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Le Nouvel Homme

Louis-Claude Saint-Martin
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Colombe


58.

      Les réponses de ce nouvel homme n'auraient pas tant de force, et tant de justesse, si l'esprit de sagesse ne fût parvenu à lui communiquer la plénitude de son activité. Ce n'est qu'avec douleur que cette communication peut s'opérer, vu l'affaissement où sont tous les interstices de notre être, dans lesquels l'action de l'esprit doit se glisser avec violence ; mais cette violence n'est rien en comparaison de celle que la renaissance doit nous occasionner ; car après que cette action de l'esprit nous a ainsi pénétrés, il faut qu'elle nous emmène, et nous fasse sortir avec elle hors de cette prison, et de cette demeure ténébreuse où nous ne jouissions ni de la respiration, ni d'aucun des autres avantages de la vie.

      Or, c'est là où nous concevons le prix de l'amour qui avait bien voulu venir s'ensevelir avec nous dans nos abîmes, afin de nous saisir, et de nous en arracher avec lui. Nous sentons, dis-je, alors l'immensité de cet amour, par l'immensité des souffrances que nous éprouvons, et qu'il ne craint pas de partager avec nous ; souffrances que nous ne pouvons pas évaluer avant l'opération de notre renaissance ; parce qu'avant ce moment, nous ne savons comment l'action divine est venue nous pénétrer, et si elle n'agit pas secrètement en nous par le pouvoir des droits éternels qu'elle a de pénétrer toutes les substances, et de tout remplir, et cela cependant en concours avec cette vie immortelle, innée dans notre être, et qui s'y conserve dans l'ombre, et le 1e silence, jusqu'au moment où elle reçoit l'ordre, et la puissance du maître.

      Il n'en est pas moins vrai que ce n'est qu'au moment où cette puissance, et cet ordre ont pris forme en nous, que notre renaissance est commencée, et qu'elle peut nous être sensible ; comme il est vrai aussi que dès que cette puissance d'action, et d'ordre spirituel a pris forme en nous, nous devons nous remplir d'espérance que l'œuvre arrivera à son terme; vérités dont un œil attentif pourra même trouver de nombreux exemples dans la nature. C'est alors que nous nous sentons successivement sanctifiés dans tout notre être, pourvu que nous ayons grand soin de recueillir précieusement ces actions pures, vives, et initiatives lorsqu'elles se font connaître en nous, et pourvu que nous ayons toujours présent devant les yeux que l'activité est leur principal caractère, qu'ainsi toutes les frayeurs que nous pouvons recevoir, ne doivent tourner qu'au profit de notre sainte et spirituelle activité, et que tant que nous ne portons pas toutes nos forces vers cette activité complète et constante dans laquelle seule, l'œuvre de notre renaissance peut véritablement se manifester, loin de renaître, nous mourons de nouveau, et nous faisons mourir l'esprit avec nous.

      Quelles sont donc les conditions sans lesquelles nous ne pouvons espérer de découvrir où sont les prairies si abondantes, réchauffées par le vrai soleil ? C'est d'être animés du zèle de maison du Seigneur, c'est-à-dire, du zèle de notre propre maison. Et quelle est la voie par laquelle nous pouvons espérer voir naître en nous le zèle de notre propre maison ? C'est de nous défendre avec des efforts constants, et perpétuels du zèle la maison étrangère.

      Si nous marchons avec cet humble et vivant désir d'être animés du zèle de notre propre maison, le Seigneur marchera vers nous par la voie rapide de son amour, et de ses innombrables richesses, qui consistent dans une universelle activité ; et il ne tardera pas de nous associer à cette universelle activité, puisqu'il nous associera avec lui-même.

      Malheur à ceux qui auront laissé semer en eux le germe de la froideur, et de l'inaction ; il ne pourra manquer de produire un jour des fruits amers et couverts de ronces, dont tous leurs membres seront transpercés ; il ne pourra manquer de livrer tout leur être à des maladies inguérissables. Malheur à ceux qui ne saisiront pas, avec une ardente vigilance, ces éclairs passagers qui nous sont envoyés de temps en temps dans nos ténèbres ! La vie spirituelle qui descend en nous est déjà si faible, en raison de ce corps mortel où nous sommes renfermés ! Elle y vient si rarement ! Elle s'en retire si vite, après avoir allumé en nous le flambeau de notre pensée, que sans la plus active attention, nous devons craindre que la flambeau s'éteigne, avant qu'elle revienne, si nous n'avons pas soin de le nourrir et de l'entretenir !

