PRÉFACE
Jamais Science n'eut plus besoin de Dictionnaire que la Philosophie
Hermétique. Ceux dans les mains de qui tombent les Livres faits sur cette matière, ne sauraient en soutenir la lecture une demi-heure seulement ; les noms
barbares qu'on y trouve semblent vides de sens, et les termes
équivoques qui sont placés à dessein presque dans toutes les phrases, ne présentent aucun sens déterminé. Les Auteurs avertissent eux-mêmes qu'on ne doit pas les entendre à la lettre ; qu'ils ont donné mille noms à une
même chose ; que leurs Ouvrages ne sont qu'un tissu d'
énigmes, de
métaphores, d'
allégories, présentées même sous le voile de termes ambigus, et qu'il faut se défier des endroits qui paraissent faciles à entendre à la première lecture. Ils font mystère de tout, et semblent n'avoir écrit que pour n'être pas entendus. Ils protestent cependant qu'ils n'écrivent que pour instruire, et pour instruire d'une Science qu'ils appellent la
clef de toutes les autres. L'
amour de
Dieu, du prochain, de la vérité, leur met la plume à la main : la reconnaissance d'une faveur si signalée que celle d'avoir reçu du Créateur l'intelligence d'un mystère si relevé, ne leur permet pas de se taire. Mais ils l'ont reçue, ajoutent-ils, dans l'ombre du mystère ; ce serait même un crime digne d'
anathème que de lever le voile qui le cacha aux yeux du vulgaire. Pouvaient-ils se dispenser d'écrire mystérieusement ? Si l'on exposait au
grand
jour cette Science dans sa simplicité, les femmes, les
enfants même voudraient en faire l'épreuve : le Paysan le plus stupide quitterait sa charrue pour labourer le champ de
Mars comme
Jason ; il cultiverait la terre philosophique, dont le travail ne serait pour lui qu'un amusement, et dont les moissons abondantes lui procureraient d'immenses richesses, avec une vie très longue, et une santé inaltérable pour en jouir.
Il fallait donc tenir cette Science dans l'obscurité, n'en parler que par
hiéroglyphes, par fictions, à l'imitation des anciens
Prêtres de l'Egypte, des
Brahmanes des Indes, des premiers Philosophes de la Grèce et de tous les pays, dès qu'on sentait la nécessité de ne pas bouleverser tout l'ordre et l'
harmonie établis dans la société civile. Ils suivaient en cela le conseil du Sage.
Mal à propos traite-t-on de fous les Philosophes
Hermétiques : n'est-ce pas se donner un vrai ridicule, que de décider hardiment que l'objet de leur Science est une
chimère, parce qu'on ne peut pas le
pénétrer, ou qu'on l'ignore absolument ? C'est en juger comme un aveugle des
couleurs. Quel cas les gens sensés doivent-ils donc faire des
jugements critiques de quelques Censeurs sur cette matière, puisque tout le mérite de ces
jugements consiste dans le froid assaisonnement de quelques bons mots à l'ombre desquels ils cachent leur
ignorance, et qu'ils sèment faute de bon grain,
pour faire illusion à des Lecteurs imbéciles, toujours disposés à les applaudir ? Méritent-ils qu'on fasse les frais d'une réponse
? Non : on peut se contenter de les envoyer à l'école du Sage. Moins dédaigneux et moins méprisant que ces Censeurs bouffis d'orgueil et d'
ignorance, et aveuglés par le préjugé, Salomon regardait les
hiéroglyphes, les proverbes, les
énigmes et les paraboles des Philosophes comme un objet qui méritait toute l'attention et toute l'étude d'un
homme sage et prudent.
Je voudrais qu'avant que d'étaler leur mépris pour la Philosophie
Hermétique, ils prissent la peine de s'en instruire. Sans cette précaution, ils s'attireront à bon droit le reproche que
les insensés méprisent la Science et la Sagesse, et qu'ils ne se repaissent que d'ignorance ; et je leur dirai avec Horace :
Odi prophanum vulgus, et arceo. C'est en effet au sujet de ces mêmes mystères que les anciens
Prêtres disaient :
Procul ô procul este prophani.
