31.
Il est temps que le nouvel homme commence sa mission.
Son âge terrestre est rempli ; son âge céleste va commencer.
La première loi qu'il va subir en
entrant dans cet âge céleste,
c'est le
baptême corporel, et ce
baptême, il faut qu'il le reçoive
de la main de son guide, afin de pouvoir ensuite recevoir le
baptême
divin de la main du Créateur. C'est notre
compagnon fidèle
qui est chargé d'opérer sur nous ce
baptême corporel,
parce que sa fonction est de nous défendre, de nous préserver,
de nous purifier de tout ce qu'il y a d'
hétérogène
autour de nous, afin de rompre la barrière qui nous sépare
de notre seul, et universel principe de réaction qui est la Divinité.
Cependant ce
baptême que nous nommons ici corporel
ne tombe point sur la forme extérieure du
corps, parce que cette
forme a des actions de son ordre pour la soigner, et pour la baptiser
selon leurs mesures ; et même si cette forme n'était pas pure
dans ses
éléments extérieurs, le
baptême dont nous
parlons, ne pourrait pas avoir lieu, parce qu'il tombe sur les principes
de la forme, et qu'il ne pourrait parvenir jusqu'à ces principes,
si la forme extérieure lui offrait quelques obstacles par ses
souillures. En même temps ce
baptême s'opère par le moyen de
l'
eau principe, dont notre
compagnon fidèle peut user
pour agir sur nos principes ; et cette propriété de l'
eau
principe est indiquée physiquement par l'
eau élémentaire
que tout le monde sait être le principe de toute corporisation matérielle.
C'est sans doute une honte, et une humiliation
pour nous d'avoir à recevoir ce
baptême corporel régénérateur,
par la main d'une créature spirituelle, dont nous sommes destinés
à être un
jour les maîtres et les
juges, puisque nous devons
juger les
anges, et la justice même (1ère Cor. 6:3) ; mais telle
est la suite de l'immense transposition qui s'est faite au moment du
péché, et c'est encore une grâce infiniment grande que
nous fait ici la
miséricorde divine, de permettre que la main
de la créature spirituelle puisse rompre nos chaînes, pour nous
mettre dans le cas de recevoir la vie supérieure, et créatrice
dont nous sommes si prodigieusement éloignés.
Cet
ange fidèle, et rempli d'
amour pour
nous, désire sûrement avec beaucoup d'ardeur, opérer sur
nous cette uvre salutaire, mais il le désire aussi pour
son propre compte, parce que, selon ce qui a été dit précédemment,
il ne peut jouir de la vie divine que par notre organe. Néanmoins,
comme tout son être est humilité, il attend, dans sa douce patience,
que les moments soient arrivés, que les mesures soient à
leur point, et surtout, que l'ordre lui soit donné de remplir
son œuvre ; car il s'est dévoué à l'obéissance,
nous offrant par là, le premier l'exemple de la manière
dont nous devons nous conduire envers
Dieu.
Ce sont tous ces mouvements-là qui se sont
passés dans
saint Jean-Baptiste, lorsque le Réparateur
vint le trouver près du
Jourdain pour être baptisé par
lui ; il savait que celui qui serait envoyé
devait baptiser
dans l'esprit, et dans le feu ; il savait
qu'il n'était
pas digne de dénouer les cordons de ses souliers ; il n'osait
par humilité, baptiser le Seigneur ; ce ne fut que quand il en
eut reçu l'ordre de sa pari, qu'il s'y détermina ; et ce saint
Jean nous est donné dans l'Évangile comme marchant dans
l'
esprit, et la vertu d'
Elie, ou comme étant
Elie lui-même, c'est-à-dire,
l'
esprit du Seigneur : aussi était-il le précurseur.