      Car ce n'est que par ces longues et pénibles gradations, que nous pouvons obtenir la renaissance de cet état divin où nous serons, comme si nous nous sentions renaître continuellement, et à la fois dans toutes les sources des innombrables, et douces affections de notre pensée, et de tous nos désirs spirituels. Seigneur, que le feu du ciel vienne en moi consumer les iniquités d'Israël et de Juda ! Que les secousses de ma fragile terre ébranlent les colonnes de Babylone, jusque dans leurs fondements ! Qu'une guerre universelle embrase tout mon être ! Que les astres corruptibles qui l'éclairent perdent leur lumière ! Que les cieux, et la terre périssables qui me composent, soient retournés comme un vêtement ! Qu'il se forme en moi de nouveaux cieux, et une nouvelle terre ! Et que, du sein des débris de cet ancien univers, je voie élever dans les airs le signe de l'éternelle alliance, et l'étendard du triomphateur dans sa gloire !

      Comment l'homme peut-il s'abuser si longtemps sur la destination de son être ? C'est qu'il la cherche ailleurs que dans lui-même, tandis que c'est là où il apprendrait tous les secrets. Une voûte épaisse semble se former entre l'esprit de l'homme et sa région inférieure. Mais il devrait siéger sur cette voûte, comme sur un trône, pour établir l'ordre dans toutes ses possessions, et y manifester à la vue de toutes les puissances l'agent suprême dont il est l'image. Il pourrait être assis sur ce trône comme ayant déjà ses ennemis sous ses pieds ; et comme, ayant fermé le puits de l'abîme, après y avoir précipité tous les prévaricateurs. Voilà où le conduirait l'activité de l'esprit, s'il y répondait avec fidélité ; elle lui ferait sentir physiquement ce but sublime pour lequel la nature et lui, ont reçu l'existence, et là, il apprendrait à reconnaître comment il fut établi pour être le ministre, et le roi de la nature.

      Le malheureux ! Il a vu miner son trône par les vapeurs du puits de l'abîme. L'ennemi s'est élevé sur ces vapeurs comme sur des nuages ; et à la faveur de ces nuages, il s'est fait porter jusqu'aux plus hautes régions de la pensée de l'homme. Du sommet de ces sublimes régions il dit à l'homme : "Prosterne-toi devant moi. C'est à moi à siéger sur le trône dont tu t'étais emparé, et désormais tu seras mon serviteur et mon esclave". Le malheureux ! Et dans ce honteux esclavage, il diffère travailler à rompre ses fers ! Que dis-je, il murmure des secousses qui lui sont envoyées pour coopérer à sa délivrance !

      Quel est l'objet des agitations et des tourbillons des vents de l'atmosphère ? N'est-ce pas de faire tomber des arbres les bourgeons gourmands, fruits d'une sève trop abondante ? ou d'en dessécher les eaux de pluies et les vapeurs des brouillards, qui auraient trop attendri leur écorce, et auraient fait pourrir leurs feuilles et leurs fleurs ? ou enfin n'est-ce pas d'en précipiter les insectes venimeux et malfaisants qui auraient corrodé leurs tendres branches ?

      Homme, ne te plains point des secousses de ta région. La main qui les dirige n'a sur toi que des plans de bienfaisance. Si la coupe d'amertume a été versée sur la terre, n'est-ce pas pour nettoyer les yeux de notre intelligence, comme la coupe médicinale rend nos organes corruptibles à leur pureté naturelle ? Plus cette coupe amère t'abîmera dans le feu de la douleur, et plus tu dois remercier celui qui te la présente ; parce qu'il n'en peut résulter pour toi qu'une grande purification, si tu es coupable, ou une grande gloire et une grande récompense si tu es employé à l'œuvre sacrée...

      Mais il n'y a que les agitations opérées par la main de Dieu qui soient salutaires ; car les esclaves de l'ennemi sont aussi dans l'agitation, sans qu'ils en retirent aucun profit. Cet ennemi, après avoir remporté presque universellement la victoire, agit en maître et en tyran sur ses sujets. Il les vexe par des vives douleurs, pour leur faire sentir que la matière est son royaume. Il les punit d'avoir eu l'imprudence d'agir sans leur Dieu, en les tourmentant sur cette terre, comme dans un lieu où Dieu n'agit point.

