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Le Nouvel Homme

Louis-Claude Saint-Martin
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Colombe


49.

      Ce n'est point par la répétition des paroles dans sa prière que le nouvel homme est arrivé à cette union avec l'esprit, c'est par le feu intérieur de son être qui s'est enflammé, et qui a répandu autour de lui, une lumière semblable à celle où il a pris son origine. La loi de l'affinité a opéré le reste ; et même ce feu de son être intérieur ne s'est allumé que par le souffle doux de la sagesse, qui ne cherche qu'à rendre à chaque chose leurs propriétés.

      Quiconque n'a pas senti ce souffle doux de la sagesse descendre sur lui, précipiter en terre toutes les matières étrangères qui encombraient ce feu, et l'empêchaient de se montrer dans toute la splendeur et la régularité de sa forme, quiconque, dis-je, n'a pas fait cette utile expérience, ne connaît pas encore la véritable voie.

      En effet, c'est à cette voie que se font connaître les récompenses promises à l'homme de désir qui s'est consumé dans la vigilance, et dans le zèle à garder la citadelle qui lui est confiée ; à cet homme de désir qui s'est promis de ne jamais se livrer à une spéculation de l'esprit, et de l'intelligence, sans avoir auparavant consacré des efforts, et un temps, à quelque œuvre active de l'esprit ; tant il est persuadé que l'homme doit toujours craindre de ne pas assez agir, et ne jamais craindre de ne pas assez savoir ; et cette sage crainte de ne pas assez agir, établit en lui une vertu tout aussi salutaire, celle d'être toujours prêt à suivre les ordres de son maître, toujours plein de résignation à tous les événements où ses services le peuvent entraîner, enfin toujours heureux, dès qu'il peut se rendre intérieurement le consolant témoignage qu'il a été zélé pour la gloire de ce maître, et qu'il n'a point été en faute, ni en retard dans son service.

      C'est donc le souffle doux de cette sagesse qui développera dans le nouvel homme sa véritable prière qui est l'action naturelle de son être ; car cette prière ne doit avoir d'autre but que de maintenir dans l'homme, l'ordre, la sûreté, la mesure ; elle doit faire que l'ennemi soit toujours tenu hors de la place, que le cœur de l'homme soit toujours abreuvé des sources des eaux vives, et que sa pensée soit comme un foyer où les lumières divines se réunissent pour se réfléchir ensuite avec plus d'éclat. Comme ce sont là les facultés primitives de l'homme, si elles parviennent à atteindre le but de leur destination, l'homme est réellement dans sa prière, ou pour mieux dire, l'homme est alors réellement la prière, et le sacrifice de la plus agréable odeur que le seigneur puisse recevoir. Mais où est-il celui qui s'est réellement converti en une prière, et en un sacrifice de la plus agréable odeur pour le Seigneur.

      Dieu avait dit : "L'homme sera un centre où réfléchiront tous les rayons de ma gloire. Il a reçu de moi, dans son corps, la base de toutes les impressions, et de toutes les qualités des êtres sensibles, comme il a reçu de moi, dans son esprit, la base de toutes les impressions, et de toutes les propriétés supérieures. C'est pour moi que j'ai disposé et placé l'homme dans ce haut rang. J'ai eu pour but ma propre joie, ma propre gloire, et l'avancement de mes desseins. Et cependant l'homme a dédaigné mes présents. Il a dédaigné de travailler à ma gloire, et à l'avancement de mes desseins. Comment traiterai-je ce serviteur infidèle ? Je le traiterai comme les nations qui auront pris les idoles pour leurs dieux. Mille univers entassés les uns sur les autres, ne déroberaient pas à mes yeux ces coupables ; leur crime osa frapper mon trône, et la secousse qu'il éprouva, ma justice s'en souvient encore. Hommes négligents, hommes insensibles à ma gloire, et à l'avancement de mes desseins, remplissez-vous du zèle de ma maison jusqu'à ce que les murs de Jérusalem soient relevés, jusqu'à ce que vous soyez réellement convertis en une prière active, et en un sacrifice d'agréable odeur pour celui qui vous a créés."

