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Le Nouvel Homme

Louis-Claude Saint-Martin
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Colombe


67.

      Nouvel homme, applique promptement sur toi tous ces types que tu viens de parcourir. La mort corporelle du Réparateur devait être volontaire pour rendre à ton esprit la force de mourir volontairement à son tour ; et elle t'offre une œuvre plus grande que celle de ta mort corporelle même ; aussi avait-il dit : Vous ferez de plus grandes œuvres que les miennes.

      Les premiers prévaricateurs firent mourir de mort le premier homme envoyé pour les régénérer ; ils le firent mourir de mort, parce que n'étant pas matière, il ne pouvait pas mourir autrement. Les Juifs ont fait mourir le Réparateur qui venait les sauver ; mais ils ne l'ont pas fait mourir de mort, parce qu'il était au-dessus du péché. Mais toi nouvel homme, toi à qui le Réparateur vient de rendre la puissance sacerdotale pour immoler la victime, ne perds pas un instant pour exercer ton ministère. Tu. vois que les premiers prévaricateurs ont fait mourir de mort le premier homme envoyé pour les régénérer. Il faut donc que tu meures de mort une seconde fois, si tu veux payer le tribut à la justice, et si tu veux rentrer dans la vie de ton esprit, et cela sans attendre même la mort de ton corps laquelle doit, à la vérité, être toujours prête et résignée de ta part, mais qui ne doit point être volontaire, puisque celle du corps du Réparateur l'a été, et puisque ce n'est pas ton corps qui a péché.

      C'est donc à l'holocauste et à la mort de ton esprit que doivent être consacrés tous tes efforts, et c'est à l'accomplissement de ce grand œuvre que doivent s'employer sans cesse toutes tes intelligences et toutes tes puissances ; car si tu meures de mort dans ton esprit avant la mort de ton corps, tu dois craindre qu'après la mort de ton corps, ton esprit ne puisse plus vivre que de mort au lieu de vivre de la vie. Il faut donc qu'après avoir été le jouet du peuple ignorant qui est en toi, après avoir été conduit au supplice au milieu des voleurs et de l'iniquité dont tu t'es rapproché autrefois, enfin après avoir été appliqué sur la croix, et après avoir pris le vinaigre qui t'es présenté, tu dises comme le Réparateur : tout est accompli, et qu'ayant baissé la tête, tu rendes l'esprit comme lui.

      Tes bourreaux ne rompront point tes os, comme ils n'ont point rompu ceux du Réparateur, ils ne diviseront point non plus ta robe, parce que tu es toi-même le sens et l'esprit dont toutes ces choses étaient le type et la lettre ; mais ils perceront ton côté, comme ils ont percé celui de son corps, afin que ton sang spirituel soit répandu, et que tu rendes à Dieu ce que tu avais pris à Dieu, comme le Réparateur rendit à la terre le sang matériel qu'il avait reçu de la terre. Mais de même que le sang matériel du Réparateur, vu sa pureté, a rectifié toutes les puissances des éléments universels, de même ton sang spirituel en se répandant doit couler sur toute ta personne et sur toutes tes puissances, pour leur rendre leur première vertu et leur premier caractère.

      Voilà cet agneau sans tache qui est immolé en toi dès le commencement de ton monde particulier, comme l'agneau divin a été immolé depuis le commencement du monde général pour la rédemption de l'universalité des humains ; voilà cet agneau qui est engendré en toi par l'esprit, comme le Réparateur était engendré par Dieu ; enfin voilà cet agneau dont la crucifixion t'est aussi nécessaire et aussi indispensable pour opérer ta reconnaissance particulière, que la crucifixion corporelle du Réparateur pouvait l'être pour opérer la renaissance de toute la famille humaine.

      Car sans cette crucifixion du Réparateur, la famille humaine n'eut jamais pu entrer dans les sentiers qui devaient la conduire à la vie, et sans ta crucifixion particulière, celle du Réparateur même devient inutile à ta guérison spirituelle, comme le serait à la guérison de tes plaies corporelles un baume qui te serait offert, mais dont tu ne voudrais pas faire usage.

