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Le Nouvel Homme

Louis-Claude Saint-Martin
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Colombe


16.

      Semons encore un germe que nous laisserons croître ensuite, comme nous avons fait de tous les germes divers que nous avons déjà semés dans cet écrit ; puis nous en ramasserons les fruits et les récoltes à mesure qu'ils se présenteront. Ce germe c'est l'arche de l'alliance. Voyez quels travaux le peuple juif a supportés pour transporter l'arche d'alliance au travers des déserts, pour lui faire traverser les eaux du Jourdain, pour l'arracher des mains des peuples impies qui s'en étaient emparés, et qui l'avaient voulu faire habiter avec leurs idoles. Mais voyez en même temps avec quels témoignages de joie, et de jubilation David conduit cette arche sur la montagne sainte, en attendant que le temple de l'éternel soit bâti.

      Eh bien ! Il faut que cette œuvre sainte s'opère en nous, pour que nous puissions dire que nous sommes admis au rang des sacrificateurs de l'éternel. L'arche sainte est en captivité en nous. Des impies qui ne savent pas distinguer la lumière d'avec les ténèbres, retiennent cette arche sainte dans leurs demeures d'iniquité ; ils lui font mille outrages ; ils ne se contentent pas de la mettre en parallèle avec leurs fausses divinités, ils veulent qu'elle soit pour ces fausses divinités un objet de dérision ; ils veulent qu'elle soit leur esclave ; ils veulent qu'elle soit comme rien devant des divinités qui ne sont elles-mêmes que le néant.

      Il faut que nous arrachions cette arche sainte de ces mains criminelles qui l'outragent ; il faut que nous lui fassions traverser les déserts au milieu des peuples armés pour nous attaquer, et la maintenir en leur possession. Il faut que nous la sentions sortir péniblement de dessous les décombres qui l'engloutissent, et traverser le vieil homme, en le faisant crier de douleur, jusqu'à ce qu'elle l'ait dépassé, et qu'elle se soit remise à flot au-dessus de lui.

      Vois-tu à quel prix cet air actif que la physique emploie se peut obtenir des corps qui le tenaient renfermé ? Ce n'est qu'en les violentant par des caustiques, ou qu'en les livrant à la putréfaction. Il en est de même du vieil homme qui doit être ainsi violemment dissous par le même feu sacré qu'il tient enseveli dans lui-même, et il faut qu'à chaque degré que ce feu va parcourir pour recouvrer sa liberté et sa splendeur, il dissolve, corrode, et putréfie toutes les substances hétérogènes qui composent aujourd'hui en toi l'homme de ténèbres, et l'homme de la mort ; il faut que ces mêmes substances soient brisées, et renversées par l'approche de ce feu sacré, comme l'idole de Dagon le fut par la présence de l'arche sainte ; il faut que les habitants de Bethsamès soient frappés de mort pour oser regarder cette arche sainte lorsqu'elle est ainsi conduite par le Seigneur, et que dans leur terreur ils la renvoient bien vite dans la ville de Cariathiarim : il faut que lorsque David la ramènera de chez Obédédom jusqu'à Sion, tu aies toujours près de toi sept chœurs de musique, et qu'à chaque fois que ceux qui porteront l'arche auront fait six pas, tu immoles des victimes.

      Il faut que tu la fasses entrer ainsi dans la ville sainte au milieu des cris de joie et au son des trompettes, et que quand tu l'auras placée au lieu qui lui est destiné, tu offres des holocaustes d'action de grâces, et que tu bénisses le peuple au nom du Seigneur des armées ; ne t'arrête pas même aux dédains de Michol, Michol partage les sentiments de Saül, son père, et elle sera frappée de stérilité, comme Saül sera privé du trône.

