TEXTE - III
Il nous faut donc savoir, que la chose qui a la tête rouge et blanche, les pieds blancs et puis rouges, et auparavant les yeux noirs, que cette seule chose est notre magistère. Disons donc le
Soleil et la
Lune, en notre
eau dissolvante, qui leur est familière, et amie, et de leur nature prochaine, qui leur est douce, et comme une matrice, mère origine, commencement et fin de vie, qui est la cause qu'ils prennent amendement en cette
eau, parce que la nature se réjouit avec la nature, et que la nature contient la nature et avec
icelle se conjoint de vrai
mariage, et qu'ils se font une nature seule, un
corps nouveau ressuscité et immortel. Et ainsi il faut conjoindre, les consanguins avec les consanguins, alors ces natures se suivent les unes les autres, se putréfient, engendrent et se réjouissent, parce que la nature se régit par la nature prochaine et amie. Notre
eau donc (dit Danthin) est la fontaine belle, agréable et claire, préparée seulement pour le Roi et la Reine, qu'elle connaît très bien, et eux elle. Car elle les attire à soi, et eux demeure en
icelle à se laver deux ou trois
jours, c'est-à-dire deux ou trois mois, et les fait rajeunir, et rend beaux. Et parce que le
Soleil et la
Lune ont leur origine de cette
eau leur mère, partant il faut que derechef ils entrent dans le ventre de leur
mère, afin de renaître de nouveau, et qu'il deviennent plus robustes, plus nobles et plus forts. Et partant si ceux ci ne meurent et se convertissent en
eau, ils demeureront tous seuls et sans
fruit. Mais s'ils murent et se résolvent en notre
eau, ils apporteront un
fruit centième, et du lieu duquel il semblait qu'ils eussent perdu ce qu'ils étaient, de ce même lieu ils apparaîtront ce qu'il n'étaient auparavant. Donc avec le
Soleil et la
Lune,
fixer avec très grande subtilité l'
esprit de notre
eau vive. Car ceux-ci convertis en nature d'
eau, ils meurent et sont semblables aux morts, toutefois de là puis après inspirés ils vivent, croissent et multiplient comme toutes les autres choses végétables. Il te suffit donc de disposer extrinsèquement, suffisamment la matière, car elle uvre suffisamment pour sa perfection en son intérieur. Car la nature a en soi un mouvement inhérent certain, et selon la vraie voie, meilleur qu'aucun ordre qui puisse être imaginé de l'homme. Partant toi prépare seulement, et la nature parachèvera. Car si elle n'est empêchée par le contraire, elle ne passera pas son mouvement qu'elle a certain, tant pour concevoir que pour enfanter. Partant garde-toi donc seulement après la préparation de la matière, c'est à savoir, que tu n'échauffes trop le
bain. Partant pour le dernier, que tu ne laisses fuir les
esprits. Car ils affligeraient celui qui travaillerait, c'est-à-dire l'opération serait détruite, et donnerait au Philosophe beaucoup d'infirmités, c'est-à-dire de tristesses et de colères. De ce dessus est tiré cet axiome, c'est à savoir, que par le cours de la nature, celui ignore la construction des métaux, qui ignore leur
destruction. Donc il te faut conjoindre les parents, car les natures trouvent les natures semblables, et en se purifiant se mêlent ensemble, voire se mortifient et réunifient. Il est donc nécessaire de connaître cette corruption et
génération, et comme les natures s'embrassent, et se pacifient au
feu lent, comme la nature se réjouit par la nature, comme la nature retient la nature, et la convertit en nature blanche. Après cela, si tu veux rubifier, il te faut
cuire ce blanc en un
feu sec continuel, jusqu'à ce qu'il se rougissent comme le sang, lequel alors ne sera autre chose que
feu et vraie teinture. Et ainsi par le
feu sec continuel, se change,
corrige et parfait la
blancheur, se citrinise, et acquiert la rougeur et vraie
couleur fixe. D'autant donc plus se rouge se cuit, d'autant plus il se colore et se fait teinture de plus parfaite rougeur. Partant il faut par un
feu sec et par une
calcination sèche sans humeur,
cuire le
composé, jusqu'à ce qu'il soit vêtu de
couleur très rouge, et qu'il soit parfait
Elixir.