Lorsque ce
baptême corporel est opéré
sur nous par l'
eau de l'
esprit, alors le nouvel homme sort des
eaux
où il avait été plongé, et c'est quand
il
a mis le pied sur la terre qu'une voix du
ciel se fait entendre,
et dit :
C'est mon fils bien-aimé dans lequel j'ai mis toute
mon affection. Jusque-là ce nouvel homme était bien
le fils de
Dieu, puisqu'il avait été conçu par l'
esprit
et que par ce même
esprit, il avait reçu la naissance ; mais son nom,
et sa famille divine n'avaient point été promulgués,
et tant que cette barrière qui devait céder à
l'eau
de l'
esprit n'aurait point été rompue, le nouvel homme
n'aurait pu recevoir de la part de son père cet aveu authentique
par lequel il le reconnaît pour son fils, et lui assure par là,
non seulement son existence parmi les nations, mais aussi les droits
les plus constants
à son légitime héritage.
Ce n'est donc qu'alors que la Divinité commence
à faire réellement son entrée en nous, et que nous
avons l'espoir de voir descendre en nous les trois principes divins
qui viendront s'y établir, pour y opérer, par leur suprême
indissolubilité, une union intime des trois principes
qui nous constituent personnellement, union qui, de ces trois principes,
ne doit faire en nous qu'un seul principe, et les manifester toujours
dans cette unité forte, et harmonique, dans quelque lieu, dans
quelques circonstances, dans quelque uvre, et dans quelque portion
de nous-mêmes que nous en ayons besoin.
Cette entrée de
Dieu en nous est le principal
désir et l'objet essentiel de la Divinité ; aussi nous
n'avons qu'une idée bien faible des efforts qu'elle fait pour
remplir ce but ; et s'il y a quelque chose de lamentable dans notre
existence, c'est de sentir, et d'éprouver que nous fermons nous-mêmes
l'accès à cette Divinité, c'est de sentir physiquement
qu'elle circule continuellement autour de nous, pour trouver un sentier
par où elle puisse s'introduire jusque dans notre cur,
et que nous, au contraire, nous nous efforcions tellement de lui rendre
la voie étroite, qu'elle soit obligée de se froisser,
et de se mettre en sang pour pénétrer en nous, et nous
apporter la vie ; c'est de sentir que l'
amour qu'elle a pour nous lui
rend supportables toutes ces douleurs, et qu'elle ne murmure point,
qu'elle ne se rebute point de verser des larmes pourvu que le
feu de
sa
charité perce les obstacles et triomphe dans la sainte gloire
de son
amour tandis que nous, dans nos abominables ténèbres
et dans nos voies pleines d'
iniquité, nous fermons l'oreille
à ses sollicitations, et nous restons insensibles à sa
tendresse.
Cependant quelles sont les
vues qu'elle a sur nous,
c'est de nous appeler, et de nous faire relever du milieu des morts,
c'est de nous délivrer de la fange, et de l'infection dans laquelle
nous sommes étendus, c'est de nous rendre assez lumineux par
le
feu de son
esprit, pour que nous puissions, les uns et les autres,
nous servir de guides, et de points de ralliement dans nos abîmes, et
nous arracher ensemble par sa divine puissance, à ce séjour
sépulcral dans lequel nous ne sommes autre chose que de vrais
cadavres.
Or, le moindre rayon de sa parole suffit pour opérer
en nous ce prodige, pour nous remplir tout entiers de
force, d'
amour
et de lumière, et substituer en nous des
vertus et des
facultés caractérisées, à la place de cet
état ténébreux, et insignifiant qui est le propre
de la région que nous habitons ; et c'est le rayon de cette parole
que nous nous efforçons soigneusement de repousser de nous, comme s'il
devait nous donner la mort.
Le nouvel homme n'a point voulu suivre ces voies
erronées. Il a été conçu dans
Nazareth,
il a vécu parmi les
Nazaréens, et selon les usages
et les lois des
Nazaréens et quand son âge a été
arrivé, il s'est porté vers le
Jourdain, qui est la frontière
de la terre promise ; là il s'est soumis humblement à
la main de son guide, et de son précurseur qui s'est baissé
pour prendre les
eaux du
fleuve, et les a répandues sur la tête,
et sur toute la personne intérieure de ce Nazaréen.
