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Théories et symboles des alchimistes

Albert Poisson
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DEUXIÈME PARTIE – LES SYMBOLES

CHAPITRE IV (1/2)

Pratique de la Matière du Grand Œuvre. Les deux voies – L'or et l'argent – Leur purification
La fontaine des philosophes – Bain du Roi et de la Reine – Dissolution de l'or et de l'argent
Le petit Magistère et le Grand Œuvre

      Dans le chapitre précédent, nous avons vu que les alchimistes prenaient le Soufre, le Mercure et le Sel extraits des métaux comme Matière de la pierre. Mais ici, ils pouvaient employer plusieurs méthodes qui toutes les conduisaient au même but ; c'est ainsi que certains alchimistes prétendaient tirer la Matière, de l'étain, du plomb, du vitriol. Nous reviendrons sur ce point.

      Quant à la marche générale du Grand Œuvre, les maîtres les plus illustres de l'hermétisme n'en reconnaissaient qu'une seule : « Il n'y a qu'une pierre, une seule manière d'opérer, un seul feu, une seule façon de cuire, pour parvenir au blanc et au rouge, et tout se parfait en un seul vaisseau » (Avicenne, Declaratio lapidis physici). Cependant, à partir du XVIIe siècle, les alchimistes distinguèrent deux voies, l'humide et la sèche. « Ils appellent voie humide, l'opération suivante : le Soufre et le Mercure des philosophes sont cuits à un feu modéré dans un vaisseau fermé jusqu'à ce que la matière devienne noire, on augmente le feu et elle devient blanche, enfin un feu plus violent la teint en rouge... ; la voie sèche consiste à prendre le Sel céleste, qui est le Mercure des philosophes, à le mélanger avec un corps métallique terrestre et à le mettre en un creuset, à feu nu, en quatre jours, l'Œuvre est parfait. C'est ainsi qu'opérait l'artiste dont Helvétius fait mention dans son Veau d'or » (Barchusen : Liber singularis de Alchimia).

      Mais cette voie sèche fut fort peu en honneur, et nous ne connaissons aucun traité spécial sur ce sujet ; aussi, nous ne nous occuperons que de la voie humide universellement reconnue par les adeptes de tous les pays et de tous les siècles.

      Le Soufre, le Mercure et le Sel constituent la Matière de la pierre, mais tous les corps renferment ces trois principes. D'où les extraire plus spécialement ? C'est ici qu'erraient les souffleurs ; prenant à la lettre les paroles des philosophes, ils ne savaient distinguer le fait de son symbole. Le Soufre est appelé fleur rouge, la Matière de la pierre est encore dite végétale, arbre métallique ; les Souffleurs s'empressaient de piler des herbes, de recueillir des sucs, de distiller des fleurs ; ailleurs, on appelait la Matière de la pierre, sang, menstrue, cheveux, chien, aigle, etc. ; on dit aussi que la Matière est une chose vile, qu'on la trouve partout ; que de causes d'erreur ! Généralement, les souffleurs malheureux s'étonnaient de n'avoir pas réussi et accusaient tout, sauf leur ignorance et leur ineptie ; ils faisaient ainsi défiler dans leurs alambics les produits les plus multiples et les plus bizarres. « Je fis amasser morve, crachats, urine, matière fécale, de chacun une livre, que je fis mélanger ensemble, et mettre dans un alambic pour en tirer l'essence, laquelle étant toute tirée, j'en fis un sel, que j'essayai en la transmutation des métaux, mais en vain, je ne réussis pas. » (de la Martinière, Le chymique inconnu, ou l'imposture de la Pierre philosophale)