Si après tu le veux multiplier, il te faut derechef
résoudre ce rouge en nouvelle
eau dissolvante, et puis derechef par
décoction le
blanchir et rubifier par les degrés du
feu, réitérant le premier régime. Dissout,
congèle, réitère, fermant la porte, l'ouvrant et multipliant en quantité et qualité à ta volonté. Car par nouvelle corruption et
génération, s'introduit de nouveau un nouveau mouvement, et ainsi nous ne pourrions point trouver la fin si nous voulions toujours travailler par réitération de solution et
coagulation, par le moyen de notre
eau dissolvante, c'est-à-dire,
dissolvant et congelant comme il a été dit par le premier régime.
Et ainsi sa vertu s'augmente et multiplie en quantité et qualité de sorte que si en ta première uvre une partie de ta pierre teignait cent, la seconde fois teindra mille, la troisième fois dix milles, et ainsi, si tu poursuis, ta projection viendra jusqu'à l'
infini, teignant vraiment et parfaitement et fixement toute quelle quantité que ce soit, et ainsi par une chose de vil prix, on ajoute la
couleur, la vertu et le poids. Donc notre
feu et
Azoth te suffit, cuis, cuis, réitère, dissous,
congèle, continuant ainsi à ta volonté, et multipliant tant que tu voudras, jusqu'à ce que ta médecine soit
fusible comme la
cire, et qu'elle ait la quantité et la vertu que tu désires. Partant, tout l'accomplissement de l'uvre, ou de notre pierre seconde (note bien ceci) consiste en ce que tu prennes le
corps parfait, que tu mettras en notre
eau dans une maison de verre bien close, et bouchée avec du ciment, afin que l'
air n'y entre point, et que l'
humidité dedans enclose ne s'enfuit, que tu tiendras en la
digestion de la
chaleur douce et lente très tempérée, semblable à celle d'un
bain ou fumier, sur lequel avec le
feu tu continueras la perfection de la
décoction jusqu'à ce qu'il se pourrisse et soit résout en
couleur noire, et puis s'élève, et se sublime par l'
eau, afin que par là il se fasse volatil, et blanc dedans et dehors.
Car le
Vautour volant en l'
air sans ailes crie afin de pouvoir aller sur le mont, c'est-à-dire sur l'
eau, sur laquelle l'
esprit blanc est porté. Alors
continue ton
feu convenable, et cet
esprit, c'est-à-dire cette subtile
substance du
corps du
Mercure, montera sur l'
eau, laquelle quintessence est plus blanche que la neige, continue encore, à la fin fortifiant le
feu jusqu'à ce que tout le spirituel monte en haut. Car sache que tout ce qui sera clair, pur, et spirituel monte en l'
air en forme de
fumée blanche, que les Philosophes appellent le lait de la Vierge.
Il faut donc (comme disait la
Sibylle) que la terre le
fils de la Vierge soit
exalté, et que la quintessence blanche après sa
résurrection s'élève devers les cieux, et qu'au fond du vaisseau et de l'
eau demeure le gros et l'épais, car puis après le vaisseau refroidi tu trouvera au bas les
fèces noires, arses et brûlées, séparées de l'
esprit et de la quintessence blanche que tu dois jeter. En ce temps l'
argent vif pleut de notre
air sur notre terre nouvelle, lequel est appelé
argent vif sublimé par l'
air, duquel se fait l'
eau visqueuse, nette et blanche, qui est la vraie teinture séparée de toutes
fèces noires, et ainsi notre laiton se régit avec notre
eau, se putréfie et orne de
couleur blanche, laquelle
couleur ne se fait que par la
décoction et
coagulation de l'
eau.
