
13.
Lorsque le Réparateur alla à
Béthanie pour y ressusciter le
frère de Marthe et
Marie qui était
mort depuis quatre
jours, et qui sentait mauvais ; lorsqu'étant près
du tombeau, il dit d'une voix haute :
Lazare, levez-vous ; c'est à
toi,
âme humaine, qu'il adressait la parole encore plus qu'à ce cadavre
qui n'était que le
symbole de la véritable renaissance ; et c'est
encore là où tu trouves un nouveau trait de ce tableau général
dont tu es l'objet, et qui embrasse l'ensemble des choses.
Si tu as aperçu précédemment que l'annonciation de l'
ange
peut se répéter pour toi, ainsi que la
conception et la naissance
du fils de la promesse, tu ne seras pas surprise que la
résurrection de
Lazare puisse se répéter pour toi également ; mais aussi
par la même raison, tu sens que cette opération préliminaire
te devient indispensable, puisque tu es morte depuis quatre
jours ; c'est-à-dire,
dans tes quatre grandes institutions primitives que tu ne saurais plus remplir,
et puisque tu répands partout l'infection. La voix du Réparateur
s'approche de ta tombe et te crie :
Lazare, levez-vous ; ne fais pas comme
les Juifs dans le désert ; n'endurcis pas ton
coeur à cette voix,
et jette-toi promptement hors de ton cercueil ; il ne manquera pas de gens serviables
pour délier tes bandelettes. Souviens-toi ensuite qu'il ne t'a été
dit :
Lazare, levez-vous ; qu'afin que tu répètes à
ton tour librement à toutes tes facultés endormies :
Lazare,
levez-vous ; et qu'afin que cette parole circule continuellement dans toutes
les parties de ton être. C'est alors que tu pourras espérer être
à table avec le Seigneur.
Ame humaine,
souviens-toi qu'une terre s'engraisse par les
fruits qu'elle porte ; parce que
les semences qu'elle reçoit dans son sein lui rendent de nombreux débris
pour les sucs qu'elles en retirent, et elles font descendre sur elles les rosées
du
ciel. Âme humaine, plus féconde que la terre corruptible où tu
es emprisonnée pour un temps, tu peux, plus qu'elle, recevoir de vives
semences, tu peux, plus qu'elle, produire de nombreuses récoltes, tu peux,
plus qu'elle,
fixer et faire couler sur toi les riches et fécondes rosées
; et ce sont tous ces trésors qui doivent t'engraisser à jamais
; car, si tu te dis bien sincèrement :
Lazare, levez-vous, tu peux
alors espérer que le conseil céleste vienne délibérer
jusque dans ton propre sein, et envoie ensuite sa parole sacrée dans tout
ton être, pour y faire exécuter ses décrets, et faire couler
abondamment dans toutes ses substances élémentaires, spirituelles
et Divines les sanctifications éternelles qui ne tendent qu'à effacer
le temps, ou cette tache, jetée sur le tableau la vie, et qui voudraient
que cette image qu'on appelle
aujourd'hui, étant disparue,
tout
ce qui existe reprît le nom universel de l'ancien des jours.
Car c'est ce nom que toutes choses ont porté avant
la corporisation matérielle ; et c'est ce même nom qu'elles tendent
à porter de nouveau lorsque l'oeuvre sera accomplie, afin que l'unité
soit toute en tous, non plus par des lois subdivises, comme celles qui constituent,
gouvernent, engendrent, et détruisent la nature ; mais par une plénitude
d'action qui se développe sans cesse, et sans l'affligeant accident des
contractions, et des résistances.
Si le conseil
céleste doit délibérer jusque dans notre propre sein, il
en résulte pour nous une loi puissante, et qui porte avec elle l'empreinte
d'une terreur salutaire ; c'est que nous ne devrions pas nous permettre un acte,
ni un mouvement qui ne fût la suite d'une délibération de ce conseil
céleste que
Dieu même ne craint point de tenir dans notre
âme ; ainsi
toutes nos oeuvres ne devraient être que l'accomplissement vif et effectif
d'un décret Divin prononcé en nous, comme notre existence spirituelle
est l'accomplissement continu du nom sacré qui nous a produits, et qui
nous produit continuellement.
