Lothaire Ier, troisième empereur d'Occident depuis
Charlemagne, était fils aîné de
Louis le Débonnaire et de la reine
Ermengarde, sa première femme. Né vers 795, il fut associé à l'empire de son père le 31
juillet 817, et nommé roi des Lombards ou d'Italie en 820. On a beaucoup blâmé
Louis le Débonnaire de s'être pressé de donner des royaumes à ses fils et d'en associer un à l'empire ; mais on oublie que dans les murs de ce temps, où les peuples n'étaient pas formés à l'obéissance, où les impôts et les troupes ne se levaient pas comme de nos
jours, où les grands dans chaque Etat avaient le droit de participer au gouvernement, l'unique moyen de régir des pays lointains était de leur donner un roi.
Charlemagne lui-même avait pris ce parti pour l'Italie et l'
Aquitaine ;
Louis le Débonnaire l'imita en donnant l'Italie à Lothaire, l'
Aquitaine à Pépin, et la Germanie à Louis. L'
empire d'Occident était trop nouvellement dans la famille de
Charlemagne pour qu'on sût auquel des
enfants de l'empereur vivant il appartiendrait de droit par héritage. Etait-ce un titre dévolu au premier-né ? Ce titre donnait-il à celui qui le possédait une prééminence politique sur ses
frères rois ? Dans ce cas, la
couronne impériale aurait toujours dû rester unie à la
couronne de France ; car on ne pouvait supposer que, de l'aveu des Français,
toutes leurs conquêtes n'eussent eu pour résultat que de subordonner leur prince et leur patrie à un monarque qui régnait loin d'eux. On pouvait douter également si la
couronne impériale était héréditaire ou élective, si l'élection appartenait au pape ou à l'assemblée des seigneurs et des
évêques ; car rien n'était fixé par les lois, et l'usage n'avait pas su se former. Doit-on s'étonner que
Louis le Débonnaire se soit empressé de diminuer des causes de
discorde qu'il ne lui était que trop facile de prévoir, en s'associant l'aîné de ses fils à l'empire, afin que les
esprits s'accoutumassent à reconnaître celui qui devait lui succéder ? Il fit plus : il essaya de subordonner les royaumes de ses autres fils au pouvoir impérial de Lothaire, et c'était effectivement l'unique moyen de conserver l'empire dans une famille où le trône se partageait entre plusieurs héritiers. Mais les murs de ce temps ne se prêtaient pas à une semblable subordination : le titre d'empereur ne disait rien aux descendants des barbares qui avaient formés tant de royaumes aux dépens de l'empire ; et les efforts mal suivis de
Louis le Débonnaire ne servirent qu'à exciter, on pourrait même dire qu'à justifier, l'ambition du prince qu'il s'était associé. En effet, lorsque Louis, par un second
mariage, eut un quatrième fils, connu sous le nom de
Charles le Chauve, il voulut revenir sur le partage qu'il avait fait, afin de former un royaume pour cet
enfant. Lothaire sut engager ses
frères à la révolte, et se montra toujours le plus violent à poursuivre la déposition de son père, qui deux fois ne remonta sur le trône que par l'impossibilité où ses fils furent de s'entendre ; le premier réclamant la suprématie comme empereur, les deux autres ne consentant point à reconnaître de pouvoir au-dessus de celui des rois (Voyez
Louis le Débonnaire).
Après la mort de ce prince, Lothaire crut qu'il parviendrait
à réduire Louis le Germanique à la Bavière, et
Charles le Chauve à l'
Aquitaine (Pépin étant mort à cette époque) ;
les deux frères s'unirent contre lui et donnèrent cette fameuse bataille de
Fontenoy, dans laquelle les
historiens prétendent qu'il périt 100.000 gentilshommes, ce qui décida la chute de la monarchie
carlovingienne, en ôtant aux trois souverains les moyens de résister aux
invasions étrangères ; et de là sortit l'établissement du gouvernement
féodal (Voyez
Louis le Germanique). Lothaire fut vaincu. Les trois
frères conclurent une trève par l'impuissance de lever de nouvelles troupes ; et, dans l'année 843, ils signèrent à
Verdun un traité de paix, par lequel l'empire fut partagé en trois royaumes égaux en
forces, et surtout indépendants l'un de l'autre. Lothaire garda le titre d'empereur, l'Italie et quelques provinces de France ; Louis eut la Germanie, c'est-à-dire les immenses Etats situés au-delà du Rhin, et quelques villes sur la rive gauche ;
Charles le Chauve resta roi de France, c'est-à-dire de la
Neustrie, conservant encore l'
Aquitaine. Lothaire saisit toutes les circonstances qui lui parurent favorables pour revenir à ses projets ambitieux ; mais il fut rarement servi par la victoire, et sa turbulente activité prouve qu'il n'avait pas assez de constance dans
l'
esprit pour suivre les desseins qu'il formait. Il fixa sa cour à Aix-la-Chapelle
pour être à portée de repousser les incursions des Normands.
Se sentant frappé d'une maladie mortelle, il abdiqua l'empire, et alla se faire moine dans le
couvent de Prüm en Ardennes, où il expira le 28 septembre 855, la 60ème année de son âge, la quinzième depuis la mort de son père, et le sixième
jour de son abdication. Il laissa trois fils, Louis, Charles et Lothaire, entre lesquels il divisa ses Etats : Louis eut le royaume d'Italie avec le titre d'empereur ; Charles la
Provence jusqu'à
Lyon, et Lothaire, le reste des domaines de son père en deça des Alpes, jusqu'aux bouches du Rhin et de la Meuse.
(Biographie universelle ancienne et moderne - Tome 25 - Pages 136-137)