      Seigneur, qu'elle est donc l'immensité du crime qui a pu si fort irriter ta justice ? Toute la postérité humaine est dans les souffrances. Tu la vois ; elle est à tes pieds, et tu ne peux pas te permettre de la délivrer. Est-ce la voix de l'impie qui t'arrête ? Ils disent qu'il n'y a point de mal ; ils n'osent pas t'attribuer celui qui existe, ils aiment mieux le nier que d'en chercher la source dans la dépravation volontaire d'une créature libre. Comment voudrais-tu les guérir puisqu'ils ne se croient pas malades, et qu'ils ne t'appellent point ? Au moins si leur ignorante impiété n'influait pas sur la famille entière ! Mais si c'est cette famille entière qui t'a offensé, ne faut-il pas que tous ses membres se réunissent pour t'implorer, et pour te fléchir ! Et une seule voix discordante ne peut-elle pas rompre le concert de nos supplications ?

      Malheureux, quand cesserez-vous vos blasphèmes ? Vous n'en pouvez proférer un qui ne coûte la vie ou la santé à nos frères. Mais le Dieu de paix et d'amour sera plus grand que leurs blasphèmes. Il inclinera ses yeux sur notre triste postérité, et sur notre propre maison, et malgré les malédictions des insensés, il laissera descendre jusqu'à nous la frange de son vêtement. Pour peu que nous venions seulement à la toucher, nous serons guéris de notre perte de sang.

      Justifie-toi donc, homme de désir, ou plutôt ne te laisse point ébranler sur ta base. Ta vie procède de la vie. Que ta seule existence démontre que tu es le fils de Dieu. La vie ne procède-t?elle pas toujours ? Qui pourrait nuire à ta stabilité si tu ne perdais jamais de vue que tu es le fils de Dieu, et que tu es sa pensée, sa parole, et son opération, et si par ta constance, et par la force de ta foi tu parvenais à en donner la preuve à l'ignorance ? Quand tu te sentiras affaibli, tourne les yeux vers celui qui vient te consacrer jusque dans ton intérieur, pour être prêtre selon l'ordre de Melchisédech, et tu te verras alors élevé jusqu'aux cieux.


59.

      Comment le nouvel homme est-il devenu si actif, si clairvoyant ? C'est en ne cessant point de se remplir du zèle de sa propre maison. C'est en ne redoutant point la démolition du temple antique, ou du vieil homme dont il est dit qu'il ne doit pas rester pierre sur pierre ; parce qu'il sait qu'il sera rebâti dans trois jours, ou que ce triple caractère divin qui le constitue image, et ressemblance de son éternel principe, doit être par là, rétabli dans sa splendeur, et, dans la libre manifestation de ses titres les plus sacrés.

      Mais plus il a acquis de lumières, plus il se croit obligé d'éclairer toutes les régions de son être sur tous les dangers qui peuvent accompagner leur régénération. Il leur dira donc comme le Réparateur aux apôtres :

      "Prenez garde que personne ne vous séduise, parce que plusieurs viendront, sous prétexte de vous instruire, et de vous soulager ; mais comme ils seront eux-mêmes remplis de ténèbres, ils ne feront que vous égarer davantage ; et le signe auquel vous les reconnaîtrez, c'est lorsqu'ils vous proposeront d'autres Dieu, son esprit, et vous, et qu'ils voudront vous épargner travail pénible de puiser constamment et sans relâche dans celui qui vous a donné l'existence, et qui a mis en vous une universelle représentation de lui-même et de toutes ses œuvres."

      "Vous entendrez aussi parler de guerres, et de bruits de guerres, vous verrez en vous-mêmes se soulever, peuple contre peule, royaume contre royaume, vous y verrez des pestes, des famines, des tremblements de terre ; mais que cela ne vous trouble point, car tout cela ne sera que le commencement des douleurs. Alors on vous livrera, dans vous-mêmes, à mille ennemis pour être tourmentés, et pour vous faire mourir, et vous serez haïs de toutes les nations à cause de mon nom. Prenez garde que cela ne vous devienne des occasions de scandale, et de chute ; car il s'élèvera en vous des faux prophètes, et parce que l'iniquité sera accrue, la charité de plusieurs pourrait se refroidir, mais celui-là sera sauvé qui persévérera jusqu'à la fin. Et cet Evangile du royaume sera prêché dans tout votre être, pour y servir de témoignage à toutes les nations qui l'habitent."

