LXXXI C
LXXXI
Ce mercure tiré du
corps crud est grossier. Mêlé avec ce mercure ou
eau dissolvante, il compose et fait le
double mercure du
Trévisan, l'or
composé de
Philalèthe ou le
rebis des philosophes ou le poulet d'
Hermogène ou le mercure des
corps qui se dispose par degré à devenir le mercure des philosophes par le moyen du
feu ou du mercure commun à toutes les minières.
Or, ce mercure double blanc, d'une
blancheur étincelante
tiré par l'
eau première, devient rouge s'il est simplement avec l'
eau seconde qui est fort blanche au dehors et rouge au dedans.
LXXXII
Cette
eau seconde était ci-devant dans la première mais elle n'était pas imprégnée d'un
feu céleste comme elle l'est dans la suite. Ainsi ces deux
eaux ne diffèrent qu'autant que la première dissout le
corps crud, lave le laton et volatilise une masse pesante de sa nature, et que mêlée à la première
eau ou
feu humide, devient volatile. Et l'
eau première, mêlée avec une
eau sèche
se réduit en fumée, en
eau limpide et en
chaux vive, laquelle
chaux vive est pleine d'un
feu et d'un soufre philosophique et ainsi c'est cette
eau seconde tirée de la première par le moyen du
feu.
LXXXIII
Ce
feu fait que dans la sublimation philosophique, le sec monte et se perfectionne par son adhérence au vase. Cette adhérence rend le sec inséparable de l'humide et le
feu inséparable de l'
eau. Ainsi, se forme notre
eau seconde des vertus supérieures et inférieures et c'est cette
eau qui est le mercure des sages, le mercure animé que l'artiste peut élever en degrés et le pousser jusqu'à la plus haute perfection, et pour cet effet on n'a qu'à le nourrir des mammelles de la terre, qui est sa mère et faire téter souvent au fils d'
Hermogène, le ramenant à sa mère.
LXXXIV
On ramène aussi la mère à l'
enfant lorsque le
corps,
composé du
soleil et de la
lune, du père et de la mère, du
coq et de la poule, du soufre et du mercure par notre
eau première, est amené au mercure des philosophes qui est l'uf de ce
coq et de cette poule, le fils du
soleil et de cette
lune et le mercure de ce soufre et de ce mercure. Car
dans leur intime communication, le père et la mère sont élevés et sublimés en gloire, par la vertu de leur
enfant, le laton est blanchi, fixé et rendu
fusible. En sorte que l'
enfant engendre son père et sa mère et il est plus vieux qu'eux.
LXXXV
Le mercure des philosophes a engendré son père et sa mère et lui, est engendré et tiré des choses où il est par le
moyen d'un autre mercure élevé en degrés et d'une
eau qui est pur vinaigre, lequel communique sa qualité acéteuse à son
enfant et son
enfant rentrant dans le ventre de sa mère lui déchire les entrailles, comme un vipéreau et enfin, après avoir sucé de son lait virginal, il l'
adoucit comme nous voyons que le vinaigre commun distillé dissout l'
acier et le plomb et par ce mélange du vinaigre il devient si doux qu'on l'appelle lait virginal.
LXXXVI
Tout le secret de ce vinaigre, qu'Artéphius appelle
antimonial et que l'on peut appeler saturnien en raison de son origine, ou mercure à cause de son
esprit congelé, plus précieux que tout l'or du monde, dit le Cosmopolite, consiste à savoir tirer par son moyen l'
argent-vif doux et incomburant du
corps de la magnésie, c'est-à-dire par cette
eau première, une
eau seconde,
eau vive et
incombustible et savoir la
congeler ensuite avec le
corps parfait du
soleil qui se dissout dans cette
eau, se couche à la façon d'une substance blanche et épaisse et congelée comme de la crème du lait.
LXXXVII
Ce mercure philosophique ou
eau seconde blanche et congelée comme la crème du lait est tiré par le moyen d'une
eau première ou vinaigre acre et par le moyen d'une
eau douce ou vinaigre doux. La première est mâle et tient du
feu qui domine l'
eau, le second est
femelle et passif et tient de
l'
eau oppressée du
feu étranger. Ce mâle est actif, cette
femelle est passive, ils se joignent et s'embrassent tous deux pour produire l'
eau seconde qui dissout l'or
composé qui a été produit par l'union des deux, c'est-à-dire par notre double
eau première au sens d'Artéphius.
