De 1429, date de la fondation de l'ordre, à 1559,
date du dernier Chapitre, vingt trois élections eurent lieu. A chacun de
ces vingt trois Chapitres, des remplaçants furent donnés aux défunts
et on eut soin de les choisir parmi ce que la chevalerie comptait de plus pur
et de plus noble.
Dix de ces Chapitres eurent lieu sous Philippe le Bon, deux sous
Charles le Téméraire, trois sous Maximilien, deux sous Philippe le Beau, cinq sous Charles-Quint et deux sous Philippe II.
Ils se tinrent à
en 1431, à
Bruges en 1432, à
Dijon en 1433, à Bruxelles en 1435, à
en 1436, à St-Orner en 1440, à Gand en 1445, à
Mons en 1451, à La
Haye en 1456, à St-Orner en 1461, à
Bruges en 1468, à
Valenciennes en 1473, à
Bruges en 1478, à Bois-le-Duc en 1481, à Malines en 1491, à Bruxelles en 1501, à Middelbourg en 1505, à Bruxelles en 1516, à Barcelone en 1518, à Tournai en 1531, à Utrecht en 1546, à
Anvers en 1555, à Gand en 1559.

Pendant trente-huit années, de 1429 à 1467, l'
ordre de la Toison d'or garda comme Chef et Souverain celui qui avait été son fondateur, ce
Duc Philippe, « prince haut et droit, joyeux d'
esprit et vif de
corps », vaillant chevalier et profond politique, dont l'habilité froide et calme, prudente jusqu'à la ruse, perséverente jusqu'au courage, avait mérité, a son auteur le surnom d'«Asseuré ». Ce titre, il est vrai, fut changé par ses amis en celui de « Bon Duc», « qui lui est demeuré »
(56) et qu'une « longue continuance de vertus » et de générosité à leurégard expliquait. « Les cieux l'avaient magnificié de leurs graces : les hommes l'ont solemnisé en ses vertus », remarque G. Chastellain.
Ses vertus étaient réelles.
Nous avons déjà parlé de son courage qui s'affirma si souvent depuis la bataille de Brouwershaven où il sauta tout armé dans la mer pour marcher aux digues occupées par les anglais jusqu'à ce
jour où dans la plaine de Gavre il se précipita au milieu des Gantois rebelles....
Nous ne nous étendrons pas sur son habileté politique que tous les
historiens reconnaissent et qui porta à une telle
hauteur la puissance du grand
Duc d'Occident que Ph. de Commines constate « qu'il tenait le salut de la France en sa
clef et la tranquillité de l'occident en sa main ». Telle avait été, d'ailleurs la renommée de cette puissance qu'on lui avait offert trois fois l'Empire et que les Milanais et les Génois avaient voulu arborer sa bannière par dessus des Alpes. « Que chacun sache que si j'avais voulu être roy, je l'eusse été », s'écriait donc avec raison Philippe le Bon.
Ce dont nous voulons dire encore quelques mots, c'est de sa
charité pour les malheureux et, de sa bienveillance pour les artistes. Car cette bonté touchante et cette protection éclairée suscitèrent un mouvement moral, intellectuel et artistique qui illumine tout le
XVème siècle. Les exemples du Bon
Duc sont suivis par sa cour ; et dans ce milieu éclairé et fastueux, comment ne pas penser de suite à des membres de la
Toison d'or, comme ce Louis de Gruuthuse, dont le « librairie » rivalisait avec celle de son maître, et à ce trésorier du même ordre, Bladelin qui créait des industries pour améliorer la condition du peuple ?
Ils ont, du reste, sous les yeux de quoi s'
inspirer. N'a-t-on pas vu le Bon
Duc aller s'enquérir lui-même dans les campagnes des misères que la guerre y a laissées? Ici, il écoute une pauvre femme qui a perdu sa vache, là il indemnise un soldat dévalisé par les écorcheurs. Partout se révèle un soin paternel pour ses sujets malheureux et ses vieux serviteurs. La distribution des aumônes a pris une telle importance sous son règne qu'il nomme « un commis à leur gouvernement ». De la
charité, la générosité fastueuse du
Duc s'étend jusqu'à la dévotion. Les
églises reçoivent d'inestimables joyaux et des tableaux du plus haut prix. Ces dons seront d'autant plus faciles à Philippe le Bon qu'il a pris soin d'attacher à sa cour toute une pléiade de peintres dont le plus célèbre est Jean van Eyck.