      Quand vous verrez que l'abomination de la désolation qui a été prédite par le prophète Daniel, sera dans le lieu saint, et que l'ennemi sera dans ses jours de triomphe, par la puissance qui lui sera donnée d'en haut sur vous, à cause de la justice, et pour lui laisser combler la mesure de ses iniquités, fuyez alors sur les montagnes de la Judée. Si vous êtes sur le toit, n'en descendez point pour emporter quelque chose de la maison, et si vous êtes dans le champ, ne retournez point pour prendre vos vêtements. Mais faites comme Elie, cachez-vous dans la caverne jusqu'à ce que le temps de la colère soit passé ; " car ces jours où ces épreuves sont telles, que si elles n'avaient été abrégées, nul homme n'aurait été sauvé, mais elles sont abrégées en faveur des élus. "

      Ne prenez pas même pour les signes infaillibles de votre régénération les choses étonnantes, et les grands prodiges que vous pourrez opérer ; car il peut s'élever en vous de faux christs, et de faux prophètes qui en opèrent de semblables, jusqu'à séduire, s'il était possible, les élus mêmes. Ne vous rendez donc point à toutes les voix qui vous diront intérieurement : "Je suis le Christ ; car comme un éclair qui sort de l'orient, paraît jusqu'à l'occident, ainsi sera dans votre être l'avènement du fils de l'homme. " Chassez seulement de vous avec le plus grand soin tous les corps morts, car partout où le corps mort se trouvera, les aigles s'y assembleront."

      "Quand est-ce que le signe du fils de l'homme paraîtra dans votre ciel particulier ? Quand viendra-t-il en vous avec une grande puissance, et une grande majesté ? Quand enverra-t-il ses anges faire entendre la voix éclatante de leur trompette dans toutes vos régions, et rassembler ses élus des quatre coins de votre propre monde, depuis une extrémité de votre ciel jusqu'à l'autre ? C'est quand votre soleil d'apparence sera rentré dans son obscurité, c'est quand votre lune ne donnera plus sa lumière, c'est quand les étoiles de votre faible firmament tomberont, c'est quand les vertus de vos cieux individuels seront ébranlées ; et que tous les peuples de votre terre de douleur déploreront leur misère, qu'ils s'enfonceront dans les fentes des montagnes, et qu'ils diront à l'univers : couvrez-nous, et dérobez-nous à la colère et à la vengeance du Seigneur."

      "Il n'y a personne qui puisse vous apprendre quand est-ce que ce jour et cette heure arriveront ; car il est écrit que nul autre que notre père ne sait ce jour et cette heure, et que les anges mêmes du ciel ne les savent point. Mais il vous est donné d'en connaître les signes, et de savoir que le fils de l'homme sera près de vous et qu'il sera à votre porte lorsque ces signes se seront manifestés en vous ; comme vous jugez que l'été est proche quand les branches du figuier sont déjà tendres, et qu'il pousse ses feuilles."

      Vous ne connaîtrez point ce temps par aucune des révolutions de votre être naturel et physique, puisque c'est lui qui doit être immolé aux ténèbres et leur servir de victime ; aussi comme il ne connaît rien aux choses de l'esprit, il suivra aveuglément sa voie obscure jusqu'au jour de son sacrifice, comme au temps de Noé, un peu avant le déluge, les hommes suivaient toutes les lois de la matière, sans penser seulement à ce qui allait arriver. Mais lorsque votre heure sera arrivée, des deux hommes qui vous composent, l'un sera pris et l'autre laissé. Des deux femmes qui sont occupées à moudre en vous, l'une sera prise et l'autre laissée, parce que dans vous l'une de ces deux femmes, ou l'un de ces deux hommes est le partage de l'esprit et de la lumière, et l'autre le partage de la matière et des ténèbres. Veillez donc parce que vous ne savez à quelle heure votre Seigneur doit venir, "car sachez que si le père de famille était averti de l'heure à laquelle le voleur doit venir, il est sans doute qu'il veillerait, et qu'il ne laisserait pas percer sa maison."

