Je viens me présenter aux portes du temple
de mon
Dieu, et je ne quitterai point cette humble place de l'indigent,
que le père de ma vie ne m'ait distribué mon pain de chaque
jour. Le voici qui s'avance, ce pain de chaque
jour ; je l'ai reçu,
je l'ai goûté, et je veux annoncer sa douceur aux races
futures. L'éternel
Dieu des êtres ; le titre sacré
qu'il a pris pour se faire connaître aux nations visibles et invisibles
; celui qui s'est fait chair ; l'
esprit de celui au nom de qui tout
doit fléchir le genou au
ciel, sur la terre et dans les enfers
: voilà les quatre
éléments immortels qui composent
ce pain de chaque
jour. Il se multiplie sans cesse comme l'immensité
des êtres qui s'en nourrissent, et à quelque terme que
parvienne leur nombre, ils ne pourront jamais en diminuer l'abondance,
ni se trouver dans la disette ; ce pain de chaque
jour a développé
en moi les
germes éternels de ma vie et les a mis à même
de faire passer dans mon sang la sève sacrée de mes racines
originelles et divines. Les quatre
éléments qui le composent
ont fait disparaître du
chaos de mon cur les ténèbres
et la confusion ; ils y ont rétabli une vivante et sainte lumière,
au lieu de la froide obscurité qui l'enveloppait ; leur
force
créatrice m'a transformé dans un nouvel être, et
je suis devenu le dépositaire et l'administrateur de leurs saints
caractères et de leurs signes vivifiants. Alors, pour manifester
la gloire de celui qui a choisi l'homme comme son
ange et son ministre,
je me suis présenté à toutes les régions
; j'ai considéré et comme passé en revue tous les
ouvrages de ses mains, et j'ai distribué sur chacun d'eux ces
caractères qu'il avait imprimés sur moi pour les transmettre
à toutes ses créatures, et pour leur confirmer les propriétés
et la puissance du nom qu'elles avaient reçues. Je n'ai point
borné mon ministère à agir ainsi sur les ouvrages
réguliers de l'éternelle sagesse ; je me suis approché
de tout ce qui était difforme, et j'ai laissé tomber sur
ces
fruits du désordre les signes de justice et de vengeance
attachés aux secrets pouvoirs de mon élection. Ceux de
ces
fruits que j'ai pu arracher à la corruption, je les ai offerts
en holocauste au
Dieu suprême, et j'ai
composé mes parfums
des pures louanges de mon
esprit et de mon cur, afin que tout
ce qui respire reconnaisse qu'à ce seul
Dieu suprême sont
dus tous les
hommages, toute la gloire et tous les honneurs, comme étant
l'unique source de toute puissance et de toute justice ; et je lui ai
dit dans les transports de mon
amour : Heureux l'homme, puisque tu as
bien voulu le choisir pour en faire le siège de ton autorité,
et le ministre de ta gloire dans l'univers ! Heureux l'homme, puisque
tu as permis qu'il sentît jusque dans les profondeurs de ton
essence,
la pénétrante activité de ta vie divine ! Heureux
l'homme, puisque tu as permis qu'il osât t'offrir un sacrifice
de reconnaissance puisé dans le sentiment
ineffable de toutes
les vertus de ta sainte universalité.
Il ne vous a pas traitées ainsi, puissances
terrestres, puissances de l'univers : il vous a rendues les simples
agents de ses lois et les
forces opérantes de l'accomplissement
de ses desseins ; aussi n'y a-t-il pas un être dans la nature,
n'y a-t-il pas un être parmi vous qui ne le seconde dans son uvre,
et qui ne coopère à l'exécution de ses plans. Mais
il ne s'est point fait connaître à vous comme le
Dieu de
paix et comme le
Dieu d'
amour ; et, lors même qu'il vous donna
l'existence, vous étiez encore assez agitées par les suites
de la rébellion, puisqu'il recommanda à l'homme de vous
soumettre et de vous dominer. Bien moins encore, puissances perverses
et corrompues, vous a-t-il traitées avec les mêmes faveurs
dont il lui a plu de combler l'homme. Vous n'avez pas su conserver celles
qu'il vous accorda par votre origine ; vous avez eu l'imprudence de
croire qu'il pouvait y avoir pour vous un plus beau sort, un privilège
plus glorieux, que d'être l'objet de sa tendresse, et dès
lors vous n'avez plus mérité que d'être l'objet
de sa vengeance. C'est l'homme seul à qui il confie les trésors
de sa sagesse ; c'est dans cet être, selon son cur, qu'il
a mis toute son affection et tous ses pouvoirs. Il lui a dit en le formant:
"
Répands sur tout l'univers l'ordre et l'harmonie dont
je t'ai permis de puiser les principes dans ma propre source ; il ne
peut me connaître que par la régularité de mes uvres
et la fixité de mes lois ; il ne peut être inité
dans les mystères de mon sanctuaire ; il n'a en lui que la mesure
de mes puissances, c'est à toi de les exercer dans tous ses domaines,
puisque c'est par les actes seuls de mes puissances qu'il peut savoir
qu'il y a un Dieu. Pour mes ennemis, lance sur eux tous les traits de
ma colère, ils sont encore plus loin de moi que les puissances
de la nature, et la sainteté de ma gloire ne me permet plus de
me manifester à eux que par le poids de ma justice. Toi seul,
homme, toi seul réuniras désormais aux dons de mes puissances
et de ma justice, celui de pouvoir sentir les vivantes délices
de mon amour, et de les faire partager à ceux qui s'en rendront
dignes. C'est pour cela que je t'ai formé seul à mon image
et à ma ressemblance ; car l'être qui n'aime point, ne
pourrait pas être à mon image. C'est de ce trône
sacré où je t'ai placé, comme un second Dieu, que
je verrai se répandre sur tout ce qui est sorti de mes mains,
les divers attributs de mon être, et tu me seras cher au-dessus
de toutes les productions, puisque si je t'ai choisi pour être
mon organe universel, il n'y aura plus rien de moi qui ne soit connu."
Souverain auteur de mon
esprit, de mon
âme
et de mon cur, sois béni à jamais dans toutes les
régions et dans tous les siècles, pour avoir permis que
l'homme, cette ingrate et criminelle créature, put recouvrer
des vérités aussi sublimes. Il s'en était rendu
indigne par son crime ; et si le souvenir de ton antique et sainte alliance
n'eût engagé ton
amour à les lui rendre, elles seraient
demeurées éternellement perdues pour lui. Louanges et
bénédictions à celui qui avait formé l'homme
à son image et à sa ressemblance, et qui, malgré
tous les efforts et les triomphes des enfers, a su le réhabiliter
dans sa splendeur, dans la sagesse et dans les félicités
de son origine. Amen.