Mon Traité des
Fables Egyptiennes et Grecques développe une partie de ces mystères. De l'obligation dans laquelle j'étais de parler le langage des Philosophes, il en est résulté une obscurité qu'on ne peut dissiper que par une explication particulière des termes qu'ils emploient, et des
métaphores qui leur sont si familières. La forme de Dictionnaire m'a paru la meilleure, avec d'autant plus de raison qu'il peut servir de
Table raisonnée, par les renvois que j'ai eu soin d'insérer, quand il a été question d'éclaircir des
fables déjà
expliquées.
Beaucoup de gens regardent la Médecine Paracelsique comme
une branche de la Science
Hermétique ; et
Paracelse, son Auteur, ayant, comme les
Disciples d'
Hermès, fait usage de termes barbares, ou pris des autres langues, j'ai cru rendre service au Public d'en donner l'explication suivant le sens dans lequel ils ont été entendus par Martin Rulland, Johnson, Planiscampi, Becker, Blanchard et plusieurs autres. Si je n'ai pas toujours cité ces Auteurs, non plus que les Philosophes
Hermétiques, je les ai rappelés assez souvent pour convaincre le Lecteur que je ne parle ordinairement que d'après eux. Ceux qui les ont lus avec attention, les y reconnaîtront aisément.
Afin que le Lecteur puisse juger que mes explications des termes et des
métaphores des Philosophes ne sont pas arbitraires et de mon invention, je
rapporterai ici quelques-uns de leurs textes avec lesquels il pourra les comparer. Il y verra d'ailleurs qu'ils sont tous d'accord entre eux, quoiqu'ils s'expriment différemment.
Les Sages, dit Isaac Hollandais, ont donné beaucoup de noms
différents à la pierre. Après qu'ils ont eu ouvert et spiritualisé la matière, ils l'ont appelée une
Chose vile. Quand ils l'ont eu sublimé ils lui ont donné les noms de
Serpent et de
Bêtes venimeuses. L'ayant
calcinée, ils l'ont nommée
Sel ou quelqu'autre chose semblable. A-t-elle été dissoute, elle a pris le nom d'
Eau, et ils ont dit qu'elle se trouvait partout. Lorsqu'elle a été réduite en
huile, ils l'ont appelée une
Chose visqueuse, et qui se vend partout. Après l'avoir congelée, ils l'ont nommée
Terre, et on assuré qu'elle était commune aux pauvres et aux riches. Quand elle a eu acquis une
couleur blanche, ils lui ont donné le nom de
Lait virginal, et ceux de toute autre chose blanche que se puisse être. Lorsque de la
couleur blanche elle a passé à la rouge, ils l'ont nommé
Feu et de tous les noms des choses rouges. Ainsi dans les dénominations qu'ils ont données à la pierre, ils ont en égard aux différents états où elle se trouve jusqu'à la perfection. Livre I, chap. 126 de ses
uvres sur les Minéraux.
Ce mélange de trois choses s'appelle
Pierre bénite, minérale, animale, végétale, parce qu'elle n'a point de nom propre.
Minérale, parce qu'elle est composée de choses minérales ;
végétale, parce qu'elle vit, et végète ;
animale, parce qu'elle a un
corps, une
âme et un
esprit, comme les
animaux. De son ventre noir, on l'appelle
Noir fétide. On la nomme encore, dans cet état,
Chaos, Origine du Monde, Masse confuse ; pour moi, je l'appelle
Terre. Notre
eau prend les noms des feuilles de tous les
arbres, des
arbres mêmes, et de tout ce qui présente une
couleur verte, afin de tromper les insensés. On l'appelle aussi
Eau bénite, la tempérance des Sages, Vinaigre très aigre, Corps dissoluble, Gomme des Philosophes, Chose vile, chère, précieuse, Corps dur et opaque, mou et transparent, Exaltation de l'eau, Angle de l'uvre. Observez qu'on appelle le
Soleil et la
Lune le
père et la
mère de la pierre dans la
composition de l'
élixir, ce que dans l'opération de la même pierre, on appelle
Terre ou
Nourrice.