      Quant au nouvel homme, il s'est réellement converti en une prière active, et voici comment ses facultés ont recouvré les droits de leur destination originelle. Il a dit : "J'invoquerai Dieu au nom du Réparateur, j'invoquerai le Réparateur au nom de l'accomplissement de la loi, j'invoquerai l'accomplissement de la loi au nom de la foi, j'invoquerai la foi au nom de mes œuvres et de la constance de mes saintes résolutions." Voilà les quatre fleuves que ce nouvel homme a trouvés en lui ; il a trouvé aussi en lui le jardin d'Eden ; dès lors il s'est rempli de confiance, et de zèle, et les moissons sont devenues abondantes. Autrefois ces quatre fleuves ne faisaient qu'un, lorsque ce jardin d'Eden était encore dans sa fertilité primitive. Mais les catastrophes de la nature, en multipliant les montagnes et les vallées, ont divisé les sources des fleuves, et en ont multiplié les courants.

      Cette multiplicité peut, et doit ralentir l'œuvre, mais elle ne doit pas l'empêcher de s'accomplir. Toutes les voies de la sagesse sont douces ; elle ne resserre la mesure de nos jouissances, que parce que nous avons resserré la mesure de nos facultés, et que, vu notre actuelle disproportion avec la lumière qui nous était destinée autrefois, nous ne pourrions aujourd'hui, sans périr, la contempler dans tout son éclat. Mais cette lumière se trouve encore assez vive, et assez abondante non seulement pour suffire à nos besoins, mais encore pour combler de délices celui qui met en elle toute son affection.

      C'est pourquoi le nouvel homme a dit avec jubilation, et dans la plénitude de son espérance : "Quand le feu du Seigneur aura enflammé mon cœur, et brûlé mes reins ; quand les hommes de Dieu auront préparé tous les sens de mon âme, quand l'huile sainte aura accompli ma consécration extérieure, et intérieure, alors le Seigneur entrera en moi, il se promènera dans moi, comme autrefois il se promena dans le jardin d'Eden. J'entendrai mon Dieu, je verrai mon Dieu, je concevrai mon Dieu, je sentirai mon Dieu ; il aplanira lui-même les voies par où il voudra faire marcher sa sagesse, il disposera mon cœur pour y pouvoir habiter comme dans un lieu de repos, et quand je voudrai me nourrir des douceurs de la vertu, de l'empire des forces et des puissances, et de la délicieuse contemplation de la lumière, je considérerai le céleste habitant qui demeurera en moi, et il me procurera à la fois tous ces biens."

      "Quand le céleste habitant qui demeure en moi m'aura procuré tous ces biens, je sèmerai dans le champ de la vie les germes de ces arbres puissants ; ils croîtront sur les rives de ces fleuves de mensonge qui inondent le périlleux séjour de l'homme. Ils entremêleront leurs racines pour soutenir les terres que ces fleuves baignent de leurs eaux, et ils empêcheront qu'elles ne s'éboulent, et qu'elles ne soient entraînées dans les courants. Ils pousseront de longs rameaux qui ombrageront les bords des fleuves, et préserveront de l'ardeur du jour le patient pêcheur qui viendra chercher sa nourriture, la ligne à la main. Ces rameaux rendront un autre service au navigateur qui pourra y attacher sa nacelle, et prendre un moment de repos après un voyage fatigant. Avec plus d'ardeur encore saisira-t-il ces rameaux secourables dans les fréquents naufrages dont sa dangereuse navigation est marquée journellement ; il les saisira dans sa frayeur, et il les bénira de l'avoir aidé à s'arracher au gouffre qui allait l'engloutir."