      Dans l'ancienne loi il était permis de se retirer du combat pour vaquer à ses occupations, parce que ce n'était encore que le temps des dons partiels ; aussi les officiers devaient-ils crier à la tête de l'armée (Deut. 20:5) : "Y a-t-il quelqu'un qui ait bâti une maison neuve, et qui n'y ait pas encore logé ? Qu'il s'en aille et s'en retourne en sa maison, de peur qu'il ne meure dans le combat, et qu'un autre ne loge le premier dans sa maison. Y a-t-il quelqu'un qui ait planté une vigne, laquelle ne soit pas encore en état que tout le monde ait la liberté d'en manger ? Qu'il s'en aille, et qu'il retourne en sa maison, de peur qu'il ne meure dans le combat, et qu'un autre ne fasse ce qu'il devait faire. Y a-t-il quelqu'un qui ait été fiancé à une fille, et qui ne l'ait pas encore épousée ? Qu'il s'en aille et qu'il s'en retourne en sa maison, de peur qu'il ne meure dans le combat, et qu'un autre ne l'épouse. Y a-t-il quelqu'un qui soit timide et dont le cœur soit frappé de frayeur ? Qu'il s'en aille et qu'il retourne en sa maison, de peur qu'il ne jette l'épouvante dans le cœur de ses frères, comme il est déjà lui-même tout effrayé et saisi de crainte."

      Dans la loi nouvelle, nul homme n'est dispensé de se trouver à l'armée, parce que chacun y doit combattre pour son propre compte. Les victoires de l'un sont à part des victoires de l'autre, et si quelqu'un se retire du combat, soit par faiblesse, soit par un intérêt quelconque qui l'attire ailleurs, comme il n'aura point participé aux dangers ni aux fatigues, il ne participera point non plus aux récompenses ; car le don général que le Réparateur est venu apporter sur la terre, devant appartenir à tous, nous sommes tous obligés à la même œuvre, puisque le temps des subdivisions est écoulé et que nous pouvons renaître, vivre et agir dans l'unité.

      Aussi ceux qui n'auront pas consommé l'œuvre de leur crucifixion ne seront point admis au festin de l'agneau, et ne goûteront point de ce nouveau jus de la vigne qui est préparé pour le Réparateur, et pour tous ceux qui auront fait mourir leur esprit en son nom, et qui l'auront fait ensevelir dans ce sépulcre nouveau où personne avant lui n'avait encore été mis, parce qu'il n'y avait que lui qui pût pénétrer ainsi le premier jusque dans les sombres demeures de la mort, afin qu'après en avoir dissipé les ténèbres et la corruption, ceux qui voudraient ensuite mourir en lui, et s'ensevelir en lui n'y rencontrassent plus que la lumière, la pureté, et la vie.

      Nouvel homme, si à l'exemple de ce Réparateur tu marches ainsi à ton sacrifice, et que tu aies le bonheur de l'accomplir, tu verras en toi s'opérer les mêmes prodiges qui parurent au moment où il subit la mort corporelle. Le soleil de la matière s'obscurcira, parce que ce soleil n'opère en toi que la mort de la vie, et que cet esprit qui naît en toi doit opérer la mort de la mort.

      Le voile de ton temple se déchirera en deux depuis le haut jusqu'en bas, parce que ce voile est l'image de l'iniquité qui sépare ton âme de la lumière où tu as pris ton origine ; et comme en se divisant en deux parts il laisse à tes yeux un accès libre à cette lumière qui t'était inaccessible auparavant, c'est assez clairement t'indiquer que c'était la réunion de ces deux parts qui avait formé ta prison, et qui te retenait dans les ténèbres ; nouvelle image de cette iniquité que le Réparateur n'a pas craint de traverser en paraissant sur le Calvaire au milieu de deux voleurs, afin de te donner la force et les moyens de briser en toi à ton tour cette iniquité.

      Ta terre tremblera, parce que le sang de l'agneau particulier qui est égorgé en toi depuis le commencement de ton monde individuel va pénétrer jusqu'aux racines et aux fondements de tout ton édifice spirituel ; et comme ce sang est pur, en tant qu'il est engendré de l'esprit, il ne pourra tomber sur ces fondements, et sur ces racines qui sont impures, sans leur occasionner une violente fermentation, et un choc dont l'ébranlement se communiquera à tout ton être.