Arnaud de Villeneuve, Comment. sur Hortulain, pages 25 et 35.
La pierre des Philosophes est une, mais on lui donne une infinité de noms, parce qu'elle est aqueuse, aérienne, terrestre,
ignée, flegmatique, colérique ; elle est soufre et
argent-vif ; les superfluités se changent en une véritable
essence, avec l'aide de notre
feu : et qui veut en ôter quelque chose, ne parviendra jamais à la perfection de l'uvre. Les philosophes n'ont jamais dévoilé ce secret.
Pontanus,
Epître.
Notre pierre se nomme d'une infinité de manières, car elle prend des noms de toutes les choses noires. Lorsqu'elle quitte la noirceur, les noms
qu'on lui donne rappellent les choses dont la
vue égaie et fait plaisir, comme les blanches et les rouges. Ce n'est cependant qu'une seule choses.
Riplée, chap. 3, du
Supplément. Si vous l'appelez
eau, vous dites vrai ; si vous dites qu'elle n'est pas
eau, vous ne le niez pas à tort.
Ibid, page 139.
Lorsqu'on cuit ces principes avec prudence et sagesse, on en fait une chose qui prend beaucoup de noms. Lorsqu'elle est rouge, on l'appelle
Fleur d'or,
Ferment de l'or,
Colle d'or, Souffre rouge, Orpiment. Quand elle est encore crue, on la nomme
Plomb d'
airain, Verge et Lame de métal. Les Philosophes appellent l'
airain Monnaie, Ecu ; et la noirceur
Plomb.
Ibid, page 142.
Notre
eau s'appelle
Eau de vie, Eau nette, Eau permanente et
perpétuelle, et d'une infinité d'autres noms. On la nomme
Eau de vie, parce qu'elle donne la vie aux
corps morts, et qu'elle purufie et illumine ce qui est corrompu et souillé.
Arnaud de Villeneuve, Miroir d'Alchimie, pages 11 et 27.
L'
Argent-vif est appelé le
Père dans la
génération des métaux, la
Véritable vigne, Plomb, hénix, Pélican, Tantale, Dédale, Serpent, Fontaine, Puits, Porte, Argent-vif des Philosophes, Présure, Lait, Ferment, Serf fugitif et de beaucoup d'autres noms.
Desiderabile, page 71.
Pendant que l'uvre est encore crue, notre
argent-vif s'appelle
Eau permanente, Plomb, Crachat de la Lune, Etain. Lorsqu'il est cuit, il se nomme
Argent, Magnésie, Soufre blanc. Quand il a pris la
couleur rouge, on lui donne les noms d'
Orpiment, de
Corail, d'
Or, de
Ferment, de
Pierre, d'
Eau lucid.
Ibid, page 22.
Notre
eau prend quatre
couleurs principales ; noire comme du
charbon, la blanche comme la
fleur de lys, la jaune semblable à la
couleurs des pieds de l'émerillon, et le rouge pareille à la
couleur du
rubis. On appelle la noire
Air, la blanche
Terre, la jaune
Eau, et la rouge
Feu.
Ibid, page 100.
Le suc de lunaire, l'
eau de vie, la quintessence, le vin ardent, le
mercure végétale ne font qu'une même chose. Le suc de lunaire se fait de notre vin, connu de peu de personnes ; c'est avec lui que nous faisons notre
dissolution et notre or potable ; sans lui nous ne pouvons rien faire.
