
49.
Ce n'est point par la répétition
des paroles dans sa prière que le nouvel homme est arrivé
à cette union avec l'
esprit, c'est par le
feu intérieur
de son être qui s'est enflammé, et qui a répandu
autour de lui, une lumière semblable à celle où
il a pris son origine. La loi de l'affinité a opéré
le reste ; et même ce
feu de son être intérieur ne
s'est allumé que par le souffle doux de la sagesse, qui ne cherche
qu'à rendre à chaque chose leurs propriétés.
Quiconque n'a pas senti ce souffle doux de la sagesse
descendre sur lui, précipiter en terre toutes les matières
étrangères qui encombraient ce
feu, et l'empêchaient
de se montrer dans toute la splendeur et la régularité
de sa forme, quiconque, dis-je, n'a pas fait cette utile expérience,
ne connaît pas encore la véritable voie.
En effet, c'est à cette voie que se font
connaître les récompenses promises à l'homme de désir
qui s'est consumé dans la vigilance, et dans le zèle à
garder la citadelle qui lui est confiée ; à cet homme
de désir qui s'est promis de ne jamais se livrer à une
spéculation de l'
esprit, et de l'intelligence, sans avoir auparavant
consacré des efforts, et un temps, à quelque uvre
active de l'
esprit ; tant il est persuadé que l'homme doit toujours
craindre de ne pas assez agir, et ne jamais craindre de ne pas assez
savoir ; et cette sage crainte de ne pas assez agir, établit
en lui une vertu tout aussi salutaire, celle d'être toujours prêt
à suivre les ordres de son maître, toujours plein de résignation
à tous les événements où ses services le
peuvent entraîner, enfin toujours heureux, dès qu'il peut se
rendre intérieurement le consolant témoignage qu'il a
été zélé pour la gloire de ce maître, et
qu'il n'a point été en faute, ni en retard dans son service.
C'est donc le souffle doux de cette sagesse qui
développera dans le nouvel homme sa véritable prière
qui est l'action naturelle de son être ; car cette prière
ne doit avoir d'autre but que de maintenir dans l'homme, l'ordre, la
sûreté, la mesure ; elle doit faire que l'
ennemi soit toujours
tenu hors de la place, que le cur de l'homme soit toujours
abreuvé
des sources des
eaux vives, et que sa pensée soit comme un foyer
où les lumières divines se réunissent pour se réfléchir
ensuite avec plus d'éclat. Comme ce sont là les facultés
primitives de l'homme, si elles parviennent à atteindre le but
de leur destination, l'homme est réellement dans sa prière,
ou pour mieux dire, l'homme est alors réellement la prière,
et le sacrifice de la plus agréable odeur que le seigneur puisse
recevoir. Mais où est-il celui qui s'est réellement converti
en une prière, et en un sacrifice de la plus agréable
odeur pour le Seigneur.
Dieu avait dit : "L'homme sera un centre où
réfléchiront tous les rayons de ma gloire. Il a reçu de
moi, dans son
corps, la base de toutes les impressions, et de toutes
les qualités des êtres sensibles, comme il a reçu de moi,
dans son
esprit, la base de toutes les impressions, et de toutes les
propriétés supérieures. C'est pour moi que j'ai
disposé et placé l'homme dans ce haut rang. J'ai eu pour
but ma propre joie, ma propre gloire, et l'avancement de mes desseins.
Et cependant l'homme a dédaigné mes présents. Il
a dédaigné de travailler à ma gloire, et à
l'avancement de mes desseins. Comment traiterai-je ce serviteur infidèle
? Je le traiterai comme les nations qui auront pris les
idoles pour
leurs
dieux. Mille univers entassés les uns sur les autres, ne
déroberaient pas à mes yeux ces coupables ; leur crime
osa
frapper mon trône, et la secousse qu'il éprouva, ma justice
s'en souvient encore.
Hommes négligents, hommes insensibles à
ma gloire, et à l'avancement de mes desseins, remplissez-vous
du zèle de ma maison jusqu'à ce que les murs de Jérusalem
soient relevés, jusqu'à ce que vous soyez réellement
convertis en une prière active, et en un sacrifice d'agréable
odeur pour celui qui vous a créés."
