Biographie universelle ancienne et moderne Saint Matthieu, apôtre et
évangéliste, est regardé par le plus grand nombre comme le
Lévi fils d'
Alphée, dont les
Evangiles font aussi mention, quoiqu'il semble résulter de divers témoignages anciens que c'étaient deux personnages distincts.
Saint Matthieu était
Galiléen de naissance et
publicain de profession, c'est-à-dire fermier des impôts pour les Romains. Il était assis à son bureau, sur le bord du lac de Génézareth, quand
Jésus l'appela et lui ordonna de le suivre. Matthieu se leva et le suivit à l'instant. Après sa conversion, il invita le Sauveur et ses
disciples à un grand festin, qu'il donna dans sa maison. Il y avait aussi invité des
publicains, ce qui irrita les
pharisiens, qui reprochèrent aux
disciples que leur maître mangeait avec des pêcheurs et des gens de mauvaise vie. Il fut mis au nombre des douze, lors de la formation du
collège apostolique. L'Ecriture ne nous apprend pas autre chose sur sa personne.
Saint Jérôme ne nous en rapporte rien ; ce qui montre que la vie de cet apôtre, de même que
celle de plusieurs de ses
compagnons, s'était écoulée dans l'obscurité. Ce Père se borne à dire qu'il avait
composé en Judée son
Evangile. Après avoir prêché l'
Evangile dans la Judée, et converti un grand nombre de Juifs, il alla, selon
saint Ambroise, dans la Perse, où il souffrit le
martyre. Rufin et
Socrate prétendent qu'il se rendit en Ethiopie. Fortunat fixe le lieu de sa mort à Naddaver, ville de cette contrée ; mais d'autres écrivains le font voyager et mourir chez les Parthes ou dans la Nubie. On prétend, en Occident, posséder ses
reliques. En 1080, on les montrait encore à Salerne, dans une
église qui lui était dédiée. L'
Eglise latine célèbre sa fête le 21 septembre.
C'est une question très controversée de savoir à quelle époque et dans quelle langue, l'araméen ou le grec,
saint Matthieu a
composé son
Evangile. Pour le premier point, saint Irénée dit que cet apôtre écrivit son
Evangile dans le temps où saint Pierre et
saint Paul s'occupaient de fonder une
Eglise à Rome. Storr et certains
théologiens allemands regardent l'
Evangile de Marc comme le véritable
Evangile primitif, et celui de Matthieu comme ayant été rédigé, d'après lui, en syro-chaldéen ; mais la majorité des critiques tiennent le dernier pour le plus ancien, tout en admettant qu'il a subi des
interpolations, et que son ordre a été bouleversé. Comme les Pères parlent d'un
Evangile selon les Hébreux, dont quelques fragments ont été conservés par eux, des
théologiens ont supposé que c'était là le véritable original de
saint Matthieu. Mais cet écrit que saint Jérôme nous dit avoir traduit en grec et en latin (
De viris illustribus, chap. 2) avait, à en juger par les citations qui en sont faites, tout à fait le caractère d'une uvre
apocryphe. Il était regardé cependant par les Ebionites ou Nazaréens comme l'original de
saint Matthieu, opinion que saint Jérôme nous apprend avoir été très répandue de son temps. Toutefois il différait certainement en beaucoup de points de notre
Evangile de
saint Matthieu. Les Cérinthiens et les Carpocratiens avaient aussi un
Evangile qui rappelait celui de
saint Matthieu, mais qui ne lui était pas identique. La supposition que l'original de l'
Evangile selon
saint Matthieu fut écrit en araméen a été combattue par Erasme,
Calvin, Lightfoot, Cellerier et Rosenmüller ; mais le plus grand nombre a suivi le témoignage de
Papias, qui leur est contraire. Dernièrement un orientaliste anglais, M. W. Cureton, a retrouvé une version
syriaque de
saint Matthieu, qui paraît être plus ancienne que la
Peschito ou orthodoxe, laquelle est visiblement faite sur le texte grec. Quelques
théologiens ont cru reconnaître là l'original de l'
Evangile de
saint Matthieu ; cette version diffère peu du texte grec ;
Papias dit que le texte araméen de l'apôtre fut traduit par plusieurs en grec, comme ils purent. C'est sur la version
syriaque qu'a été composée la chaldaïque, imprimée d'abord par les soins de
Munster,
Bâle, 1527, in-fol., puis par Cinq-Arbres,
Paris, 1551, in-8°, et ensuite, un grand nombre de fois.
L'
Evangile de
saint Matthieu a vingt-huit chapitres. Bon nombre de critiques regardent comme une
interpolation l'
histoire de l'adoration des mages et du massacre des Innocents, qui ne se retrouvent pas dans les autres
Evangiles, et qui font naître Jésus-Christ sous Hérode le Grand, quoique l'ensemble des faits place sa naissance sous Hérode Antipas. Le style de l'
Evangile de
saint Matthieu ne diffère pas de celui des
Evangiles de
saint Marc et de saint Jean ; mais il ya une grande différence dans la manière de raconter les faits. L'
Evangile de
saint Matthieu ne compte pour rien la date des événements. Il ne se fait pas
scrupule d'en intervertir l'ordre. Il réunit tous les discours de Jésus-Christ en un
corps complet de morale. Il groupe également les paraboles qui ont pour objet l'instruction de ses
disciples, celles qui tendent à justifier sa conduite contre les accusations des
scribes, et même les miracles. Il s'attache à mettre les principales actions du Sauveur dans tout leur
jour ; et c'est pour cela que les Pères ont cru que
saint Matthieu avait été désigné par l'
animal qui avait comme la figure d'un homme. La généalogie de Jésus-Christ, qu'il a mise à la tête de son
Evangile, n'est pas la même que celle du chapitre 3 de
saint Luc. Voyez sur cette discordance Millius, Louis de
Dieu, Vossius,
Luc de
Bruges et la
Synopsis criticorum. Quant aux autres difficultés qui peuvent s'élever à l'occasion de cet
Evangile, voyez Tillemont,
Histoire ecclésiastique, etc., t. 1er ; Richard Simon,
Histoire critique du texte du Nouveau Testament ; Lardner,
The Credibility of the Gospel History, 2ème partie ; W.-M. Leb. de Wette,
Lehrbuch der historisch-kritischen Einleitung in die Kanonischen Bücher des Neuen Testaments, 4ème édition, Berlin, 1842 ; D.-F. Strauss,
Vie de Jésus, traduit par Littré, 2ème édition ; Cellerier,
Essai d'une introduction critique au Nouveau Testament (Genève, 1823, in-8°) ; Michaelis,
Introduction au Nouveau Testament, traduit en français par Chenevière, Genève, 1832, 4 vol. in-8°. On devra aussi consulter les Commentaires d'Elsner, de Paulus, de Kuinl, de Fritzsche, l'
Origine du premier Evangile canonique par Sieffert, et l'
Histoire critique des Evangiles synoptiques, par Bruno Bauer, tous deux écrits en allemand.
(Biographie universelle ancienne et moderne - Tome 27 - Pages 284-285)
Dictionnaire universel d'histoire et de géographie de Bouillet Marie-Nicolas Bouillet, Dictionnaire universel d'histoire et de géographie, 20ème édition (1866), p. .