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Entrevue avec Virya (Georges Lahy)

Georges Lahy
Introduction à la Kabbale (2 / 3)
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Le kabbaliste Virya (Georges Lahy), auteur de nombreux ouvrages de fond sur la Kabbale mystique et traducteur de textes importants de la mystique juive – tels que le Sepher Yetsirah et Les Portes de la Lumière, de Joseph Gitakilla – a bien voulu répondre à quelques questions sur les fondements de la Kabbale. Reproduction partielle ou intégrale de cette interview interdite.
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Virya (Georges Lahy)France-Spiritualités : Quels liens la Kabbale a-t-elle entretenus et entretient-elle actuellement avec ce que l'on pourrait appeler l'orthodoxie talmudique ?

Virya :
La relation entre les kabbalistes et les religieux orthodoxes est assez particulière. D'un côté, les religieux orthodoxes s'intéressent à la Kabbale – ils sont même parfois très attirés par elle –, mais la vision qu'ils en ont ne correspond pas tout à fait à l'idée fondamentale de la Kabbale, qui est une voie d'ouverture. Le kabbaliste apprend en effet à s'ouvrir, car le but de la Kabbale est de recevoir (nous disions tout à l'heure que "Kabbalah" signifie "réception") ; c'est là son but. Toute la méthode du kabbaliste est basée sur l'ouverture : ouverture du texte, ouverture des racines hébraïques, ouverture permanente. En revanche, lorsqu'on observe les religions orthodoxes, on s'aperçoit qu'elles se renferment sur elles-mêmes, autour de commandements fixes, précis, qu'elles appliquent avec une grande rigueur sans jamais les remettre véritablement en question. Or, les kabbalistes ont souvent remis en question les préceptes du Judaïsme, sans les renier, mais en cherchant à les interpréter et à les vivre différemment.
      Les relations entre la Kabbale et le monde orthodoxe sont donc très tendues. On peut dire qu'il existe en fait deux types de Kabbale. Il y a tout d'abord une Kabbale religieuse, basée sur les écrits de Moshe H'aim Luzzatto et d'Isaac Louria, dont l'étude ne peut être entamée qu'après des études talmudiques ; normalement, le kabbaliste religieux ne commence à étudier la Kabbale qu'à partir de 40 ans ; il ne le fait que s'il est marié, s'il a un enfant, et s'il a l'autorisation de son rabbin. Cela fait donc beaucoup de conditions à remplir, ce qui restreint l'accès à la Kabbale. En face de cela, il existe une autre forme de Kabbale, beaucoup plus libre, plus mystique, au sein de laquelle beaucoup de grands noms de la Kabbale se sont révélés ; et là, l'ouverture est beaucoup plus grande. Entre les deux, peu de points communs et peu d'échanges ; ce sont deux mondes qui ne se regardent pratiquement pas. Pour schématiser, on pourrait dire que la relation entre la Kabbale mystique et les religieux orthodoxes, c'est un peu : « Je t'aime, moi non plus ».
      Ceci dit, la Kabbale religieuse est assez intéressante, mais elle touche essentiellement l'intellect. Le niveau intellectuel en est très élevé, mais la pratique est uniquement religieuse. Dans la Kabbale mystique, on trouve également des gens qui ont de grandes capacités intellectuelles ; toutefois, la pratique est plus diversifiée – travaux particuliers sur les combinaisons de lettres, sur les sons, sur le Verbe, sur l'utilisation des différents Noms de Dieu – et sort un peu du rituel juif journalier, qu'en revanche les kabbalistes religieux respectent avec une grande rigueur. Il s'agit donc de deux mondes totalement séparés.
      Il faut dire aussi que si les kabbalistes mystiques agressent peu les religieux orthodoxes, le contraire n'est pas vrai – et cette situation ne date pas d'hier. Ainsi, au XIIIe siècle, Abraham Aboulafia (1240-~1292), qui fut l'un des précurseurs et fondateurs de la Kabbale mystique, eut de gros problèmes avec un grand rabbin de Barcelone, qui s'appelait Ibn Adret (1235-1310). Ce rabbin était lui-même kabbaliste, mais il était un peu terrifié par la démarche mystique d'Aboulafia, à tel point qu'il est allé le dénoncer à l'Inquisition. Et Aboulafia a ainsi fini sa vie près de Malte, sur la petite île de Comino. Depuis cette époque-là, les deux types de Kabbale, mystique et religieuse, n'ont jamais fait bon ménage, et en fait, quand on y réfléchit, il ne peut guère en être autrement.
      En effet, la vision de Dieu chez les kabbalistes religieux est assez figée, presque préconçue – Dieu dit ceci, Dieu dit cela, etc. – alors que dans la Kabbale mystique, la notion de nom, de forme ou d'actions de Dieu disparaît totalement, puisque Dieu, c'est "Ein" ("rien"). On ne connaît jamais Dieu directement ; on ne Le connaît qu'à travers Ses œuvres, Ses vêtements (Malbushim), qui sont des attributs et des qualités. C'est là que réside la grande différence. Il est donc inutile d'essayer de marier ces deux types de Kabbale, car cela ne marchera jamais. Il faut simplement que chacune respecte l'autre.
      Je dois préciser que je présente là une vision très globale de la relation entre les Kabbales religieuse et mystique. Car il y a des religieux très ouverts, dont la pratique kabbalistique est de grande qualité et portée par un grand mysticisme. On peut prendre l'exemple d'Aryéh Kaplan, qui fut un grand religieux et un grand kabbaliste adepte de la méditation.