      "Tels sont les fruits que je dois attendre des vertus de ma pensée, et de mon cœur, si je suis zélé pour la gloire, et le service du céleste habitant qui demeure en moi. Ce sont comme des aimants que j'aurai placés hors de moi, qui soulèveront au-dessus de la terre ma masse informe, qui m'attireront vers la véritable mine, et me serviront de boussole dans les divers sentiers de ma carrière. Ce seront mes trésors dans ce bas monde, et mon cœur sera avec eux, puisqu'on nous a dit que là où est notre trésor, là est notre cœur. "

      Nous ne saurions trop l'affirmer, ce n'est point par la répétition des paroles dans sa prière que le nouvel homme est parvenu à pouvoir se remplir de ces douces espérances et à faire sortir de lui, de ces paisibles intelligences qui répandent autour d'elles, le calme et le repos ; c'est en rassemblant avec soin tout le feu de son être intérieur qu'il en voit enfin s'élever une flamme pure, vive, et légère qui purifie l'air, et qui l'agite doucement, en faisant exhaler un vent rafraîchissant ; voilà comment il est parvenu à découvrir en lui les quatre fleuves du jardin d'Eden, subdivisés dans ces sept sources sacramentelles qui sont les puissances de son âme, et qui n'auraient jamais pu recouvrer leur activité naturelle, si l'âme de ce nouvel homme n'avait été elle-même régénérée, et ordonnée de nouveau par le sacrement de la parole.


50.

      C'est une vérité, déjà souvent exposée que, quoique l'homme soit né pour l'esprit, il ne peut cependant jouir des douceurs et des lumières de l'esprit, qu'autant qu'il a commencé par se faire esprit. Voilà pourquoi la sagesse active et invisible fait descendre continuellement son poids sur l'homme, afin qu'il rassemble ses forces et ses principes de vie spirituelle. D'ailleurs cette sagesse active et invisible ne fait point ainsi descendre son poids sur l'homme, sans verser dans son cœur quelques-unes de ces influences vives dont elle est l'organe et le ministre, et parmi lesquelles elle fait éternellement sa demeure.

      Quand elle a ainsi préparé l'homme, et que l'homme ne l'a point contrariée dans ses desseins, alors elle transporte l'esprit de l'homme dans le séjour de cette lumière où il a pris son origine ; et là, l'homme s'abreuve à longs traits des douceurs qui appartiennent à son existence ; il s'en abreuve sans trouble, et sans inquiétude, comme la sagesse elle-même, parce que, par les soins qu'elle lui a rendus, son cœur est devenu pur comme elle, et indépendant des mouvements si incertains de la fragile roue du temps ; le supérieur, et l'inférieur, se trouvant pour lui dans une parfaite analogie, il sent que la paix qu'il découvre dans ces régions invisibles, se trouve également en lui-même ; il ne sait si son intérieur est dans cet extérieur divin, ou si cet extérieur divin est dans son intérieur ; ce qu'il sent, c'est que tout cela semble n'être qu'un pour lui, c'est que toutes ces choses et lui ont l'air de n'être qu'une seule et même chose.

      Voilà pourquoi il ne craint point de revenir dans son intérieur quand il a joui de ces consolations supérieures si ravissantes, parce qu'il sent qu'il va en trouver de semblables en lui-même ; voilà pourquoi aussi il ne craint point de s'élever de son intérieur jusqu'à ces régions si sublimes, parce qu'il sait d'avance quelles sont les consolations qui l'y attendent.

      Mais il ne peut parcourir toutes ces régions soit intérieures, soit extérieures, sans éprouver un désir qu'il partage avec la sagesse même, puisqu'elle l'a éprouvé la première à son égard, c'est celui de voir goûter le même bonheur à ses semblables ; et c'est dans ce désir secret, puisé dans notre propre source, purgée de ses souillures, et de ses ténèbres, que nous découvrons la véritable destination du nouvel homme, et par conséquent celle de l'homme primitif.