      Les pierres se fendront, parce que le crime ayant tout épaissi, et comme coagulé en toi, le sang de l'esprit qui est beaucoup plus puissant que le crime, dissoudra par son approche toutes ces substances pétrifiées et les rompra, afin qu'après avoir renversé en toi le temple de Baal, il puisse se procurer par tout ton être un libre cours.

      Les sépulcres s'ouvriront, et plusieurs corps des saints qui sont dans le sommeil ressusciteront, et sortant de leurs tombeaux après leur résurrection, ils viendront dans la ville sainte, et seront vus de plusieurs personnes. Tu sentiras tes substances spirituelles renaître en toi, et sortir de leurs tombeaux où elles te paraissaient ensevelies dans le sommeil de la mort ; elles reprendront leur activité, et viendront se réunir à l'action de ton esprit pour y puiser continuellement de nouvelles forces et une nouvelle vie. Elles viendront se promener dans les rues de cette Jérusalem sainte, qui a été construite en toi dès l'origine, mais dont toutes les avenues avaient été fermées par l'iniquité, et qui ne pouvaient être rendues libres que par la puissance de celui qui vient d'expirer en toi, et qui n'a pu y expirer, sans y opérer une explosion universelle.

      Toutes tes autres substances qui auront été témoins de ton sacrifice seront dans l'étonnement ; et à l'image de ce centenier, et de ceux qui étaient avec lui pour garder le corps du Réparateur, elles diront : Cet homme était vraiment le fils de Dieu. Car ayant vu le tremblement de terre, et tout ce qui se passera en toi, elles seront saisies d'une extrême crainte. Il n'y a pas une portion de toi-même qui ne doive éprouver cette extrême crainte à la vue des prodiges qui s'opéreront à ton supplice, et qui ne doive dire : Cet homme était vraiment le fils de Dieu, puisque lors de la prévarication, il n'y a pas eu une portion de toi-même qui n'ait été dans une orgueilleuse sécurité, et qui n'ait refusé alors de reconnaître Dieu pour ton père.


68.

      Pierre nous apprend (Epître 1ère ch. 3:19) : "que le Réparateur étant ressuscité par l'esprit, alla prêcher aux esprits qui étaient retenus en prison, qui autrefois avaient été incrédules, lorsqu'au temps de Noé ils s'attendaient à la patience et à la bonté de Dieu..." Puisque le nouvel homme doit être pour lui-même un réparateur particulier à l'imitation de celui qui est venu lui tracer la voie et qui a opéré pour l'universalité, il faut donc que ce nouvel homme après avoir consommé son sacrifice, descende dans ses propres abîmes pour y opérer un jugement terrible sur tous les prévaricateurs qui en lui ont été incrédules, et ne se sont pas maintenus fidèles à la vérité ; et ce jugement ne sera pas le moment le moins pénible de son œuvre. Car, quelle est l'éponge qu'il ne faille pas presser après qu'elle a été imbibée des eaux corrompues ? Et sans cela la nature serait-elle l'éponge du péché ? L'homme serait-il l'éponge de la nature ? Le Réparateur serait-il l'éponge de l'homme ?

      Aussi ce nouvel homme qui, par les pouvoirs de la réparation universelle, est devenu son propre réparateur est censé avoir pris en lui, et sur lui les iniquités de tout son être, et s'il descend au fond de lui-même, ce sera pour faire une entière séparation entre lui, et celle de ses substances qui ne se seront pas purifiées de leurs iniquités.

      Voyons-le donc ce juge terrible descendre dans ses propres abîmes, voyons-le interroger successivement toutes les facultés qui le constituent, condamner à une exclusion absolue celles qui seront réfractaires à sa parole, et qui ne voudront pas profiter des grâces qu'il leur apporte ; voyons-le imprimer sur ces facultés réfractaires, l'impression de l'effroi, et de la terreur, comme étant armé de tous les pouvoirs de la vengeance ; voyons-le condamner à des suspensions, et à de nouvelles épreuves celles qui, sans être incrédules, auront été chancelantes, et auront différé de se renouveler dans l'esprit ; voyons-le exécuter lui-même tous ses jugements, rassembler autour de lui toutes les iniquités, et toutes les prévarications que le vieil homme a commises, et prononcer sur chacune d'elles, un arrêt sévère, et rigoureux, sans pouvoir se permettre d'user envers elles de la plus légère indulgence, sans quoi il ne remplirait pas sa mission, et mériterait d'être traité lui-même comme un serviteur infidèle.