Homme, si cette perspective
te paraît intéressante, s'il te paraît doux d'entrevoir l'homme sous un
pareil
jour, mets-toi à l'oeuvre, et que cette attente consolante
anime
tes efforts pour faire naître en toi une si belle aurore ; elle est d'une telle
magnificence que nul tableau ne pourrait t'en offrir l'idée, et en même
temps elle est si riche, que tu auras beau te
dépouiller constamment de
tout, pour lui offrir ton être dans toute sa soumission, et dans toute sa
plénitude originelle, tu ne croiras encore lui avoir rien offert en raison
de ce qu'elle te peut donner.
Ressouviens-toi aussi
que tous les décrets de ce conseil céleste ne peuvent avoir pour
but que la paix, la gloire, le bonheur, et l'extension du règne de la vie
; ainsi, dès que dans toi le conseil céleste veut bien prononcer
de pareils décrets, chacun de tes pas et de tes mouvements doit être
une victoire, une exécution de quelque
jugement Divin, une délivrance
de quelque esclave, et un accroissement du règne de la lumière ;
et toutes ces oeuvres sont autant d'hymnes à la gloire de celui qui est
venu en délibérer en toi, et les décréter, et qui
veut bien t'en confier l'opération pour te transmettre, par ce moyen, des
étincelles de cette joie Divine, et immortelle qui est l'élément
primitif de ton existence. Prends courage, l'entreprise demande des soins et de
l'attention, mais en peu de temps, tu te sentiras dédommagé de tes
peines, et tu te diras : comment
Dieu ne serait-il pas un être incompréhensible,
puisque je sens que l'homme a aussi ce privilège, et que pour qu'il pût
être connu de ses semblables, quand il est rentré dans sa loi, il
faudrait que les cieux et la terre fussent renouvelés pour eux, sans quoi
il n'est à leurs yeux qu'une masse muette et sans valeur ?
Mais si tu veux te mieux instruire encore de ta loi, réfléchis
quelle est la première délibération de ce grand conseil céleste
qui se passe en toi. La première, et pourra ainsi dire, la continuelle
délibération qui s'y passe, est que le
Dieu qui t'a formé,
se rende pour toi le
Dieu souffrant ; oui, perpétuellement
Dieu y dit :
Oublions ma gloire pour sauver l'homme, humilions-nous pour le relever, et
portons les fardeaux qu'il ne peut plus porter lui-même.
Cette idée t'apprendra que ce décret doit te regarder
d'une manière encore plus directe ; ainsi tu dois sentir que la délibération
de ce grand conseil est que tu sois également dans la souffrance et dans
le combat, si tu veux remporter la victoire. Or, ce décret, pris en grand,
se subdivise ensuite, et s'étend à tous les détails de ta
vie, et de ton existence. Ainsi, songes-y, il n'y a pas un instant où dans
ce grand conseil Divin, il ne soit délibéré que tu dois être
entièrement dévoué à la loi suprême dont tu
dépends, que tu dois être pur, que tu dois être humble, que
tu dois être
aimant ton
frère, que tu dois être ambitieux de
te remplir de toutes les vertus de l'
esprit et de la vérité, et
d'en semer au moins les désirs dans les
âmes de ceux qui sont dans l'indigence.
Ainsi, pour peu que tu te négliges un instant sur la pratique de ces obligations,
tu es réfractaire à la loi, tu es un
prévaricateur.
Songe,
âme de l'homme, que c'est le
Dieu même qui pleure
en toi, pour que tu puisses, par ses propres douleurs, parvenir aux consolations.