Ce
baptême invisible dont le
baptême visible du
Réparateur nous donne l'intelligence, opère un double
effet sur le nouvel homme. Non seulement ce nouvel homme entend, comme
le Réparateur, ces paroles consolantes :
c'est mon fils bien-aimé
dans lequel j'ai mis toute mon affection ; mais il aperçoit, comme
lui, dans la profondeur de son être, des trésors cachés
dont il n'ignorait pas toute la valeur, mais qui ne lui étaient
pas encore découverts, et qui ne pouvaient l'être que par l'organe
de ce
baptême invisible qui ne peut lui être
administré que par
son guide. Dès l'instant que ce
baptême invisible lui est
administré,
la voix divine peut entrer en lui comme dans sa propre forme, et le
pénétrer dans toutes les facultés qui le constituent
; et c'est à mesure qu'elle le pénètre ainsi de
toutes ses facultés, qu'il découvre en lui-même les richesses
dont il est doué par sa nature divine, et l'emploi qu'il doit
faire de ces richesses pour la gloire de celui dont il les a reçues.
Ces richesses consistent principalement en sept
canaux spirituels, qui attendaient tous l'ordination sacramentelle,
pouvoir commencer à reprendre leur activité, et pour redevenir
les organes de la source suprême, dont ils doivent transmettre les
eaux
fertilisantes dans toutes les régions frappées de stérilité
; ces sept canaux se trouvent avoir entre eux la correspondance la plus
parfaite, et quoiqu'ils aient chacun un caractère, et une propriété
différente, l'un ne peut agir sans le concours des autres, ou
sans que ses rapports avec les autres canaux ne soient déterminés.
C'est ainsi que, par la manifestation que la vérité universelle
nous offre dans l'
harmonie musicale, aucun son ne peut exister sans
que ses relations ne soient établies sur le champ avec tous les
autres sons.
Tel est l'instrument divin que la source supérieure
a confié au nouvel homme, ou plutôt, a bien voulu régénérer
en lui pour le remettre à portée de célébrer
de nouveau, par des chants réguliers, la gloire de son auteur,
de son maître, et de son père ; uvre que l'homme ne peut
accomplir que par le secours de cet instrument spirituel, et lié
dans toutes les harmonies, parce que comme c'est l'unité qu'il
doit célébrer, il ne pourrait s'en acquitter avec
justesse,
s'il n'avait pas dans la main le représentatif de cette unité
; uvre qui n'aurait jamais dû s'interrompre, si l'homme avait
suivi les plans de sa destination originelle, mais qui, malgré
l'interruption qu'elle a subie par le cruel pouvoir qu'a eu le crime
d'obstruer en nous ces précieux canaux, est toujours prête à
revivre, et à développer toutes les merveilles dont elle
est susceptible, dès que l'homme veut former une résolution
sincère de se mettre en état, par ses efforts constants,
et son intime humilité, de recevoir le
baptême invisible de son
guide qui seul peut l'amener aux portes de la région de la vie.
32.
Plus le nouvel homme est frappé d'admiration
en découvrant en lui de si grandes merveilles et un instrument
spirituel si précieux, plus il sent la nécessité
de se livrer avec ardeur au soin de nettoyer de plus en plus tous ces
canaux, et d'en étudier avec une vigilance infatigable tous les
sons, pour que le concert qu'ils doivent former ne produise jamais que
l'
harmonie la plus parfaite, et pour que les plans de la source suprême
ne soient pas dérangés une seconde fois.
C'est pour cela qu'il va se jeter dans le désert
; non pas seulement dans le désert matériel des circonscriptions
locales et terrestres, mais dans le désert de l'
esprit, et dans
le désert de bleu ; c'est-à-dire que, sentant combien
il est peu digne de s'approcher encore de cet
esprit, et de ce
Dieu
dont il a été rejeté si loin par le crime, il va
se replier dans lui-même pour rassembler ses
forces, et ses lumières
dispersées, afin que quand il aura eu le bonheur de leur faire
reprendre leur unité, il puisse s'offrir dans de plus justes
mesures à celui qui est la mesure même.