Quant au nouvel homme, il s'est réellement
converti en une prière active, et voici comment ses facultés
ont recouvré les droits de leur destination originelle. Il a
dit : "J'invoquerai
Dieu au nom du Réparateur, j'invoquerai le
Réparateur au nom de l'accomplissement de la loi, j'invoquerai
l'accomplissement de la loi au nom de la foi, j'invoquerai la foi au
nom de mes uvres et de la constance de mes saintes résolutions."
Voilà les quatre
fleuves que ce nouvel homme a trouvés
en lui ; il a trouvé aussi en lui le
jardin d'Eden ; dès
lors il s'est rempli de confiance, et de zèle, et les moissons
sont devenues abondantes. Autrefois ces quatre
fleuves ne faisaient
qu'un, lorsque ce
jardin d'Eden était encore dans sa fertilité
primitive. Mais les catastrophes de la nature, en multipliant
les
montagnes et les vallées, ont divisé les sources des
fleuves, et en ont multiplié les courants.
Cette multiplicité peut, et doit ralentir
l'uvre, mais elle ne doit pas l'empêcher de s'accomplir.
Toutes les voies de la sagesse sont douces ; elle ne resserre la mesure
de nos jouissances, que parce que nous avons resserré la mesure
de nos facultés, et que, vu notre actuelle disproportion avec
la lumière qui nous était destinée autrefois, nous
ne pourrions aujourd'hui, sans périr, la contempler dans tout
son éclat. Mais cette lumière se trouve encore assez vive,
et assez abondante non seulement pour suffire à nos besoins,
mais encore pour combler de délices celui qui met en elle toute
son affection.
C'est pourquoi le nouvel homme a dit avec jubilation,
et dans la plénitude de son espérance : "Quand le
feu
du Seigneur aura enflammé mon cur, et brûlé mes
reins ; quand les hommes de
Dieu auront préparé tous les
sens de mon
âme, quand l'
huile sainte aura accompli ma consécration
extérieure, et intérieure, alors le Seigneur entrera en
moi, il se promènera dans moi, comme autrefois il se promena
dans le
jardin d'Eden. J'entendrai mon
Dieu, je verrai mon
Dieu, je
concevrai mon
Dieu, je sentirai mon
Dieu ; il aplanira lui-même
les voies par où il voudra faire marcher sa sagesse, il disposera
mon cur pour y pouvoir habiter comme dans un lieu de repos, et
quand je voudrai me nourrir des douceurs de la vertu, de l'empire des
forces et des puissances, et de la délicieuse contemplation de
la lumière, je considérerai le céleste habitant
qui demeurera en moi, et il me procurera à la fois tous ces biens."
"Quand le céleste habitant qui demeure en
moi m'aura procuré tous ces biens, je sèmerai dans le
champ de la vie les
germes de
ces arbres puissants ; ils croîtront
sur les rives de ces
fleuves de mensonge qui inondent le périlleux
séjour de l'homme. Ils entremêleront leurs racines pour
soutenir
les terres que ces
fleuves baignent de leurs
eaux, et
ils empêcheront qu'elles ne s'éboulent, et qu'elles ne
soient entraînées dans
les courants. Ils pousseront de
longs rameaux qui ombrageront les bords des
fleuves, et préserveront
de l'ardeur du
jour le patient pêcheur qui viendra chercher
sa nourriture, la ligne à la main. Ces rameaux rendront
un autre service au navigateur qui pourra y attacher
sa nacelle,
et prendre un moment de repos après un voyage fatigant. Avec
plus d'ardeur encore saisira-t-il ces rameaux secourables dans les fréquents
naufrages dont sa dangereuse navigation est marquée journellement
; il les saisira dans sa frayeur, et il les bénira de l'avoir
aidé à s'arracher au
gouffre qui allait l'engloutir."