Songe qu'il pleura avant de dire à Lazare :
Levez-vous. Songe qu'il
pleure à tout instant dans tout ton être, et qu'il ne cherche qu'à
établir son propre jeûne ou sa propre pénitence dans ton centre
élémentaire, dans ton centre spirituel, et dans ton centre Divin.
Si
Dieu pleure en toi, comment te refuserais-tu à pleurer avec lui, comment
t'opposerais-tu à laisser librement circuler en toi, ces torrents enflammés
de la pénitence sacrée, dans lesquels l'éternel
amour t'engage
à faire ta demeure avec lui-même, pour qu'ensuite tu fasses aussi
ta demeure avec lui dans l'allégresse et dans la vie. Fais donc en sorte
de n'être plus que douleur, que soupirs, que lamentations car ce n'est plus
que de cette manière-là que tu peux aujourd'hui être l'image
et la ressemblance de ton
Dieu.
Iras-tu, comme ces
habitants de Babylone qui, irrités par les
prédications des deux
témoins du Seigneur, les tueront, et se feront ensuite des présents
pour se féliciter de s'être délivrés de ces hommes
importuns ? Ne sais-tu pas que ces deux témoins ressusciteront après
trois
jours et demi, et qu'ils exerceront les plus effroyables vengeances contre
ceux qui les auront dédaignés, et si maltraités ? Ne traite
pas ainsi les témoins qui te prophétisent tout le
jour ; car, tu
aurais beau les éloigner de toi par tes dédains, ce ne serait que
pour un moment, et ils ne tarderaient pas de revenir avec toute leur puissance,
et de te punir avec toute la rigueur de la justice, dont leur maître et le tien
leur a confié l'administration. Écoute attentivement ces témoins
sacrés, fais en sorte de n'entendre jamais d'autre voix que la leur ; car
leur voix est celle de ce conseil céleste et Divin même, qui veut
bien descendre du séjour de sa gloire pour venir délibérer
en toi, et te rendre, si tu le voulais, une opération vive et continuelle
de ses
ineffables délibérations.
14.
Quelle est cette
âme qui paraît si joyeuse et si remplie d'allégresse ?
C'est une
âme que
Dieu vient de visiter, et à qui il a laissé en
présent, des gages précieux de son
amour et de sa richesse. Vois-tu
comme elle regorge de délices et d'abondance ? C'est qu'il a été
envers elle exact et fidèle à la promesse qu'il a faite de se rendre
auprès de ceux qui l'invoqueraient. Aussi, depuis qu'elle a reçu ces riches
présents, elle va opérer la justice sur les
prévaricateurs
; elle va rétablir l'ordre et la mesure sur
la terre ; elle va s'affilier
à toutes les
sociétés spirituelles qui la reconnaîtront
pour un de leurs membres ; elle va habiter à demeure dans l'
Est Divin,
sa première patrie, parce que le Seigneur a prononcé sur elle, le
mot créateur qui a développé à la fois toutes les
propriétés, tous les dons, tous les attributs dont elle est l'assemblage
et l'
agent. Il a promené sur elle son oeil vivificateur, et elle s'est
trouvée régénérée dans tout son être,
comme toute la nature se régénère aux regards vivifiants
du
soleil.
Voilà ce que l'homme peut espérer
quand il persévère avec constance dans sa prière, et qu'il
ne s'arrête pas aux
illusoires obstacles que l'
ennemi lui présente
sans cesse comme étant des obstacles insurmontables. Une ferme confiance
dans le
feu sacré qui nous
anime; une plus ferme confiance encore dans
la source d'où ce
feu dérive, et qui ne peut cesser de diriger ses
regards, sa
chaleur et sa lumière sur lui, font bientôt disparaître ces
faibles attaques de notre
ennemi, qui n'ont de
forces que dans notre pusillanimité,
et notre défaut de résolution.