D'ailleurs, il est conduit à ce courageux
isolement par un sentiment de justice et d'équité. C'est
par nous, dit-il, que le crime a été conçu et opéré,
c'est par nous que la subdivision de notre être a eu lieu, c'est par
notre propre volonté que nous avons mérité d'être
séparés de notre principe, c'est donc par nous, et par
notre propre volonté que nous devons mériter d'être ramenés,
et réunis à ce principe. Heureux encore, et cent fois
heureux, non seulement qu'on nous ait avertis que ce rapprochement nous
était possible, mais encore qu'on nous en ait montré à
la fois le terme, et les moyens, par le
jour que le
baptême invisible
de notre fidèle
compagnon vient de répandre dans l'
âme
de l'homme.
C'est donc par cet
esprit d'humilité, de
justice, et de courage que le nouvel homme va être poussé dans
le désert ; là, avec la lumière qu'il vient de
recevoir, il va parcourir les plus profondes retraites de son être,
et il ne se reposera ni
jour ni nuit, qu'il n'en ait éloigné
toutes les
immondices,
tous les malfaiteurs et tous les
animaux
nuisibles.
De profondes doctrines nous ont déjà
appris que dans ce désert il sera tenté en réalité
de la manière dont le premier homme le fut dans le domaine primitif
qui lui fut confié ; elles nous ont appris qu'il le sera dans
son
corps, dans son
âme et dans son
esprit en raison des trois principes
qui nous constituent ; elles nous ont appris qu'il ne pourra jamais
mieux se défendre qu'en opposant à son
ennemi la parole
qui sort de la bouche de
Dieu, comme le Réparateur nous en a
donné l'exemple, en ne répondant au tentateur que par
des passages de l'Ecriture ; elles nous ont appris que cet homme, en
épreuve doit passer quarante
jours et quarante nuits dans le
désert pour accomplir la rectification de ce quaternaire qui
caractérise l'
âme humaine, et qui a été défiguré
par le péché ; ainsi nous n'appuierons point sur ces grands
objets.
D'ailleurs c'est dans lui, c'est dans son
âme que
ce nouvel homme fera la découverte de tous ces principes ; et
il ne serait pas un nouvel homme s'il n'apprenait ces hautes vérités
que par tradition, et s'il n'en acquérait pas la connaissance
intime par expérience, et par sentiment. Tâchons donc seulement
de ne point perdre de
vue le chemin qu'il va suivre dans ce désert.
Le premier pas qu'il y va faire, est de sentir
que son être physique n'est que le rempart de la citadelle qu'il doit
défendre ; que ce rempart doit non seulement opposer une résistance
invincible aux
ennemis ; mais que c'est même de ce rempart qu'il doit
lancer sur eux les foudres et les éclairs pour les empêcher d'approcher,
et les effrayer par la terreur de sa puissance. Mais comme il a clairement
reconnu que sans le
baptême invisible qu'il vient de recevoir, il n'aurait
jamais la
force d'entreprendre des uvres aussi pénibles
que celles qui s'offrent à lui, il fera en sorte que ce même
baptême s'étende successivement sur toutes les portions de son
être.
Ainsi il invoquera le nom du Seigneur pour que
ses
éléments soient maintenus dans la mesure, et la
justesse
qui leur conviennent, afin que le rempart conserve son assiette ; il
invoquera le nom du Seigneur pour que les
éléments supérieurs
réactionnent, et fortifient continuellement ce rempart, et qu'il
soit préservé par là de toute
dégradation,
afin de pouvoir mieux résister à ses
ennemis ; il invoquera
le nom du Seigneur pour que le principe de sa vie corporelle concoure
sans cesse avec l'action de ses
éléments constitutifs,
et la réaction des
éléments supérieurs,
de manière que leur
harmonie les rende comme inséparables,
et forme un
triangle puissant, et irrésistible sur qui le désordre
ne puisse avoir aucun empire ; il nourrira ainsi son être élémentaire
de la
force, de la patience, de la ferme constance, du courage, de l'élévation
au-dessus des maux et des dangers, tant il sent que cet être élémentaire
n'est en effet que le rempart de la forteresse, et qu'il lui faut songer
avec non moins de soin, à mettre en état de défense
et de sûreté le
corps de la place.