LXXXVIII
Ce
corps qui a été produit ou
composé par notre
eau première doit être résous ou dissous dans l'
eau seconde, composée de ces deux aussi bien que le
corps susdit, qui ne s'y résoudrait point s'il n'était de la nature du
dissolvant. Mais si au lieu du
composé, on ne met dans notre
eau dissolutive seconde que le
corps de l'or simple, elle le réduit bien en état d'améliorer les métaux, en quelque manière, comme dit Sendivogius après l'auteur du «
duel chimique ». Mais si on joint le mâle et la
femelle et que notre
eau soit le
dieu aidant, on trouve tout le secret des sages.
LXXXIX
Tout le secret des sages consiste en cet ouvrage qu'Artéphius appelle
blanchir le laton ou l'or des philosophes et le réduire en sa première matière, c'est-à-dire en soufre blanc et
incombustible et en
argent-vif fixe. C'est ainsi que l'humide se termine, c'est-à-dire, notre
corps qui est l'or, se change dans cette
eau première dissolvante ou soufre et
argent-vif fixe, de sorte que cet or qui est un
corps parfait, se change en réitérant cette liquéfaction et se réduit en soufre et
argent-vif fixe, reçoit la vie et se multiplie en son espèce, comme il arrive dans les autres choses.
XC
Cet or se multiplie donc par le moyen de notre
eau, car le
corps, qui est
composé de deux
corps qui sont le
soleil et la
lune ou
Apollon et
Diane, s'enfle dans cette
eau, grossit, s'élève, croît et reçoit de cette
eau première sa teinture d'une
blancheur surprenante, et celui qui connaît notre
eau hermétique, et la source d'où elle sort, connaît la
fontaine du Trévisan et la pierre d'où Moïse tira l'
eau qui suivait le peuple. Il sait changer le
corps en
argent médicinal qui peut perfectionner les autres métaux imparfaits car notre
eau porte une grande teinture.
XCI
La teinture qui est cachée dans notre
eau est blanche et rouge, quoiqu'elle ne donne d'abord qu'une teinture de
blancheur. Mais comme
eau qui dissout et rompt le
corps, la première qui paraît dans cette
dissolution est la noirceur signe de putréfaction. En effet, il faut que le
corps se pourrisse dans notre
eau, qu'ayant passé par toutes les
couleurs qui marquent son infirmité, elle prenne la
couleur blanche fixe et puis la rouge de pourpre qui sont les marques essentielles d'une véritable
résurrection, dans laquelle triomphent la vertu et le
germe de notre levain.
XCII
Notre levain contient un
esprit igné comme la
chaux vive, d'où vient qu'il pénètre le
corps par sa subtilité, qu'il échauffe par sa
chaleur, et qu'il fait lever le
germe qui n'était dans le
corps qu'en puissance et ne serait jamais passé en acte sans l'addition de notre
levain, dont la vertu peut se multiplier à l'
infini en lui apposant une nouvelle matière qui prend la vertu du levain et devient aussi aigre que lui et encore davantage. Et à la fin, il s'en fait une puissante médecine qui tombe sur les imparfaits qui sont de sa nature et les délivre de toutes leurs impuretés.
XCIII
La pureté de notre levain l'empêche de se mêler à aucune chose qui ne soit pure et qui ne soit de sa nature mercurielle, et sa subtilité lui donne la
clef pour entrer dans l'obscure prison des métaux et la
force de retirer ses
frères de l'obscurité et de l'esclavage. Pour cet
effet, il se transforme auparavant en plusieurs différentes manières comme un prêtée. Il monte au
ciel, comme s'il voulait l'escalader, comme une nouvelle escalade. Il descend en terre, comme s'il voulait pénétrer les abîmes et enlever
Proserpine sur son chariot de
feu et s'enrichir des richesses de
Pluton.
XCIV
On pourrait dire que ce levain, semblable à
Vulcain, qui ayant épousé
Vénus s'était embrasé du
feu de son amant et ne respirait que ses embrassements. Mais, Jupiter le trouvant trop imparfait, lui donna un coup de pied et le jeta du
ciel en terre. En tombant, il se cassa une jambe et il est demeuré
boiteux depuis cette chute. C'est lui qui a
composé ce rêt admirable par lequel
Mars et
Vénus furent attrapés et surpris sur le
lit d'amitié ; c'est ce
Vulcain que
Philalèthe appelle brûlant, sans lequel le
dragon igné et notre
aimant ne peuvent jamais être bien unis ensemble.