Bientôt
aussi le
Dieu de la vie vient visiter notre
âme, et nous pouvons dire alors avec
jubilation :
Dieu vit en moi,
Dieu va vivre dans ma pénitence ; il vivra
dans mon humilité, il vivra dans mon courage, il vivra dans ma
charité,
il vivra dans mon intelligence, il vivra dans mon
amour, il vivra dans toutes
mes vertus ; parce qu'il a promis qu'il serait un avec nous, toutes les fois que
nous nous réclamerions à lui au nom de celui qu'il nous a envoyé
pour nous servir de signe, et de témoignage entre lui et nous. Ce signe
ou ce témoignage est éternel comme celui qui nous l'a envoyé,
assimilons-nous à ce signe et à ce témoignage, et nous participerons
à sa Divine et sainte sécurité, et nous serons comme lui
tellement pleins de la vie, que la seconde et la première mort demeureront
loin de nous, et nous serons tout là fait étrangères.
Il y a une incertitude que l'
ennemi cherche souvent
à te suggérer, moins pour t'enrichir par la sagesse apparente dont
il la colore, que pour t'arrêter dans ta marche, puisqu'elle doit lui être
si contraire ; c'est de savoir si tu dois oser invoquer le nom du Seigneur, et
le signe qu'il t'a envoyé, avant d'avoir dissipé entièrement
tous les obstacles qui t'environnent, ou si tu dois te servir, pour combattre
ces mêmes obstacles du nom du Seigneur, et de toutes les puissances qui
y sont attachées. L'
ennemi qui craint l'effet de ces armes t'insinue continuellement
que tu n'es pas assez pur pour les employer ; il se met même en avant, quelquefois,
sous des
couleurs imposantes, afin d'effrayer ton courage, et d'arrêter
tes résolutions ; d'autres fois, te sachant mal préparé,
il te suggère d'invoquer le nom du Seigneur, pour te convaincre, par le
peu de succès qui en résultera, que tu ne dois pas encore te livrer
à une si sublime et si sainte entreprise, et que tu feras bien d'attendre
un autre temps.
Tiens-toi sur tes gardes au milieu
de toutes ces insinuations ; il y aurait là plus de paresse que de vertu,
plus de défiance que de véritable courage, plus de ténèbres
que de lumière ; remplis-toi d'abord de la profonde persuasion, que la
vérité l'emporte sur le mensonge, comme la vie l'emporte sur la
mort ; remplis-toi de la profonde persuasion que par ta simple conduite régulière
et attentive, l'
ennemi n'aura plus sur toi qu'une frêle
influence en ce
qu'elle ne trouverait plus de base pour s'y
fixer, et s'y attacher ; remplis-toi
de la profonde persuasion que tu es né dans la vie, que tu n'existes que
dans la vie, et par la vie, et que tu dois retourner à la vie; enfin remplis-toi
de la profonde persuasion que la vie universelle et sacrée, ne cherche
sans cesse qu'à réchauffer tout ton être, et à la maintenir
dans l'
harmonie active et efficace de toutes les facultés qui le constituent.
Lance-toi ensuite courageusement dans la voie de la
prière et de la supplication, sans songer seulement aux obstacles qui t'auraient
arrêté faute de cette précaution, sans seulement descendre
à t'en apercevoir ; porte-toi avec ardeur vers les différents lieux
de tes sacrifices. Implore le père, invoque le père, conjure le
père, unis-toi au père lorsque tu voudras offrir le sacrifice sur
l'
autel éternel d'où découle la source de la vie et de l'existence
dans tous les êtres ; sers-toi avec confiance de son nom ; lui-même
sera de moitié avec toi, puisque tu auras le dessein d'étendre son
propre règne, et l'
ennemi ne pourra s'opposer à ton oeuvre, il en
sera à une trop grande distance ; il sera pour cette oeuvre et pour ton
sacrifice, comme un être nul, et absolument étranger.