Voyez donc ce nouvel homme au milieu de sa solitude,
tantôt errer dans les sentiers écartés, tantôt s'asseoir
accablé d'amertume, et verser des torrents de larmes, tantôt
s'absorber dans la profondeur de ses pensées, toujours gémir,
toujours désirer, toujours attendre les moments de consolation,
et de triomphe qui lui sont annoncés, toujours prier pour que
son espérance ne défaille point malgré l'austérité
de son désert, malgré l'âpreté de sa nourriture,
et malgré les rudes épreuves qu'il doit subir à
chaque instant ; voyez-le en même temps se défendre toujours
par des moyens simples, et toujours puisés dans l'
amour et le
respect qu'il a pour son
Dieu.
En effet, toutes les fois qu'un objet quelconque
se présente à sa pensée, et cherche à lui
faire naître des désirs, quelque légitimes qu'ils soient
en apparence, avant de s'arrêter à cet objet il se retourne toujours
vers
Dieu, et dit :
J'ai senti que mon
Dieu était le principe
de toutes choses, qu'il n'y avait rien qui ne tint de lui sa
force,
ses propriétés, ses vertus, et tout son prix, je ne dois
donc jamais me déterminer à livrer ma pensée et
mon cur à aucun objet, avant d'avoir cherché si
mon
Dieu n'a pas en lui de quoi me tenir lieu de cet objet ; car s'il
a en lui de quoi me tenir lieu de cet objet, je serais insensé
de ne pas me dévouer exclusivement à lui, de former d'autres
alliances qu'avec lui, puisque tout autre objet que lui n'est que secondaire,
et ne peut m'offrir qu'une joie passagère, et bornée,
comme l'est l'
essence particulière de cet objet, au lieu qu'en
faisant une alliance exclusive avec mon
Dieu, je trouverai en lui tous
les objets secondaires qui existent hors de lui, quoique par lui, et
je les y trouverai dans une existence durable, permanente et universelle,
puisqu'ils seront liés là à la source éternelle
et impérissable qui les créera et les engendrera continuellement,
et sans qu'ils puissent jamais cesser d'être, et de me combler de joies
et de délices.
Par cette réponse simple et prise dans l'
esprit
de la vraie foi, il éloigne insensiblement de lui tous
les
enchanteurs, qui ne peuvent résister à une pareille
marche, et qui peut-être sont plus aisément dispersés
par là que par une résistance ouverte et par des combats
déclarés. C'est à mesure que ce nouvel homme fortifie
le rempart de la citadelle, qu'il acquiert de ces vastes et simples
développements instructifs pour l'administration de l'intérieur.
Il en peut apercevoir de solides raisons. D'abord,
plus ce rempart est fidèlement gardé et maintenu dans
ses justes mesures, moins il peut y avoir de communications et d'intelligences
entre les
ennemis qui sont au-dehors et ceux des habitants mal intentionnés
qui pourraient être dans l'intérieur de la place ; peut-être
même que faute de pouvoir communiquer avec l'
ennemi, et frappés
par l'exemple de ceux de leurs concitoyens qui restent fidèles,
ils se rangeront d'eux-mêmes du côté de la bonne cause, et qu'ainsi
toutes les
forces se réunissant pour le salut commun de la forteresse,
la prudence, la sagesse, les lumières, le courage se multiplieront
parmi les habitants, et chaque
jour ils découvriront de nouvelles
clartés, et de nouveaux expédients pour décourager
les assiégeants, et leur faire lâcher prise, et peut-être aussi
pour les exterminer lorsque l'occasion se présentera de les combattre
corps à
corps.