      "Soyez comme un serviteur fidèle et prudent, que son maître a établi sur tous ses serviteurs pour leur distribuer dans le temps la nourriture dont ils ont besoin. Si votre maître, à son arrivée, vous trouve agissant de la sorte, il vous établira sur tous ses biens, mais si vous dites dans votre cœur : mon maître n'est pas près de venir : si vous vous mettez à battre vos compagnons au lieu de les nourrir, et que vous mangiez et buviez avec des ivrognes, le maître viendra au jour que vous ne vous y attendez point, et à l'heure que vous ne savez point, il vous séparera, il vous donnera pour partage d'être puni avec les hypocrites, et c'est là qu'il y aura des pleurs et des grincements de dents."

      "Il y a aussi en vous cinq vierges folles, et cinq vierges sages, parce que telle a été la division qui s'est faite dans les puissances lors de la chute du premier prévaricateur, et qui s'est répétée lors de la prévarication de l'homme ; les unes non seulement on consumé leur huile, mais elles cherchent encore à consumer celle que les vierges sages ont conservée, et à les entraîner avec elles dans leurs ténèbres et dans leurs funestes imprudences, comme a fait votre ennemi envers l'homme lorsqu'il l'engagea à lui livrer sa force, sa puissance et sa parole ; et si vous ne veillez avec le plus grand soin, cet ennemi peut répéter chaque jour envers vous cette ancienne et criminelle entreprise, et vous séduire comme il a séduit le premier homme, jusqu'à vous faire dissiper en vain toute votre huile, et vous faire éteindre votre lampe. Alors vous serez confondus avec les vierges folles elles-mêmes, et lorsque vous vous présenterez pour entrer aux noces avec l'époux, la porte sera fermée, et l'époux vous dira qu'il ne vous connaît point."

      "Tâchez au contraire de surpasser encore s'il est possible les vierges sages de l'Evangile, et de procurer par vos travaux et vos efforts une suffisante provision d'huile aux vierges folles pour qu'elles soient admises aux noces de l'époux avec vous ; car c'est là le dernier terme de la charité, puisque c'est celle que l'esprit même exerce à votre égard, n'ayant pas craint de pénétrer dans tous les abîmes de votre existence pour venir partager son huile avec vous, et rétablir par là la perfection de ce nombre de dix talents que vous aviez altérés dans l'origine, et que la sagesse suprême désire si ardemment revoir briller dans sa justesse, et dans toute sa vertu."

      "Aussi que fera le fils de l'homme lorsqu'il viendra dans sa majesté accompagné de tous ses saints anges, qu'il s'assoira sur le trône de sa gloire, et que toutes les nations de la terre seront assemblées devant lui ? Il séparera les uns d'avec les autres, comme un berger sépare les brebis d'avec les boucs. Il mettra les brebis à sa droite, et les boucs à sa gauche, et il dira à ceux qui seront à sa droite : venez, vous qui êtes bénis par mon père, possédez comme votre héritage le royaume qui vous a été préparé dès le commencement du monde... Car j'ai eu faim, et vous m'avez donné à manger; j'ai eu soif, et vous m'avez donné à boire ; j'ai eu besoin de logement, et vous m'avez logé ; j'ai été sans habit, et vous m'avez revêtu ; j'ai été malade et vous m'avez visité ; j'ai été en prison, et vous m'êtes venu me voir. Alors les justes lui diront : Quand est-ce que nous vous avons fait toutes ces choses ? Et le roi leur répondra : Je vous dis, en vérité, qu'autant de fois que vous avez rendu ces devoirs de charité aux moindres de mes frères, c'est à moi-même que vous les avez rendus. Parce que ces petits enfants ne font qu'un avec moi par leurs souffrances."

      "De même aussi lorsque les cinq vierges sages qui sont en vous parviennent par leurs travaux et leur vive charité à procurer une suffisante provision d'huile à vos cinq vierges folles pour que leurs imprudences soient effacées, et que le nombre des dix talents que ces dix vierges représentent se trouve réintégré en vous dans sa perfection, c'est coopérer à la gloire, et à la satisfaction de la sagesse elle-même, puisque c'est concourir au rétablissement de son image."