      Car c'est là le moment d'opérer dans toutes les régions de son essence le renouvellement qui s'est déjà opéré en lui-même, et qui devait commencer à partir de son cœur, ou de son propre centre, pour s'étendre ensuite aux extrémités les plus éloignées, comme la réparation universelle est partie du cœur de Dieu pour se répandre ensuite sur toutes les nations. Aussi pourquoi le Réparateur universel fût-il resté trois jours dans le tombeau, si ce n'était pour purifier, et scruter rigoureusement les trois régions qui composent tout l'univers visible et invisible ?

      Le nouvel homme restera donc également ignoré des siens pendant un temps, et tandis qu'ils le croiront séparé d'eux pour jamais, il sera occupé à revivifier, et scruter tout ce qu'il y aura encore d'impur et d'irrégulier dans les substances de son propre ternaire, et il ne cessera point de siéger parmi elles, qu'il ne les ait fait passer tout entières par la corruption du tombeau. Si lui-même a subi la mort pour opérer sa propre régénération, comment tout ce qui est en lui pourrait-il recouvrer la vie sans subir la même loi, et sans passer par l'horreur de la mort, et de la putréfaction qui en est la suite ? Si tout a été coupable en lui, comment tout n'y serait-il pas soumis au jugement, et à la condamnation ?

      Mais il se conduira à leur égard, comme l'esprit s'est conduit au sien, et comme le Réparateur s'est conduit à l'égard de ces esprits retenus en prison auxquels il est allé prêcher (1ère Saint-Pierre, 3:19). Il les engagera, comme on l'a engagé lui-même à s'immoler volontairement, et à reconnaître à la fois, et la justice, et la nécessité de leur sacrifice, de façon que tout son être entre librement dans la voie de son jugement et de sa régénération, puisque tout son être est entré librement autrefois dans la voie de l'injustice, de l'iniquité, et des ténèbres.

      En les ranimant ainsi par la chaleur de son propre feu, il ne fera que répéter ce que le Réparateur universel a fait envers lui, et ce qu'il fait continuellement envers toute l'espèce humaine, à qui il ne cesse d'envoyer des rayons de son feu Divin pour les déterminer à leur sacrifice. Car non seulement ce Réparateur est resté trois jours dans le tombeau, non seulement il est resté quarante jours sur la terre après sa résurrection, mais il doit encore rester dans le monde jusqu'à la consommation des siècles.

      Or, quel autre objet peuvent avoir ces différentes stations, si ce n'est de ramener, s'il est possible, jusqu'aux derniers restes des tribus éparses d'Israël, en leur faisant naître le désir d'entrer librement dans la voie de leur délivrance, de se précipiter avec courage dans la Mer Rouge, et de traverser douloureusement tous les déserts qui leur restent à parcourir, pour rentrer du lieu de leur esclavage, et de leur servitude dans la terre promise, et dans la Jérusalem sainte qu'ils ne pourront jamais occuper tant qu'ils ne se seront pas livrés avec ardeur, et résignation à ces pénibles voyages, et à ces périlleuses entreprises. Car si la nature est l'éponge du péché, si l'homme est l'éponge de la nature, si le Réparateur est l'éponge de l'homme, Dieu seul est le lieu de repos de tous les êtres, et c'est là cette Jérusalem à laquelle sont convoquées toutes les tribus d'Israël, tant dans l'ordre universel de l'espèce humaine, que dans l'ordre particulier des individus.

      Dans toutes les stations, et dans tous les repos du Réparateur universel, soit pendant les trois jours qu'il est resté dans le tombeau, soit pendant les quarante jours qu'il est resté ensuite sur la terre, soit pendant le temps qui s'écoulera jusqu'à la consommation des siècles, et qu'il a promis de passer dans le monde, il a marché par des mesures fixes, et des nombres exacts, parce qu'il était lui-même l'archétype de toutes les régularités, qu'il n'a eu d'autre but, que de rapporter le poids, le nombre, et la mesure dans toutes les classes où nous les avions altérés, et comme brisés.