      Les philosophes hermétiques sont unanimes à dire que la Matière doit être cherchée dans les métaux, car le but du Grand Œuvre est de faire de l'or. L'or est un métal, on doit donc s'adresser aux métaux : « Nature prend ses ébats avec Nature et Nature contient nature, et Nature sçait surmonter Nature » (Texte d'Alchymie). Cet axiome célèbre, qui mit Bernard le Trévisan sur la voie, se retrouve dans les Physiques et mystiques de Démocrite le mystagogue, alchimiste grec : « La nature triomphe de la nature. » Les adeptes ne cessaient de répéter cette formule sous toutes ses formes ; ainsi, Arnauld de Villeneuve, dans son Flos florum, dit la même chose : « L'homme n'engendre que des hommes, le cheval ne produit que des chevaux ; de même aussi, les métaux ne peuvent être produits que par leur propre semence. » Voici une autre citation conçue dans le même esprit : « Maintenant toi, mon fils, va trouver l'Agriculteur et demande-lui quelle est la semence est quelle est la moisson. Tu apprendras de lui que celui qui sème du blé, moissonne du blé, que celui qui sème de l'orge moissonne de l'orge. Ces choses, mon fils, te conduiront à l'idée de la création et de la génération. Rappelle-toi que l'homme engendre un homme, que le lion engendre un lion, et le chien un chien. C'est ainsi que l'or produit de l'or, voilà tout le mystère. » (Epître d'Isis sur l'Art sacré ; ms. grec ; passage déjà cité par Hoeffer) Donc, la Matière doit être tirée des métaux ; mais de quels métaux ? Des métaux parfaits, c'est-à-dire de l'or et de l'argent, du Soleil et de la Lune. « Le soleil est son père, la lune est sa mère » (Table d'Emeraude d'Hermès). «La matière dont est extraite la médecine souveraine des philosophes est tant seulement or très pur et argent très fin et notre vif argent » (Bernard le Trévisan : La parole délaissée). « L'or, l'argent et le Mercure constituent la Matière de la pierre, après qu'ils ont été préparés selon l'Art » (Libavius : Paraphrasis Arnaldi).

      Les passages indiquant l'or, l'argent et le mercure comme Matière sont innombrables : les précédents sont suffisamment explicites, surtout celui de Libavius. En voici un dernier très intéressant. « Mais je te le dis, travaille avec le Mercure et ses semblables, tu n'y ajouteras surtout rien d'étranger ; sache cependant que l'or et l'argent ne sont pas étrangers au mercure » (Saint Thomas d'Aquin : Secrets d'Alchimie). Ce qui revient à dire : travaille avec le mercure, l'or et l'argent.

      Mais ces trois métaux ne constituaient que la matière éloignée de la pierre ; la matière prochaine, c'est le Soufre, le Mercure et le Sel qui en sont tirés. De l'or, on tire le Soufre ; de l'argent, le Mercure ; et du vif-argent vulgaire, le Sel. D'après les théoriciens de l'Alchimie (Roger Bacon en particulier, dans son Miroir d'Alchimie), l'or contient un soufre-principe très pur, fixe, rouge, non combustible, et l'argent contient un Mercure-principe pur, volatil plus ou moins, brillant, blanc. Quant au Sel, il était fourni par le vif-argent. La Matière de la pierre consistait donc en corps extraits de l'or et de l'argent. « Il y a d'autres philosophes qui prétendent qu'on extrait la pierre du Mercure – non pas du vulgaire, mais de celui que l'on peut tirer par le secours de l'Art, des métaux parfaits comme le Soleil et la Lune. » (Albert le Grand, Concordance des philosophes sur le Grand Œuvre) Il semble y avoir ici une légère contradiction avec ce que nous avons dit plus haut, mais il n'en est rien. Les philosophes désignaient souvent sous le nom de "Mercure des philosophes" la Matière de la pierre considérée dans son ensemble. Ainsi, ce mot de Mercure a quatre acceptions différentes ; il peut désigner : le métal, le principe, l'argent préparé pour l'Œuvre, la Matière de la pierre. C'est dans ce dernier sens qu'il faut l'entendre dans ce passage :

C'est le Mercure des Mercures
Et maintes gens mettent leurs cures
De le trouver pour leur affaire
Car ce n'est Mercure vulgaire.

(Jehan de la Fontaine, La fontaine des amoureux de science)


      C'est au contraire dans le sens d'argent préparé pour l'Œuvre, de Mercure – principe extrait de l'argent qu'on en parle dans cette citation :

Cuides-tu fixer l'Argent-vif
Cil qu'est volatil et vulgal
Et non cil dont je fais métal ?
Pauvre homme tu t'abuses bien !
Par ce chemin ne feras rien
Si tu ne marches d'autres pas.