Rosarium
Notre pierre est comme les
animaux,
composé d'un
corps,
d'une
âme et d'un
esprit. Le
corps imparfait s'appelle
Corps, le fermant
Ame, et l'
eau Esprit. Le
corps imparfait est pesant, infirme et mort ; l'
eau le purge et le purifie en le subtilisant et en le blanchissant; le
ferment donne la vie aux
corps, et lui donne une meilleure forme. Le
corps est
Vénus, ou la
femelle ; l'
esprit est
Mercure, ou le mâle, et l'
âme est
composé du
Soleil et de la
Lune.
Ibid.
L'
eau des philosophes s'appelle le
Vase d'Hermès ; c'est d'elle qu'ils ont dit, toutes les opérations se font dans notre
eau ; savoir, la sublimation, la
distillation, la
calcination, la solution et la
fixation. Elle se fond dans cette
eau comme dans un vase artificiel, ce qui est un grand secret.
Ibid, page 193.
Cambar, Ethelia, Orpiment, Zendrio, Ebsemeth, Magnésie, Chuhul sont des noms de notre
argent-vif sublimé du
Cambar. Lorsqu'il est parvenu aux blanc, on l'appelle
Plomb d'Eburich, Magnésie, Airain blanc.
Sentent. 54.
Les philosophes ont donné beaucoup de noms différents à cette pierre, afin d'obscurcir la science car lorsqu'elle a été mise dans le vase physique, elle prend différents noms suivant les diverses
couleurs qui lui surviennent : pendant la putréfaction elle se nomme
Saturne, et après
Magnésie.
Le Miroir d'Alchimie, d'Arnaud de Villeneuve.
Terre feuillée, Soufre blanc,
Fumée blanche, Orpiment, Magnésie et
Ethel signifient la même chose.
La Tourbe
On appelle le
corps Fer, Mars, Carmot, Almagra, Vitriol, Sang, Huile rouge, Urine rouge, Jeunesse, Midi, Eté, Mâle, et de plusieurs autres noms qu'on lui a donné respectivement à la
couleur et à ses
propriétés.
Ibid.
DES OPÉRATIONS
Notre magistère se fait d'une seule chose, par une seule voix, et par une même opération.
Lilium.
Vous n'avez besoin que d'une chose, savoir notre
eau ; et d'une seule
décoction, qui est de
cuire : il n'y qu'un seul vase pour le blanc et pour le rouge.
Alphidius.
Quoique les Sages parlent de beaucoup de choses et de divers noms, ils n'ont cependant entendu parler que d'une seule chose, d'une seule
disposition, et d'une seule voie.
Morien.
Le blanc et le rouge sortent d'une même racine, sans mélange de choses d'une autre nature. Nous n'y ajoutons rien d'étranger, et nous n'en ôtons rien,
sinon les superfluités pendant la préparation.
Ibid.
Rhasis après avoir dit la même chose, ajoute : Cette matière se dissout elle-même, se marie, se blanchit, se rougit, devient noire, safranée, et se travaille elle-même jusqu'à la perfection de
l'uvre.
Sachez que si vous prenez autre choses que notre
airain, et que vous le travailliez avec autre choses qu'avec notre
eau, vous ne réussirez pas.
La Tourbe.
Du nombre des Matières qui composent le Magistère
Notre pierre doit se faire du
Soleil et de la
Lune : de ces deux l'un doit être un mâle rouge, et une
femelle blanche.
Isaac Hollandais, livre 1, chap. 61.
La
conjonction du
Soleil et de la
Lune fait notre pierre ; le
Soleil
tire la substance de la
Lune, et lui donne sa propre
couleur et sa nature. Ce qui se fait par le
feu de la pierre.
Raymond Lulle, Codicille.
Notre pierre ne se fait pas d'une chose individuelle, mais de deux
choses, qui étant de même n'en font qu'une seule. Le même.
Le
Soleil est son père, et la
Lune sa mère. Le
vent l'a porté dans son ventre.
Hermès.
