Si, du reste, celui qui, reconnaissant la nature de l'
esprit
comme distincte de l'inconscient et supérieure à lui, ne peut trouver
aucune objection contre la possibilité et la réalité de «
la sensibilisation de l'
esprit », ainsi que l'enseigne Pasqualis, je ne
vois pas les raisons qu'y peut opposer le
panthéiste le plus convaincu,
qui considère l'apparaître de l'
esprit, ou conscience dans l'homme,
comme un mirage passager de la conscience universelle, c'est-à-dire comme
une
ampoule spirituelle que la substance générale fait lever
la terre a des
bulles comme l'
eau et qui en conclut que des mirages analogues,
ni plus ni moins réels, objectifs et durables que la conscience humaine
elle-même, peuvent aussi se former d'une autre manière et se manifester
même hors de l'homme, là où la substance universelle ne peut
les faire apparaître sans lui, mais en lui et par lui, par exemple engendrés
dans les nerfs intestinaux
[Note de l'auteur : On ne peut,
en effet, accorder une force supérieure à cette plastique de
la sensation de certains modernes, parce que cette puissance plastique se
manifesterait effectivement comme créatrice, si elle devait faire tout
ce que l'on lui impute. D'ailleurs le professeur Kieser pense pouvoir très
facilement faire disparaître ce qu'il y a de réel dans ces manifestations,
par une réduction à la subjectivité. Or, il est absolument
exact que les lois de la catoptrique (réflexion) et de l'acoustique (ventriloquie)
se reproduisent aussi d'une foule de manières dans le monde psychique,
et qu'un grand nombre de ces prétendues visions et de ces opérations
de l'art tombent entièrement sous ces lois. Cependant on se tromperait
fort, si l'on voulait soumettre à cette loi tous les phénomènes
de ce genre, et y ramener aussi ceux où l'homme ne joue évidemment
qu'un rôle passif dans réflexion et cette ventriloquie. Si, par exemple,
Kieser considère comme entièrement subjectives ces mêmes manifestations
qui se produisent chez l'homme à son insu, c'est-à-dire contre sa
subjectivité, s'il ne veut reconnaître qu'une infection subjective
dans des cas où plusieurs ont la même vision, on ne voit pas ce qu'il
considère finalement comme subjectif, et, par conséquent, partout
où un fait distant dans l'espace et dans le temps est perçu par
un somnambule, cela n'est pas une opération purement subjective. Cependant
la réalité nous enseigne que « le sujet qui agit ici plastiquement
», se tenant au-dessus du sujet proprement dit (le somnambule) et de l'objet
donnant la forme à l'un et à l'autre, se les subordonne tous
les deux. Par conséquent, il se manifeste ici un agent d'un ordre supérieur
qui, pour cela, doit s'appeler, au sens strict, tout aussi bien non-subjectif
que non-objectif. Je veux du reste encore citer en passant cette objection
connue contre la réalité des manifestations des esprits (démons),
qui repose sur leur disparition, par le moyen de drogues, par exemple, etc., qui
prouve, ainsi qu'on le croit, l'irréfutabilité du fondement matériel
des phénomènes de ce genre. Mais, en fait, il est facile de réfuter
cette objection, car si, comme je l'ai indiqué dans mes thèses sur
la formation de la vie, la structure du corps sert précisément à
l'enchaînement de ces sombres puissances, on doit pas s'étonner de
voir ces manifestations coïncider avec la perturbation du processus vital
corporel, et disparaître en même temps que la cessation de ce trouble.].
Mais il serait certes bien inutile de discourir sur la possibilité de telles
manifestations psychiques, si elles ne se rencontraient pas dans notre vie sous
leur « forme incertaine », et ne pouvaient faire ouvrir les yeux à
la multitude, par laquelle ces
forces psychiques agissent comme par le moyen d'instruments
aveugles, mais seulement au petit nombre de ceux qui réussiraient par l'emploi
de ces
forces. D'où il s'ensuit que l'observation et l'expérimentation
peuvent seules décider de ces choses, contre la possibilité desquelles
toute la science moderne avec ses appareils ne prouve absolument rien.
Sans parler ici du pouvoir ou du talent spécial que
Pasqualis déploya dans de telles sensibilisations de l'
esprit, je veux
seulement observer qu'on a tort de lui faire un reproche de prescrire pour ceci
un régime des sens particulièrement sévère, minutieux
ou, comme on dit, imbu de l'ancien Testament, parce qu'il a simplement pour but
la pureté, c'est-à-dire la
force des sens, qui leur permet, en premier
lieu, de supporter la conduite des puissances supérieures sans courir le
danger de tomber foudroyés comme de trop faibles paratonnerres, ensuite
d'opposer de solides barrières aux puissances mauvaises inévitablement
mises en branle
[Note de l'auteur : Le rôle de notre
corps terrestre consiste précisément à remplir cette double
fonction, et c'est là-dessus que repose le devoir de sa conservation. Nos
moralistes ordinaires ne voient pas bien la nécessité d'un tentateur
pour le bien, opposé à un tentateur pour le mal, et, par suite,
ne comprennent pas la religion. Saint-Martin dit avec beaucoup de justesse : «
Si la matière avait charmé l'homme, et avait subjugué les
yeux de son esprit, il fallait que le régénérateur universel
charmât la matière, et qu'il en démontrât (exorcisme)
le néant, en faisant régner devant elle le vrai, le pur, l'immuable.