"Tels sont les
fruits que je dois attendre des
vertus de ma pensée, et de mon cur, si je suis zélé
pour la gloire, et le service du céleste habitant qui demeure
en moi. Ce sont comme des
aimants que j'aurai placés hors de
moi, qui soulèveront au-dessus de la terre ma masse informe,
qui m'attireront vers la véritable mine, et me serviront de boussole
dans les divers sentiers de ma carrière. Ce seront mes trésors
dans ce bas monde, et mon cur sera avec eux, puisqu'on nous a
dit
que là où est notre trésor, là est
notre cur. "
Nous ne saurions trop l'affirmer, ce n'est point
par la répétition des paroles dans sa prière que
le nouvel homme est parvenu à pouvoir se remplir de ces douces
espérances et à faire sortir de lui, de ces paisibles
intelligences qui répandent autour d'elles, le calme et le repos
; c'est en rassemblant avec soin tout le
feu de son être intérieur
qu'il en voit enfin s'élever une
flamme pure, vive, et légère
qui purifie l'
air, et qui l'agite doucement, en faisant exhaler un vent
rafraîchissant ; voilà comment il est parvenu à découvrir
en lui les quatre
fleuves du
jardin d'Eden, subdivisés dans ces
sept sources sacramentelles qui sont les puissances de son
âme, et qui
n'auraient jamais pu recouvrer leur activité naturelle, si l'
âme
de ce nouvel homme n'avait été elle-même régénérée,
et ordonnée de nouveau par le sacrement de la parole.
50.
C'est une vérité, déjà
souvent exposée que, quoique l'homme soit né pour l'
esprit,
il ne peut cependant jouir des douceurs et des lumières de l'
esprit,
qu'autant qu'il a commencé par se faire
esprit. Voilà
pourquoi la sagesse active et invisible fait descendre continuellement
son poids sur l'homme, afin qu'il rassemble ses
forces et ses principes
de vie spirituelle. D'ailleurs cette sagesse active et invisible ne
fait point ainsi descendre son poids sur l'homme, sans verser dans son
cur quelques-unes de ces
influences vives dont elle est l'organe
et le ministre, et parmi lesquelles elle fait éternellement sa
demeure.
Quand elle a ainsi préparé l'homme,
et que l'homme ne l'a point contrariée dans ses desseins, alors
elle transporte l'
esprit de l'homme dans le séjour de cette lumière
où il a pris son origine ; et là, l'homme s'
abreuve à
longs traits des douceurs qui appartiennent à son existence ;
il s'en
abreuve sans trouble, et sans inquiétude, comme la sagesse
elle-même, parce que, par les soins qu'elle lui a rendus, son
cur est devenu pur comme elle, et indépendant des mouvements
si incertains de la fragile roue du temps ; le supérieur, et
l'inférieur, se trouvant pour lui dans une parfaite analogie,
il sent que la paix qu'il découvre dans ces régions invisibles,
se trouve également en lui-même ; il ne sait si son intérieur
est dans cet extérieur divin, ou si cet extérieur divin
est dans son intérieur ; ce qu'il sent, c'est que tout cela semble
n'être qu'un pour lui, c'est que toutes ces choses et lui ont
l'
air de n'être qu'une seule et même chose.
Voilà pourquoi il ne craint point de revenir
dans son intérieur quand il a joui de ces consolations supérieures
si ravissantes, parce qu'il sent qu'il va en trouver de semblables en
lui-même ; voilà pourquoi aussi il ne craint point de s'élever
de son intérieur jusqu'à ces régions si sublimes,
parce qu'il sait d'avance quelles sont les consolations qui l'y attendent.
Mais il ne peut parcourir toutes ces régions
soit intérieures, soit extérieures, sans éprouver
un désir qu'il partage avec la sagesse même, puisqu'elle
l'a éprouvé la première à son égard,
c'est celui de voir goûter le même bonheur à ses semblables
; et c'est dans ce désir secret, puisé dans notre propre
source, purgée de ses souillures, et de ses ténèbres,
que nous découvrons la véritable destination du nouvel
homme, et par conséquent celle de l'homme primitif.