Il n'entre dans notre magistère que le
frère et la sur, c'est-à-dire, l'
agent et le patient, le soufre et le mercure.
Ægidius de Vadis.
Notre
argent-vif est une
eau claire, notre
arsenic est un
argent pur, et notre soufre un or très pur. Toute la perfection de magistère consiste dans ces trois choses.
Il n'y a qu'une pierre ; cette
chose unique n'est pas une en nombre,
mais en genre; comme le mâle et le
femelle sont seuls suffisants pour engendrer, de même la pierre des Philosophes se fait de deux choses, de l'
esprit et de l'
âme, qui sont le
Soleil et la
Lune; on y ajoute un troisième, le
corps
métallique, sans que ce nombre de deux en soit augmenté, parce que ce
corps métallique est
composé de deux autres.
Scala Philosophorum.
Dans notre
composé se trouvent le
Soleil et la
Lune en vertu
et en puissance, et le mercure en nature.
Ludud puerorum, page 137.
Joignez votre fils très cher à sa sur blanche par parties égales, et donnez leur un breuvage d'
amour, dont ils boiront jusqu'à s'enivrer, et jusqu'à ce qu'ils seront réduits en poudre très subtile. Souvenez-vous cependant que les choses pures et nettes ne s'unissent
qu'à celles qui le sont : sans cette attention, ils engendreraient des
enfants différents d'eux-mêmes, et impurs.
Aristote le Chymiste.
Le
Dragon ne meurt que mêlé avec son
frère et sa sur.
Rosarium.
Trois choses suffisent pour tout le magistère, savoir la
fumée blanche, l'
eau céleste, et le
lion vert, c'est-à-dire, l'
airain d'Hermès, et l'
eau fétide qui est la mère des métaux,
avec laquelle on fait l'
élixir depuis le commencement jusqu'à la fin.
Ibid.
La matière des Philosophes est
eau, mais une
eau composé de trois choses : le
Soleil est le mâle, la
Lune est la
femelle, et le
Mercure est le sperme. Car pour engendrer, outre le mâle et la
femelle, il faut une semence.
Ibid.
Il n'entre qu'un seul
corps immonde dans notre magistère, les Philosophes l'appellent communément
Lion vert. C'est le milieu ou moyen pour
joindre les teintures entre le
Soleil et la
Lune. Ces deux principes matériels et formels doivent être dissous.
Riplée.
Rien n'est engendré que par son espèce, et les
fruits ne produisent que des
fruits semblables. L'
eau des philosophes est le
ferment des
corps, et les
corps sont leur terre, même après qu'ils sont devenus noirs par la préparation du
feu. Les Philosophes leur donnent alors le nom de
Feu noir ; et dans la féconde opération, ceux de
Charbon de la montagne, Poix, Antimoine, Alkali, Sel alchali, Marcassite, Magnésie, Argent-vif extrait de Cambar, leur Chaux, Verre et Eau mondifiée.
Rofinus à la fin du
Premier livre à Euthicte.
Joignez un mâle vivant avec une
femelle vivante, afin qu'ils forment un sperme, et qu'ils engendrent un
fruit de leur espèce.
Cosmopolite.
Notre
eau est une
eau céleste, qui ne mouille pas les mains ;
ce n'est pas l'
eau vulgaire, mais elle semble presque l'
eau de pluie. Le
corps est l'or qui donne la semence. La
Lune (qui n'est pas l'
argent vulgaire) reçoit la semence de l'or.
Cosmopolite.
Des Opérations
Les noms de
décoction,
commixtion, mélange,
sublimation,
contrition, dessèchement, ignition,
déalbation,
rubification, et de quelqu'autre nom qu'on puisse appeler l'opération, ce n'est qu'un seul
régime qu'on nomme simplement
décoction et contrition.
Alanus.
Sachez que toutes les opérations appelées
putréfaction, solution,
coagulation,
ablution et
fixation, consistent dans la seule sublimation, qui se fait dans un seul vase, et non dans plusieurs, dans un seul four.