Cuis donc continuellement, ôte la noirceur du laiton, non avec la main, mais avec la pierre, ou le
feu, ou avec notre
eau Mercuriale seconde qui est une vraie teinture. Car cette séparation du pur et de l'impur, ne se fait point avec les mains, d'autant que c'est la nature seule qui la parfait véritablement, ouvrant circulairement à la perfection. Donc il appert que cette
composition, n'est point ouvrage manuel, mais seulement un changement de nature. Parce que la nature, elle même se dissout, et conjoint, se sublime, s'élève et blanchit ayant séparé les
fèces. Et en telle sublimation se conjoignent toujours les parties plus subtiles, plus pures, et essentielles, d'autant que quand la nature
ignée élève les plus subtiles, elle élève toujours les plus pures, et par conséquent laisse les plus grosses. Partant, il faut un
feu médiocre continuel sublimer en la vapeur, afin que la pierre s'
inspire en l'
air, et puisse vivre. Car la nature de toutes les choses prend vie de l'inséparation de l'
air, et ainsi aussi tout notre magistère consiste en vapeur et sublimation de l'
eau. Il faut donc élever notre laiton par les degrés du
feu, et qu'il monte en haut librement de soi-même, sans violence, partant si le
corps par le
feu
et l'
eau n'est atténué et subtilisé jusqu'à ce qu'il monte ainsi qu'un
esprit, ou comme l'
argent vif fuyant, ou comme l'
âme blanche séparée du
corps, et emportée en la sublimation des
esprits, il ne se fait rien en ce art. Toutefois lui montant ainsi en haut, il naît en l'
air, et se change en
air, se faisant vie avec la vie, étant entièrement spirituel et incorruptible. Et ainsi par tel régime, le
corps se fait
esprit de subtile nature, et l'
esprit s'incorpore avec le
corps, et se fait un avec
icelui. Et en cette sublimation,
conjonction et élévation, toutes choses se font blanches. Donc cette sublimation Philosophique et naturelle est nécessaire, qui compose la paix entre le
corps et l'
esprit, ce qui ne se peut faire autrement que par cette séparation de parties. Voilà pourquoi il faut sublimer tous les deux, afin que le pur monte, et l'impur et terrestre descende en la turbation et tempête de la mer fluctueuse. Partant il faut
cuire continuellement, afin que la matière devienne en subtile nature, et que le
corps attire à soi l'
âme blanche Mercurielle qu'elle retient naturellement, et ne la laisse point séparer de soi, parce qu'elle lui est égale en proximité de nature première, pure et simple. Il résulte de ceci, qu'il faut par la
décoction faire la séparation jusqu'à ce que rien ne demeure plus que la
graisse de l'
âme, qui ne soit élevé et
exalté en la supérieure partie, car ainsi les deux seront réduits à une simple égalité et simple
blancheur. Donc le
Vautour volant par l'
air, et le Crapaud marchant sur terre, est notre magistère. Partant, quand tu sépareras doucement avec grand
esprit la terre de l'
eau, c'est-à-dire du
feu, et le subtil de l'épais, montera de la terre au
Ciel, ce qui sera pur, et ce qui sera impur descendra en la terre, et la plus subtile partie prendra en haut la nature de l'
esprit, et en bas la nature du
corps terrestre. Et partant élève par cette opération la nature blanche avec la plus subtile partie du
corps, laissant les
fèces, ce qui se fait bien tôt. Car l'
âme est aidée par son associé, et par
icelle parfaite. Ma mère (dit le
corps) m'a engendré, et par moi elle s'engendre. Toutefois après qu'elle a pris la volée, elle est pleine d'autant de piété qu'on ne saurait désirer, chérissant et nourrissant son fils qu'elle a engendré, jusqu'à ce qu'il soit parvenu à l'état parfait. Or, écoute ce secret, garde-le
corps en notre
eau Mercuriale, jusqu'à ce qu'il monte en haut
avec l'
âme blanche, et que le terrestre descende en bas, qui est appelé la terre restante, alors tu verras l'
eau se
coaguler avec son
corps, et seras assuré que la science est vraie, parce que le
corps coagule son humeur en
