DEUXIÈME
PARTIE LES SYMBOLES
CHAPITRE VII (1/2)
Les couleurs de l'uvre Concordance des philosophes Les couleurs principales et les couleurs intermédiaires
Le noir, putréfaction, tête de corbeau La blancheur L'iris Le rouge
Au cours du Grand uvre, la Matière changeait plusieurs fois de
couleur. Ces
couleurs apparaissaient les unes après les autres dans un ordre invarriable ; leur succession régulière indiquait que l'uvre était en bonne voie. Les alchimistes grecs faisaient déjà mention des
couleurs de la matière pendant le Grand uvre. Ils en reconnaissaient quatre qu'ils assimilaient aux quatre points
cardinaux.
1° Nord, melanosis, noir ;
2° couchant, leucosis, blanc ;
3° midi, iosis, violet ;
4° orient, jaune ou rouge (Voyez Berthelot,
Origines de l'Alchimie). Depuis les Grecs, tous les alchimistes ont parlé des
couleurs, et ils ont toujours été d'accord entre eux sur ce point. Leurs différences apparentes viennent de ce que quelques-uns regardent comme importantes et citent des
couleurs que d'autres passent sous silence, mais ces légères différences ne portent que sur des
couleurs secondaires.
On peut, en effet,
diviser les
couleurs de l'uvre en deux
classes :
1° les
couleurs principales, au nombre de trois, dont tous les alchimistes parlent, ce sont le noir, le blanc et le rouge ;
2° les
couleurs secondaires ou intermédiaires qui servent de transition pour passer du noir au blanc et du blanc au rouge. Ainsi, avant le noir, il y a un mélange de
couleurs assez confus ; entre le noir et le blanc se trouve le gris ; entre le blanc et le rouge, le vert et le bleu, les
couleurs de le d'arc-en-ciel ou du spectre solaire, puis le jaune, l'orangé, et enfin le rouge.
Les
couleurs principales se succèdent dans l'ordre suivant, noir, blanc, rouge : « C'est pourquoi les Philosophes disent : Notre pierre a trois
couleurs, elle est noire au commencement, blanche au milieu, rouge à la fin » (
Albert le Grand,
Le composé des composés). De même : « Cet
esprit, comme un
phénix renaissant de ses cendres, se revêt d'un
corps noir, blanc, rouge » (
Préceptes du père Abraham à son fils). Quelques philosophes ajoutaient au nombre des
couleurs principales le jaune ou orangé, ou bien les
couleurs de l'arc-en-ciel, qu'ils nommaient
iris ou quaue de paon, en sorte que le nombre des
couleurs principales se trouvait porté à quatre, ainsi : « Les
couleurs critiques sont au nombre de quatre, le noir, le blanc, le citron et le rouge parfait. Quelques philosophes leur ont donné le nom d'
éléments » (Huginus a Barma,
La pierre de touche). Mais ce nombre de quatre n'était jamais dépassé ; les
couleurs intermédiaires entre le blanc et le rouge avaient seules de l'importance ; les alchimistes parlent peu de celles qui précèdent le noir et qui sont entre le noir et le blanc.
Les
symboles des
couleurs sont nombreux, et très importants
à connaître. Ils ne portent que sur les trois ou quatre
couleurs
principales. On les figure assez souvent par quatre
oiseaux : le
corbeau représente le noir, le
cygne le blanc, le paon les
couleurs de l'
iris, et le
phénix le rouge. On les trouve ainsi figurées dans le pantacle qui accompagne la neuvième
clef de
Basile Valentin. Parfois le
phénix est remplacé par un roi portant le sceptre, comme dans le
Crede mihi de Northon (traduction allemande, en tête du chapitre cinquième). On symbolisait les
couleurs par les quatre saisons : printemps, été,
automne,
hiver (septième
clef de
Basile Valentin).
On désignait aussi
allégoriquement les
couleurs par les métaux ; ainsi,
Saturne ou le plomb symbolise la noirceur, l'
argent ou
Lune, c'est la
blancheur, le cuivre, la rougeur,
Mars, ou le fer figure l'
iris. Theobald de Hoghelande, dans son
Traité des difficultés de l'Alchimie, dit en parlant des
énigmes des philosophes : « Au commencement de la cuisson, quand la pierre est noire et presque crue, on la nomme plomb ; quand ayant perdu la
blancheur, elle commence à
blanchir, on l'appelle
étain... ; on l'appelle or quand elle est arrivée au rouge parfait. » Une note manuscrite que nous avons lue en marge de la
Somme de
Geber dans la
Bibliothèque des philosophes chimiques, affirme la même chose : « La noirceur est appelée plomb. Ce plomb se change naturellement en
argent. » C'est-à-dire après le noir vient le blanc. Plus loin, la même main a indiqué
allégoriquement la succession des trois
couleurs, dans ces signes : « Blanchis donc le plomb qui deviendra la
lune, rougis la
lune. »
Philalèthe s'est servi des noms des métaux pour désigner les
couleurs ; il parle de toutes les
couleurs qui apparaissent, principales et intermédiaires.