      Le nouvel homme, à son image, va chercher à rapporter aussi la justesse, et les proportions dans toutes les régions de son être ; mais comme il n'est que l'image du Réparateur, comme d'ailleurs les mélanges si divers dont il était composé avant sa régénération doivent introduire mille variétés dans son œuvre, dans les fruits de son œuvre, et dans les temps de son œuvre, personne ne peut indiquer le nombre, le poids, et la mesure qui lui seront prescrits, soit pendant le séjour qu'il fera dans le tombeau, soit pendant celui qu'il fera sur la terre après sa résurrection ; soit pendant celui qu'il fera jusqu'à la consommation des siècles, chaque individu qui se régénère ayant à remplir des proportions particulières.

      Pour toi, homme vulgaire, toutes tes mesures sont encore plus incertaines, puisqu'elles sont toutes brisées, et que tu les brises encore plus tous les jours.

      Tu n'es occupé qu'à repousser sans cesse ce poids, ce nombre, et cette mesure qui te cherchent, et à devenir le jouet journalier des puissances irrégulières qui fuient comme toi la régularité, et la voie du retour, et qui impriment continuellement sur toi le poids injuste, le nombre faux, et la mesure inexacte qui sont devenus leur seul élément. Aussi qui pourra jamais calculer ton retour vers la lumière, et la durée des épreuves qu'il te faudrait subir si tu formais le désir de rentrer dans la régularité !

      Et toi, nature, tu es encore moins à notre portée, tu as aujourd'hui plus que ton poids, puisque tu es l'éponge du péché, tu as moins que ta mesure puisque tes puissances ont été altérées par le crime, et que ta durée a été abrégée par la miséricorde ; comment pourrions-nous donc trouver ton nombre juste relativement à tes purifications futures, puisque ce nombre ne peut se découvrir qu'en passant par ta mesure et par ton poids ?

      Nouvel homme, nouvel homme, voilà les douleurs que tu éprouveras dans le tombeau pendant le séjour plus ou moins long que tu y feras. Mais comme tu as mis le pied dans la voie, tu sauras à qui tu dois demander des secours pour t'y maintenir ; et celui qui t'a donné lui-même l'exemple, et le moyen d'entrer dans le tombeau de l'esprit sera aussi celui dont tu attendras toutes tes consolations, et tous tes développements. Oui, divin Réparateur, tu es le seul qui aies conservé dans sa justesse tous ces éléments de la régularité, et de la perfection, aussi ce n'est que dans toi seul, et par toi seul que nous pouvons être instruits de la marche des êtres, et de leurs différentes lois progressives pour retourner vers la lumière.


69.

      Quand le nouvel homme aura ainsi prononcé le jugement au fond de ses propres abîmes, qu'il aura condamné à être exterminés devant lui tous ceux qui se seront rendus les ennemis de sa parole, et de son nom, et qu'il aura rendu la liberté à ceux qui l'auront désirée, il rentrera dans la région de son être apparent, et là il se montrera à ceux des siens qui sont encore dans cette région, afin de les convaincre qu'il est vivant, et qu'il est ressuscité puisqu'il a été mort ; il les convaincra en même temps des avantages qu'il a acquis par cette mort, et par cette résurrection.

      Ô combien l'homme régénéré, ou le nouvel homme est au-dessus de l'homme encore enseveli dans les illusions des éléments, puisque son corps aura acquis une agilité extraordinaire, et supérieure à tout ce que la loi de ces éléments peut manifester ! Et en effet, il est animé de la vie de l'esprit, et cette vie de l'esprit ne peut l'animer sans prolonger ses reflets, et ses rayons jusque dans son être apparent, pour lui offrir au moins quelques indices de cette primitive activité dont nous aurions joui si le crime ne nous avait pas appesantis.

      En même temps l'intelligence ne doit point être étonnée de voir le nouvel homme rentrer dans tous les droits de cet être apparent qui avaient semblé comme suspendus pendant le supplice, les épreuves et la mort de ce nouvel homme ; l'intelligence, dis-je, ne doit point être étonnée de voir le nouvel homme passer de nouveau dans son être apparent, après en avoir comme disparu, parce que lorsqu'il a semblé comme séparé de cet être apparent, ça n'a été que pour descendre encore au-dessous de cette apparence, afin d'aller exercer le jugement dans les abîmes ; mais comme son séjour, et sa demeure ne sont point dans ces abîmes, comme il est né d'en haut, et qu'il lui faut retourner vers le royaume de son père, il ne peut se rendre à ce royaume de son père, sans passer de nouveau par cet être apparent au-dessous duquel il était descendu pour un temps.