siccité, comme le lait
caillé de l'
agneau coagule le lait en fromage ; en cette façon, l'
esprit pénètrera le
corps, et la commixion se fera parfaitement, et le
corps attirera à soi son humeur, c'est-à-dire son
âme blanche, de même que l'
aimant attiré le fer à cause de sa similitude et proximité de leur nature, et son avidité, et alors l'un contiendra l'autre, et ceci est notre sublimation et
coagulation, qui retient toute chose volatile, et fait qu'il n'y a plus de fuite. Donc, cette
composition n'est point une opération des mains, mais (comme j'ai dit) c'est un changement de natures, et une
connexion et liaison admirable du froid avec le chaud, et de l'humide avec le sec. Car le chaud se mêle
avec le froid, le sec avec l'humide ; ainsi, par ce moyen, se fait commixion et
conjonction du
corps et de l'
esprit, qui est appelée la conversion des natures contraires. Car en telle solution et sublimation, l'
esprit est converti en
corps, et le
corps en
esprit, ainsi donc mêlés ensemble, et réduites en un les natures se changent les unes les autres, parce que le
corps incorpore l'
esprit, et l'
esprit change le
corps en
esprit teint et blanc. Et partant (et voici la dernière fois que je te le dirai), décuis-le en notre
eau blanche, c'est-à-dire dans du
Mercure, jusqu'à ce qu'il soit dissout en noirceur ; puis après, par
décoction continuelle, sa noirceur se perdra, et le
corps ainsi dissout à la fin, montera avec l'
âme blanche, et alors l'un se mêlera dans l'autre, et s'embrasseront de telle façon qu'il ne pourront jamais plus être séparés, et alors avec un réel accord l'
esprit s'unit avec le
corps, et se font permanent, et ceci est la solution du
corps et
coagulation de l'
esprit qui ont une même et semblable opération. Qui saura donc marier, engrosser, mortifier, purifier, engendrer, vivifier les espèces, donner la lumière blanche, et nettoyer le
Vautour de sa noirceur et ténèbres jusqu'à ce qu'il soit purgé par le
feu, coloré et purifié de toutes macules, il sera possesseur d'une si grande dignité que les Roi lui feront grand honneur.
Et partant, que notre
corps demeure en l'
eau jusqu'à ce qu'il soit dissout en poudre nouvelle au fond du vaisseau et de l'
eau, laquelle est appelée
cendre noire, et cela est la corruption du
corps, qui par les sages est appelée
Saturne, Laiton,
Plomb des Philosophes, et la poudre discontinuée. Et en cette putréfaction et résolution du
corps apparaîtront trois signes, c'est à savoir, la
couleur noire, la discontinuité et séparation des parties, et l'odeur puante, qui est semblable à celle des
sépulcres. Cette
cendre donc est celle là de laquelle les Philosophes ont tant parlé, qui est restée en l'inférieure partie du vaisseau, que nous ne devons pas mépriser, car en
icelle est le
Diadème de notre Roi, et l'
argent vif, noir et
immonde, duquel on doit ôter la noirceur en la décuisant continuellement en notre
eau, jusqu'à ce qu'il s'élève en haut en
couleur blanche, qui est appelée l'
Oie et le Poulet d'
Hermogène. Donc qui ôte la noirceur de la terre rouge, et puis la blanchit, il a le magistère, tout de même que celui qui tue le vivant, et ressuscite le mort. Blanchis donc le noir, et rougis le blanc, afin que tu parachève l'uvre. Et quand tu verras apparaître la vraie
blancheur resplendissante comme le
glaive nu, sache que la rougeur est cachée en
icelle ; alors il ne te faut point tirer hors du vaisseau cette poudre blanche, mais seulement il te faut toujours
cuire, afin qu'avec la
calidité et
siccité, survienne finalement la citrinité, et la rougeur très étincelante, laquelle
voyant avec une grande terreur, tu loueras à l'instant le
Dieu très bon, et très grand, qui donne la sagesse à ceux qu'il veut, et par conséquent les richesses, et selon l'
iniquité des personnes les leur ôte et soustrait perpétuellement, les plongeant en la servitude de leur
ennemis. Auquel soit louange, et gloire, aux siècles des siècles. Ainsi soit-il.
FIN