(Jean de Meuno, La complainte de nature à l'alchimiste errant)


      Nous avons déjà dit que le Sel comme troisième principe est à peine mentionné par les anciens alchimistes; aussi ne parlent-ils souvent que du Soufre et du Mercure, or et argent, Soleil et Lune. Pour embarrasser le vulgaire, ils prenaient plaisir à prendre ces termes les uns pour les autres. « Le Soleil est le père de tous les métaux, la Lune est leur mère, quoique la Lune reçoive sa lumière du Soleil. De ces deux planètes dépend le magistère tout entier. » (Raymond Lulle, La Clavicule) Dans la première phrase, Soleil et Lune sont synonymes de Soufre et Mercure, principes universels ; dans la seconde, ils signifient Soufre et Mercure, Matière de l'Œuvre. Ces quatre termes pouvaient donc être pris deux à deux comme synonymes absolus.

      Une figure de Barchusen représente le signe du Soufre correspondant à celui du Soleil, de l'or, et celui du Mercure à celui de la Lune, de l'argent. Les symboles du Soufre et du Mercure principes sont donc applicables à ceux du Soufre et du Mercure, Matière de la pierre, à l'or et à l'argent (Pour ces symboles, voir chapitres II et III de cette seconde partie).

      L'or et l'argent préparés pour l'Œuvre s'appelaient or et argent des philosophes. Ils étaient d'abord purifiés ; c'est pourquoi Rhasès dit : « Le commencement de notre œuvre est sublimer » (Livre des lumières). Sublimer, c'est-à-dire purifier. C'est ainsi que Grever dit : « L'or du vulgaire est impur, souillé par la présence de métaux étrangers, aigre, malade, et pour cela même stérile, de même l'argent vulgaire. Au contraire, le Soleil et la Lune des philosophes sont des plus purs ; ils ne sont contaminés par aucun mélange étranger, sains, vaillants, plus abondants en semence génératrice. » (Grever, Secretum nobilissimum) En purifiant ces métaux, on augmentait leur perfection, et on leur donnait ainsi la faculté de croître en perfection pendant le Grand Œuvre. «L'or vulgaire n'est que simplement parfait par nature, c'est-à-dire, n'a qu'autant de perfection qu'il luy en faut pour être parfait, sans qu'il en puisse faire part aux métaux imparfaits, et partant, si on veut que l'or vulgaire introduise la forme d'or vulgaire dedans les métaux imparfaits pour les parfaire, il est nécessaire que l'or vulgaire soit rendu plus que parfait. » (Colleson, Idée parfaite de la philosophie hermétique) C'est cet excès de perfection que l'or et l'argent transmettaient aux métaux vils pendant le phénomène de transmutation.

      On purifiait l'or par la cémentation ou par l'antimoine, et l'argent par la coupellation, c'est-à-dire par le plomb: « On demande si les corps parfaits ou luminaires doivent être préparés avant de servir à l'Œuvre. Réponse : l'or doit être purifié par cémentation, et l'argent par coupellation. Ensuite, il faut les réduire en limaille ou en feuilles semblables à celles dont se servent les peintres. » (Arnauld de Villeneuve, Quæstiones tam essentiales quam accidentales ad Bonifacium octavum).

      Tout ceci s'entend pour l'or et l'argent monétaires ou du commerce, qui sont toujours alliés à des métaux étrangers ; on pouvait employer l'or natif directement, parce qu'il est suffisamment pur par lui-même : « On trouve dans les entrailles de la terre de l'or parfait, et il s'en trouve parfois en petits morceaux et grains comme du sable. Si tu en peux recouvrer de celui-là, tel qu'il se trouve et sans être mélangé, il est assez pur ; sinon, il te le faudra purger et purifier par l'antimoine. » (Philalèthe, Entrée ouverte au palais fermé du roi).

      Il y avait, avons-nous dit, deux manières de purifier l'or : « Passe l'or par le ciment royal ou par l'antimoine » (Philippe Rouillac, Abrégé du Grand Œuvre). Le ciment ou cément royal se composait, suivant Macquer (Dictionnaire de chimie) de quatorze parties de briques pilées, une partie de vitriol vert calcinée ou rouge (c'était par conséquent du sesquioxyde de fer ou colcothar), et une partie de sel commun. On formait une pâte du tout avec de l'eau ou de l'urine, et on le mettait dans un creuset avec l'or, en superposant des couches d'or et de cément alternativement. Pour la purification par l'antimoine, on se contentait de fondre l'or avec l'antimoine. La coupellation de l'argent se faisait par les mêmes procédés que les nôtres.