      Mais en passant de nouveau par cet être apparent, il fera comme le Réparateur que Dieu avait ressuscité le troisième jour ; il se montrera vivant, non à tout le peuple (actes 10:41), mais aux témoins choisis avant le temps de sa mission particulière ; afin que les témoins puissent prêcher, et attester ensuite devant tout le peuple, que c'est ce nouvel homme qui a été établi de l'esprit pour être dans son royaume individuel le juge des vivants et des morts. Il ne se montrera point à tout le peuple, qui est en lui, car tout le peuple qui est en lui n'est pas en état de contempler sa gloire, et de mettre à profit ses trésors.

      C'était là un des principaux sens de cette loi lévitique par laquelle les Juifs vivaient séparés des nations, et par laquelle il leur était défendu d'admettre les nations parmi eux, à moins qu'elles ne se soumissent à toutes les ordonnances cérémonielles de leur alliance. Mais comme ils ont violé eux-mêmes les lois, et les ordonnances qui les avaient rendus la lumière des nations, comme ils se sont montrés imprudemment aux nations étrangères, et qu'ils les ont admises à leur culte, au mépris de leur loi qui s'y opposait, ils ont été chassés de leur héritage, ils ont été réduits à solliciter à leur tour l'alliance des nations étrangères, ils ont été réduits à abjurer leur propre loi pour être supportés parmi les nations.

      Or, si les Juifs, si ce peuple de l'Ancienne Alliance, et de la loi matériellement figurative, devait vivre séparé des nations, combien l'homme de la nouvelle loi doit-il encore plus en vivre éloigné ? Est-ce que les nations peuvent le saisir, et le comprendre ? Est-ce que les nations peuvent être admises à sa sublime alliance, avant d'en avoir conçu les lois et les ordonnances, et avant de les avoir accomplies ? Oh monde, oh monde! Oui, il existe des vérités superbes, douces, consolantes, et capables de dissiper toutes les ténèbres et tous tes ennuis, mais il n'est pas encore temps qu'elles soient vraies pour toi, et si un homme de la nouvelle loi se pressait de t'ouvrir les trésors de ton alliance, il tomberait bientôt dans la disette comme les Juifs, et serait condamné comme eux à recourir à l'assistance, et à la charité des nations.

      Tu les sens cependant, ces vérités, quand elles s'approchent de toi, et si tu n'es pas coupable, et qu'elles n'opèrent pas ta réprobation à cause de tes crimes, elles te réchauffent, mais à ton insu, à cause de ton ignorance, et de tes ténèbres ; tu marches auprès d'elles, et avec elles, comme les disciples d'Emmaüs marchaient, et s'entretenaient avec le Réparateur sans le connaître, et sans savoir que c'était lui-même qu'ils cherchaient ; et ce n'est que quand ton heure est arrivée, et que tes facultés ont été ouvertes par le pouvoir de l'esprit que tu t'aperçois de ton illusion, et que tu te dis comme ces disciples d'Emmaüs : Notre cœur n'était-il pas tout brûlant en nous lorsqu'il nous parlait durant le chemin, et qu'il nous expliquait les Ecritures ? Or, cette heure n'arrive jamais pour toi tant que tu t'établis à demeure dans tes ténèbres, puisqu'il faut que tu sortes de ta propre illusion pour que cette lumière, elle-même, ne te paraisse pas une illusion.

      Ce n'est qu'à mesure que les âmes se séparent de leur propre région apparente qu'elles conçoivent complètement le règne du Seigneur, et qu'elles entendent sa parole ; ce n'est qu'à chacune des brisures de notre être, que nous atteignons quelques rayons du nom vivificateur, et que nous pouvons acquérir des témoignages de sa gloire, et de sa puissance, comme ce n'est qu'à la rupture du pain que le Réparateur fut reconnu de ces mêmes disciples avec qui il s'était entretenu dans le chemin.