Secondement, comme toutes ces
forces et ces lumières
ne peuvent se trouver dans le nouvel homme, qu'autant qu'elles y descendent
de la voie supérieure par les diverses progressions de la sagesse,
et par l'usage sacré que l'homme a le bonheur d'en faire, c'est
encore le bon état du rempart de la place qui peut favoriser
et seconder l'approche de ce secours ; car nous avons vu que notre
Dieu
était un être actif et effectif ; nous avons vu qu'il cherchait
à faire pénétrer partout son activité et
son
effectivité ; mais, par la loi des analogies dont
il est à la fois le modèle et la source, il ne peut s'unir
qu'à de l'activité et qu'à de l'
effectivité.
Ainsi, ce n'est qu'autant que nous tâchons d'accumuler l'activité
spirituelle et effective dans nos
éléments par l'invocation
du nom du Seigneur, que l'activité divine peut se communiquer
à notre intérieur et s'y développer d'une manière
utile et réelle.
Il faut, avant que cette activité divine
puisse descendre en nous et s'y établir d'une manière
profitable, qu'elle puisse y trouver des organes actifs et assez remplis
de
force pour pouvoir correspondre à tous ses mouvements, et
réaliser dans leur mesure, les plans qu'elle tracera en grand
dans la sienne. Enfin, on ne saurait trop le répéter,
il faut que le nouvel homme se soit sacrifié, régénéré,
spiritualisé, et même divinisé, pour que l'action divine
puisse descendre avec joie en lui, comme étant sûre d'y trouver
une demeure qui lui convienne, et où sa gloire, ses puissances
et tous ses trésors ne soient pas exposés à rester
sans
fruits, ou à être dérobés par l'
ennemi.
33.
Ce soin et cette vigilance sur notre être extérieur,
paraîtront si indispensables au nouvel homme, qu'il n'aura pas de peine
à les regarder comme les principaux, et peut-être même comme
les seuls qui devraient occuper l'homme ici-bas. En effet, c'est cet
être extérieur qui est sur la frontière, c'est par là
que doivent se manifester la sagesse, la
force et la magnificence des
habitants du royaume ; c'est là que viennent affluer et aboutir
tous les résultats des sages délibérations qui
ne doivent cesser de se tenir dans l'intérieur de l'empire ;
nous ne devrions avoir d'autres fonctions que de veiller et de concourir
à l'exacte exécution de ces sages délibérations,
parce que nous ne sommes que les
agents de l'Etat, et nous n'en sommes
point les législateurs ; nous pourrions nous acquitter fidèlement
de notre emploi, sans la moindre inquiétude sur les lumières
et la sagesse qui ne manqueront pas dans le conseil, tant que nous n'en
interrompons pas la marche et l'exécution par notre négligence
à tenir notre poste en bon état.
La raison pour laquelle nous pouvons rester sans
inquiétude sur les lumières et la sagesse
du conseil,
c'est que ce conseil se tient, ou doit se tenir dans notre intérieur
; c'est que ce conseil repose sur notre intérieur, et que par
conséquent, notre intérieur étant, par nature,
voisin de ce conseil, ne peut manquer d'en découvrir les lumières
et d'en recevoir continuellement en lui les décrets et les délibérations,
comme un
fleuve qui
coule naturellement dans son
lit.
Si nous laissions ainsi la voie de notre intérieur
ouverte à cette sagesse et à ces lumières, elles
couleraient aussi infailliblement dans nous que ce
fleuve coule dans
ce
lit qui lui est toujours ouvert, et nous n'aurions pas plus à
craindre que lui que la source pût jamais se tarir. Notre croissance
spirituelle extérieure se ferait comme la croissance corporelle
des plantes qui transforment constamment en écorce, en branches,
en feuilles, en
fleurs, en
fruits, les sucs qui leur sont envoyés
par le principe de leur vie végétale, sans qu'elles aient
besoin de s'occuper comment cette sève radicale et créatrice
pourra leur faire parvenir de nouveaux sucs, pour les nouveaux résultats
qu'elles sont toujours prêtes à réaliser, et nous n'aurions
pas plus d'inquiétude sur l'écoulement de la source vivante
de la nature, dans leurs divers canaux qui sont propres à remplir
les plans de cette nature ; parce que nous serions sûrs que la source
divine a des plans mille fois plus vastes et plus durables, et une abondance
incomparablement plus inépuisable.
