Dictionnaire M. Bescherelle
Substantif masculin [Du latin apanare, vieille latinité, donner du pain. Apaner, c'était donner du pain. Apaner une fille, la doter. Apanage veut donc dire dot, dotation.]
Se dit des terres ou des revenus que les princes ou souverains donnent à leurs puînés pour leur entretien et pour leur tenir lieu de partage. L'origine des
apanages vint en France de ce que l'aîné seul d'une famille souveraine étant admis, à l'exclusion de tous les autres, à recueillir le sceptre dans l'héritage paternel, il était juste d'accorder aux fils du roi, comme
enfants, une part de la succession de leur père ; comme princes, un établissement conforme à leur rang. Sous les deux premières races, les fils du monarque mort se partageaient tous les territoires qui avaient appartenu à leur père. A partir de
Hugues Capet, pour établir dans la succession à la
couronne le droit de
primogéniture, l'ancien mode de partage fut remplacé par la concession d'une ou plusieurs provinces, sur lesquelles le fils aîné devenu roi ne conservait qu'une souveraineté nominale. L'institution des
apanages fut une transaction d'héritiers. Comme on le vit successivement, les
apanages formés de démembrements du domaine qui était inaliénable, exercèrent sur le pouvoir une action dissolvante. Un siècle suffit pour que le roi
Philippe Ier cessât d'être assez fort pour résister à un simple
baron de
Corbeil. L'affranchissement des communes vint enfin arrêter cette effrayante
décomposition. Les collatéraux furent exclus du droit de succession, et, en 1285,
Philippe le Bel prononce l'exclusion des filles ; en 1461, la transmission en ligne directe seulement et le retour à défaut d'
enfants mâles était devenu le
droit commun des
apanages. Depuis 1790, les
apanages avaient été assimilés aux propriétés ordinaires, sauf qu'ils étaient inaliénables, imprescriptibles. A présent que la
royauté n'est plus un droit ni un patrimoine, mais une fonction, l'
apanage ne peut ressembler à ce qu'il fut autrefois : ce ne peut être qu'une dot ou un château avec quelques mille livres de rente.
Tout l'
apanage des princes se réduit souvent à la rapine, à ce qu'ils ravagent dans les lieux qui se trouvent sur leur chemin. (
Virey)
Apanage :
Ce qui est inhérent à une chose, ce qui est propre à quelqu'un, en bien ou en mal ; ce qui est à la suite ou la dépendance d'une autre chose.
La justice est le plus bel
apanage des souverains. La vraie félicité
ne peut être l'
apanage de l'homme sur cette terre : les soucis, les
souffrances, la misère, voilà quel est l'
apanage de notre pauvre humanité. (Voltaire)
Le fanatisme et les contradictions sont l'
apanage de la nature humaine.
(Voltaire)
L'homme a la
force et la majesté. Les grâces et la beauté sont l'
apanage de l'autre sexe. (Buff.)
Soyez riche en vertus, c'est là votre
apanage. (Destouches)
Apanage :
L'Académie ne le dit point dans le sens ni avec la construction qu'il a
dans les vers suivants :
Le présent seul est de notre apanage,
Et l'avenir peut consoler le sage,
Mais ne saurait altérer son repos.
(Voltaire)
M. Bescherelle, aîné, Dictionnaire national ou Dictionnaire universel de la langue française - Volume I (A-F) (1856), p. 194.