Lorsque tu voudras offrir ton sacrifice sur l'
autel de la régénération
spirituelle pour sanctifier ton être, le purifier, et le remplir des trésors
de l'
amour, implore le nom du fils, invoque le nom du fils, conjure le nom du
fils, unis-toi au nom du fils, et ton
coeur sera changé en une victime
de consolations, de façon qu'il ne croira plus même aux pouvoirs affligeants
de ton
ennemi, et que tu sentiras ton vaisseau porté légèrement
sur les vagues par les vents les plus favorables, sans la moindre apparence de
dangers ni d'écueils.
Enfin, veux-tu offrir
ton sacrifice sur l'
autel des puissantes
vertus de l'
esprit dans le temps
? Implore le nom de l'
esprit, invoque le nom de l'
esprit, conjure le nom de l'
esprit,
unis-toi au nom de l'
esprit, et la nature reprendra pour toi sa mesure, son ordre
et son
équilibre, et tu ne connaîtras ainsi autour de toi, dans toi, et
au-dessus de toi, qu'
harmonie, bonheur et perfection.
Si l'
ennemi se
réveille dans la jalousie de tes succès, tu auras acquis par là
des
forces pour le combattre avec plus d'avantage, que si tu fusses resté
dans cette dangereuse timidité qu'il te suggérait à dessein,
et tu pourras alors employer avec plus de
fruit ces mêmes noms qui doivent
sûrement autant te défendre qu'ils peuvent t'éclairer et te sanctifier
; car il a été dit que
celui-là sera sauvé, qui
invoquera le nom du Seigneur.
Repose-toi sur
cette loi qui est infaillible, et contre laquelle les
illusoires prudences de
l'
ennemi ne doivent jamais obtenir ton acquiescement. Car la seule vertu que
Dieu
demande de nous, c'est la confiance ; ainsi le seul tort que nous puissions avoir
envers lui, c'est la timidité, c'est la lâcheté. Mais aussi dès
que tu as pris cette sainte résolution, et dès que tu as mis en
usage les armes sacrées, regarde-toi comme engagé dans la milice
Divine et spirituelle, et songe que la moindre négligence peut te rendre
indigne de porter le nom de soldat de la vérité ; songe que la moindre
négligence peut t'exposer à prendre le nom de
Dieu en vain, songe
enfin que ce sera pour toi un crime désormais que de manquer une seule
occasion d'exercer tes fonctions saintes, et de faire un seul pas sans que tu
n'emploies le nom du Seigneur, parce qu'il est dit :
Heureux celui qui persévérera
jusqu'à la fin.
Il ne faut point te dissimuler
l'énorme différence que tu dois rencontrer dans ces diverses invocations.
Nulle comparaison du travail de préservation qu'il nous faut faire, et
de celui par lequel la sagesse se sert de nous pour rétablir l'ordre et
l'
harmonie, dans la classe élémentaire ; nulle comparaison de ce
travail-là à celui que nous avons à faire pour nous unir
aux fonctions de l'
esprit ; nulle comparaison de ce travail là à
celui que nous avons à faire pour aller puiser dans la source Divine elle-même.
Plus nous nous élevons, plus ces divers travaux nous paraissent doux, simples
et naturels, ce qui est une des plus vives démonstrations que nous sommes
nés pour la paix et le bonheur, et que les horribles révolutions
par lesquelles nous passons dans les diverses régions de ce monde sont
absolument l'opposé de ce dont nous serions occupés, si nous étions
dans notre loi, et dans la jouissance des privilèges de notre destination
primitive.
Ame humaine, ta seule expérience
t'instruira plus sur cela que toutes les doctrines. Essaie de t'élever
dans la région pure, simple, et Divine ; tâche d'y rester assez longtemps
pour t'y pénétrer de l'éternelle, et douce
influence qui
la remplit, tu goûteras alors des joies si pénétrantes, mais en
même temps si calmes et si paisibles que l'univers entier, malgré
la beauté de ses lois et les puissances spirituelles qui le gouvernent,
te paraîtra une sorte de superposition étrangère à la nature
Divine ; tu sentiras que tu n'as pas besoin de la présence de l'
esprit
pour être heureux quand tu es en présence de
Dieu, et que, par conséquent,
c'est
Dieu et non l'
Esprit qui est ta source.