      Si les hommes avaient voulu ne pas fermer les yeux sur la simple loi des compensations, ils n'auraient pas eu besoin de s'élever si haut pour apercevoir cette destination primitive ; en effet, en nous en tenant aux seules notions naturelles de notre raison non égarée par le vice et la corruption, ne pouvons-nous pas démêler le but de notre être dans les dons, et les moyens qui sont à la portée de tous les hommes ? Je puis donc dire à mon semblable : Es-tu né fort ? N'est-ce pas pour protéger le faible ? Es-tu né riche ? N'est-ce pas pour verser tes biens dans les mains de l'indigent ? Es-tu né avec des lumières ? N'est-ce pas pour éclairer celui qui est enveloppé de ténèbres ? Es-tu né vertueux ? N'est-ce pas pour soutenir, par ton exemple, l'homme sans force, ou effrayer, et faire trembler l'homme méchant ? Remonte donc, par ces degrés, jusqu'à ta loi d'origine. Si tu as l'attention de comparer soigneusement tous les degrés de cette grande chaîne, tu arriveras à reconnaître que tu es né primitivement pour une grande compensation.

      Mais quels efforts ne faut-il pas à l'homme pour ne pas laisser obscurcir sa vue sur des vérités aussi simples, et aussi naturelles au milieu des nuages nombreux qui la couvrent ? Combien ces efforts de l'homme ne doivent-ils pas s'augmenter encore pour parvenir à remplir cette sublime destination, en supposant qu'il eût été assez heureux pour ne pas la perdre de vue ? Car nous ne pouvons plus nous dissimuler que nous sommes environnés de difficultés si nombreuses, et d'obstacles si puissants, que c'est comme si l'on avait creusé pour nous une prison profonde au milieu d'un vaste rocher, et que nous ne vissions autour de nous, que des enceintes de roc vif, taillées à pic, et à perte de vue.

      Non, il n'est pas difficile de voir que les hommes sont ici-bas comme autant de prisonniers que l'on a retranchés de toute communication avec les créatures vivantes, et que l'on a mis, pour ainsi dire, au secret. Nous n'y pouvons jouir des entretiens, et de la consolation de personne ; un sévère et farouche geôlier nous jette rudement notre grossière nourriture, et se retire sans daigner même nous adresser le moindre mot de consolation.

      Quelquefois, il est vrai, après de longs jours passés dans cette désolante situation, on nous permet le léger adoucissement de voir quelques-uns de nos proches, et de nos amis, mais seulement pour un instant ; puis on nous replonge dans notre affreuse solitude. Enfin quelquefois après ces cruelles épreuves, on nous ouvre les portes de notre prison, et on nous remet en liberté. Mais combien est petit le nombre de ceux pour qui brille enfin le jour de la délivrance ! Combien d'autres au contraire voient se multiplier leurs fers, et sont condamnés à ne jamais connaître le moindre soulagement ! Combien en est-il qui doivent passer leurs jours dans les cachots, et pour qui il n'y aura point d'intervalle entre les horreurs de leur prison, et les horreurs de leur tombeau !

      Quel est donc le triste état de la postérité humaine, où l'homme de désir lui-même est réduit à pleurer en vain, et à voir ses frères ou liés par de fortes chaînes dans de ténébreux cachots ou transportés dans les sépulcres de la mort et de la putréfaction ! Et cela sans qu'il lui soit possible d'agir pour leur délivrance, ni de rien opérer pour eux ! Il n'est que trop vrai, malheureux homme, que le temps, et la mort sont les rois de ce monde. Tu as des désirs purs, tu as des désirs divins, tu as des désirs qui concourent avec ceux dont le cœur et la sagesse de Dieu même sont remplis, et cependant ces désirs ne s'accomplissent point ! Et cependant l'œuvre vraie se voit comme forcée de céder le pas à l'œuvre illusoire ! Et cependant notre Dieu, lui-même, enveloppe sa gloire, et parait comme contraint de différer jusqu'à un autre temps, pour en manifester les triomphes !