      "Le roi dira ensuite à ceux qui sont à gauche : Retirez-vous de moi, maudits, et allez au feu éternel qui est préparé pour le diable et pour ses anges. Car j'ai eu faim et vous ne m'avez pas donné à manger, j'ai eu besoin de logement et vous ne m'avez pas logé, j'ai été sans habit et vous ne m'avez pas revêtu, j'ai été malade et en prison et vous ne m'êtes pas venu voir. Et les méchants lui diront : Seigneur, quand est-ce que nous vous avons refusé toutes ces choses ? Et il leur répondra : Je vous dis en vérité qu'autant de fois que vous avez manqué à rendre ces assistances aux moindres de ces petits, vous avez manqué à me les rendre à moi-même, parce que ces petits ne faisant qu'un avec moi dans leurs souffrances, n'auraient aussi fait qu'un avec moi dans leurs joies, et parce que si vos vierges sages ne concourent pas au rétablissement du nombre représentatif, en corrigeant les imprudences de vos vierges folles, et en subvenant à leurs nécessités, vous contrariez directement le désir, la faim et la soif de la sagesse éternelle."


60.

      La fête des pains sans levain approche ; cette fête annonce au nouvel homme une nourriture qui n'est point sujette à la fermentation et à la corruption de la matière. Or, comme cette fête se nomme le passage ; et comme c'est au passage de la renaissance spirituelle que se trouvent les plus grands dangers pour l'âme humaine, c'est aussi le moment de ce passage que choisissent les princes des prêtres et les docteurs de la loi, pour se saisir de la personne du nouvel homme, et où son ennemi s'offre à eux pour le leur livrer moyennant le prix dont ils conviennent ensemble, et qui remplit de joie ces princes des prêtres et les capitaines, parce qu'ils craignent le peuple, et ne peuvent employer que des ruses et des trahisons...

      Le nouvel homme n'ignore pas cette trahison qui se trame contre lui, puisqu'il a dit d'avance aux siens : Vous savez que la Pâque se fait dans deux jours, et que le fils de l'homme sera livré pour être crucifié. Mais comme il sait aussi que le complément de sa régénération est attaché à ce sacrifice, comme il sait en outre que ce sacrifice doit rendre la vie aux habitants de son propre royaume, il dit à quelques-uns des siens : "Allez-nous apprêter ce qu'il faut pour la Pâque. Lorsque vous entrerez dans la ville, vous rencontrerez un homme portant une cruche d'eau, suivez-le dans la maison où il entrera, et dites au maître de cette maison que le maître vous envoie dire : Où est le lieu où je mangerai la Pâque avec mes disciples ? Et il vous montrera une grande chambre haute toute meublée. Préparez-nous-y ce qu'il faut."

      Qu'est-ce que c'est que cet homme portant une cruche d'eau ? C'est le précurseur de la sainte alliance qui ne peut se contracter qu'après la purification parfaite. Qu'est-ce que c'est que cette chambre haute où la Pâque doit se célébrer ? C'est la pensée de l'homme qui est revêtue du privilège de se montrer parmi les nations comme la région la plus sublime du temple immortel que l'esprit saint s'est proposé d'habiter. Qu'est-ce que c'est que ce maître qui envoie demander où est le lieu où il mangera la Pâque avec ses disciples ? C'est l'esprit du nouvel l'homme lui-même, qui vient visiter l'âme humaine pour lui rendre la vie et la lumière, mais qui sachant que cette âme humaine est un être libre, ne veut habiter chez elle que de son propre consentement, malgré tous les biens et toutes les richesses dont il vient la favoriser.

      Il attend l'heure favorable pour venir opérer dans l'âme ce salutaire sacrifice, parce que son amour pour nous l'a engagé même à s'assujettir à la loi des heures ; mais quand cette heure est arrivée, il se met à table avec nous, et il nous dit : "J'ai souhaité avec ardeur manger cette Pâque avec vous avant de souffrir ; car je vous déclare que je n'en mangerai plus désormais jusqu'à ce qu'elle soit accomplie dans le royaume de Dieu." Parce qu'après la consommation du grand sacrifice du Réparateur, il fallait encore un temps pour la ratification, et pour que les fruits de ce sacrifice parvinssent à leur terme.

      "Alors l'esprit qui est à table avec nous prend le pain, et ayant rendu grâce, il le rompt en disant : Ceci est mon corps qui est donné pour vous, faites ceci en mémoire de moi." Parce que de même que la rupture du pain annonce la rupture de son corps, de même la rupture de son corps annoncera la rupture et les douleurs de son esprit qui daigne abandonner le lieu de sa gloire pour venir habiter dans le séjour de notre misère.