      Rappelle-toi maintenant que ta parole étant l'image de la parole éternelle, ne doit pas plus manquer son effet que cette parole divine elle-même dont tu es l'image. Rappelle?toi que lorsque tu as prononcé un décret contre l'ennemi avec toute la sécurité, et toute la confiance de tes droits sur lui, il ne peut manquer de se voir chassé, et renvoyé dans ses abîmes, si tu sais accompagner ta résolution de toute l'opiniâtreté de la constance. Songe donc ici combien tes privilèges vont s'étendre, et s'augmenter. Cette même sécurité, cette même assurance, cette même opiniâtreté de constance qui n'est autre chose que le vif sentiment de la grandeur de ton être nourri, et éclairé par la vraie lumière, te doit suivre dans les autres détails de ton œuvre, et dans les autres régions de ta circonférence.

      Présente-toi donc avec la même assurance aux régions élémentaires ; tu devras espérer que la vertu attachée à l'arche sainte fera diviser les eaux devant toi, pour pouvoir les passer sans péril, qu'elle fera convertir la rosée en manne salutaire pour te nourrir dans tes besoins, qu'elle fera couler l'eau des rochers, pour te désaltérer, et qu'elle fera tomber le feu du ciel sur tes ennemis.

      Présente-toi avec la même assurance à la région de l'esprit et la vertu attachée à l'arche sainte établira des rapports avec toi, et les ministres du Seigneur qui te dirigeront dans les combats contre tes adversaires, qui te donneront connaissance de la terre promise, qui t'instruiront des lois sacrées qu'il faudra que tu y mettes en pratique, si tu veux en conserver la possession, et qui, le jour comme la nuit, marcheront en ta présence, pour que tu ne t'écartes point des voies du Seigneur.

      Cette vertu attachée à l'arche sainte te fera entrer dans les associations des patriarches, et des prophètes, pour que tu élèves ta pensée jusqu'aux régions divines, supérieures à ces régions figuratives que tu es obligé de parcourir si laborieusement ; ils t'apprendront par leur exemple que la vie divine a pour objet d'animer ton âme, et que c'est la demeure la plus chère qu'elle puisse avoir ; tu en jugeras par tes affections particulières, mais aussi par la douce paix, et la céleste sécurité, que tu verras régner sur toute leur personne, et tu comprendras alors que cette vie divine est notre véritable élément naturel, que c'est là seulement où nous recevons sans trouble, sans agitation, comme sans fatigue, la manne réelle qui crée en nous la vie dans sa plénitude, parce qu'elle n'a aucun départ à subir.

      Présente-toi avec la même assurance à la région divine, et la vertu attachée à l'arche sainte te fera ouvrir les portes éternelles, et fera descendre sur toi quelques écoulements de ces influences vivifiantes dont se remplissent à jamais les demeures de la lumière. Cette arche sainte en deviendra elle-même le premier réceptacle, et elle te fera jouir des promesses destinées à ceux qui auront fait un usage courageux du médicament d'amertume, d'où dépend notre universel renouvellement. Elle deviendra l'organe des oracles sacrés, et il suffira que tu te mettes en sa présence pour les entendre ; car la voix de notre Dieu est une voix vive qui ne s'interrompt plus dès l'instant qu'elle a commencé ; et les sons de cette voix ne tendent qu'à remplir toute l'universalité de leur douceur enchanteresse, et si incomparable, que nous ne pouvons la concevoir tant que tout notre être n'a pas acquis entièrement une nouvelle substance, et n'est pas transformé dans toutes ses parties en une espèce d'écho Divin.

      Cette même arche sainte engagera le grand prêtre de l'ordre de Mélchisédech à te revêtir lui-même de tes habits sacerdotaux qu'il aura bénis auparavant, il te donnera de sa propre main les ordinations sanctifiantes par le moyen desquelles tu pourras, en son nom, verser les consolations dans les âmes, en leur faisant sentir par ton approche, par ton verbe purificateur, et par la sainteté de tes lumières, que nous passons dans l'esclavage, dans les ténèbres, et dans la mort tous les moments où nous ne sommes point directement dans l'atmosphère de notre Dieu ; et tu seras dans sa main, comme les soldats dans la main de ce centenier qui dit à l'un : allez là, et il y va ; venez ici, et il y vient.


