Ecoute, mon
âme, écoute, et console-toi
dans ta détresse : Il y a un
Dieu puissant qui veut se charger
du soin de guérir toutes les plaies. Il est le seul, oui, il
est le seul qui ait ce suprême pouvoir, et il ne l'exerce qu'envers
ceux qui l'en reconnaissent comme le possesseur et comme le jaloux administrateur.
Ne va point à lui sous un déguisement comme la femme de
Jéroboam, que le prophète Akia accabla de reproches ;
vas-y plutôt avec l'humilité et la confiance que doit te
donner le sentiment de tes effroyables maux, et de l'universelle puissance
de celui qui ne veut point la mort du pécheur, puisque c'est
lui qui a créé les
âmes. Laisse au temps accomplir
sa loi sur toi, dans tout ce qui tient au temps ; n'accélère
point son uvre par tes désordres ; ne la retarde point
par tes désirs
faux et tes vaines spéculations qui sont
le partage de l'insensé. Mais uniquement occupé de ta
guérison intérieure et de ta délivrance spirituelle,
rassemble soigneu-sement le peu de
forces que chaque degré du
temps développe en toi ; sers-tois de ces secrets mouvements
de la vie, pour te rapprocher chaque
jour de plus en plus de celui qui
voudrait déjà te posséder dans son sein, et te
faire partager avec lui, la douce
liberté d'un être qui
jouit pleine-ment de l'usage de toutes ses facultés, sans jamais
connaître aucun obstacle. Dans les moments où ces heureux
élans s'empareront de toi, soulève-toi sur ton
lit de
douleurs, et dis à ce
Dieu de
miséricorde et de toute-puissance
: Jusqu'à quand, Seigneur, laisserez-vous languir dans l'esclavage
et dans l'
opprobre, cette antique image de vous-même que les siècles
ont pu ensevelir sous leurs décombres, mais qu'ils n'ont jamais
pu effacer ? Elle a osé vous mécon-naître dans ces
temps où elle habitait dans la splendeur de votre gloire ; et
vous, vous n'avez eu autre chose à faire, que de
fermer sur elle
l'il de votre éternité ; et dès l'instant
elle s'est trouvée plongée dans les ténèbres,
comme dans un abîme. Depuis cette lamentable chute, elle est devenue
journellement la risée de tous ses
ennemis ; ils ne se contentent
pas de la couvrir de leurs dérisions ; ils l'infestent de leurs
venins ; ils la chargent de chaînes, pour qu'elle ne puisse pas
se défendre, et pour qu'ils aient plus de facilité à
diriger sur elle leurs
flèches empoi-sonnées. Seigneur,
Seigneur, cette longue et humiliante épreuve n'est-elle pas suffisante,
pour que l'homme reconnaisse ta justice et rende
hommage à ta
puissance ? Cet amas infect des dédains et des mépris
de son
ennemi, n'a-til pas séjourné assez longtemps sur
cette image de toi-même pour lui dessiller les yeux, et la convaindre
de ses illusions ? Ne crains-tu pas qu'à la fin ces substances
corrosives n'effacent entièrement son empreinte, et la rendent
absolument méconnaissable ? Les
ennemis de ta lumière
et de ta sagesse ne manqueraient pas de con-fondre cette longue chaîne
de mes
opprobres avec ton éternité même ; ils croiraient
que leur règne d'horreur et de désordre est la seule et
réelle demeure de la vérité ; ils croiraient l'avoir
emporté sur toi et s'être emparé de ton royaume.
Ne permets donc pas, ô
Dieu de zèle et de jalousie, que
ton image soit profanée plus longtemps. Ta propre gloire me touche
encore plus que mon propre bonheur qui ne serait pas fondé sur
ta propre gloire. Lève-toi de ton trône immortel, de ce
trône où repose ta sagesse, et qui est tout resplendissant
des merveilles de ta puissance ; entre un instant dans la vigne sainte
que tu as plantée de toute éternité ; prends un
seul grain de ce raisin vivifiant qu'elle ne cesse de produire ; presse-le
de ta main divine, et fais couler sur mes lèvres le jus sacré
et régénérateur qui seul peut réparer mes
forces ; il humec-tera ma langue desséchée ; il descendra
jusque dans mon cur ; il y portera la joie avec la vie ; il pénétrera
tous mes membres ; il les rendra sains et robustes, et je paraîtrai
vif, agile et vigou-reux, comme je l'étais le premier
jour que
je sortis de tes mains. C'est alors que tes
ennemis, déçus
dans leurs espérances, rougiront de honte, et frissonneront de
frayeur et de rage, de voir que leurs efforts contre toi auront été
vains, et que ma sublime destinée aura atteint son accom-plissement,
malgré leurs audacieuses et opiniâtres entreprises. Ecoute
donc, ô mon
âme, écoute et console-toi dans ta détresse
: Il y a un
Dieu puissant qui veut se charger du soin de guérir
toutes les plaies.