Source divine, ô source divine, qu'est-ce qui rend
ainsi tes plans si vastes, et ton abondance si inépuisable ?
C'est cette sainte analogie que tu as daigné établir entre
l'homme et toi. C'est parce que tu nous as placés immédiatement
au-dessous de toi, que le
fleuve de ta vie s'écoule en nous,
comme s'il était entraîné par le poids de ses
eaux dans
la pente naturelle que tu leur as données toi-même, en nous accordant
l'existence ; c'est parce que tu as donné à notre cur
la capacité de s'accroître à mesure que les
eaux divines
s'accumulent en lui, que tu aimes à faire descendre en nous ce
fleuve sacré qui est aussi éternel que toi-même ; et tu
cherches à diriger vers nous le cours de ces
eaux, parce que
tu sais que le cur de l'homme est le seul qui puisse les recevoir
dans toute leur mesure, les conserver dans toute leur virtuelle efficacité,
et les employer à cette fertilisation, et à cette végétation
universelle qui, dès avant les siècles, était le
désir de ton être, et l'objet de ton existence.
Ame de l'homme, ce n'est point à l'homme
de peindre les délices dont tu peux être embrasée, lorsqu'après
avoir établi, par la grâce supérieure, une mesure juste,
forte, durable et à toute épreuve dans ton être extérieur,
qui est comme la frontière de l'état, tu sens descendre
en toi ces
eaux divines, ces douceurs divines, ces lumières divines,
ces vertus divines qui te donnent à la fois, et la vie, et le
sentiment de la vie qu'elles t'apportent, et la sainte confiance que
tu participes à leur immortalité ; mais l'homme peut t'avertir
que le moment n'est point encore venu de te livrer à ces sublimes
joies.
Songe qu'ici-bas tu n'es encore que dans le désert.
Songe que tu es encore au milieu des
lions dévorants ; songe
que tu es suspendue, comme par un fil, au-dessus de l'abîme ; songe
que tu es ici pour gémir, pour agir, et non pas pour jouir ;
ainsi, tiens-toi en garde même contre les délices de ces jonctions
divines qui, étant trop anticipées, pourraient t'abuser
sur ton uvre, si tu les écoutais trop longtemps et avec
trop de complaisance. Tempère-les plutôt par le sentiment de
ton infirmité ; tiens-toi toujours prête à en faire le
sacrifice, afin de te mieux préparer à les recevoir un
jour, d'une manière qui ne soit nullement dangereuse pour toi,
et qui te soit entièrement profitable ; enfin, reçois-les avec
une joie mêlée de crainte et de tremblement que tu aies le malheur
de ne pas les faire échapper, en entier, aux dangers dont sont
menacés tous les trésors sacrés qui descendent
dans ce bas monde ; ne t'occupe que de les faire arriver à leur
terme sans accident et sans avarie, et ne consume pas à la jouissance
de tes propres satisfactions, le temps que tu dois employer à
l'avancement de l'uvre de ton maître, et à veiller contre
les déprédateurs de ses richesses.
N'oublie pas qu'il y a deux portes dans le cur
de l'homme ; l'une inférieure, et par laquelle il peut donner
à l'
ennemi l'accès à la lumière élémentaire,
dont il ne peut jouir que par cette voie ; l'autre, supérieure,
et par laquelle il peut donner à l'
esprit renfermé avec
lui l'accès à la lumière divine qui ne peut ici-bas
lui être communiquée que par ce canal. Si au lieu d'ouvrir la
porte supérieure pour la consolation de l'ami qui est renfermé
avec toi dans ta prison, tu ouvres la porte inférieure, et que
tu donnes accès en toi à ton adversaire, tu deviens un
champ de bataille où ton ami fidèle, déjà
en privation par sa
charité pour toi, est encore exposé
tantôt à un combat cruel, tantôt à des attaques déchirantes,
quand il voit que tu te déclares aussi contre lui, et toujours
à une situation lamentable par l'horrible voisinage que tu lui
as procuré, et par la malheureuse nécessité où
il est par ta négligence, ou par tes crimes, de demeurer auprès
de son
ennemi, et du tien, de se trouver renfermé dans la même
enceinte, de le voir journellement te corrompre par son infection, et
d'être obligé de respirer ces
influences pestilentielles.