France-Spiritualités : Ceci nous permet de faire le lien avec la question suivante... La Kabbale apparaît comme une voie de connaissance et non de croyance ; pourtant, il est traditionnellement fait mention de Kabbale dogmatique. Qu'en est-il ?

Virya :
La Kabbale religieuse est basée sur un système de croyances absolues, alors que la Kabbale mystique se trouve dans un état de perpétuel questionnement, ce qui explique que les kabbalistes ont énormément évolué. Entre les kabbalistes du Languedoc du XIe siècle et les kabbalistes de Safed du XVIIIe siècle, on note une évolution considérable. Il y a tellement de liberté dans l'évolution de la Kabbale, que certains textes ne peuvent pas se lire ensemble dans la mesure où ils se contredisent mutuellement. Il y a des écoles kabbalistiques qui en contredisent complètement d'autres. Donc, cette grande liberté et cette grande ouverture, qui permettent de remettre en question tout ce qui a été dit et tout ce qui a été fait, n'existent pas dans la Kabbale religieuse. Celle-ci reste en effet cantonnée dans un principe, en se référant en permanence aux 613 commandements ; et tout doit entrer dans ce cadre. A tel point que les kabbalistes religieux vont dire que la Kabbale rend fou – en parlant surtout de la Kabbale mystique – parce qu'ils considèrent qu'il s'agit d'une Kabbale sans garde-fous, dans laquelle une certaine dose de folie est presque nécessaire pour avancer, pour briser certains tabous et certaines idées préconçues. Mais ceci fait partie de l'ouverture dont nous parlions ; ce qui est vécu comme une folie par certains constitue en fait une ouverture pour les autres.
      Ceci dit, la Kabbale possède quand même un dogme, une structure, qui fait qu'elle reste la Kabbale. Car malgré tout, on ne peut pas dire n'importe quoi sur la Kabbale. Il y a donc certains concepts que l'on doit accepter et autour desquels il faut travailler. Sinon, ça n'est plus de la Kabbale, c'est autre chose... et il faut lui donner un autre nom. Ainsi, les kabbalistes se basent sur le fait que Dieu est infini : Ein Sof – c'est le premier concept de base –, que sa Lumière émane, du plus subtil au plus dense, et que sa Lumière se qualifie – c'est ce que l'on appelle les Séfiroth –, et ce concept doit également être respecté. Il y a ainsi énormément de choses qui font que la Kabbale est la Kabbale, et les kabbalistes, dans leur plus grande liberté – ou dans leur plus grande folie, pour certains –, ont toujours respecté cette structure.


France-Spiritualités : Que rapporte la Tradition Kabbalistique au sujet de Dieu ?