17.

      Cet enfant annoncé en toi par l'ange, cet enfant conçu en toi par obombration, et l'opération de l'esprit, cet enfant né de toi sous les auspices de l'éternel, cet enfant, dis-je, approche de sa douzième année. Il laisse ses parents terrestres suivre le chemin de ceux qui s'en retournent après être venus, selon l'usage, célébrer la fête à Jérusalem. Pour lui, il s'arrête dans le temple ; il s'assoit au milieu des docteurs, les écoutant, et les interrogeant, et tous ceux qui l'écoutent sont ravis en admiration de sa sagesse et de ses réponses.

      Si tu cultives soigneusement l'éducation de ce fils nouveau-né qui t'est accordé, tu le verras de même en peu d'années étonner les docteurs qui l'écouteront dans toi en silence ; et ces docteurs ce seront les doutes que la matière et les ténèbres des faux éducateurs avaient élevés dans ton sein ; ce sont ces continuelles insinuations que l'esprit de mensonge t'avait suggérées tous les jours de ta vie, tant que ce nouveau-né n'avait pas vu le jour ; mais à peine aura-t-il fait les premiers pas dans la sagesse, qu'il renversera en toi, par sa doctrine et ses réponses, toutes les incertitudes, et toutes les inquiétudes dont tu t'étais laissé remplir, et qui, malheureusement, ne s'étaient converties que trop souvent pour toi en persuasions, en démonstrations, en convictions.

      Il transportera l'unité jusque devant tes yeux, jusque dans ton cœur, jusque dans ton esprit, jusque dans les plus subdivises de tes facultés, il te la fera voir, et toucher sensiblement dans tout ce qui peut être l'objet de tes spéculations, et même il te fera avouer que tu ne connais de mesure et de perfection, qu'autant que cette unité règne dans les œuvres que tu contemples, et que toi-même n'étais dans le trouble et dans les extralignements, que parce que cette unité n'était pas encore née pour toi, et dans toi.

      Alors tous ces docteurs qui t'avaient séduit et égaré, seront eux-mêmes dans l'étonnement en apercevant l'empire de la parole de ton fils, et combien la lumière qu'il répand a d'analogie avec notre clarté naturelle. Chaque jour ils feront eux-mêmes de nouvelles découvertes à la lueur de ce flambeau qui brillera devant eux et tu auras le plaisir de voir bientôt en toi mille peuples se convertir par ses discours et ses instructions, et devenir de sincères adorateurs de la vérité, de façon que tu ne tarderas pas d'être à toi seul une grande famille de fidèles qui ne cesseront d'élever jour et nuit des temples à la gloire du suprême auteur, dominateur et régulateur de tout ce qui existe.

      Tu ne sens pas surpris que ce fils chéri manifeste de si grands privilèges, quand tu réfléchiras que depuis sa naissance il n'aura cessé de manger du verbe, et que par conséquent, il pourra en faire manger à son tour à tous ceux qui ouvriront l'oreille à ses paroles ; tu ne seras pas surpris qu'il t'en fasse manger en abondance, puisque ce fils chéri sera toi-même, et qu'il n'aura d'autre œuvre que de convertir en toi tout ce qui avait cessé d'être toi.