Si les hommes avaient voulu ne pas
fermer les yeux
sur la simple loi des compensations, ils n'auraient pas eu besoin de
s'élever si haut pour apercevoir cette destination primitive
; en effet, en nous en tenant aux seules notions naturelles de notre
raison non égarée par le vice et la corruption, ne pouvons-nous
pas démêler le but de notre être dans les dons, et
les moyens qui sont à la portée de tous les hommes ? Je
puis donc dire à mon semblable : Es-tu né fort ? N'est-ce
pas pour protéger le faible ? Es-tu né riche ? N'est-ce
pas pour verser tes biens dans les mains de l'indigent ? Es-tu né
avec des lumières ? N'est-ce pas pour éclairer celui qui
est enveloppé de ténèbres ? Es-tu né vertueux
? N'est-ce pas pour soutenir, par ton exemple, l'homme sans
force, ou
effrayer, et faire trembler l'homme méchant ? Remonte donc, par
ces degrés, jusqu'à ta loi d'origine. Si tu as l'attention
de comparer soigneusement tous les degrés de cette grande chaîne,
tu arriveras à reconnaître que tu es né primitivement
pour une grande compensation.
Mais quels efforts ne faut-il pas à l'homme
pour ne pas laisser obscurcir sa
vue sur des vérités aussi
simples, et aussi naturelles au milieu des nuages nombreux qui la couvrent
? Combien ces efforts de l'homme ne doivent-ils pas s'augmenter encore
pour parvenir à remplir cette sublime destination, en supposant
qu'il eût été assez heureux pour ne pas la perdre de
vue
? Car nous ne pouvons plus nous dissimuler que nous sommes environnés
de difficultés si nombreuses, et d'obstacles si puissants, que
c'est comme si l'on avait creusé pour nous une prison profonde
au milieu d'un vaste rocher, et que nous ne vissions autour de nous,
que des enceintes de roc vif, taillées à pic, et à
perte de
vue.
Non, il n'est pas difficile de voir que les hommes
sont ici-bas comme autant de prisonniers que l'on a retranchés
de toute communication avec les créatures vivantes, et que l'on
a mis, pour ainsi dire, au secret. Nous n'y pouvons jouir des entretiens,
et de la consolation de personne ; un sévère et farouche
geôlier nous jette rudement notre grossière nourriture, et se
retire sans daigner même nous adresser le moindre mot de consolation.
Quelquefois, il est vrai, après de longs
jours passés dans cette désolante situation, on nous permet
le léger adoucissement de voir quelques-uns de
nos proches,
et de
nos amis, mais seulement pour un instant ; puis on nous
replonge dans notre affreuse solitude. Enfin quelquefois après
ces cruelles épreuves, on nous ouvre les portes de notre prison,
et on nous remet en
liberté. Mais combien est petit le nombre
de ceux pour qui brille enfin le
jour de la délivrance ! Combien
d'autres au contraire voient se multiplier leurs fers, et sont condamnés
à ne jamais connaître le moindre soulagement ! Combien en est-il
qui doivent passer leurs
jours dans les
cachots, et pour qui
il n'y aura point d'intervalle entre les horreurs
de leur prison,
et les horreurs de
leur tombeau !
Quel est donc le triste état de la postérité
humaine, où l'homme de désir lui-même est réduit
à pleurer en vain, et à voir ses
frères ou liés
par de fortes chaînes dans de ténébreux cachots ou transportés
dans les
sépulcres de la mort et de la putréfaction !
Et cela sans qu'il lui soit possible d'agir pour leur délivrance,
ni de rien opérer pour eux ! Il n'est que trop vrai, malheureux
homme, que le temps, et la mort sont les rois de ce monde. Tu as des
désirs purs, tu as des désirs divins, tu as des désirs
qui concourent avec ceux dont le cur et la sagesse de
Dieu même
sont remplis, et cependant ces désirs ne s'accomplissent point
! Et cependant l'uvre vraie se voit comme forcée de céder
le pas à l'uvre
illusoire ! Et cependant notre
Dieu, lui-même,
enveloppe sa gloire, et parait comme contraint de différer jusqu'à
un autre temps, pour en manifester les triomphes !
Seigneur, Seigneur, est-il donc vrai que tu aies
besoin de l'homme pour l'accomplissement de ton uvre ici-bas ?
Oui, tu en as besoin puisque cette uvre n'est autre chose que
la réunion de l'homme avec toi. Seigneur, Seigneur, il serait
vrai que tu aurais besoin de l'homme ici-bas, et cependant, ce malheureux
se refuserait à tes désirs, et à tes besoins !