Virya :
D'après les kabbalistes, la vie de Dieu peut être conçue sur deux niveaux ; le premier est connu sous le nom d'Ein Sof, Infini. Il représente l'aspect de Dieu complètement inconnaissable et inconcevable, caché au-delà de toute compréhension humaine. Racine cachée et parfaite de toute la réalité, Ein Sof ne peut être nommé réellement ni imaginé. Chez la plupart, il est décrit comme « ce que la pensée ne peut atteindre », « la lumière dissimulée », ou « l'unité indiscernable ». Dieu n'est connu que de Lui-même. Les limitations de la connaissance humaine rendent impossible la contemplation de l'Ein Sof.
      Le second niveau est celui des Séfiroth (Séfiroth). Avec la conception des Séfiroth, nous abordons le trait le plus particulier du système kabbalistique. "Séfiroth" signifie "numérotations". Dans un des premiers travaux kabbalistiques, le terme "Séfirah" (Séfirah) est rattaché au mot hébreu "sappir" (Sappir, "saphir"), et suggère l'image du rayonnement divin ou de son illumination. Les dix Séfiroth sont les émanations qui épanchent à partir d'un mouvement occulte de l'Ein Sof. Ceci se passe comme si la dimension cachée de Dieu donnait naissance à d'autres parties, davantage manifestées, de Lui-même. Chacune de ces Séfiroth est connue par des noms différents et possède des caractéristiques très distinctives. Nous voyons alors que les kabbalistes ne décrivent pas Dieu dans les termes conventionnels de la tradition biblique ou rabbinique. Dans la Bible et la littérature rabbinique, Dieu est un et ne peut pas être "divisé" en différentes parties. Il est vrai qu'Il est décrit comme possédant divers attributs de personnalité, tels que pitié, patience, et ainsi de suite. Ceux-ci, cependant, sont des traits de personnalité, s'utilisant comme si nous parlions de la personnalité d'un ami. Pour les kabbalistes, les Séfiroth ne sont pas uniquement des aspects externes, mais aussi des symboles décrivant les éléments essentiels de la vie divine, ou de la vie tout court. Ceux-ci ne doivent pas être conçus comme des objets nous décrivant approximativement Dieu, comme s'ils étaient séparés, d'une façon ou d'une autre, de l'existence divine. Ce sont les éléments constituants, les parties organiques de la vie divine. Il ne s'agit pas non plus de simples métaphores, mais de symboles qui signalent les réalités spirituelles que représente la vie de la divinité.


France-Spiritualités : Et que rapporte-t-elle au sujet du Mal ?