      Rappelle-toi cette loi des Hébreux, Lévitique 27-28. Tout ce qui est consacré une fois au Seigneur, sera pour lui comme étant une chose très sainte. Ce fils chéri pouvait-il n'être pas consacré au Seigneur puisque sa conception avait été annoncée par l'ordre du Seigneur, puisqu'il avait été conçu par l'obombration et l'opération de l'esprit du Seigneur, puisqu'enfin il était né sous les auspices et par la puissance du Seigneur ? Ce fils n'était-il pas naturellement consacré au Seigneur, comme un fils est naturellement consacré à son père ? Car le réparateur ne fut offert au temple et consacré au Seigneur que comme fils de l'homme, et comme revêtu de l'habit de l'esclave qui venait réclamer sa délivrance. Ton fils au contraire est le fils de la femme libre ; il est l'homme régénéré ; il est l'enfant spirituel né dans la région de l'esprit et de la vie ; comme tel il est présenté au temple, et consacré au Seigneur par le droit même de sa naissance, comme le verbe éternel est consacré à l'ancien des jours avant la formation des siècles, puisque c'est ce verbe qui a formé les siècles.

      Ainsi ce fils chéri qui t'est accordé n'est point présenté aux temples qui ne sont bâtis que de la main des hommes, il n'est point consacré sur les autels figuratifs, et sous les yeux des prêtres qui ne reçoivent leur caractère que dans le temps ; mais étant consacré à son père Divin, et sous les yeux du prêtre éternel qui, en opérant sa conception même, lui a imposé les mains de l'esprit, il n'est pas étonnant qu'il n'ait eu d'autre nourriture que l'esprit et le verbe ; il n'est pas étonnant qu'il croisse en sagesse, en âge et en grâce devant Dieu et devant les hommes ; il n'est pas étonnant que ceux qui l'entendent soient ravis en admiration de sa sagesse et de ses réponses.

      Toi qui n'es que sa mère, tu es affligée qu'il t'ait laissée aller seule pendant qu'il est resté dans le temple, et tu te plains à lui de ce que tu l'as cherché ainsi toute affligée ; mais fais comme Marie, écoute ce qu'il te répond : Pourquoi me cherchiez-vous ? Ne saviez-vous pas qu'il faut que je sois occupé à ce qui regarde le service de mon père ?

      Tu ne comprends pas plus que Marie ces paroles ; mais fais comme elle, conserve toutes ces choses dans ton cœur. Elles t'apprendront que ce qu'il y a encore de matériel en toi ne peut rien comprendre aux choses de l'esprit, et qu'il doit naître de ton propre sein, une lumière à laquelle les ténèbres qui t'enveloppent et qui te constituent, sont extraordinairement étrangères, tant que ton œuvre n'est pas parvenue au complément de sa maturité. Tu aperçois bien une immense différence entre ton existence ténébreuse, et ce fils chéri qui t'est né, comme Marie ne put méconnaître les grâces divines, et les prodiges qui accompagnaient la naissance de son fils ; mais tu ne peux pas plus qu'elle concevoir la marche cachée de ce fils de J'esprit et il est pour toi un continuel mystère, jusqu'à ce qu'il ait rempli le cours de toutes les manifestations auxquelles il est destiné.

      Sais-tu pourquoi ? C'est que tu ne le connaîtras jamais parfaitement, que lorsqu'il pourra dire à pleine voix : saint, saint, saint. Et ici nous allons entrevoir un nouveau rayon sur la nature de l'homme, c'est-à-dire, sur la nature de l'esprit.

      L'homme ou l'esprit est l'extrait actif de toutes les puissances divines, puisque Dieu est vivant ; et cet extrait actif des puissances de Dieu, comme nous l'avons vu ci-dessus, est une parole, puisque Dieu est la parole éternelle. Mais Dieu est saint ; Dieu est l'éternelle sainteté toujours se prononçant elle-même ; il faut donc que l'homme, l'esprit, ou la parole extraite de cette parole éternelle, représente activement son principe, et que son existence soit réellement la sainteté prononcée, de façon que Dieu ne produise pas un seul être hors de son sein sans faire entendre hors de soi, par ce seul acte, le mot saint qui se prononce éternellement dans son centre divin.