Juge donc ce que ce serait, si après avoir
laissé introduire en toi cet
ennemi de toute vérité,
tu ouvrais ensuite la porte supérieure de ton être, et que la
vérité elle-même fût dans le cas d'y descendre en raison
de sa pente naturelle ! Détournons les yeux de ce tableau, ou
du moins ne le contemplons qu'autant qu'il nous sera utile et nécessaire
pour appeler en nous une plus grande
force que celle qui nous reste,
après les torts considérables que nous aurions déjà
eus envers notre fidèle ami ; appelons cette
force supérieure
pour qu'elle vienne se
joindre à celle de cet ami fidèle,
et à la nôtre, afin que cette triple puissance tombe comme une
foudre sur le déprédateur, et le funeste
ennemi que nous
avons laissé entrer en nous, afin qu'elle le fasse rentrer dans
ses abîmes, et qu'elle referme ensuite sur lui d'une manière
sûre cette porte inférieure que nous n'aurions jamais dû lui
ouvrir.
Voilà en effet quelle est l'uvre du
nouvel homme pendant son séjour dans le désert, c'est
d'obtenir d'en haut une
clef puissante pour lier l'
ennemi dans ses cavernes
ténébreuses, c'est de séparer le pur de l'impur,
comme il avait été recommandé aux Hébreux,
c'est de rendre la respiration de l'
air céleste et divin à
cet ami fidèle, à qui le premier homme fait continuellement
respirer un
air infect depuis le crime ; enfin, c'est d'arracher des
mains de l'
ennemi les portions des trésors divins, et les étincelles
de la vérité même que nous lui avons laissé quelquefois
dérober, en ouvrant si imprudemment notre porte supérieure,
sans avoir pris la précaution de chasser l'
ennemi dans ses abîmes,
et de
fermer soigneusement sur lui la porte inférieure.
Car, c'est là la tâche qui nous reste à
remplir depuis que la faiblesse de l'homme primitif a laissé
pénétrer l'
iniquité dans nos domaines ; lorsqu'il
mangea de l'
arbre de la science du bien et du mal, il rassembla, près
l'un de l'autre, son être qui habitait dans la lumière, et son
adversaire qui habitait dans les ténèbres ; c'était
cette réunion monstrueuse que la sagesse divine voulait empêcher,
en le prévenant de ne point manger de cet
arbre de la science
du bien et du mal, qui devait lui donner la mort ; c'est donc la rupture
d'une pareille association que nous devons opérer aujourd'hui,
si nous voulons nous mettre en état de manger des
fruits de l'
arbre
de vie, sans commettre la plus abominable des profanations.
Je le répète, ce dernier tableau
serait trop affligeant et trop désespérant pour ceux qui
n'auraient pas acquis les yeux, l'âge et la
force du nouvel homme ;
et ils ne pourraient considérer, sans danger, les horribles prostitutions
auxquelles les
fruits de l'
arbre de vie ont été exposés
par l'
iniquité des mortels ; mais c'est à l'
expiation
et l'abolition de ces prostitutions que le nouvel homme est particulièrement
occupé ; voilà pourquoi il ne peut plus jouir d'un seul
moment de repos, puisque l'
ennemi, non seulement se défend sans
cesse et craint de rentrer dans ses abîmes, mais cherche au contraire
à faire ouvrir, quand il le peut, la porte supérieure
du cur de l'homme, afin de multiplier de plus en plus les abominations
qui doivent finir par inonder la terre, comme elles l'ont inondée
avant le
déluge.