Virya :
Là aussi, cela va dépendre des écoles. Par exemple, les écoles de tendance plutôt religieuse vont créer une sorte de séparation entre les notions de bien et de mal : il y a d'une part un aspect du monde qui est bien, bon, correct, conforme – le monde de Dieu –, et d'autre part le monde des ténèbres, du mal – le monde de Satan. Et dans le domaine religieux, on se mettra du côté de Dieu et l'on repoussera le mal.
      Mais ce n'est pas là le concept de la Kabbale mystique, qui postule que toute chose existe par son contraire. Ainsi, le Mal va permettre de définir ce qui est bien. En fait, c'est un système de balance qui se met en place. Et le système des Séfiroth, que je viens d'évoquer, est entièrement construit de cette façon-là. Une Séfirah, c'est-à-dire un réceptacle de Lumière et une qualité de Dieu, n'existe que parce qu'il y a un autre réceptacle et une autre qualité qui lui renvoient son image. Les kabbalistes vont tout comprendre à travers de ce qu'ils ne sont pas : en définissant ce qu'ils ne sont pas, ils vont comprendre ce qu'ils sont. Ainsi, la notion de Mal est un système nécessaire pour nous renvoyer une image de ce que l'on est.
      Dans le système des Séfiroth, il y a cette notion de rapport avec la pensée de Pythagore. Les 10 Séfiroth, qui existent en système de balance, ne sont que la reprise des dix Enanthioses pythagoriciennes : il y avait ainsi, dans le système du philosophe grec, une Enanthiose du Bien et une Enanthiose du Mal, une Enanthiose de l'amour et une Enanthiose de la haine. Dans un tel système, on ne peut pas dire « Ceci est bien, ceci est mal » si l'on n'a pas ces relations.
      Il y avait à Troyes, en France, un grand commentateur de la Bible, Rashi, à qui l'on doit les plus importants commentaires sur la Bible ; Rashi disait que le Mal avait forcément été créé avant le Bien parce que dans la Bible, la première chose qui apparaît, c'est le Bien ("Et Dieu vit que cela était bon") ; et Rashi expliquait que si Dieu a pu dire que cela était bon, cela voulait dire qu'Il savait déjà ce qu'était le Mal ; dans le cas contraire, Il n'aurait pas eu de point de comparaison possible.
      Le Mal est une structure de référence ; de plus, le Mal n'est pas le même pour tous. Si l'on considère différentes civilisations, différentes époques de l'humanité, on s'aperçoit que la notion de Mal varie. Ainsi, certaines choses qui étaient considérées comme bien au siècle dernier ou il y a une trentaine d'années, sont considérées comme mal de nos jours. Si l'on prend, par exemple, l'époque de l'esclavage, on sait qu'en ce temps-là beaucoup de gens trouvaient ça très bien et pensaient que c'était une bonne chose, quelque chose de nécessaire ; aujourd'hui, la majorité des gens pensent que c'est mal. Cette notion-là a donc évolué.
      C'est pourquoi la Kabbale mystique va bien mettre en avant le fait que le concept de Bien et de Mal n'est pas un concept figé, et qu'il s'agit là de la clef même de la vie. Le Bien et le Mal, par leur opposition, par leur antagonisme, vont en effet entretenir la vie. Peu importe où se trouvent le Bien et le Mal ; la chose la plus importante est la façon dont on le vit.
    Si l'on prend le système des Séfiroth, lui non plus ne peut pas rester figé. Si l'on considère de façon très symbolique les axes de l'Arbre des Séfiroth, on va dire que l'axe central est le pilier de l'Equilibre, l'axe de droite le Pilier de la Clémence, et l'axe de gauche, le Pilier de la Rigueur. Et si l'on applique de façon très simpliste la symbolique attribuée à ces colonnes, on va dire que la colonne de droite est lumineuse, masculine, positive, que c'est la colonne du Bien, de l'ouverture ; et que la colonne de gauche est féminine, négative, que c'est la colonne de la Lune, du Mal, etc. Et l'on peut bien sûr aboutir à des conclusions hâtives, du type : « Le masculin, c'est le Bien ; le féminin c'est le Mal », et l'on arrive alors à une séparation totale entre les deux colonnes, alors que chaque colonne permet à l'autre d'exister.
      Le Zohar, qui est l'un des textes fondamentaux de la Kabbale, et qui est apparu au XIIe siècle en Castille, va bien préciser qu'il n'y a pas de colonne du Bien et de colonne du Mal, mais qu'il n'y a que de bons et de mauvais engendrements. Et c'est la façon dont le masculin et le féminin vont s'engendrer qui va donner le Bien ou le Mal. Si la relation entre le masculin et le féminin se passe mal, cela va donner le Mal ; si elle se passe bien, cela va donner le Bien. Ce qui est donc très important, c'est cette colonne centrale, qui, elle, n'appartient ni au Bien ni au Mal, et qui n'est que le point d'équilibre entre toutes les oppositions. Et c'est cette colonne qui intéresse particulièrement les kabbalistes, dans la mesure où c'est la colonne de la relation directe entre l'origine de la création et la création, et que c'est par là que passe la Vie, et la réception des kabbalistes.


France-Spiritualités : A la lumière des textes classiques, dans quel but l'univers et l'homme ont-ils été créés ?