Oh, non, rien ne peut égaler l'horrible férocité,
et l'
impie cruauté de l'homme ; rien n'est déchirant comme
l'idée de son effroyable volonté. Frappe-le, Seigneur,
avec la verge du temps, afin qu'il sache que le temps l'abuse journellement.
Frappe-le avec la verge du temps, afin qu'il ne croie plus au temps.
Alors le temps se frappera lui-même, alors le temps sera plein
de remords, et de honte d'avoir trouvé un terme à ses
desseins. C'est au temps, c'est à la mort, c'est à ces
rois de la terre que tu avais adressé tant de reproches par la
bouche de ton prophète David (Ps. 2).
Aussi il disait dans sa douleur : "Pourquoi les
nations se sont-elles soulevées avec un grand bruit, et les peuples
ont-ils formé de vains desseins ? Les rois de la terre se sont
opposés, et les princes se sont assemblés contre le Seigneur,
et contre son Christ. Rompons, disent-ils, leurs liens, et rejetons
loin de nous leur joug. Celui qui demeure dans les cieux se rira d'eux,
et le Seigneur s'en moquera. Il leur parlera dans sa colère,
et les remplira de troubles, et de fureur. Mais pour moi, j'ai été
établi roi par lui sur
Sion, sa sainte
montagne, afin que j'annonce
ses préceptes. Le Seigneur m'a dit : Vous êtes mon fils,
je vous ai engendré aujourd'hui. Demandez-moi, et je vous donnerai
les nations pour votre héritage, et j'étendrai vos possessions
jusqu'aux extrémités de la terre. Vous les gouvernerez
avec une verge de fer, et les briserez comme le vaisseau du potier.
Et vous maintenant, ô rois, ouvrez votre cur à l'intelligence
: recevez les instructions, vous qui jugez la terre."
Nouvel homme, regarde-toi comme ce roi établi
sur
Sion, la sainte
montagne du Seigneur, afin que tu annonces ses préceptes
; demande à
Dieu tes propres nations pour ton héritage,
et il étendra
tes possessions jusqu'aux extrémités
de
la terre, et jusque dans les
âmes de tes semblables. Car sa
sagesse active, et invisible ne cherche qu'à faire pénétrer
jusqu'a toi ses douces
influences, et à te soutenir du haut de
son trône, dans tes combats, afin de te faire remporter des victoires
; elle transportera ensuite auprès d'elle ton
esprit triomphant,
jusque dans ces paisibles régions où elle fait éternellement
sa demeure, et où l'homme aurait dû demeurer aussi éternellement
avec elle, s'il n'avait pas eu la faiblesse de les abandonner ; vérités
qui pourraient être rebattues à toutes les pages de tous
les livres, et qui ne devraient pas pour cela éprouver le reproche
d'être trop répétées ; car comment accuserait-on
les écrivains de trop dire une chose qui est la seule chose que
l'on devrait dire ?
51.
Le Réparateur prit avec lui trois de
ses disciples, il les mena sur une haute montagne, et il fut transfiguré
devant eux ; son visage devint brillant comme le soleil, et ses vêtements
blancs comme la neige. En même temps ils virent paraître Moïse,
et Elie qui s'entretenaient avec lui.
Lorsque l'homme rassemble, et concentre ses
forces,
il sent que la vie divine elle-même ne dédaigne pas d'influer
activement sur lui, et de le réchauffer de son
feu doux et vivificateur
; cette vie divine qui l'a formé ne craint pas de le former de
nouveau ; après l'avoir formé de nouveau elle ne craint
pas de venir s'établir en lui, et de le soutenir par ses saintes
influences, et après s'être établie en lui et l'avoir
soutenu par ses saintes
influences, elle ne craint pas de lui communiquer
ta joie dont elle est la source, et dont elle se nourrit perpétuellement
elle-même. Dans cette opération l'homme prend réellement
un nouveau caractère, car il est tellement pénétré
de la lumière divine, que son intérieur en est tout resplendissant,
et qu'il se forme au-dedans de lui comme un
soleil vif et brillant que
son
corps matériel ne peut connaître, et c'est là un des
sens du passage de saint Jean :
La lumière brille dans les
ténèbres, et les ténèbres ne l'ont point
comprise ; il est venu dans ses possessions, et les siens ne l'ont point
reçu.