      Seigneur, Seigneur, est-il donc vrai que tu aies besoin de l'homme pour l'accomplissement de ton œuvre ici-bas ? Oui, tu en as besoin puisque cette œuvre n'est autre chose que la réunion de l'homme avec toi. Seigneur, Seigneur, il serait vrai que tu aurais besoin de l'homme ici-bas, et cependant, ce malheureux se refuserait à tes désirs, et à tes besoins ! Oh, non, rien ne peut égaler l'horrible férocité, et l'impie cruauté de l'homme ; rien n'est déchirant comme l'idée de son effroyable volonté. Frappe-le, Seigneur, avec la verge du temps, afin qu'il sache que le temps l'abuse journellement. Frappe-le avec la verge du temps, afin qu'il ne croie plus au temps. Alors le temps se frappera lui-même, alors le temps sera plein de remords, et de honte d'avoir trouvé un terme à ses desseins. C'est au temps, c'est à la mort, c'est à ces rois de la terre que tu avais adressé tant de reproches par la bouche de ton prophète David (Ps. 2).

      Aussi il disait dans sa douleur : "Pourquoi les nations se sont-elles soulevées avec un grand bruit, et les peuples ont-ils formé de vains desseins ? Les rois de la terre se sont opposés, et les princes se sont assemblés contre le Seigneur, et contre son Christ. Rompons, disent-ils, leurs liens, et rejetons loin de nous leur joug. Celui qui demeure dans les cieux se rira d'eux, et le Seigneur s'en moquera. Il leur parlera dans sa colère, et les remplira de troubles, et de fureur. Mais pour moi, j'ai été établi roi par lui sur Sion, sa sainte montagne, afin que j'annonce ses préceptes. Le Seigneur m'a dit : Vous êtes mon fils, je vous ai engendré aujourd'hui. Demandez-moi, et je vous donnerai les nations pour votre héritage, et j'étendrai vos possessions jusqu'aux extrémités de la terre. Vous les gouvernerez avec une verge de fer, et les briserez comme le vaisseau du potier. Et vous maintenant, ô rois, ouvrez votre cœur à l'intelligence : recevez les instructions, vous qui jugez la terre."

      Nouvel homme, regarde-toi comme ce roi établi sur Sion, la sainte montagne du Seigneur, afin que tu annonces ses préceptes ; demande à Dieu tes propres nations pour ton héritage, et il étendra tes possessions jusqu'aux extrémités de la terre, et jusque dans les âmes de tes semblables. Car sa sagesse active, et invisible ne cherche qu'à faire pénétrer jusqu'a toi ses douces influences, et à te soutenir du haut de son trône, dans tes combats, afin de te faire remporter des victoires ; elle transportera ensuite auprès d'elle ton esprit triomphant, jusque dans ces paisibles régions où elle fait éternellement sa demeure, et où l'homme aurait dû demeurer aussi éternellement avec elle, s'il n'avait pas eu la faiblesse de les abandonner ; vérités qui pourraient être rebattues à toutes les pages de tous les livres, et qui ne devraient pas pour cela éprouver le reproche d'être trop répétées ; car comment accuserait-on les écrivains de trop dire une chose qui est la seule chose que l'on devrait dire ?


51.

      Le Réparateur prit avec lui trois de ses disciples, il les mena sur une haute montagne, et il fut transfiguré devant eux ; son visage devint brillant comme le soleil, et ses vêtements blancs comme la neige. En même temps ils virent paraître Moïse, et Elie qui s'entretenaient avec lui.

      Lorsque l'homme rassemble, et concentre ses forces, il sent que la vie divine elle-même ne dédaigne pas d'influer activement sur lui, et de le réchauffer de son feu doux et vivificateur ; cette vie divine qui l'a formé ne craint pas de le former de nouveau ; après l'avoir formé de nouveau elle ne craint pas de venir s'établir en lui, et de le soutenir par ses saintes influences, et après s'être établie en lui et l'avoir soutenu par ses saintes influences, elle ne craint pas de lui communiquer ta joie dont elle est la source, et dont elle se nourrit perpétuellement elle-même. Dans cette opération l'homme prend réellement un nouveau caractère, car il est tellement pénétré de la lumière divine, que son intérieur en est tout resplendissant, et qu'il se forme au-dedans de lui comme un soleil vif et brillant que son corps matériel ne peut connaître, et c'est là un des sens du passage de saint Jean : La lumière brille dans les ténèbres, et les ténèbres ne l'ont point comprise ; il est venu dans ses possessions, et les siens ne l'ont point reçu.