      Ainsi, l'homme, en recevant la naissance divine manifesta cette céleste parole qui produisit au-dehors la sainteté de Dieu ; ainsi lorsque depuis le crime la bonté souveraine veut bien régénérer l'homme, elle le met dans le cas de pouvoir répéter de nouveau, par sa propre existence, ce témoignage vivant et expressif de la source d'où il descend ; mais de même que l'homme ne put dans l'origine manifester ce témoignage actif, que parce qu'il était l'extrait universel des puissances et de la sainteté divine, de même aujourd'hui il ne peut recouvrer ce sublime privilège, et faire vraiment entendre dans sa plénitude, le nom de saint, que quand il a recouvré cette plénitude de rapports spirituels et divins qui lui rendent sa première nature.

      Voilà pourquoi ce fils chéri que l'esprit a conçu en toi, et qui t'est né, ne sera vraiment connu de toi et de tous les tiens, que quand il aura atteint de nouveau ce complément primitif.

      Veux-tu savoir pourquoi l'homme n'est autre chose, par son origine, que ce mot saint prononcé par l'opération de Dieu ? Il faut pour cela que tu concourres avec moi, sans quoi cette preuve sera nulle pour toi. Essaie donc de te dépouiller de toutes tes entraves qui te retiennent dans les ténèbres, ramène-toi par des efforts et des prières constantes à ton unité spirituelle, et à ta simplicité originelle, tu entendras prononcer au-dedans de toi ce mot: saint, saint, saint, et tu auras par là un témoignage de la vérité de ce que je t'expose. Ne sois pas étonné qu'il te faille suivre cette marche pour retourner à ta nature primitive ; comme il n'y a que ton crime qui t'en a séparé, il n'y a que ta vertu, c'est-à-dire, ta fidélité aux grâces divines qui puisse t'y ramener ; mais aussi dès qu'en t'y ramenant, tu trouves au-dedans de toi ce mot saint, c'est une puissante démonstration que ce mot prononcé était autrefois tout ton être.

      Je ne veux pas défigurer ce témoignage par un témoignage plus faible puisé dans les cris naturels de l'homme vers son Dieu quand il souffre, et qu'il est malheureux ; tu ne serais pas à portée de faire ton expérience sur des êtres dans leur nature, tu n'en vois autour de toi que d'altérés, et de manipulés par l'exemple et l'éducation ; d'ailleurs, les maux dont ils se plaignent ne sont pas ceux qui les obstruent le plus, et ils ne songent pas seulement à se délivrer de leurs vrais maux, qui seuls les empêchent de connaître leur vrai Dieu et de s'y réclamer.

      Néanmoins ne néglige pas ce que ton intelligence peut te faire apercevoir dans la conduite de l'homme le plus extraligné ; tu peux toujours y rencontrer quelque étincelle de vérité. D'ailleurs, si tu ne trouves sur ce point que des témoignages faibles dans l'homme qui souffre, tu en trouveras de plus frappants et de plus instructifs dans l'âme qui jouit et qui admire, et je te laisse le soin de les recueillir.


18.

      Je ne m'arrête point à remarquer le nombre de douze ans auquel le Réparateur se montra dans le temple, ni les rapports que ce nombre présente avec le nombre de la nature, avec celui de l'élection des tribus, confirmée par l'élection des douze apôtres, et accomplie en avenir dans les prédictions de l'Apocalypse.

      Ici nous considérons cette apparition au temple comme le premier degré de l'œuvre de l'esprit en nous, après qu'il y a conçu, et opéré la naissance de notre fils ou du nouvel homme.

      Les temps viendront où l'œuvre trine s'accomplira sur ce nouvel homme, où l'action et le nom de l'esprit, l'action et le nom du fils, l'action et le nom du père se communiqueront, et se réuniront dans ce nouvel homme, de manière à n'offrir à la fois, dans toutes les dimensions de son être, qu'une seule action, qu'un seul nom, qu'une seule opération, qu'une seule multiplication qui placera l'homme continuellement au milieu de l'atmosphère de la vie, et qui le rendra si redoutable à ses ennemis, qu'ils fuiront devant lui, comme les ténèbres fuient devant l'astre du jour, et vont toujours se cachant, comme étant frappés par la terreur de sa puissance, et éblouis par la splendeur de sa lumière.