Si l'homme portait plus soigneusement sa
vue sur
son être intérieur, il parviendrait sûrement à découvrir
en lui ce
soleil radieux, et à le voir physiquement des yeux
de son
esprit comme il peut voir dans une glace la beauté de
sa face avec ses yeux matériels ; car il a toujours, devant son
être intérieur, un miroir vivant qui lui en réfléchirait
la splendeur en nature. Il s'y verrait accompagné de la droite
et de la gauche de
Dieu, qui ne cessent de le préserver, et de
le défendre, qui ont été opérantes temporellement
dans les deux alliances, ou
initiations spirituelle et divine, et qui
ont été représentées corporellement aux
trois
disciples du Réparateur par les précurseurs de ces
deux
initiations :
Moïse qui avait conduit le peuple jusqu'aux
portes de la terre promise, et
Elie qui était venu préparer
les voies à l'alliance éternelle de la paix, et de la
sainteté. Car le Réparateur ne montrait encore dans cette
transfiguration, que les sentiers où l'homme devait passer pour
retourner dans le royaume de la vie.
Mais l'homme intérieur ainsi accompagné
visiblement de la droite, et de la gauche de
Dieu entend encore, au-dessus
de lui, la Voix divine qui prononce ces paroles consolantes :
C'est
mon fils bien-aimé, dans lequel j'ai mis toute mon affection.
Ecoutez-le ; de façon que, se trouvant placé entre le ternaire
divin et supérieur dont il émane, et dont il est fils
et le ternaire spirituel de ses propres facultés, ou de ses trois
disciples, il découvre en lui-même le tableau universel
de toutes les régions, des lois d'action, et de réaction
qui ont agi pour l'émanation de l'homme et qui agissent journellement
pour sa sanctification, et pour sa glorification. Et voilà les
trésors qui se dévoilent aux yeux du nouvel homme.
Il n'est pas étonnant que les trois
disciples
du nouvel homme le
voyant ainsi tout rayonnant de gloire, soient hors
d'eux-mêmes, et que l'un d'eux lui dise :
Seigneur, nous sommes
bien ici, faisons-y, s'il vous plaît, trois tentes, une pour vous, une
pour Moïse, et une pour Elie. Et quand la nue vient à couvrir
à leurs yeux ce ternaire supérieur, et que la voix sortant
de cette nue, se fait entendre, il n'est pas étonnant que les
trois
disciples soient saisis d'une grande crainte, et qu'ils tombent
le visage contre terre.
Mais le nouvel homme s'approchera d'eux,
les touchera, leur dira : Levez-vous, et ne craignez point. Alors ils
lèveront les yeux, et ne verront plus que le nouvel homme seul,
parce que le ternaire supérieur ne peut pas séjourner
sur la terre.
Il leur fera le commandement de ne parler de cette
vision à personne, jusqu'à ce qu'il soit
ressuscité
d'entre les morts ; car si leur
vue avait eu tant de peine à
en soutenir l'éclat, eux qui y avaient été préparés,
comment des oreilles impures et grossières en auraient-elles
soutenu le récit ? Il suffit, d'après cette
transfiguration,
que les
disciples du nouvel homme le regardent comme étant le
fils de la Divinité, et qu'ils s'attachent à son service
avec autant de zèle que s'ils étaient en présence
un
Dieu. Instruction que le nouvel homme ne peut trop graver en eux
pour les maintenir dans la vigilance, et pour que, travaillant de concert
avec lui, ils emploient continuellement tous leurs efforts à
conserver la mesure, l'ordre, l'activité, et l'
amour dans toutes
leurs uvres, et dans tous leurs mouvements, afin que lui avec
eux, et eux avec lui, manifestent de plus en plus, dans une représentation
toujours plus parfaite cette unité suprême, dont le nouvel
homme, et ses trois facultés sont l'image.