Virya :
C'est là la grande question... C'est un concept qui se marie d'ailleurs très bien avec la Kabbale et que l'on appelle la "Maassé Béreshith" ("l'Œuvre du Commencement") – "Maassé" (Maassé) signifiant "œuvre" et "Béreshith" (Béreshith, "au commencement") étant le premier mot de la Bible. C'est là la grande recherche des maîtres de la Tradition, avant même d'être celle des kabbalistes. Pourquoi le monde a-t-il été créé et pourquoi sommes-nous là ?
      Les kabbalistes ont donné, notamment avec Isaac Louria et l'école de Safed, en Haute-Galilée, une version de la création assez originale et intéressante. Ainsi, pour Isaac Louria, Dieu a créé le monde pour se purifier – ce qui requiert évidemment quelques explications. Dans un premier temps, Dieu, pour les kabbalistes, est "Ein", qui signifie "rien", "néant" – on ne sait pas de quoi il s'agit. Et même ce "Ein" Lui-même ne sait pas ce qu'Il est, ce qu'Il représente. Isaac Louria explique alors que par un acte de libre volonté, ce "Ein" va se retirer, se concentrer, et créer un espace vide où Il n'est pas. Ainsi, pour déterminer ce qu'Il est, Il va déterminer ce qu'Il n'est pas. Et ça, ça s'appelle "Ein Sof", l'"Infini". Sa Lumière va ensuite remplir cet infini et le processus entier de création va se mettre en place. La raison en est la suivante : c'est le mouvement et la vie qui priment.
      Pour les kabbalistes, ce qui est pur, c'est ce qui est vivant – le fait de se remettre en question en permanence, d'évoluer – et ce qui est impur, c'est ce qui n'évolue plus, qui est figé, mort, et qui ne peut plus poser de questions. Et dans un premier temps, lorsque Dieu cherche qui Il est, Il va finir par trouver Son point d'équilibre, Sa véritable identité, Son point d'unité. Et en faisant cela, Il est en quête de perfection. La quête de perfection est un acte pur, mais le fait d'arriver à la perfection et de s'installer dans la perfection devient un état impur parce que, dans ce cas, on n'évolue plus, on est figé, on ne se remet plus en question – il n'y a pas de vie. C'est pour cela que j'ai dit tout à l'heure que ce qui est intéressant pour les kabbalistes, ce n'est pas le but, mais le chemin qui nous mène, car le chemin est plein de vie, plein de questionnements. Une fois le but atteint, c'est fini ; on s'ennuie et on meurt de son ennui. Eh bien, Dieu va se retrouver dans cette même situation – à savoir que par Sa perfection, Il est perdu. Alors, pour qu'il y ait mouvement permanent, Il va lancer un processus de création et se projeter dans Ses créatures.
      On passe alors dans ce que l'on appelle le Grand Visage et le Petit Visage de Dieu. Le Grand Visage de Dieu est le visage où Dieu se pense Lui-même ; Il est en expansion permanente, Il n'a pas de limites, pas de contraintes. Seulement, Il peut se retrouver dans un état figé de béatitude et de plénitude. Il va donc produire un Petit Visage, précis, court, réduit, soumis à l'espace, et c'est là que se trouvent toutes les créatures – c'est là que nous nous trouvons.
      Isaac Louria affirme donc que Dieu a créé le monde pour que celui-ci Lui renvoie en permanence une nouvelle image qui maintienne un mouvement lui permettant de se purifier. Ainsi, les doutes que l'on a sur Dieu, les différentes croyances et religions, le fait même de ne pas y croire, etc. font qu'à chaque seconde de nouvelles images sont créées ; et donc, à chaque fois que le Grand Visage contemple le Petit Visage, celui-ci Lui donne une nouvelle image de Lui-même. Il s'agit là d'un paradoxe, mais le Zohar nous apprend que si le Grand Visage arrête de penser au petit Visage, celui-ci disparaît ; et de la même manière, si le Petit Visage – c'est-à-dire les créatures – arrête de penser au Grand Visage, celui-ci disparaît aussi. Par conséquent, en créant le monde, Dieu s'est auto-créé Lui-même, et Il s'auto-purifie et s'auto-engendre en permanence. Et chaque fois qu'on Lui offre une nouvelle image, on Lui accorde une survie. C'est un concept très particulier, qui fait que les kabbalistes sont souvent en opposition avec l'image fixe que les religieux donnent de Dieu. Si l'on poursuit cette réflexion plus loin, on peut dire que toutes les religions, toutes les philosophies, tous les courants de pensée sont un bien pour entretenir la vie.
      Et cette notion va s'appliquer à chacun de nous. En effet, le Zohar dit que si quelqu'un ne se voit plus dans un miroir, cela annonce sa mort. Bien sûr, tout le monde se voit dans un miroir ; mais la question que le Zohar, pose, en fait, c'est : « Est-ce que ce matin, en me levant, je vois quelqu'un de nouveau dans le miroir, ou est-ce que je vois toujours la même image figée de quelqu'un qui n'évolue pas ? » Et si effectivement, je ne vois rien de nouveau dans le miroir, je suis en état de mort potentielle, et donc d'impureté. En fait, nous nous maintenons en vie mutuellement. C'est peut-être pour cela que lorsque nous nous rencontrons, nous disons : « Ca va ? ». C'est en quelque sorte une façon de sauver la vie de l'autre, en lui envoyant une nouvelle image ; et nous attendons que l'autre nous envoie une nouvelle image de nous-même pour nous sauver la vie aussi. Voilà le concept. On regroupe ainsi toutes les notions de Bien, de Mal, de Dieu, d'équilibre, etc.  (suite et fin)




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