Lors
donc que de cette région suprême tu redescendras à cette région
de l'
esprit, tu sentiras déjà une manière d'être dont
ta vraie nature pourrait se passer, et qu'elle ne peut même se rendre douce
qu'en regardant cette situation comme une suite des décrets supérieurs
qui t'appliquent à une oeuvre secondaire, et qui ont droit de t'employer
comme il leur plaît. Lorsque tu redescendras à la région élémentaire,
ta situation te paraîtra encore plus étrangère ; enfin
juge ce que
ce sera quand tu descendras à la région ténébreuse.
Porte néanmoins dans toutes ces diverses oeuvres
la soumission la plus entière aux volontés de celui qui te les envoie
; tâche, ou plutôt, n'oublie pas que tu les dois faire toutes en son nom ; et
si tu veux apprendre ici un profond secret, ne sors jamais en pensée, et
en
esprit de cette région suprême ; joins continuellement les trois
noms éternels, et ceux qui ne sortent jamais de leur Divine enceinte, avec
les trois noms temporels Divins qui dirigent les trois opérations temporelles,
ce sera le moyen d'être à la fois comme
Dieu dans l'éternité
et dans le temps. Ce que je te propose est d'autant moins impossible que tu peux
en faire toi-même la plus certaine expérience, en
observant la similitude
des facultés internes et externes de ton
esprit, sujet qui, à lui
seul, demanderait un ouvrage à part, et que, pour cette raison, nous ne
traiterons point dans cet écrit.
15. Si l'homme
est mort dans toutes ses facultés, il n'y a pas un seul mouvement de son
être qui puisse se faire sans que l'on prononce en lui cette parole rapportée
plus haut :
Lazare, levez-vous. Et si l'homme veut ensuite étendre
son intelligence, il verra que non seulement c'est sur lui que le réparateur
profère continuellement cette parole, mais aussi sur tout l'univers, et
sur toutes les parties de l'univers, puisqu'il n'y en a point qui ne soit aujourd'hui
ensevelie dans les ténèbres de la mort, et qui ne soit en souffrance
suivant le passage de
saint Paul aux Romains, 8:19-23.
Cette vérité que l'
âme sent, quand elle se
dépouille
et se concentre, lui démontre quelles sont les énormes suites de
la
prévarication, et lui fait connaître, par l'expérience de tous
les moments, que nous habitons la terre de la mort et de la douleur ; mais elle
sent en même temps qu'il n'y a pas un instant pour elle où cette
parole salutaire ne puisse être suivie d'une
résurrection.
Jacob dressa un
autel à
Béthel après
son combat avec l'
ange ; Moïse dressa un monument de pierres après le passage
de la
Mer Rouge ;
Josué en dressa un semblable après le passage
du
Jourdain ; David déposa l'arche sainte sur la
montagne de
Sion après
la défaite des
Philistins qui s'en étaient emparés, et c'est
là ce qui a rendu cette
montagne si célèbre ; la terre promise
est presque remplie tout entière des témoignages sacrés qui
attestent les progrès du peuple choisi, et les faveurs qui y ont accompagné
tous ses pas.
Homme choisi avant Israël, porte ce
coup d'oeil sur toi-même, porte-le sur l'universalité des biens qui
te sont prodigués, et sur ceux que tu peux espérer de plus en plus
si tu persévères, tu sentiras qu'il ne devrait pas s'opérer
un mouvement dans la moindre de tes facultés qui ne se terminât par y voir
ériger un
autel au Seigneur, et que tout ton être est cette terre
promise qui devrait être remplie des monuments de sa gloire, de son
amour,
de sa puissance, et des conquêtes qu'il voudrait sans cesse te faire remporter
sur les
iniques habitants de cette terre sainte dont ils n'auraient jamais dû
s'approcher.
