
LA CLAVICULE
DE RAYMOND LULLE DE MAJORQUE
Traité connu aussi sous le nom
de Clef universelle,
dans lequel on trouvera clairement indiqué
tout ce qui est nécessaire pour parfaire le Grand Œuvre.
«
Le présent traité, Clavicula seu Apertorium, se
trouve dans le Theatrum Chemicum
et dans la Bibliotheca Chemica
Mangeti. Comme son nom l'indique, c'est la clef de tous
les ouvrages de Raymond Lulle. »
Albert POISSON

Nous avons appelé cet ouvrage
Clavicule,
parce que sans lui, il est impossible de comprendre nos autres livres,
dont l'ensemble embrasse l'Art tout entier, car nos paroles sont
obscures pour les
ignorants.
J'ai fait beaucoup de traités, très
étendus, mais divisés et obscurs, comme on peut le voir par le
Testament, où
je parle des principes de la nature et de tout ce qui a trait à l'Art,
mais le texte a été soumis au marteau de la Philosophie. De même pour
mon livre du
Mercure des
philosophes, au second chapitre :
De
la fécondité des minières physiques, de même pour mon livre
de
La Quintessence de l'or
et de l'argent, de même enfin pour tous mes
autres ouvrages où l'Art est traité d'une manière complète, sauf que
j'ai toujours caché le secret principal. Or, sans ce secret, nul ne
peut entrer dans les mines des philosophes et faire quelque chose
d'utile ; c'est pourquoi avec l'aide et la permission du Très-Haut
auquel il a plu de me révéler le Grand Œuvre, je traiterai ici de l'Art
sans aucune fiction. Mais gardez-vous de révéler ce secret aux méchants
; ne le communiquez qu'à vos amis intimes, quoique vous ne dussiez le
révéler à personne, parce que c'est un don de
Dieu qui en fait présent
à qui lui semble bon. Celui qui le possèdera aura un trésor éternel.
Apprenez donc à purifier le parfait
par l'imparfait. Le
Soleil est le père de tous les métaux et la
Lune
est leur mère, quoique la
Lune reçoive sa lumière du
Soleil. De ces
deux planètes dépend le magistère tout entier.
D'après Avicenne, les métaux ne
peuvent être transmués qu'après avoir été ramenés à leur matière
première, ce qui est vrai. Il te faudra donc réduire d'abord les métaux
en
Mercure ; mais je n'entends pas ici le mercure vulgaire, volatil, je
parle du
Mercure fixe ; car le mercure vulgaire est volatil, plein
d'une froideur flegmatique, il est indispensable qu'il soit réduit par
le
Mercure fixe, plus chaud, plus sec, doué de qualités contraires à
celles du mercure vulgaire.
C'est pourquoi je vous conseille, ô
mes amis, de n'opérer sur le
Soleil et la
Lune qu'après les avoir
ramenés à leur matière première qui est le soufre et le
Mercure des
philosophes.
Ô mes
enfants, apprenez à vous servir
de cette matière
vénérable, car je vous en avertis sous la foi du
serment : si vous ne tirez le
Mercure de ces deux métaux, vous
travaillerez comme des aveugles, dans l'obscurité et dans le doute.
C'est pourquoi, ô mes fils, je vous conjure de marcher vers la lumière,
les yeux ouverts, et de ne pas tomber en aveugles dans le
gouffre de la
perdition.