Arnaud de Villeneuve.
Résoudre,
calciner,
dissoudre, sublimer, teindre, laver,
cuire, rafraîchir,
arroser, extraire,
coaguler,
humecter,
imbiber,
fixer,
broyer, réduire en poudre, distiller,
dessécher, sont une même chose.
Arnaud de Villeneuve.
Gardez-vous bien de penser que lorsque nous parlons de sublimation, ou que nous sublimons en effet, nous entendions parler de séparation de la matière qui est au fond du vase d'avec celle qui est au-dessus. Dans notre sublimation les parties fixes ne s'élèvent pas, mais seulement les volatiles.
Alanus.
L'
ingression, la submersion, la
conjonction, la
complexion, la
composition et le mélange ne sont, dans notre Art, qu'une même chose.
Avicenne.
Du Feu
Souvenez-vous de donner toujours un
feu très doux; l'ouvrage
pourra en être plus long.
Isaac Hollandais, livre I, chap. 9.
Toutes les fois que la pierre changera de
couleur, vous augmenterez le
feu peu à peu, jusqu'à ce que tout demeure fixe dans le fond.
Isaac Hollandais.
Notre
feu est minéral et égal ; il est continuel ; il ne s'élève point en vapeurs à moins qu'on ne l'excite trop ; il participe du soufre ; il se prend d'ailleurs que de la matière ; il dissout tout, détruit,
congèle,
calcine ; et ce
feu, avec un
feu doux, achève l'uvre.
Pontanus. Le
Trévisan dit la même chose en mêmes termes.
Le
feu du premier degré est semblable à celui de
la poule qui
couve ses ufs pour faire éclore des poussins, ou comme la
chaleur naturelle qui digère la nourriture pour la tourner en substance des
corps, ou comme celle du fumier, ou enfin comme celle du
Soleil dans
Ariès. C'est pourquoi quelques Philosophes ont dit qu'il fallait commencer l'uvre le
Soleil étant dans ce signe, et la
lune dans celui du Taureau. Ce degré de
feu doit durer jusqu'à la
blancheur ; lorsqu'elle paraît, on augmente le
feu peu à peu jusqu'à la parfaite dessiccation de la pierre : cette
chaleur est semblable à celle du
Soleil lorsqu'il passe du signe du Taureau à celui des Gémeaux. La pierre étant desséchée et réduite
en cendres, on fortifie le
feu jusqu'à ce qu'elle devienne parfaitement rouge, et qu'elle prenne le manteau royal. Cette
chaleur se compare, et est la même que celle du
Soleil dans le signe du
Lion.
Scala philosophorum, page 107.
Le mercure est un
feu ; ce qui a fait dire au Philosophe : Sachez que le mercure est un
feu, qui
brûle les
corps beaucoup mieux que le
feu commun.
Rosarium.
La
chaleur de votre
feu doit être celle de la
chaleur du
Soleil au mois de
Juillet ; afin que par une douce et longue cuisson, votre
eau s'épaississe, et se change en terre noire.
Rosarium.
Notre
argent-vif est un
feu qui
brûle tout
corps avec plus
d'action que le
feu commun; il les mortifie en même temps; il réduit en poudre, et tue tout ce qu'on mêle avec lui.
La Tourbe.
Du Vase
Le vase des Philosophes est leur
eau.
Hermès, Ludus puerorum.
Nous n'avons besoin que d'un vase, d'un
fourneau, et d'une seule opération ou régime; ce qui doit s'entendre après la première préparation de la pierre.
Flamel. L'Auteur du
Rosaire s'exprime absolument dans les mêmes termes.
Les vases requis pour l'uvre s'appellent
Aludel, Crible, Tamis, Mortier, parce que la matière s'y
broie, s'y purifie et s'y perfectionne.
Calid.
Le vase doit être rond, avec un cou long, un orifice étroit, fait de verre, ou d'une terre de même nature, et qui en ait la capacité; l'ouverture sera scellé.
