Enoch,
patriarche, fils de Jared, naquit en l'an 3378 avant J.-C. Il engendra Mathusala , lorsqu'il était âgé de 65 ans, et vécut encore trois cents après. Alors « il ne parut plus, dit l'Ecriture, parce que le Seigneur l'enleva du monde. »
Saint Paul, dans sa belle
Epître aux Hébreux, où il célèbre avec magnificence la foi des
patriarches, parle ainsi de celui qui est le sujet de cet article : « C'est par la foi qu'
Enoch fut enlevé, afin qu'il ne vît point la mort ; et on le vit plus, parce que le Seigneur le transporta ailleurs. »
Les docteurs de l'
Eglise et les plus sages interprètes de l'Ecriture ont donc enseigné que le
patriarche Enoch n'est pas mort, et que
Dieu l'a enlevé tout vivant du milieu des hommes, comme il a transporté longtemps après le
prophète Elie, sur un chariot de
feu.
Saint Jérôme, dans son
Commentaire sur Amos, dit qu'
Enoch et
Elie ont été transportés au
ciel dans leurs
corps. Les juifs et les chrétiens croient unanimement que ces deux saints personnages existent encore aujourd'hui, et que c'est à eux que s'appliquent ces paroles de l'
Apocalypse : « Je susciterai mes deux témoins, et ils prophétiseront, couverts de sacs, pendant 1200
jours. »
Il existait dans les premiers siècles de l'
Eglise, sous le nom d'
Enoch, un livre devenu fameux par l'embarras qu'il a causé à tous les interprètes.
Tertullien en a fait un grand éloge, et avant lui l'apôtre
saint Jude, dans son
Epître canonique, en cite un passage où il est question du
jugement que
Dieu doit exercer contre les
impies. C'est dans ce livre qu'il est dit que les
anges se sont alliés avec les filles des hommes, et en ont eu des
enfants. Au reste, il est probable qu'il y avait dans le livre d'
Enoch plusieurs vérités dont
saint Jude a pu faire usage ; mais ce livre n'en a pas moins été rejeté par l'
Eglise, comme
apocryphe, et les plus
illustres des anciens docteurs en parlent comme d'un ouvrage qui ne doit pas faire autorité. Le célèbre Peiresc, l'un des plus
illustres savants du commencement du
XVIIème siècle, ayant appris par le père
Gilles de Loche, missionnaire
capucin, que les
Abyssins possédaient ce livre en langue éthiopienne, mit tout en uvre pour se le procurer, et obtint en effet un manuscrit qui devait le contenir, mais qui n'était que le livre d'un imposteur nommé Bahaïla Michah. Ludolf reconnut la supercherie dont le savant avait été dupe, et comme le moine
abyssin Grégoire, dont il avait reçu ses connaissances en éthiopien, ne lui avait point parlé de ce livre d'
Enoch, son seulement il publia la fausseté du manuscrit de Peiresc, mais
il nia même l'existence du livre.
Cette opinion fut adoptée par tous les érudits ; mais le chevalier Bruce, étant en Abyssinie en 1769, se procura trois manuscrits du livre d'
Enoch. A son retour en
Europe, il en donna un exemplaire au roi de France, et rapporta les deux autres en Angleterre. Woide, qui s'était livré à l'étude du copte pour parvenir à une plus grande connaissance des livres saints, n'attendit point le retour de Bruce et vint à
Paris, où il copia le livre d'
Enoch ; il en communiqua au célèbre Michaélis une notice qui se trouve imprimée dans la correspondance de ce savant. L'étude de ce manuscrit ne laissa plus aucun doute sur l'existence du livre d'
Enoch, ou d'un livre apocrycphe qui porte son nom, et que les
Abyssins placent immédiatement après le livre de
Job, dans le canon des livres saints. Silvestre de
Sacy a donné une notice assez détaillée et la traduction latine de plusieurs chapitres du manuscrit de la bibliothèque du roi, dans le
Magasin encyclopédique, 6ème année , tome 1, p. 309. Ce savant y a prouvé que ce livre est le même que celui qui est cité dans la fameuse
épître de
saint Jude et dans les anciens écrivains.
Son opinion est que, quelque obscur qu'il soit, il mériterait d'être traduit et publié avec le texte, à cause de son antiquité, de l'usage qu'en ont fait des écrivains respectables, de l'autorité dont il a joui, et des discussions auxquelles il a donné lieu.
(Biographie universelle ancienne et moderne - Tome 12 - Pages 486-487)