Oui, chaque acte de la parole sacrée
voudrait élever autant d'autels dans ta pensée, dans tes désirs,
dans ton
amour, dans ton humilité, dans ta foi, dans ta courageuse activité,
dans ta
charité, dans ton intelligence, afin qu'il n'y eût rien en toi
qui ne fût occupé à offrir des sacrifices de louanges au Seigneur,
et afin que le Seigneur rayonnant par tous les points de ton existence ainsi purifiée
et sanctifiée, toutes
les nations te trouvassent toujours occupé
comme les
Lévites à entretenir le
feu sacré, et toujours
prêt à recevoir leurs offrandes, et à faire parvenir leurs
prières jusqu'au trône de l'Éternel.
Voilà comment la parole Divine voudrait se faire entendre à toutes
les régions de l'univers, en leur répétant sans cesse par
ta voix :
Lazare, levez-vous ; car si c'est la voix de l'homme qui a versé
le crime et le poison sur l'univers, c'est la voix de l'homme qui doit y reporter
la lumière, la sagesse, la mesure et l'
harmonie. C'est là ce nouvel
homme après lequel languissent les soupirs de la Divinité ; c'est
là ce nouvel homme qu'il faut rappeler
de toute langue, de toute nation,
de toute tribu afin qu'il vienne adorer dans Jérusalem ; c'est là
ce peuple saint, cette nation choisie dont les
enfants doivent avoir, selon les
prophètes,
des reines mêmes pour nourrices, et qui doit voir les
rois baiser la poussière de ses pieds : Isaïe, 49:23.
Hommes peu réfléchis, vous enseignez que les
hommes
ennemis de la vérité viendront persécuter les peuples
chrétiens, comme autrefois des nations païennes sont venues persécuter
et tourmenter le peuple juif ; mais où sont-ils les peuples chrétiens
pour qu'on puisse les attaquer en
corps ? Est-ce sur des circonscriptions locales
que vous pouvez établir un pareil nom ? Et vous-même qui portez le
nom de chrétien, quelles sont les portions de votre être qui méritent
véritablement ce nom, et ne sentez-vous pas que ce
peuple choisi
est disséminé dans toutes les subdivisions de votre existence corrompue,
et ténébreuse, comme le peuple juif est subdivisé sous vos
yeux parmi les gentils, et parmi toutes les nations barbares, et
impies qui composent
le globe ? Eh bien, il en est de même du peuple chrétien, il est
disséminé dans toutes les régions, dans tous les climats,
dans toutes les nations, dans tous les peuples ; sa
force est trop subdivisée
pour réveiller même la jalousie de ses
ennemis ; et ils ne troublent
point sa paix, tant qu'il ne leur fournit pas le sujet, et l'occasion de le poursuivre,
et de l'attaquer.
Faites-en l'expérience
sur vous-même. Tant que vous laissez votre nom de chrétien languir,
et ramper dans la servitude et l'
ignominie chez les différents
peuples
qui vous assujettissent, ils vous laissent tranquilles, ils ne vous demandent
rien, parce qu'ils vous ont dépouillés d'avance et qu'ils n'ont
plus rien à rechercher en vous ; mais essayez de rassembler un instant
vos
forces dispersées ; rappelez
ce peuple de toute nation, de toute
tribu, et vous verrez bientôt l'
ennemi s'opposer à ce rassemblement, et
essayer par l'effort de toutes ses puissances d'opérer en vous une nouvelle
dispersion, puisque c'est là seulement où son règne peut
s'établir, et où il peut espérer des triomphes.