Bachon.
Du Temps
Il nous faut un an pour parvenir au but de nos espérances.
Nous ne saurions en moins de temps former notre
chaux. Riplée.
Le temps requis pour la perfection de
l'
élixir est au moins d'un an.
Rosaire.
Les Philosophes ont déterminé plusieurs durées de temps pour la cuisson de notre Art. Quelques-uns l'ont fixée à un an, d'autres à un mois, d'autres à trois
jours, d'autres enfin à un seul. Mais de même que nous appelons un
jour la durée du temps que le
soleil met à parcourir le
ciel depuis l'orient jusqu'à l'occident, les Sages ont nommé un
jour l'intervalle qui s'écoule depuis le commencement de la cuisson jusqu'à la fin. Ceux qui parlent d'un mois, ont égard au cours du
Soleil dans un signe du Zodiaque. Ceux qui font mention de trois
jours, considèrent le commencement, le milieu et la fin de uvre : et ceux enfin qui fixent ce temps à un an, le disent eu égard aux quatre
couleurs qui forment leur quatre saisons.
Anonymus.
Des Couleurs
Quand vous verrez la noirceur, soyez assuré que la
véritable
conjonction est faite. Avant que la véritable
couleur blanche se manifeste, la matière prendra toutes les plus belles
couleurs du monde en
même temps. Vous verrez sur les bords de la matière de la pierre, comme des pierres précieuses orientales, et comme des yeux de poissons. Alors soyez assuré que la véritable
blancheur ne tardera pas à paraître.
Isaac Hollandais.
Le secret de notre véritable
dissolution est la noirceur de
charbon faite du
Soleil et de la
Lune: cette noirceur indique une
conjonction et une union si intime de ces deux, qu'ils seront à l'avenir inséparables: ils se changeront en une poudre très blanche.
Raymond Lulle.
Au bout de quarante
jours que la matière aura
été mise à une
chaleur lente et médiocre, elle deviendra noire comme la poix, ce que les Philosophes appellent Tête de
corbeau, et le
Mercure des Sages.
Alanus.
La
chaleur agissant sur l'
humidité produit premièrement la noirceur, puis la
blancheur, de cette
blancheur la
couleur citrine, et de celle-ci la rouge.
Arnaud de Villeneuve.
Quelques-uns ont dit qu'on voyait pendant le cours de l'œuvre toutes
les
couleurs qu'on peut imaginer; mais c'est un sophisme des Philosophes, car les quatre principales seulement se manifestent. Ils ne l'on dit que parce que ces quatre sont la source de toutes les autres. La
couleur rouge signifie le sang et le
feu ; la citrine la
bile et l'
air; la blanche le flegme et l'
eau ; la noire la mélancolie et la terre. Ces quatre
couleurs sont les quatre
éléments.
Rosaire.
Du Style énigmatique
Ce serait une folie de nourrir un âne avec des laitues ou
d'autres herbes rares, disent plusieurs philosophes, puisque les chardons lui suffisent. Le secret de la pierre est assez précieux pour en faire un mystère. Tout ce qui peut devenir nuisible à la Société, quoiqu'excellent par lui-même, ne doit point être divulgué, et l'on n'en doit parler que dans des termes mystérieux.
Harmonie Chimique.
Notre Science est comme une partie de la Cabale, elle ne doit
s'enseigner clairement que de bouche à bouche. Aussi les Philosophes n'en ont-ils traité que par
énigmes, par
métaphores, par
allégories, et par des termes
équivoques: on en devinerait autant dans le silence de
Pythagore, que dans leurs écrits.
Ægidius de Vadis, cap. 10. Les secrets prophétiques, naturels, spagyriques et poétique sont pour la plupart
cachés sous le même voile.
Ibid.
La plupart des Traités
composés sur cette Science (
Hermétique) sont si obscurs et si énigmatiques qu'ils sont inintelligibles à tout autre qu'à leurs Auteurs.