      Si l'homme portait plus soigneusement sa vue sur son être intérieur, il parviendrait sûrement à découvrir en lui ce soleil radieux, et à le voir physiquement des yeux de son esprit comme il peut voir dans une glace la beauté de sa face avec ses yeux matériels ; car il a toujours, devant son être intérieur, un miroir vivant qui lui en réfléchirait la splendeur en nature. Il s'y verrait accompagné de la droite et de la gauche de Dieu, qui ne cessent de le préserver, et de le défendre, qui ont été opérantes temporellement dans les deux alliances, ou initiations spirituelle et divine, et qui ont été représentées corporellement aux trois disciples du Réparateur par les précurseurs de ces deux initiations : Moïse qui avait conduit le peuple jusqu'aux portes de la terre promise, et Elie qui était venu préparer les voies à l'alliance éternelle de la paix, et de la sainteté. Car le Réparateur ne montrait encore dans cette transfiguration, que les sentiers où l'homme devait passer pour retourner dans le royaume de la vie.

      Mais l'homme intérieur ainsi accompagné visiblement de la droite, et de la gauche de Dieu entend encore, au-dessus de lui, la Voix divine qui prononce ces paroles consolantes : C'est mon fils bien-aimé, dans lequel j'ai mis toute mon affection. Ecoutez-le ; de façon que, se trouvant placé entre le ternaire divin et supérieur dont il émane, et dont il est fils et le ternaire spirituel de ses propres facultés, ou de ses trois disciples, il découvre en lui-même le tableau universel de toutes les régions, des lois d'action, et de réaction qui ont agi pour l'émanation de l'homme et qui agissent journellement pour sa sanctification, et pour sa glorification. Et voilà les trésors qui se dévoilent aux yeux du nouvel homme.

      Il n'est pas étonnant que les trois disciples du nouvel homme le voyant ainsi tout rayonnant de gloire, soient hors d'eux-mêmes, et que l'un d'eux lui dise : Seigneur, nous sommes bien ici, faisons-y, s'il vous plaît, trois tentes, une pour vous, une pour Moïse, et une pour Elie. Et quand la nue vient à couvrir à leurs yeux ce ternaire supérieur, et que la voix sortant de cette nue, se fait entendre, il n'est pas étonnant que les trois disciples soient saisis d'une grande crainte, et qu'ils tombent le visage contre terre. Mais le nouvel homme s'approchera d'eux, les touchera, leur dira : Levez-vous, et ne craignez point. Alors ils lèveront les yeux, et ne verront plus que le nouvel homme seul, parce que le ternaire supérieur ne peut pas séjourner sur la terre.

      Il leur fera le commandement de ne parler de cette vision à personne, jusqu'à ce qu'il soit ressuscité d'entre les morts ; car si leur vue avait eu tant de peine à en soutenir l'éclat, eux qui y avaient été préparés, comment des oreilles impures et grossières en auraient-elles soutenu le récit ? Il suffit, d'après cette transfiguration, que les disciples du nouvel homme le regardent comme étant le fils de la Divinité, et qu'ils s'attachent à son service avec autant de zèle que s'ils étaient en présence un Dieu. Instruction que le nouvel homme ne peut trop graver en eux pour les maintenir dans la vigilance, et pour que, travaillant de concert avec lui, ils emploient continuellement tous leurs efforts à conserver la mesure, l'ordre, l'activité, et l'amour dans toutes leurs œuvres, et dans tous leurs mouvements, afin que lui avec eux, et eux avec lui, manifestent de plus en plus, dans une représentation toujours plus parfaite cette unité suprême, dont le nouvel homme, et ses trois facultés sont l'image.