      Il prend le calice, et ayant rendu grâce, il nous dit : "Ce calice est la nouvelle alliance en mon sang, lequel sera répandu pour vous. Je ne boirai plus désormais de ce fruit de la vigne jusqu'à ce jour où je le boirai de nouveau avec vous dans le royaume de mon père ; toutes les fois que vous mangerez de ce pain et que vous boirez de cette coupe, vous annoncerez la mort du Seigneur jusqu'à ce qu'il vienne." Parce que le sang de cette coupe, annonce l'effusion du sang matériel du Réparateur, que l'effusion de son sang matériel annonce l'effusion de son sang spirituel, et qu'en même temps cette coupe annonce l'effusion du sang corporel de l'homme pour l'abolition du péché, et l'effusion de son sang spirituel pour sa régénération particulière.

      C'est pourquoi le nouvel homme n'aurait pas été régénéré si le Réparateur ne s'était pas fait homme, parce que sans cela les voies de notre sang n'auraient jamais été ouvertes, et ce sang n'aurait jamais pu couler, malgré la mort corporelle que nous subissons tous les jours, et malgré tous les massacres de la terre. C'est aussi par ce moyen qu'il a fait de l'âme des hommes un agneau pascal semblable à lui ; et que cet agneau doit être immolé dans chacun d'eux, pour en faire autant de nouveaux hommes, comme il a dû être immolé lui-même pour le renouvellement, et la régénération de toute l'espèce humaine.

      Car la plus belle fonction de ce prophète éternel et divin qui est venu verser le sang de son corps et de son esprit, pour nous mettre à portée de rentrer par lui, dans notre état naturel, et primitif, a été de rendre notre sang efficace, et de nous donner, par là, une seconde vie après celle que nous avions perdue. Or, cette seconde vie qu'il nous donnait par là était la vie de la douleur, et devait infiniment plus lui coûter que la vie de l'amour, qui est celle qu'il nous avait donnée la première fois.

      En effet la prophétie doit-elle se borner à prédire, et à annoncer des événements ? Ne peut-elle pas les prévenir par la prière de la douleur, s'ils sont funestes, et les avancer s'ils sont salutaires, et ne serait-ce pas là un de ses caractères les plus importants ? Larmes du prophète, désobstruez les voies de la cité sainte, opérez vous-mêmes les manifestations de cette nouvelle Jérusalem que les prédictions ne font qu'annoncer.

      Le Réparateur a-t-il prédit beaucoup d'événements ? Non, il n'a presque prédit que ceux qui devaient se réaliser incessamment, et ouvrir les yeux aux nations sur son œuvre. Je vous dis ceci dès maintenant, avant qu'il arrive, afin que, lorsqu'il arrivera, vous reconnaissiez qui je suis (Jean 23:19, 14:29, 16:4). Mais il a employé sa vie entière à aplanir, par ses sacrifices, et par son amour, les voies de notre retour vers notre patrie.

      Aussi à son imitation, l'esprit qui vient s'immoler en nous pour nous régénérer, ne craint point de "mettre la main au plat avec celui même qui le trahit, et qui soit le livrer au prince des prêtres ;" parce que cet esprit "qui vient s'immoler en nous, s'en va, selon ce qui a été écrit de lui... Mais malheur à celui par qui ce fils de l'homme est trahi ! Il vaudrait mieux pour lui qu'il ne fût jamais venu au monde... Mais pour vous, je vous prépare le royaume comme mon père me l'a préparé."

      Quelle affliction pour cet esprit qui vient s'immoler dans nous, de savoir qu'il est trahi non seulement par celui qui doit concourir à lui faire consommer son sacrifice, mais encore par celui pour qui même il vient s'immoler, c'est-à-dire, que ce Simon qui est en nous, par cette pierre fondamentale sur laquelle se doit bâtir l'Eglise ! Car l'esprit lui dit en nous : "Simon, Simon, Satan vous a demandé pour vous cribler comme on crible le froment, mais j'ai prié pour vous, afin que votre foi ne défaille point. Lors donc que vous aurez été converti, ayez soin d'affermir vos frères."