      Pour désigner ces opérations, les alchimistes employaient une foule de symboles. L'or et l'argent sont généralement figurés par un roi vêtu de rouge et une reine en blanc. « Le mâle est rouge, la femelle est blanche» (Isaac le Hollandais, Opera mineralia) ; l'or et l'argent sont ainsi représentés dans le Grand Rosaire. Leurs habits désignent les matières étrangères, les impuretés qui les souillent. La figure suivante du Rosaire les représente nus, c'est-à-dire purifiés, débarrassés de leurs impuretés, de leurs habits. Les alchimistes disaient encore que le roi et la reine s'étaient purifiés dans un bain : « Mais avant de couronner la chasteté de leur amour et de les admettre au lit conjugal, il faut les purger soigneusement de tout péché tant originel qu'actuel... Préparez-leur donc un bain doux, dans lequel vous les laverez chacun en particulier, car la femelle moins forte et moins vigoureuse ne pourrait pas supporter l'acrimonie d'un bain aussi violent que celui du mâle... Quant au bain de la femelle, Saturne vous enseignera quel il doit être. » (Huginus a Barma, Le règne de Saturne changé en siècle d'or). Nous trouvons ici désignée allégoriquement la purification de l'or par l'antimoine (stibium, en latin) et l'argent par le plomb (Saturne). La purification était symbolisée par une fontaine où le roi et la reine, le Soleil et la Lune venaient se baigner ; on trouve ce symbole dans les figures d'Abraham le Juif et dans le Rosaire.

      L'antimoine est symbolisé par un loup, et le plomb par Saturne armé de sa faux. Ainsi, dans la première des figures de Basile Valentin (les 12 clefs de sagesse) qui a trait à la purification, l'antimoine symbolisé par un loup est placé du côté du roi, symbole du Soleil, ou or ; l'opération se fait en un creuset : le plomb symbolisé par Saturne est placé du côté de la reine, lune ou argent ; de ce même côté est placée une coupelle. Quant aux trois fleurs que tient la reine, elles indiquent que la purification doit être répétée trois fois.

      La première figure d'Abraham le Juif représentant Mercure poursuivi par Saturne a trait à la purification de l'argent par le plomb. En effet, l'argent vulgaire coupellé perd de son poids, à cause des métaux étrangers qu'il contenait, dont les oxydes sont absorbés par les parois de la coupelle. Les alchimistes, voyant que dans cette opération l'argent avait perdu de son poids primitif, admettaient que ses parties volatiles s'étaient évaporées. Saturne ou le plomb poursuit Mercure ou l'argent et lui coupe les jambes, c'est-à-dire, le rend immobile, le fixe, en un mot le rend inaltérable. C'est la véritable fixation du Mercure sur laquelle tant de souffleurs se sont trompés.

      L'or et l'argent purifiés constituaient la Matière éloignée de la Pierre. Le Soufre extrait de l'or, le Mercure extrait de l'argent, étaient la Matière prochaine. Tous les philosophes concordent sur ce dernier point. « L'or est le plus parfait de tous les métaux, c'est le père de notre Pierre, et cependant ce n'en est pas la matière : la Matière de la Pierre, c'est la semence contenue en l'or. » (Philalèthe, Fontaine de la philosophie chimique) De même : « C'est pourquoi je vous conseille, ô mes amis, de n'opérer sur le soleil et sur la lune qu'après les avoir ramenés à leur matière qui est le Soufre et le Mercure des philosophes. » (Raymond Lulle : La Clavicule) Huginus a Barma dit positivement : « Le Soufre de l'or est le vrai Soufre des philosophes. »

      La marche suivante était employée par les alchimistes pour extraire le Soufre ou le Mercure de l'or ou de l'argent : ils dissolvaient d'abord ces deux métaux, suivant leur vieil axiome : Corpora non agunt nisi soluta. Puis ils congelaient ces solutions, c'est-à-dire les faisaient cristalliser ; ils décomposaient ensuite par la chaleur les sels ainsi obtenus, redissolvaient le résidu, or et argent pulvérulent, et après divers traitements qui variaient un peu d'un philosophe à l'autre, ils avaient enfin le Soufre et le Mercure pour la Pierre.

