ils se donnent réciproquement pour éternels.
Nous disions tout à l'heure que le diable
est ridicule, et, dans notre
Histoire de la Magie,
nous déclarions qu'il ne nous fait pas rire ; et, en effet, on
ne s'amuse pas du ridicule lorsqu'il est bilieux, et, lorsqu'on a l'
amour
du bien, on ne saurait rire du mal.
Le véhicule fluidique, astral, représenté
dans toutes les mythologies par le
serpent ; c'est le tentateur naturel
de la Chavah ou de la forme matérielle ; ce
serpent était
innocent comme tous les êtres avant le péché d'
Eve
et d'
Adam. Le diable est né de la première désobéissance
et il est devenu cette tête de
serpent que le pied de la femme
doit écraser.
Le
serpent,
symbole du grand
agent fluidique, peut
être un signe sacré lorsqu'il représente le
magnétisme
du bien, comme le
serpent d'
airain de Moïse. Il y a deux
serpents
au
caducée d'
Hermès.
Le fluide magnétique est soumis à
la volonté des
esprits qui peuvent l'attirer ou le projeter avec
des
forces différentes, suivant leur degré d'
exaltation
ou d'
équilibre.
On l'a appelé le porte-lumière ou
le
Lucifer, parce qu'il est l'
agent distributeur et spécialisateur
de la lumière astrale.
On l'appelle aussi l'
ange des ténèbres
parce qu'il est le messager des pensées obscures comme des pensées
lumineuses, et les Hébreux, qui le nomment Samaël, disent
qu'il est double et qu'il y a le Samaël blanc et le Samaël
noir, le Samaël israélite et le Samaël incirconcis.
L'
allégorie, ici, est évidente. Certes,
nous croyons, comme les Chrétiens, à l'immortalité
de l'
âme ; comme tous les peuples civilisés, nous croyons
à des peines et à des récompenses proportionnelles
à nos uvres. Nous croyons que les
esprits peuvent être
malheureux et tourmentés dans l'autre vie, nous admettons donc
l'existence possible des réprouvés.
Nous croyons que les chaînes de sympathie ne sont
pas rompues, mais sont, au contraire, rendues plus étroites par
la mort. Mais cela existe seulement entre les justes. Les méchants
ne peuvent communiquer entre eux que par des effluves de haine.
Le
magnétisme du mal peut donc recevoir
aussi des impressions d'outre-tombe, mais seulement par les aspirations
perverses des vivants, les morts que
Dieu punit n'ayant plus ni le pouvoir,
ni la volonté efficace de mal faire. Sous la main de la justice
de
Dieu, on ne pèche plus, on
expie.
Ce que nous nions, c'est l'existence d'un puissant
génie, d'une espèce de
Dieu noir, d'un monarque sombre
ayant le pouvoir de mal faire après que
Dieu l'a réprouvé.
Le roi Satan est pour nous une fiction
impie malgré tout ce qu'elle
peut présenter dans le poème de Milton, de
poésie
et de grandeur. Le plus coupable des
esprits déchus doit être
tombé plus bas que les autres et plus que les autres enchaîné
par la justice de
Dieu. Le bagne sans doute a ses rois qui exercent
encore une certaine
influence sur le monde criminel, mais cela tient
à l'insuffisance des moyens de surveillance ou de répression
employés par la justice humaine et l'on ne trompe pas la justice
de
Dieu.
Au livre
apocryphe d'
Enoch, on
lit que ces Eggrégores
noirs se sont incarnés pour séduire les filles de la terre
et faisaient naître les
géants. Les véritables Eggrégores,
c'est-à-dire les veilleurs de nuit, auxquels nous aimons à
croire, ce sont les astres du
ciel avec leurs yeux toujours étincelants.
Ce sont les
anges qui gouvernent les étoiles et qui sont comme
des pasteurs pour les
âmes qui les habitent. Nous aimons à
penser aussi que chaque peuple a son
ange protecteur ou son génie,
qui peut être celui d'une des planètes de notre système.
Ainsi, suivant les poétiques traditions de la Kabbale, Mikaël,
l'
ange du
Soleil, est celui du peuple de
Dieu. Gabriel, l'
ange de la
Lune, protège les peuples d'Orient qui portent le croissant sur
leur drapeau.
Mars et
Vénus gouvernent ensemble la France.
Mercure
est le génie de la Hollande et de l'Angleterre.
Saturne le génie
de la Russie. Tout cela est possible, quoique douteux, et peut servir
aux hypothèses de l'astrologie ou aux fictions de l'épopée.
Le règne de
Dieu est un gouvernement admirable
où tout subsiste par la hiérarchie et où l'
anarchie
se détruit d'elle-même. S'il existe dans son empire des
prisons pour les
esprits coupables,
Dieu seul en est le Maître
et les fait sans doute gouverner par des
anges sévères
et bons. Il n'est pas permis aux condamnés de s'y torturer les
uns les autres.
Dieu serait-il moins sage et moins bon que les
hommes. Et que dirait-on d'un prince de la terre qui choisirait un brigand
de la pire espèce pour directeur de ses prisons en lui permettant
très souvent de sortir pour continuer ses crimes et donner aux
honnêtes gens d'affreux exemples et de pernicieux conseils.