Sachez donc qu'il en est de même du peuple chrétien
pris en grand, et considéré comme la famille divine ; tant qu'il
sera dispersé comme il l'est parmi toutes les nations, il éprouvera
des servitudes et de honteux assujettissements ; mais il n'éprouvera point
les attaques des
ennemis en personne, puisqu'il ne forme point encore un
corps
de peuple. Tout ne doit-il pas être
esprit et vie dans cette divine famille
? Or tout est-il
esprit et vie dans les circonscriptions locales des peuples qui
portent si hautement sur la terre le nom de chrétiens ? Des
ennemis visibles,
et humains pourraient donc attaquer ces circonscriptions nominales, et apparentes
sans attaquer la famille divine des chrétiens qui est
esprit et vie ; et
par là même raison, il faudrait plus que des
ennemis visibles, et
humains pour attaquer cette famille divine qui est
esprit et vie, si elle était
rassemblée.
Attendez donc que les mesures
soient comblées, attendez que le moment soit venu de rappeler de toute
langue, de toute nation, et de toute tribu cette famille divine dispersée
aujourd'hui chez tous les peuples. Quand ce rassemblement commencera, c'est alors
que l'
ennemi rassemblera ses
forces à son tour pour venir en empêcher
l'effet ; c'est alors qu'il réveillera ses puissances, et qu'il ne manquera
pas d'organes, et d'instruments qui se rendront les ministres de ses projets pervers
; c'est alors que la famille divine des chrétiens sera réellement
en souffrance parce qu'elle aura à soutenir de violents combats, dans lesquels
elle paraîtra quelquefois vaincue, et dans lesquels la gloire de l'
ennemi s'enflera
au point qu'il croira avoir remporté complètement la victoire.
Mais la même voix qui aura rassemblé cette
famille divine de toute langue, de toute tribu, de toute nation, ne laissera point
périr son ouvrage, parce que son ouvrage sera
esprit et vie, comme notre
être intérieur en qualité de famille divine, particulière,
serait aussi
esprit et vie sensiblement pour nous, si nous avions plus de confiance
dans les
forces, et dans les moyens efficaces que la sagesse, et la
miséricorde
divine ne cessent de nous prodiguer.
Cette voix
suprême qui aura rassemblé la famille divine de toute langue, de
toute tribu, de toute nation se mettra elle-même à la tête
de cette milice sainte, et ne permettra pas qu'elle soit renversée ; elle
lui communiquera sa propre
force, et elle brisera par là tous les pièges
que l'
ennemi lui aura tendus ; elle renverra toutes ces nations barbares dans
leurs régions, où elles retourneront couvertes de honte et de confusion
pour avoir cru qu'elles l'emporteraient sur l'unité. En retournant ainsi
dans leurs régions, elles n'y trouveront plus les différents membres
de cette famille divine qu'elles avaient tenus sous le joug si longtemps et elles
tourneront alors contre elles-mêmes la fureur, et la rage qu'elles auraient
voulu exercer sur leurs victimes, et sur leur proie.
Indépendamment des expériences particulières que tu peux
faire sur toi-même, ô
âme humaine, de toutes ces vérités,
les voies s'ouvrent temporellement devant toi pour servir de préparation
et d'acheminement à ces grandes secousses ; mais elles ne sont pas encore
dans leur activité ; tout ce qui se passe, et s'est passé sous tes
yeux depuis quelques siècles, ne te présente que de puériles
images de ce qui est réservé aux derniers temps ; l'
ennemi n'y agit
encore que par des ruses, des dissimulations, des subterfuges, parce que la famille
divine des chrétiens n'est encore rassemblée que figurativement.
Lorsqu'elle sera rassemblée réellement,
l'
ennemi agira à
force ouverte, et tout sera actif dans l'attaque comme
dans la défense. Prépare-toi toujours à l'événement
comme s'il devait arriver dans l'instant, car tu ne sais pas l'heure, et d'ailleurs
cette heure peut arriver pour chacun en particulier dès l'instant qu'il
a formé la sincère résolution de rassembler sa propre famille.
Or, le meilleur moyen de te procurer la plus salutaire préparation, c'est
de commencer par être toi-même ton plus cher prosélyte, et
de ne te point quitter que par tes instances, tes efforts, et tes exhortations
continuelles, tu ne sois parvenu à te faire rentrer dans le sein
de
l'Église, et de la vérité.