      Quant au Sel, c'était généralement un sel de mercure volatil, tel que le bichlorure de mercure ou sublimé corrosif, que les alchimistes appelaient mercure sublimé. Avant d'être transformé en sel, le mercure devait être purifié par distillation.

      Nous avons vu que les philosophes faisaient usage d'acides pour dissoudre l'or et l'argent. « En notre pierre est caché tout le secret du magistère qui est le soleil, la lune et l'eau-de-vie. » (Raymond Lulle, Eclaircissement du testament) Eau-de-vie désigne les liqueurs acides. « Il faut premièrement que le corps soit dissous et que les pores en soient ouverts, afin que la nature puisse opérer. » (Le Cosmopolite) C'est surtout cette partie du Grand Œuvre que les alchimistes ont tenue secrète ; c'était, selon eux, l'opération la plus difficile à trouver.

Le plus rude travail, la peine tout entière
Est à parfaitement préparer la Matière.

(Augurel, La Chrysopée)

      La plupart des Adeptes ont même passé sous silence cette partie de l'Œuvre, et ils commencent la description du Grand Œuvre en supposant la préparation de la Matière connue. C'est ce que nous affirme, du reste, Colleson : « Ils ne parlent que fort peu et encore très obscurément de la première opération du Magistère hermétique, sans laquelle toutefois on ne peut rien faire en cette science transmutatoire. » (Idée parfaite de la philosophie hermétique)

      Cependant, nous avons réussi à trouver quelques passages pour éclaircir cette question ; il en résulte que l'or était dissous dans l'eau régale et l'argent dans l'eau-forte ou acide azotique, et quelquefois dans l'huile de vitriol (acide sulfurique). Artéphius s'étend plus que tout autre sur l'Eau ou acide employé pour dissoudre l'or ; il l'appelle : "premier mercure", "vinaigre des montagnes". « Cette eau, dit-il, dissout partiellement tout ce qui peut être fondu et liquéfié. C'est une eau pesante, visqueuse, gluante... Elle résout tous les corps en leur matière première, c'est-à-dire en Soufre et en Argent vif. Si tu mets dans cette eau, quelque métal que ce soit, en limaille ou en lamines déliées, et que tu l'y laisses quelque temps à chaleur douce, le métal se dissoudra tout et il sera entièrement changé en une eau visqueuse... Elle augmente de poids et de couleur le corps parfait. » (Artéphius, Traité secret de la pierre des philosophes) Le dernier paragraphe est fort juste ; le chlorure d'or obtenu par l'action de l'eau régale sur l'or est jaune-brillant et plus lourd naturellement que le métal employé. L'auteur anonyme du Traité du blanc et du rouge, qui parle très ouvertement du Grand Œuvre, opère sur les sels obtenus par la dissolution préalable de l'or et de l'argent. Voici sa recette de "l'Eau pour l'or". C'est simplement l'eau régale. « Prends du vitriol de Hongrie bleu, bien sec, et du salpêtre, plus une de sel ammoniac. Fais-en une eau-forte dans un vase de verre bien luté, muni d'une chape de verre. » (Traité du blanc et du rouge) Enfin, Riplée entre dans les détails de l'expérience. « Le corps étant préparé, verse dessus de l'eau composée, pour qu'il soit recouvert d'une épaisseur d'un demi-pouce. L'eau se mettra aussitôt à bouillir sur les chaux du corps, sans aucun feu extérieur. Le corps se dissoudra et on l'élèvera à la forme de glace en desséchant le tout. » (Riplée, Moelle d'Alchimie) Elever la solution à la forme de glace, c'est la faire cristalliser ; cette dernière opération s'appelait aussi congélation ou coagulation. « Tu sauras que tout le magistère ne consiste qu'en une dissolution et en une coagulation » (Albert le Grand, Le livre des huit chapitres).