      Dieu de force, Dieu de vie, Dieu de longanimité, aide-moi à accélérer ces temps si propices et si salutaires ! Aide-moi au moins à ne pas les retarder par ma défiance et ma lâcheté, aide-moi à préparer par la constante activité de ma pénitence l'empreinte sacrée de ton triple sceau sur toute ma personne, de ce triple sceau dont l'unité est un feu dévorant qui consume tout ce qui n'est pas né de l'esprit, de ce triple sceau qui n'abandonne plus l'âme humaine, dès qu'il a imprimé profondément sur elles ses vivifiants caractères, de ce triple sceau qui transporte aussitôt l'homme hors de cette sphère de langueur et de dégoût, où nous ne nous nourrissons que de la mort, au lieu de goûter les délices inexprimables du lieu de paix où nous avons puisé la naissance, et toi, sagesse sainte, qui devrais être notre aliment de toutes les heures, et de tous les moments, viens poser tes mains bienfaisantes sur ces signes sacrés que la bonté suprême a daigné attacher sur l'homme ; que tes mains soient comme autant de bandelettes qui contiennent et fixent le baume vivifiant qui a été appliqué sur mes plaies, et qu'elles en fassent pénétrer les sucs et les esprits régénérateurs jusque dans mes substances les plus corrompues, afin que le peu de vie qui y reste reprenne ses forces, et que mes membres reprennent leur agilité.

      Sagesse, sagesse, l'homme ne connaît point assez tes essentielles propriétés. Sans toi les vertus Divines lui deviennent inutiles, et n'empêchent pas qu'il ne s'altère et ne se détruise, comme sans l'air qui pèse sur les corps toutes les vertus de la nature se sépareraient, et les formes seraient bientôt conduites à leur dissolution. Homme, je te le répète, dirige tes vues, tes désirs, tous tes efforts vers la réunion de ce triple sceau sur toi, et vers l'application de la sagesse sur ce triple sceau ; il n'y aura rien pour toi que cette clef ne puisse ouvrir, et personne ne fermera ; et rien que tu ne puisses fermer et personne n'ouvrira, parce que cette sagesse fera de toi une image de l'éternité, en t'enveloppant de toutes parts, et te rendant comme une sorte de sphère divine qui par sa forme sera inaccessible et inaltérable à tous les pouvoirs de l'illusion.

      En effet, par où tes ennemis pourraient-ils t'atteindre, si la sanctification et la vie ont détruit en toi toutes les substances fausses sur lesquelles ils auraient osé exercer leurs droits ? Par où tes ennemis pourraient-ils t'atteindre, si tu sens en toi se mouvoir la quadruple force de l'être ordonnateur, sanctificateur, dominateur et conservateur ?

      Car le privilège du grand nom qui t'est donné est d'embrasser ainsi toute ta circonférence, attendu qu'il embrasse d'abord ton premier cœur, puis ta tête, puis ton second cœur, puis toute ta personne, dont il fait ainsi un quaternaire actif, dont il est toujours le centre, et qui est le type du quaternaire universel ; et comme il ne désire que de tenir tout ton être dans une entière activité, il te met dans le cas, à tous les moments de ta vie, de faire sortir de toutes tes diverses facultés autant de paroles d'ordre et de régularité qui tiennent l'ennemi dans un perpétuel tremblement en ta présence.

      Mais n'oublie pas à quel prix tu peux espérer parvenir à de semblables privilèges ; et pour te rappeler journellement ta loi sur ce point, retrace-toi ce que la loi ordonnait aux Hébreux au sujet des choses soumises à la consécration de l'anathème ; car tu n'ignores plus maintenant que la Bible entière n'ait l'homme pour objet, et qu'ainsi, dans le vrai, la meilleure traduction qui puisse jamais exister de la Bible, c'est l'homme.