Margarita Novella.
Celui qui se dégoûtera aisément de la lecture des livres des philosophes, n'est pas fait pour la Science et n'y parviendra pas. Un livre en éclaircit un autre; l'un dit ce que l'autre a omis. Mais il ne faut pas s'imaginer qu'une lecture d'un même livre suffise pour en avoir l'intelligence, deux, trois et même dix fois répétée, elle n'est pas capable de
mettre au fait de ce qu'on désire apprendre.
Bacaser in
Turba.
Cette science est un don de
Dieu, et un mystère
caché dans les livres des Philosophes, sous le voile obscur des
énigmes, des
métaphores, des paraboles et des discours enveloppés, afin qu'elle ne vienne pas à la connaissance des insensés qui en abuseraient, et des
ignorants qui ne se donnent pas peine d'étudier la Nature. Ceux qui désirent y parvenir doivent s'appliquer à éclaircir leurs
esprits en lisant avec attention, et en méditant les textes et les sentences des
Philosophes, sans s'amuser à la lettre, mais au sens qu'elle
renferme.
Aurora Confurgens.
Recourez à
dieu, mon fils, tourner votre cur et votre
esprit vers lui, plutôt que vers l'Art ; car cette Science est un des plus grands dons de
Dieu, qui en favorise qui il lui plaît. Aimez donc
Dieu de tout votre cur et de toute votre
âme, et votre prochain comme vous-même ; demandez cette Science à
Dieu, avec instance et persévérance, et il vous l'accordera.
Alanus.
Toute sagesse vient de
Dieu, et a été avec lui de
toute éternité. Celui donc qui désire la sagesse doit la chercher dans
Dieu, et la lui demander; parce qu'il la distribue abondamment, sans reproche. Il est le principe et la fin, la
hauteur et la profondeur de toute science, et le trésor de toute sagesse; car de lui, dans lui et par lui sont toutes choses, et sans lui on ne peut réussir à rien de bien. A lui donc soit honneur et gloire dans tous les siècles des siècles.
Albert le Grand, dans la préface à son Traité d'Alchymie.
J'aurais pu multiplier le nombre de ces textes des Philosophes : on en trouverait plus qu'il n'en faut pour former un gros volume ; mais ceux-là suffiront pour mettre le Lecteur au fait de la manière de s'expliquer de ceux qui ont écrit sur la matière et les procédés de la Science
Hermétique. Ce nuage épais qu'on trouve répandu dans tous leurs ouvrages, cette obscurité affectée, ce mystère que si peu de gens peuvent pénétrer, sont sans contredit la véritable raison qui a fait et fait encore regarder la Pierre philosophale comme une
chimère, malgré le témoignage de tant d'Auteurs, et les faits connus comme certains qui
déposent en faveur de sa réalité. Les Savants, dit-on, la traitent d'extravagance et de folie. Que conclure de là ? Ne serait ce pas une preuve que ceux qu'on appelle Savants sont bien éloignés de tout savoir ? Et qu'ils pourraient dire d'eux à plus juste titre ce qu'un ancien Sage de la Grèce disait de lui-même :
J'ignore tant de choses que je puis dire : je sais seulement que je ne sais rien. Ignore-t-on d'ailleurs que les découvertes extraordinaires, telles, par exemple, que celle de la poudre et de ses effets, n'ont d'abord trouvé dans les Savants mêmes que des railleurs et des incrédules ? Ce qu'on nomme la science a souvent ses préjugés infiniment plus difficiles à vaincre que l'
ignorance même. Il me semble que plus un homme a d'étendue de génie et de connaissances, moins il doit nier, et plus il doit voir de possibilités dans la Nature. A être crédule, il y a plus à gagner qu'à perdre. La crédulité engage un homme d'
esprit dans des recherches qui le désabusent, s'il était dans l'erreur, et qui toujours l'instruisent de ce qu'il ignorait.