XCV
Le
feu dont notre
Vulcain est embrasé fut autrefois dérobé par Prométhée et porté sur la terre, ce qui fut cause que pour punition de ce vol, Prométhée fut enchaîné par
Vulcain même sur le mont
Caucase, et Jupiter a ordonné à un
vautour de lui ronger le foie et le cur qui renaissent toujours et pullulent par la vertu du
vautour même, qui leur laisse la facilité de germer et renaître après leur mort, pour vivre d'une nouvelle vie, de manière que le
vautour qui se repaît du foie et du cur de Prométhée ne le dévore que pour le multiplier incessamment.
XCVI
Cette renaissance ou revification nous représente celle du phnix qui trouve la vie dans sa mort, se vivifie par soi-même et sort plus glorieux de ses cendres. L'
agent dont il est ici question et qui est d'une merveilleuse
origine dans le règne métallique, suivant la pensée de
Philalèthe, porte et allume le
feu sur le bûcher, semblable à celui duquel il est sorti ci-devant. Ce bûcher et le phnix s'embrasent ensemble, se
réduisent en cendres desquelles sort un
oiseau semblable au premier de même nature, mais plus noble que lui et qui croît de
jour en
jour en vertu, jusqu'à ce qu'il soit devenu immortel.
XCVII
Ce phnix qui renaît de ses cendres est le sel des sages et par ce moyen, leur mercure, dit
Philalèthe. C'est le sel de gloire de
Basile Valentin, le sel albrot d'Artéphius, le mercure double du
Trévisan, lequel est
embryon philosophique et l'
oiseau né d'
Hermogène. C'est l'
eau sèche, l'
eau ignée et le menstrue universel ou l'
esprit de l'univers. La pierre des sages est rassasiée de cette
eau qui ne mouille point. Elle en est formée afin de produire le lait de la vierge qui sort de son sein. Elle-même est le suc de la lunaire, c'est l'
esprit et l'
âme du
soleil, le
bain-marie où le roi et la reine doivent se
baigner.
XCVIII
Ce sel est l'
agent de la nature qui renverse le
composé, le détruit, le mortifie et le réengendre souventes fois. Il contient en soi un
feu contre nature, le
feu humide, le
feu secret,
occulte et invisible. Il est le principe
du mouvement et cause de putréfaction. C'est par ce
dissolvant qu'on réduit
l'or à sa première matière et tous les philosophes sont d'accord
que le menstrue qui dissout radicalement le
soleil et la
lune doit conserver leur
espèce et rester avec eux après la
dissolution et par conséquent
être de leur nature et se
coaguler soi-même avec les
corps qui ont
été dissous et par leur vertu.
XCIX
Dans cette
dissolution du
corps par l'
esprit, se fait la
congélation de l'
esprit par le
corps et l'
esprit et le
corps s'aident l'un et l'autre, dit Lucas, dans cette « Tourbe ». L'
esprit, dit-il, rompt premièrement le
corps afin qu'il l'aide après ; quand le
corps est mort, abreuvez-le de son lait, et vous verrez que le
corps congèlera l'
esprit et qu'il se fera un de deux, de trois et de quatre. C'est alors que le mort est vivifié et que le vif meurt dans cette solution et
congélation. Ainsi les philosophes commandent de tuer le vivant et de vivifier le mort et avant cela, le
corps et l'
esprit se pourrissent et se corrompent ensemble.
C
II n'y a point de parfait levain, où l'
esprit et le
corps ne se fermentent, ne s'aigrissent et ne s'échauffant ensemble par le moyen du
feu interne et corrompant et d'une
eau chaude qui aide et
anime la
chaleur du levain. C'est
ce qui arrive au sujet de notre levain, de notre
eau, de notre
corps et de notre
esprit. L'
eau dont il est question est la première et même la seconde. Artéphius dit que le levain est tiré de l'or qui est le
corps et le levain porte l'
esprit corrompant ; ainsi l'
eau, l'
esprit et le
corps composent ou fournissent la matière du levain.