      Souviens-toi donc que tout ce qui était consacré par l'anathème devait être soumis à une entière destruction (Lévitique, 27). Souviens-toi de l'exemple funeste que le peuple hébreu offrit de la justice divine pour avoir désobéi à la loi lors de la prise de Jéricho (Josué, 7). Souviens-toi que parce qu'Achan voulut malgré la défense de Josué réserver quelques effets condamnés à l'anathème, le peuple fut vaincu par les habitants de Hai, et ne put remporter la victoire qu'après que le prévaricateur eût subi son supplice.

      Sache donc que depuis le crime, toutes les nations païennes qui composent ton existence d'aujourd'hui ont été condamnées à l'anathème ; non seulement elles, mais leurs habitations, leurs possessions, leurs troupeaux, leurs vêtements, leurs récoltes, leurs idoles, et généralement tout ce qui leur appartient. Le Seigneur, en t'envoyant par sa pure grâce à la conquête de ces pays et de ces peuples, ne t'a pas laissé ignorer cette loi de l'anathème, puisque la terre fut maudite après le péché. Toute ta forme corporelle représente cette terre de malédiction ; et toutes les substances ténébreuses, mensongères et illusoires qui agissent dans cette forme corporelle, représentent toutes les nations impies qui remplissaient la terre de Chanaan.

      C'est à toi de marcher à la conquête qui t'est offerte, avec la ferme intention de t'y conduire conformément à la loi qui doit assurer tes succès : car si tu réserves la moindre partie de l'anathème, si tu ne livres pas au feu et à la destruction toutes les possessions des habitants, bien plus, si tu ne passes pas au fil de l'épée tous les habitants eux-mêmes, sans distinction d'âge ni de sexe, tu peux compter que non seulement tu ne parviendras pas au but de tes saintes entreprises, mais que même ceux que tu aurais dû soumettre deviendront tes vainqueurs et tes meures, et que tu seras continuellement exposé à être battu par l'ennemi, emmené en esclavage, et même exterminé, jusqu'à ce que tu aies confessé ton crime, jusqu'à ce que tu aies déclaré toi-même qu'elles sont les portions de l'anathème que tu as réservées, et jusqu'à ce que la justice ait tiré la plus éclatante vengeance de ta prévarication.

      La loi du sort est infaillible quand elle vient visiter les prévaricateurs contre les ordonnances sacrées du Seigneur, et contre celles que l'homme de Dieu peut prononcer au nom de son souverain meure ; et si les hommes aveugles ont introduit cet usage dans leurs ténébreux jugements sur les simples prévarications inférieures, ils nous ont au moins montré qu'ils avaient conservé l'idée de ce redoutable pouvoir du sort, quoiqu'ils ne pussent plus en faire qu'un usage faux, et abusif, dès qu'ils n'en possédaient plus l'esprit.

      Songe donc que cette loi du sort, administrée par l'homme de Dieu, met par là l'esprit dans sa voie directe, au moyen de quoi elle ne peut manquer de conduire cet esprit à son but, comme un puissant remède que le savant médecin sait appliquer à propos, de manière que ce remède ne manque point d'aller chercher le mal dans ses plus profondes retraites, de le rencontrer, et de le frapper, quelque mélangé, et quelque combiné que ce mal soit avec des parties saines. Cette loi du sort de l'esprit est toujours en activité sur toi, et elle ne manquera point de découvrir d'abord quelle est celle de tes tribus qui se sera laissée aller à violer l'ordonnance de l'anathème, ensuite quelle est la famille de cette tribu qui renferme le prévaricateur, et enfin quel est l'individu de cette famille qui sera lui-même le coupable ; cette recherche ne cessera jamais ni pour toi, ni pour aucun homme, et c'est dans la grande vallée d'Achor qu'un jour à venir seront conduits les prévaricateurs, avec tout ce qu'ils auront réservé de l'anathème, et là ils seront lapidés par tout le peuple




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