      En effet, sans cette transfiguration intérieure du nouvel homme, nous ne connaissons que par les images de l'intelligence, la source où nous avons pris notre origine, les rapports que nous avions eux avec elle primitivement, ceux de ces rapports que nous avons conservés depuis la fatale chute ; ceux qui se sont rétablis de nouveau par le cana! des deux alliances, et par conséquent les ravissantes espérances dont nous pouvons encore nous remplir.

      Mais dès que notre propre transfiguration nous a élevés au-dessus du nuage, le nuage peut ensuite recouvrir la montagne ; nous ne perdons point le souvenir de ce qui s'est opéré devant nous. Nous redescendons pleins de respect pour l'essence qui nous anime, pleins d'amour et d'adoration pour celui qui nous a faits ce que nous sommes ; nous gardons notre secret dans le plus profond de notre cœur, très persuadés que, dans cette solitude intérieure, nous pouvons mieux honorer le souverain être, qu'en révélant ses richesses, et ses trésors à des yeux qui n'en seraient pas dignes.

      Nous nous disons que si nous étions seuls sur cette montagne lorsqu'il est venu nous y trouver, et nous pénétrer assez de ses vivifiantes influences, pour transfigurer tout notre être par leur divine activité, il peut nous venir trouver encore partout où nous serons, quand même nous y serions seuls, puisque notre existence n'étant que le fruit de ce ternaire éternel et créateur, dès que nous existons, c'est une preuve que ce ternaire est en action en nous, sur nous, autour de nous, lors même que nous n'en avons pas visiblement la connaissance ; et c'est alors que nous commençons à être inscrits dans le livre de vie, dans ce livre dont notre être intérieur doit lui-même former et produire les lettres, et les déposer sans cesse dans les mains de la sagesse, pour qu'elle les emploie, selon ses plans, et selon ses projets, et qu'elle leur communique la vie, le sens, et l'intelligence dont elle juge qu'elles peuvent être susceptibles pour l'avancement de l'œuvre.

      Aussi n'est-ce que depuis la transfiguration du Réparateur, que le nouvel homme peut jouir de sa transfiguration personnelle, et de même que nous ne connaissons pas notre être d'une manière intuitive, sans cette transfiguration personnelle, de même nous ne saurions rien de la possibilité de notre transfiguration personnelle, si la transfiguration du Réparateur ne nous en avait donné la connaissance.

      Oui, divin et exclusif Libérateur des hommes dans l'esclavage, il fallait que tu fusses transfiguré pour que les trésors divins se déployassent à notre vue, et la remplissent de leur éclat immortel. Sans toi nous n'aurions pas su ce que c'était que notre origine, ce que c'était que l'œuvre, ce que c'était que la charité, ce que c'était que la fontaine de vie. Sois béni à jamais, par toutes les générations, et dans tous les siècles ! Que toutes les voix célèbrent le Réparateur universel, l'agneau sans tache intérieure, et extérieure, celui dont la nature est vivante de la vie même, celui qui a ouvert pour nous les canaux des deux alliances, par lesquelles seules nous pouvions recouvrer l'explication de notre être.

      L'enfant qui vient de naître, quand est-ce qu'il peut jouir de la vue ? C'est quand la lumière a su se faire jour en lui, et ses yeux une portion d'elle-même, sur laquelle elle va réagir désormais ; jusque-là il est dans les ténèbres. Il en est de même de tous ses autres sens, relativement à la puissance qui doit les mouvoir. Il en est de même aussi de tous les sens de notre esprit, et de notre cœur. Nous serions à jamais restés dans l'engourdissement de toutes les facultés de notre être spirituel, si le divin Libérateur qui a été glorifié, n'avait dissous toutes les vapeurs malfaisantes dont tous nos organes étaient obstrués. Point d'intelligence, point de tact, point de mouvement, point de vie en nous, si ce suprême agent n'avait lancé, dans chacun nos organes intérieurs, et cachés un de ses rayons vivificateurs, sur lesquels il veut ensuite darder continuellement son action, pour nous maintenir avec lui dans cette divine activité dont il est la source, et qu'il nous a appelés à partager avec lui.




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