Voici ces "régimes" dont nous avons déjà parlé, mais au point de
vue des opérations.
1° Régime de
Mercure, aussitôt le
feu allumé pendant vingt
jours apparaissent un grand nombre de
couleurs, vers le trentième
jour le vert domine, et ce n'est qu'au quarantième
jour qu'apparaît la véritable noirceur.
2° Régime de
Saturne, c'est la
couleur noire.
3°
Régime de Jupiter, la matière revêt toutes les
couleurs intermédiaires entre le noir et le blanc.
4° Régime de la
Lune, c'est la
couleur blanche.
5° Régime de
Vénus où l'on voit le vert, le bleu, le livide, le rouge foncé.
6° Régime de
Mars jaune orangé, puis les
couleurs de l'iriss et de la queue de paon.
7°
Régime du
Soleil, c'est le rouge parfait.
On ne peut être plus clair ; le lecteur comprendra dès lors facielment le passage suivant déjà cité par Hffer, qui n'y a rien entendu :
« Après vient Saturne le noir
Que Jupiter de son manoir
Issant, déboute de l'empire
Auquel la Lune aspire.
Aussi fait bien dame Vénus
Qui est l'airain, je n'en dit plus ;
Sinon que Mars montant sur elle
Sera du fer l'aage mortelle
Après lequel appareistra
Le Soleil quand il renaîtra. »
(Le Grand Olympe, poème philosophique)
Les
couleurs sont citées dans l'ordre voulu et portent les mêmes noms que dans
Philalèthe. Terminons en disant que les
symboles des métaux s'appliquaient aux
couleurs quand on désignait les
couleurs par les noms des métaux.
On a aussi symbolisé les
couleurs par des
fruits ; dans le passage suivant, il est question des
couleurs intermédiaires entre le blanc et le rouge et du rouge lui-même. « Donnant ensuite le troisième degré du
feu, toutes sortes de
fruits excellents vinrent à croître et à pousser, comme des coings, des citrons et des oranges agréables à voir, lesquelles se transmuèrent en peu de temps en aimables pommes rouges » (
Cassette du petit paysan)
Bernard le
Trévisan parle des
couleurs sous forme
allégorique. « Pour ce, il dit que la chose dont le chef est rouge, les pieds blancs et les yeux noirs, est tout le magistère » (
La parole délaissée), et ailleurs « Adoncques, je luy demanday de quelle
couleur le Roy estoyt ? Et il me répondit qu'il estoyt vêtu de drap d'or au premier. Et puis il avait un pourpoint de velours noir et la chemise blanche comme neige et la chair aussi sanguine comme sang » (
Bernard le
Trévisan,
Le livre de la philosophie naturelle des métaux).
Enfin les
couleurs étaient assimilées aux quatre
éléments : « Quatre
couleurs se manifestent dans l'uvre. Noir : comme le
charbon ; blanc : comme la
fleur de lys ; jaune : comme les pieds de l'
oiseau dit émerillon ; rouge : comme le
rubis. On appelle la noirceur :
air, la
blancheur : terre, le jaune :
eau, et le rouge :
feu » (David Lagneau :
Harmonia chimica).
Il faut
ajouter que les alchimistes variaient dans l'application des noms des
éléments aux
couleurs, l'un appelait la noirceur
air, et un autre la nommait terre ; aussi le passage qui suit diffère notablement sous ce rapport du pércédent. « Au premier régime, la pierre est noire, on l'appelle
Saturne, terre, et des noms de toutes choses noires. Ensuite, quand elle blanchit, on la nomme eau-vive et des noms de toutes
eaux, sels, terres blanches. Puis quand elle jaunit et se sublime, on l'appelle
air,
huile jaune et des noms de toutes choses volatiles. Enfin, quand elle rougit, on la nomme
ciel, soufre rouge, or, escarboucle, tant minérales qu'animales et végétales » (
Clangor buccinæ)