      Le nouvel homme sachant donc que le monde ne le peut connaître, loin de se montrer au monde après sa résurrection, ne se montrera même d'abord que par les deux précurseurs qui l'ont assisté lors de sa glorification ; ils ne cesseront point de se joindre à son œuvre, pendant et après sa résurrection, pour instruire l'âme simple et aimante qui sera dans la consternation, dans l'attente de sa venue, et qui, saisie de frayeur, tiendra les yeux baissés contre terre, "parce que ces deux précurseurs lui seront apparus tout d'un coup, avec des robes brillantes." Ces précurseurs diront donc à cet ami : "Pourquoi cherchez-vous parmi les morts celui qui est vivant ? Il n'est point ici, mais il est ressuscité ; souvenez-vous de quelle manière il vous a parlé, lorsqu'il était encore en Galilée, et qu'il disait : Il faut que le fils de l'homme soit livré entre les mains des pécheurs, qu'il soit crucifié, et qu'il ressuscite le troisième jour."

      Quand cette âme simple et aimante aura été ainsi préparée par l'influence et les discours des précurseurs, le nouvel homme se montrera lui-même à elle, et en l'appelant par son nom, il lui communiquera assez de sa propre lumière, pour qu'elle le reconnaisse, et lui dise : Rabboni, mon maître. C'est cette âme simple qui, avec ses compagnes, ira annoncer aux disciples, la résurrection de ce nouvel homme, et les préparera, à leur tour, à soutenir l'aspect de sa gloire, et les merveilles de sa puissance ; car depuis qu'il est ressuscité de l'esprit, son action s'est étendue et a acquis le pouvoir de ne se manifester que par des prodiges.

      Mais ce nouvel homme, ce fils de l'esprit, et de la sagesse éternelle, ce fils divin que l'âme humaine a le pouvoir d'engendrer, et par la naissance duquel elle doit se sauver, comme ses femmes qui, selon Paul à Timothée, se sauveront par les enfants qu'elles mettront au monde, ce nouvel homme, dis-je, sera bien plus empressé de régner sur l'âme humaine par son amour, que par des prodiges.

      Aussi il lui dira avec attendrissement : M'aimez-vous ? Elle lui répondra : Oui, Seigneur, vous savez que je vous aime. Le nouvel homme lui dira : Paissez mes brebis. Il lui demandera de nouveau : M'aimez-vous ? Elle lui répondra : Oui, Seigneur, vous savez que je vous aime. Il lui dira : Paissez mes brebis. Il lui demandera pour la troisième fois : M'aimez-vous ? Elle sera touchée de ce qu'il lui demande pour la troisième fois m'aimez-vous, et lui dira : Seigneur, vous savez toutes choses, vous connaissez que je vous aime. Il lui dira : Paissez mes brebis.

      Ame humaine, ne t'afflige point si le nouvel homme te presse ainsi de lui déclarer ton amour, il n'a d'autre but que de t'unir à lui par cet amour, comme il est uni par ce même amour, à l'esprit dont il est le fils ; il ne répète cette tendre, et touchante question, que parce que tu lui as donné lieu avant son sacrifice, de suspecter ton amour pour lui ; et il la répète trois fois, parce que trois fois tu l'as renié lorsque tu l'as vu livré aux mains de ses adversaires, et que tu as craint de partager avec lui les épreuves et les dangers.

      Si donc tu as fait comme le premier homme qui, au lieu de s'unir invariablement à son chef suprême, s'est soumis au joug des trois actions élémentaires, si le pouvoir de ces trois actions inférieures s'est fait sentir sur toi dans les trois attaques qui t'ont été portées, n'est-il pas juste que tu manifestes trois fois ta fidélité à celui qui t'a toujours aimé, et qui ne s'est immolé que pour te rendre la vie ?

      N'oublie pas ensuite de remarquer quelle est la preuve qu'il te demande de ton amour pour lui, c'est de paître ses brebis, c'est de maintenir dans toutes les facultés, et les régions qui sont dans ta dépendance particulière, l'ordre, la mesure, et l'harmonie qu'il va désormais puiser à la source vive, pour les transmettre à toi, et à tous les tiens ; c'est de les engager à suivre son exemple et à s'immoler à leur tour, comme il s'est immolé à l'exemple du Réparateur, s'ils veulent recouvrer la vie, et voir renaître parmi eux l'universelle unité.




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