Ce nom, puis l'amitié du
Duc pour cet artiste et son estime pour ce talent, suffiraient à
illustrer le règne d'un prince. Il ne se contente pas d'avoir attiré van Eyck à sa cour, de l'avoir attaché à sa personne comme « varlet » (mot qui à cette époque signifiait
chambellan), d'avoir apprécié son génie avec une telle clairvoyance que non seulement il lui fait une rente car « nous le voulons entretenir pour certains grans ouvrages, et que nous trouverions point le pareil à nostre gré, ne si excellent en son art et science », le
Duc lui porte un si vif intérêt qu'il réprimande ses trésoriers qui ont négligé de payer la pension de son peintre
Johan van Eyck, ce qui « pourrait l'amener à laisser notre service en quoy prendrions très grand déplaisir » ! Tout cet ensemble ne prouve-t-il pas l'intelligence du Mécène, son
goût délicat, la finesse de ses sentiments ?
Ce dont nous voulons dire encore quelques mots, c'est de sa
charité pour les malheureux et, de sa bienveillance pour les artistes. Car cette bonté touchante et cette protection éclairée suscitèrent un mouvement moral, intellectuel et artistique qui illumine tout le
XVème siècle. Les exemples du Bon
Duc sont suivis par sa cour ; et dans ce milieu éclairé et fastueux, comment ne pas penser de suite à des membres de la
Toison d'or, comme ce Louis de Gruuthuse, dont le « librairie » rivalisait avec celle de son maître, et à ce trésorier du même ordre, Bladelin qui créait des industries pour améliorer la condition du peuple ?
Ils ont, du reste, sous les yeux de quoi s'
inspirer. N'a-t-on pas vu le Bon
Duc aller s'enquérir lui-même dans les campagnes des misères que la guerre y a laissées? Ici, il écoute une pauvre femme qui a perdu sa vache, là il indemnise un soldat dévalisé par les écorcheurs. Partout se révèle un soin paternel pour ses sujets malheureux et ses vieux serviteurs. La distribution des aumônes a pris une telle importance sous son règne qu'il nomme « un commis à leur gouvernement ». De la
charité, la générosité fastueuse du
Duc s'étend jusqu'à la dévotion. Les
églises reçoivent d'inestimables joyaux et des tableaux du plus haut prix. Ces dons seront d'autant plus faciles à Philippe le Bon qu'il a pris
soin d'attacher à sa cour toute une pléiade de peintres dont le plus célèbre est Jean van Eyck.

Ce nom, puis l'amitié du
Duc pour cet artiste et son estime pour ce talent, suffiraient à
illustrer le règne d'un prince. Il ne se contente pas d'avoir attiré van Eyck à sa cour, de l'avoir attaché à sa personne comme « varlet » (mot qui à cette époque signifiait
chambellan), d'avoir apprécié son génie avec une telle clairvoyance que non seulement il lui fait une rente car « nous le voulons entretenir pour certains grans ouvrages, et que nous trouverions point le pareil à nostre gré, ne si excellent en son art et science », le
Duc lui porte un si vif intérêt qu'il réprimande ses trésoriers qui ont négligé de payer la pension de son peintre
Johan van Eyck, ce qui « pourrait l'amener à laisser notre service en quoy prendrions très grand déplaisir » ! Tout cet ensemble ne prouve-t-il pas l'intelligence du Mécène, son
goût délicat, la finesse de ses sentiments ?
N'est-ce pas encore pour honorer l'art que le Bon
Duc charge J. van Eyck de diverses missions diplomatiques secrètes
(57), qu'il l'envoie en Portugal faire le
portrait d'Isabelle de Portugal, qu'il accepte d'être le
parrain de son
enfant, qu'il se rend lui-même à son
atelier, le surprenant au milieu de ses élèves dont chacun reçoit aussitôt une gratification ?
(58)
De la haute situation que le
Duc fait ainsi à l'art flamand, celui-ci brille sur toute l'
Europe ; il y répand sa domination en même temps que celle de son puissant protecteur : ils conquièrent le monde simultanément !
C'est pour cela qu'il m'a toujours semblé qu'on ne pouvait se faire une idée exacte de cette époque
Bourguignonne qui vit naître la noble Toyson, qu'en lui gardant ou en lui restituant les chefs-d'uvre qu'elle fit éclore. C'est pour encore ces motifs, que je crois qu'à côté de Philippe le Bon, il faut montrer Jean van Eyck !
L'habitude et le plaisir qu'avait le bon
Duc à s'entretenir
avec les peintres, architectes, sculpteurs et imagiers indignait au commencement de son règne certains de ses courtisans, mais bientôt tout son entourage comprit la haute portée de ses exemples et les suivit. Et l'art trouva de nouveaux et puissants Mécènes.
Grâce à cette protection, on vit venir à
Bruges, comme à une source unique, tous les peintres qui devinrent plus tard des chefs d'école. L'art flamand arriva ainsi à exercer sur le monde une
influence prépondérante. Philippe contribue également à le faire connaître jusqu'aux pays les plus éloignés, par les uvres d'art qu'emportent ses ambassadeurs, car la générosité du
Duc ne connaît de bornes ni dans l'éloignement des destinataires, ni dans la richesse des dons. La cour de
Bourgogne est la plus fastueuse, la plus éclairée du monde : elle éclipse celle de la France !