      Dans l'ardeur de notre zèle, et dans l'ignorance où nous sommes de toute l'étendue de l'épreuve, nous lui disons : Seigneur, je suis tout prêt d'aller avec vous, et en prison, et à la mort même. Mais l'esprit qui nous connaît bien mieux que nous ne pouvons nous connaître, nous répond : "Pierre, je vous déclare que d'aujourd'hui le coq ne chantera que vous n'ayez nié par trois fois que vous me connaissiez", parce que l'esprit voit à découvert tous les plans des mouvements des êtres, parce que cet esprit voit notre faiblesse, et le penchant que nous avons à lui être infidèles, et que comme le péché primitif a eu un triple caractère, et qu'il a opéré en nous une triple mort, nous répétons ce triple péché, ou cette triple infidélité dans nos épreuves particulières, jusqu'à ce que le coq, ayant chanté trois fois, comme pour annoncer ce malheureux triomphe de la matière sur nous, nous rentrions en nous-mêmes, et que, comme fit Pierre, nous versions des larmes sur notre péché et sur notre lâcheté.

      Mais l'esprit ne s'éloigne pas de nous, quoiqu'il voie ainsi en nous tous les plans de notre infidélité. Il continue son œuvre ; il continue même de nous y associer, et nous dit : "Lorsque je vous ai envoyé sans sac, sans bourse, sans souliers, avez-vous manqué de quelque chose ? Non, mais maintenant, que celui qui a un sac ou une bourse les prenne, et que celui qui n'en a point, vende sa robe pour acheter une épée, car je vous assure qu'il faut encore qu'on voie accompli ce qui est écrit de moi : il a été mis au rang des scélérats ; parce que ce qui a été prophétisé de moi, est prêt d'arriver."

      C'est donc en effet le moment de réunir nos forces pour aider à notre maître de consommer son sacrifice. C'est le moment de transformer toutes nos facultés en courage pour résister à l'ennemi qui le doit attaquer, et pour obtenir que les forces d'en haut l'accompagnent, et le soutiennent dans le pénible combat qui va se livrer entre sa nature éternelle, et sa nature passagère et apparente ; de même que dans la terrible épreuve que va subir sa charité, quand il va être livré tout entier pour la délivrance de ses frères, et qu'il faudra faire couler, goutte-à-goutte, tout le sang de son être, et de son amour pour faire parvenir jusqu'à nous le fleuve de la vie.

      Aussi l'esprit nous dit : "Mes petits enfants, je n'ai plus que peu de temps à être avec vous, vous me chercherez, et comme j'ai dit aux Juifs qu'ils ne pouvaient venir où je vais, je vous le dis aussi maintenant, parce que l'esprit est le maître, que nous ne sommes que les disciples, que nous ne pouvons recevoir que ce qui vient de lui, tandis que la source dans laquelle il demeure nous est toujours impénétrable, et parce que cet esprit va opérer l'œuvre de la délivrance des captifs que nous pouvons ensuite répéter sur nous-mêmes, et sur nos frères en son nom, mais que nous n'aurions jamais pu opérer sans lui, et s'il n'avait commencé par l'opérer en nous. C'est pour cela qu'il avait dit aux siens précédemment : Vous pourrez boire le calice que je boirai. C'est pour cela aussi qu'il venait de les admettre à la participation du calice, et à la manducation de son corps dans le passage, pour les préparer à participer ensuite à toute l'activité de son œuvre, parce que toutes ces paroles sont esprit et vie.

      Aussi l'œuvre étant déjà commencée pour lui, puisque le traître ayant reçu son morceau était déjà sorti, il annonce que maintenant le fils de l'homme est glorifié, et que Dieu est glorifié en lui ; et c'est alors qu'il leur donne les principales instructions relatives à l'œuvre qu'il va consommer, et qu'ils doivent partager avec lui : "Je vous donne un commandement nouveau, de vous aimer les uns et les autres, afin que vous vous entr'aimiez comme je vous ai aimés. C'est en cela que tous connaîtrons que vous êtes mes disciples, si vous avez de l'amour les uns pour les autres." Afin qu'ils comprissent que l'œuvre de ce maître était l'œuvre de l'amour, et qu'ils ne pouvaient jamais être image et ressemblance de leur principe, qu'autant qu'ils se rendraient par leurs œuvres, et par leur sacrifice, l'image et la ressemblance de cet amour.




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