Théodemir, prince du sang royal des
Visigoths d'Espagne, était, dit-on, fils ou gendre du roi Egiza, et commandait la flotte qui, suivant les auteurs espagnols, vainquit celle des
Maures d'Afrique, vers l'an 695 vant J.-C. Théodemir remporta une autre victoire navale sur les
musulmans sous le règne de
Witiza. Lorsque le général arabe Tarik-ben-Zéiad aborda, pour la seconde fois, en Andalousie, en l'an 92 de l'
hégire (711 de J.-C.), Théodemir, qui était gouverneur de cette province, après avoir vaillamment soutenu, avec 1700 hommes, les premiers efforts des
musulmans sur la
montagne de Calpe (où fut bâti depuis Gilbratar), écrivit au roi Rodrigue pour lui demander des secours. Il se trouva, la même année, à la fameuse bataille de Guad-al-Lethe, près de Xerez de la Frontera, où ce monarque fut tué, et il sauva une partie de l'armée
des
Goths, en se retirant au delà de la sierra Morena, où il paraît
qu'il prit le titre de roi. Poursuivi par Abd-el-Aziz, fils et lieutenant de Mousa qui était venu prendre le gouvernement de l'Espagne et en achever la conquête,
il s'empara des
hauteurs et des défilés, où avec des
forces
inférieures, il sut arrêter la
cavalerie arabe sans hasarder de combat.
Mais Abd-el-Aziz l'ayant attiré dans les plaines de Lorca, le vainquit et le poursuivit jusqu'à Orihuela. Théodemir, manquant de troupes pour défendre la place, fait habiller les femmes en hommes, leur donne des armes, les place sur les remparts, se rendant au camp des
musulmans, et, sous le titre d'ambassadeur, il conclut avec Abd-el-Aziz, le 05 avril 713, un traité honorable et avantageux. Théodemir, moyennant un léger tribut, est reconnu souverain d'un petit Etat formé de quelques districts des provinces de
Valence, de Murcie et de la Nouvelle-Castille, et dont les principales villes étaient Orihuela, Alicante,
Mula, Hueta, Lorca, et quelques autres dont les noms ne se trouvent plus sur la carte. Ses sujets conservèrent leurs
églises et le libre exercice de leur
religion, et il s'obligea seulement à ne donner ni asile ni secours aux
ennemis des
musulmans. Après la signature du traité, Théodemir, quittant le rôle d'ambassadeur, se fit connaître ; et Abd-el-Aziz, loin de désapprouver son procédé, lui témoigna une extrême bienveillance. Le général
musulman, à son entrée dans Orihuela, étonné de voir si peu de troupes, demanda où étaient les soldats qu'il avait vus sur les remparts ; et ayant appris le stratagème du prince
goth, il en parut encore plus satisfait et contracta avec lui une étroite amitié.
Après le rappel de Mousa et la mort d'Abd-el-Aziz, qui lui avait succédé, Théodemir envoya demander à la cour de Damas la confirmation du traité qu'il avait conclu avec cet émir. Ses ambassadeurs furent reçus favorablement et résussirent au delà de ses espérances. Le traité fut maintenu par le calife Walid Ier, et Théodemir fut même exempté du tribut auquel sa principauté avait été assujettie. Il mourut quelques années après et eut pour successeur Athanagilde, qui ne fut dépouillé de ses Etats que vers l'an 743. L'
histoire de Théodemir, rapportée par les
historiens arabes et par Isidore de Beja, auteur presque contemporain, présente beaucoup plus de certitude que celle de Pelage, dont ils ne disent pas un mot, et qu'on s'est avisé, plus tard et sans preuves, de regarder comme le fondateur d'une nouvelle monarchie chrétienne en Espagne. Le nom de Théodemir ou Tadmir, au contraire, est longtemps resté à la province, qui prit depuis le nom de Murcie, sa nouvelle capitale.
(Biographie universelle ancienne et moderne - Tome 41 - Pages 258-259)