PRÉFACE
Le Ciel m'ayant permis de réussir à faire la pierre philosophale, après avoir passé trente-sept ans à sa recherche, veillé quinze cents nuits sans dormir, éprouvé des malheurs sans nombre et des pertes irréparables, j'ai cru offrir à la jeunesse, l'espérance de son pays, le tableau déchirant de ma vie, afin de lui servir de leçon, en même temps la détourner d'un art qui offre au premier coup d'il les roses blanches et rouges les plus agréables, hérissées d'épines, et dont le sentier qui conduit au lieu où on peut les cueillir, est plein d'écueils.
Comme la médecine universelle est un bienfait plus précieux que le don des richesses, sa connaissance doit naturellement entraîner à sa recherche les hommes studieux, qui croient être plus heureux qu'une multitude de personnes. Voilàa la raison qui m'a porté à transmettre à la postérité les opérations à faire dans le plus grand détail, sans rien omettre, afin de la faire connaître, de prévenir aussi la ruine des honnêtes gens et de rendre service à l'humanité souffrante.
Le lecteur qui sera pénétré de mes opérations n'aura qu'à chercher la matière, le
feu et les travaux d'
Hercule. Tous les philosophes en ont fait par devoir un mystère. J'ai juré à
Dieu d'emporter dans la tombe ce secret et ne serai point parjure, dût-on me lapider, et préfère déplaire aux hommes qu'à l'Eternel.
J'ai décrit avec la plus grande sincérité toutes les opérations à faire, on peut y compter, et je désire du fond de mon cur que le songe que j'ai fait puisse révéler à l'homme vertueux, appelé par
Dieu à jouir d'un pareil bienfait, ce que j'ai laissé à désirer, en lui évitant des écueils sans nombre, même de perdre son existence.
Pour faire les travaux d'
Hercule, il faut user de grandes précautions ; une fois qu'ils sont passés, le reste est un travail bien agréable qui ne coûte pas un sou de dépense.
Prenez garde qu'il vous arrive comme à moi de vous blesser ; je me trouve par suite de ces mêmes travaux l'organe le plus essentiel à la vie d'affecté, qui me privera, vu la gravité du mal, de parcourir une longue carrière, la vertu de la médecine n'étant point chirurgicale, mais seulement médicinale.
Je conseillerai aussi aux personnes qui voudront absolument se mettre à la recherche de la pierre philosophale de ne s'y livrer qu'après avoir suivi plusieurs cours de chimie, et savoir manipuler. Quoi qu'en disent maints auteurs, si je n'avais pas eu en chimie les connaissances que je possède, je ne serais jamais parvenu.
Je dois
ajouter que la matière propre à l'uvre est celle qui a servi à former le
corps de l'homme primitif : elle se trouve partout en tout lieu, sous diverses modifications ; son origine est céleste et terrestre, le
feu de la pierre pareillement.
La médecine universelle est un sel magnétique servant d'enveloppe à une
force étrangère qui est la vie universelle. Aussitôt que ce sel est dans l'estomac, il pénètre tout le
corps jusqu'aux dernières voies, en régénère toutes les parties, provoque une crise naturelle suivie d'abondantes sueurs, purifie le sang ainsi que le
corps, fortifie ce dernier au lieu de l'affaiblir, en
dissolvant et chassant par la transpiration toutes les matières morbifiques qui contrarient le
jeu de la vie et ses courants. Ce sel fait aussi disparaître par sa qualité froide toutes espèces d'inflammations, pendant que la
force étrangère de ce même sel se répand dans les principaux organes de la vie, s'y détermine en les vivifiant. Voici l'effet de la médecine universelle qui guérit radicalement toutes les infirmités qui affectent l'homme dans le cours de sa vie, et lui fait parcourir en bonne santé plusieurs siècles, à moins que
Dieu en ait ordonné différemment par son organisation ; effet bien contraire à l'opinion reçue des médecins, qui soutiennent qu'un seul remède ne peut guérir toutes les maladies. Mais s'ils connaissaient la médecine vniverselle, ils verraient que la puissance de ce sel est semblable à celle d'un
aimant, qu'il attire non le fer, mais la
force de la vie universelle et lui sert d'enveloppe. En l'administrant, ils seraient forcés de reconnaître sa puissance céleste, ils se mettraient à genoux devant ce beau sel magnétique doué d'une
force surnaturelle et miraculeuse, en proclamant en
âme et conscience que nulle maladie ne résiste à son action comme je m'en suis convaincu en rendant la vie à des malades abandonnés par eux.
Pour concevoir ce que je viens de dire sur la
force étrangère de la médecine, il faut voir l'effet que procure le vin de
Champagne dans notre estomac : aussitôt qu'il s'y trouve, son liquide en pénètre les parois et les fortifie, pendant que sa
force étrangère, due à la présence de l'
acide carbonique, s'en dégage en se portant au cerveau, chasse notre tristesse et nous met en gaîté, à moins qu'une trop grande quantité de gaz venant à presser sur le cerveau nous fasse vaciller ou tomber.
Enfin le
corps de l'homme est matériel, néanmoins il renferme une
force qui lui est étrangère, qui est la vie.
Je crois prévenir ici de ne jamais oublier qu'il ne faut que deux matières de même origine : l'une volatile, l'autre fixe ; qu'il y a deux voies, la voie sèche et la voie humide. Je suis cette dernière de préférence, par devoir, quoique la première me soit très familière ; elle se fait avec une matière unique.
L'azote se joint facilement au soufre, le
feu au
feu, et le mercure double ou
rebis à l'état de poudre ou de sel ou d'
huile forme le véritable or potable ou la médecine universelle au blanc et au rouge ; enfin la semence de l'or est dans l'or même.
Il faut très peu de combustible, encore moins de vases. L'uvre coûte fort peu à faire et peut se faire en tout lieu, mais il est convenable de le commencer avec celui de la nature pour le bien terminer.
J'ai cru dans cet écrit conserver les passages les plus importants de plusieurs ouvrages faits par des philosophes qui ont possédé le mieux le mercure secret, c'est-à-dire
Hermès, tels qu'
Arnauld de Villeneuve et l'auteur anonyme, imprimé à Leipzick en 1732, et autres, afin de transmettre d'une manière
primordiale à la postérité la plus reculée cet art divin si précieux sous le rapport de la santé.
Cherchez à connaître le vinaigre des
montagnes, car sans lui vous ne pouvez rien faire ; sa connaissance vous donnera celle de la
fée de l'
âme, appelée telle par
Arnauld de Villeneuve dans son
Petit Rosaire.
Pénétrez-vous bien aussi que le
feu de nos foyers ou des
fourneaux ou d'une lampe est le tyran de la
destruction et que la nature n'emploie le
feu vulgaire que pour détruire ; exemple, le
feu de la foudre ou celui des volcans.
Rappelez-vous que les deux natures métalliques, après leur préparation, ne doivent être assemblées qu'à l'état de
germes dissous, comme le dit
Arnauld de Villeneuve.
Etant bien pénétré de la pratique et des opérations que je vais vous donner, vous pourrez vous mettre à faire l'uvre. Si vous n'avez pas le bonheur de réussir, c'est que
Dieu ne voudrait pas vous accorder un pareil don, car je vous jure de vous avoir tout dit dans cet ouvrage, sans trahir mon serment.