Pour la Flandre quel temps glorieux ! « C'était, dit Victor Hugo, le premier comté du monde » et, certes, de grands royaumes avaient moins d'
influence et de richesses. Ces richesses s'étalaient partout.
Nous avons vu « les dressoirs
succombant sous le poids de la vaisselle d'or ou d'
argent ; les écrins des femmes renfermaient aussi des valeurs considérables, et les trésors des
églises regorgeaient de vases sacrés »
(59).
Olivier de la
Marche évalue le trésor laissé
par Philippe le Bon « à deux millions d'or en meubles seulement, savoir quatre cents mille écus comptants, soixante douze mille marcs d'
argent en vaiselle, sans les riches tapisseries, les riches bagues, la vaiselle d'or garnie de pierreries et sa librairie moult grande et moult bien étoffée ».
Jusqu'à la fin de sa vie, le bon
Duc ne cessa de protéger les arts, de s'intéresser aux peintres, aux chroniqueurs, aux imprimeurs
(60). « L'activité lui était un besoin
(61). A l'âge de soixante ans, il déclarait qu'il ne désirait point les longs
jours sinon en tant que nature pourrait le entretenir être utile à quelque bien et donner
fruit à son peuple ».
Et, en réalité, « les
fruits de son gouvernement furent splendides. Les Pays-Bas jouirent d'une prospérité sans égale. Philippe de Commines les compare à un véritable paradis terrestre et la popularité que s'y acquit le « bon
duc » fournit un témoignage plus éloquent encore des bienfaits dont elles lui furent redevables »
(62).
Ce fut à
Bruges, qui était alors l'une des villes les plus brillantes et les plus belles d'
Europe, en ce palais qu'il avait rempli d'uvres d'art et de tapisseries, que Philippe le Bon mourut, le 15
juin 1467.
Le 22 de ce même mois « de magnifiques obsèques furent célébrées dans l'
église de
Saint-Donat à
Bruges. De chaque côté du cortège funèbre, s'avançaient seize ceints hommes tenant des torches à la main et vêtus de deuil., quatre cents pour son fils, autant pour la ville de
Bruges, autant pour les
corps de métiers, autant pour les pays du Franc. Au milieu d'eux marchaient neuf cents nobles ou riches bourgeois, seize
prélats les suivaient ; puis s'avançaient les rois d'armes, parmi lesquels
Toison d'or avait le premier rang, le comte de
Joigny, le sire de
Créquy, le
marquis de Ferrare, les sires de Boussut, de Borssele, de Commines, de Breda et de Grirnberghe, les bàtards de
Bourgogne et de
Brabant, chevaliers de la
Toison d'or. Les comtes de
Nassau et Buchan, le bâtard Baudouin de
Bourgogne et le sire de
Châlons, chevaliers de la
Toison d'or, soutenaient le poêle sur quatre lances. Jacques de Bourbon et Adolphhe de Clèves, également chevaliers de la
Toison d'or, menaient le deuil. Toute l'
église de
Saint-Donat était tendue de drap noir, et le nombre des
cierges qui brûlaient sous les
nefs, était si considérable, que la
chaleur contraignit les assistants à briser les vitraux où les pieuses images des apôtres et des saints vénérés par le peuple semblaient s'incliner au-dessus de lui pour le bénir »
(63).
Georges Chastellain nous donne en quelques lignes son
oraison
funèbre : il explique et complète les
hommages rendus à sa
dépouille funèbre : il explique et complète les
hommages rendus à sa
dépouille par tout ce peuple, en écrivant : « Il a été glorieux au monde, béat et plein de bénédiction en terre, cler et fulgent en fortune, riche de tout honneur, et le plus hault en renommée, qui fust en longs ans. Tous roys de son temps l'ont préféré en tiltre devant eux ; les cieux l'ont magnifié de leurs traces, et les hommes l'ont solenmnisé en ses vertus ».
A tous les titres que lui donnait le célèbre
chroniqueur, il faut
ajouter celui d'avoir fondé la
Toison d'or, d'avoir
institué ce noble ordre de chevalerie, d'avoir élaboré des statuts qui restent le code le plus pur de l'honneur, d'avoir créé une école de bravoure et de vertu dont les « hauts faits » illuminent à jamais le règne du « bon
Duc » et se continuent après lui de
génération en
génération.
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(56) Olivier de la
Marche.
(57) En 1425 notamment.
(58) Roger van der Weyden,était probablement parmi ceux-ci.
(59) Comte de
Laborde.
(60) Col.
Mansion, 1450.
(61) Pirenne,
Histoire de Belgique, p. 240.
(62) Idem.
(63) Histoire de Flandre, par le
baron Kervyn de Lettenhove, t. V, 101.