      Les sels ainsi obtenus ne servaient pas directement à l'Œuvre : « Les sels n'ont aucune qualité transmutatoire ; ils servent seulement de clefs pour la préparation de la Pierre. » (Basile Valentin, Char de triomphe de l'antimoine). Mais ils subissaient diverses manipulations après lesquelles ils étaient transformés en oxydes, ou de nouveau en sels.

      On symbolisait les acides par des lions dévorant le Soleil ou la Lune. Toute figure représentant le Soleil ou la Lune, Apollon ou Diane, vaincus et dévorés par un animal fort et courageux, tels le lion, l'aigle, le tigre, etc., symbolise la dissolution des métaux précieux. Philalèthe dit : « Avant de faire le dernier œuvre, il faut trouver une liqueur ou humidité dans laquelle l'or se fonde comme la glace dans l'eau. » Cette eau acide, il l'appelle "estomac d'autruche" ; de même que l'autruche digère tout, de même ce liquide dissout tous les métaux.

      Dans les figures que Flamel avait fait sculpter au Cimetière des Innocents, la dissolution est représentée par un dragon dévorant un homme qu'il a terrassé.

      On figurait la matière préparée par un liquide enfermé dans une fiole comme dans la figure du titre de ce volume. Enfin, on la représentait par l'hermaphrodite chimique : « Elle est hermaphrodite et elle donne accroissement à toutes choses se mêlant indifféremment avec elles, parce qu'elle tient renfermées en soi toutes les semences du globe éthéré. » (Venceslas Lavinius, Traité du ciel terrestre) L'hermaphrodite était figuré par un corps à deux têtes, il s'appelle Rebis et symbolise le Soufre et le Mercure préparés pour l'Œuvre. « Richard l'Anglais rend témoignage de moi disant : la première matière de notre pierre s'appelle Rebis (deux fois chose), c'est-à-dire une chose qui a reçu de la nature une double propriété occulte qui lui fait donner le nom d'Hermaphrodite. » (Le triomphe hermétique)

      Nous ne saurions faire mal en répétant ici ce que nous avons déjà dit que le Mercure des philosophes, quand il est donné comme seule matière de l'œuvre, désigne l'ensemble des corps entrant dans la composition de la Matière. Pris dans ce sens, ce n'est pas un corps spécial ; c'est le synonyme de matière de l'œuvre, c'est du reste ce qui ressort parfaitement du passage suivant de Riplée : « Maintenant, mon fils, pour vous dire quelque chose du Mercure des Philosophes, apprenez que quand vous aurez mis votre eau-de-vie avec l'homme rouge (qui est notre Magnésie) et avec la femme blanche, qu'on appelle albifique, et qu'ils seront tous conjoints ensemble, en sorte qu'ils ne fassent qu'un même corps, c'est alors en vérité que vous aurez le Mercure des philosophes. » (Riplée, Traité du Mercure)

      Nous terminerons ce chapitre par quelques mots sur le petit magistère et le Grand Œuvre ou grand Magistère. Le petit œuvre ou petit magistère se faisait avec le Mercure (sels d'argent), mais la pierre philosophale ainsi obtenue était blanche et ne transmuait les métaux qu'en argent. Le Grand Œuvre se faisait avec un mélange de sels d'or et d'argent, avec le Soufre et le Mercure, on obtenait la véritable pierre philosophale, rouge, transmuant les métaux en or.

      On représentait les deux pierres et les deux magistères par des arbres ; l'un, l'arbre lunaire porte des lunes en guise de fruit, c'est le petit œuvre : l'autre, l'arbre solaire porte des soleils, c'est le symbole du Grand Œuvre. Cette distinction entre œuvres est ancienne ; tous les alchimistes la connaissaient. « Les philosophes affirment expressément que l'or a d'abord passé par l'état d'argent. Si donc quelqu'un voulait parfaire l'Œuvre avec l'argent seul, il ne pourrait avancer au-delà du blanc, et il ne pourrait convertir les métaux imparfaits qu'en argent, et jamais en or. » (Vogel, De lapidis physici conditionibus) Geber reconnaissait deux pierres philosophales ou élixirs, puisqu'il dit : « La Lune fermentée pour l'Elixir blanc se prépare en dissolvant la Lune dans son eau corrosive. » (Geber, Livre des fourneaux)




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