»].
Si donc même tu ne peux inciter la terre au bien
[Note
de l'auteur : Bien que le Seigneur ne réside ni dans la tempête,
ni dans les tremblements de terre, mais seulement dans les douces et calmes brises
[Note F.-S. : affirmation incohérente, car dans ce cas, il y aurait Dieu
et autre chose...], le prophète, à peu d'exception près,
ne peut pourtant pénétrer dans le calme du Centre qu'en traversant
cette tempête et ces tremblements de terre.], ni faire ressurgir
par un enchantement la bénédiction absorbée par la malédiction,
sans que tu fasses d'abord partir cette malédiction elle-même,
pour l'électricien c'est la polarité produite par la
décomposition
elle s'érige aussitôt devant toi en tentatrice, elle s'avance
vers toi comme un
esprit manifesté pour ta perte, comme le
serpent rigide
du Prophète, ou se dissimule sous les voluptés de la perdition,
comme un
serpent ondulant. Cette remarque contient tout ce qu'on peut dire à
tort ou à raison, sur le double sens et le danger d'opérations de
cette sorte
[Note de l'auteur : Du reste l'éloignement
est réciproque, parce que l'agent supérieur plus puissant, se sensibilisant
et se faisant comprendre à logent inférieur, perd de son intensité
dans la mesure où il se sensibilise et se fait comprendre. Par conséquent,
en s'extériorisant, il s'éloigne de lui-même. Si cette descente
est entièrement due à l'agent supérieur, la manifestation
ou révélation se communique à l'agent inférieur sans
sa collaboration ni sa coopération. Mais cette manifestation n'est qu'un
moyen de parvenir à une deuxième manifestation plus haute et plus
intime qui, partiellement, est aussi l'acte de l'être inférieur lui-même,
acte dans lequel celui-ci, par gradation de sa communication, s'élance
au-devant de la descente de l'agent supérieur. D'après le principe
énoncé ci-dessus. on pourrait également considérer
les agents, qui nous sont actuellement encore invisibles, comme des vases transparents,
canaux et moteurs de tout ce qui est maintenant visible.]. Enfin
la loi physiologique connue de la faculté compréhensive des sens
parle déjà en faveur de la nécessité d'un tel régime.
Par exemple, celui qui me parle un ton trop haut ou un ton trop bas pour mon
ouïe,
ne se ferait pas entendre de moi, mais j'ouïrais dès que mon interlocuteur
se mettrait au diapason de mon oreille, ou si mon sens auditif s'étendait
jusqu'au ton de son langage. De même un
corps céleste, passant trop
près de notre terre, resterait invisible pour nous jusqu'à ce que
son éloignement le fasse tomber dans l'orbite de notre
vue, à cause
de sa vitesse relativement moins grande et, si paradoxal qu'il nous semble d'affirmer
que des objets disparaissent de notre
vue parce qu'ils s'approchent réellement,
et paraissent absents alors qu'ils sont véritablement présents,
et que ce n'est que leur éloignement apparent qui les rend de nouveau visibles,
cela n'en est pas moins exact. Enfin, par cette manière de voir, on peut
expliquer ce miracle de la diminution des miracles à notre époque
[Note de l'auteur : Il n'y a effectivement rien de plus
bizarre que cette idée plate que nos soi-disants rationalistes, titre peu
modeste dont il est facile de s'affubler, se sont faite du miracle. Ils déclarent
que le miracle n'existe pas, parce qu'en tant qu'idée se contredisant elle-même,
il est opposé à la loi de l'expérience, c'est-à-dire
à l'expérimentation, et parce qu'il trouble leur jugeotte et aussi
l'ordre et l'unité de leur expérimentation. Mais ce trouble serait
absolument salutaire à l'homme, si celui-ci s'est fait une idée
fausse d'une unité d'expérimentation abstraite et arbitraire.],
si l'on songe qu'avec le progrès des âges, l'action de l'
esprit avance
dans la même proportion, devient par conséquent plus forte et plus
intense, si on la considère comme une voix qui vient à nous, qui
prend un ton de plus en plus haut et subtil et qui, dans la même proportion,
devient de moins en moins perceptible et plus lointaine, tandis que l'oreille
qui entend tout perd de sa
force, et que l'action de l'
esprit nous pénètre
plus profondément et s'introduit en nous plus entièrement, dans
le plus véritable sens. Aussi on dit que nous, qui vivons encore de la
vie terrestre, pouvons nous mettre en rapport sensible avec les morts peu de temps
après leur mort mais ce rapport se perd dès que ceux-ci se sont
élevés dans des régions supérieures, ou qu'ils sont
tombés plus bas d'où il ne s'ensuit pourtant pas que nous nous trouvions
pour cela plus éloignés d'eux intérieurement. Car, de même
qu'il y a une perhabitation sans inhabitation ou cohabitation, de même,
dans ses premiers moments, cette inhabitation même se manifeste sans perhabitation
ou cohabitation, là où seulement tombe tout rapport sensible et
par conséquent aussi la
vue dans chaque région, et ce n'est que
par l'inhabitation parfaite que la cohabitation sort de cette résignation
de la
vue, c'est-à-dire de la foi.