En effet, sans cette
transfiguration intérieure
du nouvel homme, nous ne connaissons que par les images de l'intelligence,
la source où nous avons pris notre origine, les rapports que
nous avions eux avec elle primitivement, ceux de ces rapports que nous
avons conservés depuis la fatale chute ; ceux qui se sont rétablis
de nouveau par le cana! des deux alliances, et par conséquent
les ravissantes espérances dont nous pouvons encore nous remplir.
Mais dès que notre propre
transfiguration
nous a élevés au-dessus du nuage, le nuage peut ensuite
recouvrir la
montagne ; nous ne perdons point le souvenir de ce qui
s'est opéré devant nous. Nous redescendons pleins de respect
pour l'
essence qui nous
anime, pleins d'
amour et d'adoration pour celui
qui nous a faits ce que nous sommes ; nous gardons notre secret dans
le plus profond de notre cur, très persuadés que,
dans cette solitude intérieure, nous pouvons mieux honorer le
souverain être, qu'en révélant ses richesses, et
ses trésors à des yeux qui n'en seraient pas dignes.
Nous nous disons que si nous étions seuls
sur cette
montagne lorsqu'il est venu nous y trouver, et nous pénétrer
assez de ses vivifiantes
influences, pour transfigurer tout notre être
par leur divine activité, il peut nous venir trouver encore partout
où nous serons, quand même nous y serions seuls, puisque
notre existence n'étant que le
fruit de ce ternaire éternel
et créateur, dès que nous existons, c'est une preuve que
ce ternaire est en action en nous, sur nous, autour de nous, lors même
que nous n'en avons pas visiblement la connaissance ; et c'est alors
que nous commençons à être inscrits dans le livre de vie,
dans ce livre dont notre être intérieur doit lui-même
former et produire les lettres, et les
déposer sans cesse dans
les mains de la sagesse, pour qu'elle les emploie, selon ses plans,
et selon ses projets, et qu'elle leur communique la vie, le sens, et
l'intelligence dont elle
juge qu'elles peuvent être susceptibles
pour l'avancement de l'uvre.
Aussi n'est-ce que depuis la
transfiguration du
Réparateur, que le nouvel homme peut jouir de sa
transfiguration
personnelle, et de même que nous ne connaissons pas notre être
d'une manière intuitive, sans cette
transfiguration personnelle,
de même nous ne saurions rien de la possibilité de notre
transfiguration personnelle, si la
transfiguration du Réparateur
ne nous en avait donné la connaissance.
Oui, divin et exclusif Libérateur des hommes
dans l'esclavage, il fallait que tu fusses transfiguré pour que
les trésors divins se déployassent à notre
vue,
et la remplissent de leur éclat immortel. Sans toi nous n'aurions
pas su ce que c'était que notre origine, ce que c'était
que l'uvre, ce que c'était que la
charité, ce que
c'était que la fontaine de vie. Sois béni à jamais,
par toutes les
générations, et dans tous les siècles
! Que toutes les voix célèbrent le Réparateur universel,
l'
agneau sans tache intérieure, et extérieure, celui dont
la nature est vivante de la vie même, celui qui a ouvert pour
nous les canaux des deux alliances, par lesquelles seules nous pouvions
recouvrer l'explication de notre être.
L'
enfant qui vient de naître, quand est-ce qu'il
peut jouir de la
vue ? C'est quand la lumière a su se faire
jour
en lui, et ses yeux une portion d'elle-même, sur laquelle elle
va réagir désormais ; jusque-là il est dans les
ténèbres. Il en est de même de tous ses autres sens,
relativement à la puissance qui doit les mouvoir. Il en est de
même aussi de tous les sens de notre
esprit, et de notre cur.
Nous serions à jamais restés dans l'engourdissement de
toutes les facultés de notre être spirituel, si le divin
Libérateur qui a été glorifié, n'avait dissous
toutes les vapeurs malfaisantes dont tous nos organes étaient
obstrués. Point d'intelligence, point de tact, point de mouvement,
point de vie en nous, si ce suprême
agent n'avait lancé,
dans chacun nos organes intérieurs, et cachés un de ses
rayons vivificateurs, sur lesquels il veut ensuite darder continuellement
son action, pour nous maintenir avec lui dans cette divine activité
dont il est la source, et qu'il nous a appelés à partager
avec lui.